Histoire du Parti communiste chinois (5) : 1935-1938

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(chapitre 8 : 1943-1945)

(chapitre 7 : 1941-1943)

(chapitre 6 : 1939-1940)

(chapitre 5 : 1935-1938)

(chapitre 4 : 1931-1935)

(chapitre 3 : 1928-1931)

(chapitre 2 : 1925-1927)

(chapitre 1 : 1911-1924)

Avec la répression policière et une législation antidémocratique, le gouvernement de la RPC est en train d’intégrer pleinement Hongkong au régime despotique, après qu’elle a servi aux réformes pro-marché en 1979 et à la restauration du capitalisme en 1992. Au début de l’été, le président chinois s’y rend pour célébrer les 25 ans de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique.

Le dernier siècle a été témoin du parcours où le Parti communiste chinois (PCC) a unifié et conduit le peuple chinois dans ses entreprises glorieuses pour un meilleur avenir, auxquelles les compatriotes de Hongkong ont apporté leur contribution unique et considérable. (Xi Jinping, french.news.cn, 1er juillet 2022)

Le chauvinisme de Xi ne fait pas de doute, mais pour le justifier par une continuité séculaire, il doit se contorsionner et bafouer l’histoire. Le PCC, jusqu’en 1992, n’était pas un parti capitaliste. Il est né en tant que parti révolutionnaire sous l’impact de la révolution russe [voir Révolution communiste n° 46] puis est devenu stalinien, traitre au prolétariat, quand l’URSS a dégénéré [voir Révolution communiste n° 47, n° 49]. Et c’est sur un ordre venu de l’étranger que le PCC stalinisé a dû s’allier en 1937 avec le GMD, le bourreau de la révolution chinoise.

1935 : la Comintern décrète le front uni avec le GMD

En 1933, la victoire d’Hitler, sans combat de la classe ouvrière allemande, confirme la dégénérescence du SPD mais révèle aussi la faillite du KPD, le plus grand parti communiste du monde capitaliste, à cause des consignes de Staline. Après avoir conduit le KPD à la défaite, l’Internationale communiste stalinisée (Comintern, IC) refuse de tirer les leçons de la défaite.

Face à la menace que l’impérialisme allemand fait peser à l’ouest de l’URSS, Staline fait tourner l’IC en 1934 pour se concilier les bourgeoisies « démocratiques » d’Europe. Pour cela, la Comintern reprend la politique de la 2e Internationale d’après 1914 : social-patriotisme, alliance avec la bourgeoisie. Lors du 7e congrès de l’IC en juillet 1935, le rapport de Dimitrov envisage que « la constitution d’un gouvernement de front populaire antifasciste soit non seulement possible, mais souhaitable » (cité par Pierre Frank, Histoire de l’Internationale communiste, 1979, La Brèche, t. 2, p. 718). Dans les mois qui suivent, Staline enterre définitivement le programme de l’IC et ouvre la période des « fronts populaires » [voir Révolution communiste n° 50].


En Chine, le PCC s’est réfugié dans les campagnes après les défaites urbaines de 1926-1928. Ses « armées rouges » contrôlent quelques zones « soviétiques », à l’écart des métropoles où règne le GMD de Jiang Jieshi. Chassée par l’armée régulière en 1933 de la principale base, celle du Jiangxi au sud-est de la Chine, la principale fraction du PCC se réfugie au Shaanxi, une province pauvre et excentrée du centre-nord. Cette fuite est nommée postérieurement « longue marche ». Mao joue désormais le premier rôle, avec l’appui de l’appareil de l’IC [voir Révolution communiste n° 50].

Staline garde une carte de rechange avec Wang Ming. Ce dernier avait été envoyé en 1929 en Chine avec Li Lisan et un groupe de cadres formés par la bureaucratie de l’URSS pour prendre le contrôle du PCC. Mais Li Lisan sert de bouc émissaire aux échecs répétés de la ligne de l’IC et Wang retourne à Moscou [voir Révolution communiste n° 49]. De novembre 1931 à novembre 1937, il est le chef de la délégation du PCC à la Comintern. Il devient membre du comité exécutif et du présidium de l’IC.

À ce titre, il élabore une première adaptation du « front populaire » à la Chine qui est signée « comité central du PCC ».

Nous sommes prêts à collaborer immédiatement avec toute personne qui participera à la cause patriotique antijaponaise pour négocier l’établissement d’un gouvernement conjoint de défense nationale, y compris les partis politiques, les organisations sociales (syndicats, associations de paysans, syndicats d’étudiants, chambres de commerce, églises, la Société antijaponaise et les ligues patriotiques…), des personnalités éminentes et des savants, des hommes d’État et diverses autorités civiles et militaires locales. (« Message aux compatriotes sur la résistance au Japon pour sauver la nation », 1er aout 1935, dans Tony Saich et Benjamin Yang, The Rise to Power of the Chinese Communist Party, Routledge, 2015, p. 696)

Alors que Jiang est plus préoccupé par les guérillas paysannes du PCC que par l’occupation japonaise de la Mandchourie, la jeunesse étudiante entre en scène.

Le 9 décembre, plus de dix mille étudiants de Pékin manifestent contre le Japon et ce mouvement ne sera pas sans rappeler celui du 4 mai 1919… Les manifestations recommencent à Pékin, au Pont du ciel, le 16. Elles s’étendent aux étudiants d’autres villes ; Hangzhou (11 décembre), Shanghai, Wuhan, Changsha, Wuzhou (20 décembre), elles touchent aussi une partie de la population urbaine. En quelques endroits de Chine du nord, et particulièrement le long des deux grands axes ferroviaires, les étudiants essaient même d’intéresser les paysans à l’agitation. Un peu partout se forment des « Associations du salut national » qui au mois de mai 1936, se constitueront en fédération nationale à Shanghai et que les communistes s’efforceront de contrôler. (Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Payot, 1975, t. 1, p. 275)

La direction du PCC empêche la jonction entre le prolétariat, les paysans pauvres et la jeunesse étudiante. La réunion du CC à Wayaobu subordonne le prolétariat à la paysannerie riche et à la bourgeoisie « nationale ».

Une partie de la bourgeoisie nationale, de nombreux paysans riches et petits propriétaires dans les campagnes, et même quelques seigneurs de guerre peuvent adopter une attitude de sympathie, de neutralité et de participation. Le front de la révolution nationale s’est élargi. (« Résolution du comité central », 25 décembre 1935, dans Tony Saich et Benjamin Yang, The Rise to Power of the Chinese Communist Party, Routledge, 2015, p. 710)

1936 : Staline oblige le PCC à libérer le chef du GMD

Le PCC s’adresse à l’armée bourgeoise sur une base nationaliste.

L’armée rouge et l’armée du Nord-Est viennent de la même terre chinoise. Pourquoi serions-nous ennemis ? (Mao, « Lettre aux commandants du GMD », 26 novembre 1935, cité par Philip Short, Mao Tsé Toung, p. 299)

Le 5 mai 1936, le Comité militaire révolutionnaire du PCC propose au gouvernement officiel « l’arrêt de la guerre civile et l’ouverture de négociations » (Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, p. 279). Durant l’été, les contacts s’établissent.

À Moscou, à la représentation diplomatique du PCC au Komintern, les diplomates nationalistes tinrent des réunions discrètes avec Wang Ming. À Nankin, un envoyé communiste déguisé en prêtre prit contact avec Chen Lifu, l’un des hommes les plus puissants du Guomindang après Chiang lui-même. (Philip Short, Mao Tsé-Toung, Fayard, 1999, p. 303)

Inquiet de l’attitude belliciste du Japon qui mène des escarmouches à la frontière de l’URSS, Staline impose à Mao d’élargir le front unique anti-impérialiste à Jiang Jieshi lui-même, tout en fournissant une aide bienvenue au PCC.

Staline lui envoie deux millions de roubles et, plusieurs mois plus tard, 500 000 dollars américains et 1 166 tonnes de carburant, de fournitures militaires et d’autres biens stratégiques. Plus tôt encore, le 15 aout, il envoie une directive au nom du Secrétariat de l’IC dans laquelle il approuve « fondamentalement » la politique de Mao. Le télégramme du 15 aout proposait l’élargissement du front uni. Staline conseille à Mao d’abandonner son attitude négative à l’égard de Jiang Jieshi et de « mettre le cap sur la cessation des opérations militaires ». (Alexander Pantsov et Steven Levine, Mao, the Real Story, Simon & Schuster, 2007, p. 296)

Le maréchal Zhang Xueliang a été chassé de Mandchourie par l’armée nippone. Il en tient Jiang Jieshi comme responsable et n’est pas insensible à la proposition d’unir les forces antijaponaises. De son côté, Jiang compte toujours écraser la guérilla communiste. Le 4 décembre 1936, il se rend à Xi’an, non loin des positions du PCC. Il rencontre alors le maréchal Zhang Xueliang pour le convaincre de mener cette campagne. Ce dernier, toujours en contact avec l’envoyé du PCC, Zhou Enlai, espère convaincre Jiang d’un front antijaponais avec les staliniens chinois. Mais Jiang exige son ralliement à une énième campagne anticommuniste.

Le 8 décembre, le Japon menace d’une guerre globale. Le 9, des milliers de manifestants défilent contre la menace impérialiste à Xi’an, la police tire et fait plusieurs blessés. Le 10, Mao Zedong informe Zhang d’un nouvel échec des négociations avec le Guomindang. Dans la nuit du 11 au 12 décembre, le maréchal Zhang fait arrêter le généralissime Jiang. Zhang propose au gouvernement central un accord de fin de guerre civile. Des tractations débutent pour un éventuel procès public du dictateur qui, selon Mao, sera un « évènement révolutionnaire » (13 décembre). Mais les chefs de la bureaucratie de l’URSS sont d’un autre avis.

Loin d’être un « évènement révolutionnaire » déclarait Staline, la mutinerie de Zhang était « un autre complot japonais… dont le but était d’entraver l’unification de la Chine et de saboter le mouvement antijaponais naissant ». C’était, à première vue, une déclaration si stupide que même le Guomindang la trouva risible… Dimitrov recommandait que le parti chinois « essaie de résoudre l’incident pacifiquement ». La vraie raison –qui apparut plus tard– était qu’en novembre, à l’insu de Mao, Staline avait décidé de faire une nouvelle tentative pour enrôler le gouvernement nationaliste comme allié pour contrer le pacte anti-Comintern qui venait juste d’être conclu entre le Japon et l’Allemagne. (Philip Short, Mao Tsé-Toung, Fayard, 1999, p. 307-308)

Le bourreau de la révolution de 1927 est libéré par Zhou Enlai après des promesses qu’il n’avait pas l’intention de tenir. Jiang reprend la tête de l’État bourgeois et de l’armée officielle. Finalement, c’est le jeune maréchal qui est jugé en cour martiale et emprisonné pour 50 ans.

Les larbins chinois de Staline tentent de légitimer cette flagrante trahison.

Le Parti communiste a préconisé un règlement pacifique, pour lequel il a fait tous les efforts possibles, dans le seul intérêt de l’existence de la nation. (Mao Zedong, « À propos d’une déclaration de Jiang Jieshi », 26 décembre 1936, Oeuvres choisies, t. 1, ELE, 1966, p. 287)

Yan’an, 1937, Bo Gu, Zhou Enlai, Zhu De et Mao Zedong

1937 : la « contradiction principale » et la « contradiction secondaire »

De l’hiver 1936-1937 au début de l’été 1937, Mao, qui n’est jamais sorti de Chine et ne parle aucune langue étrangère, se penche sur les traductions en chinois de deux manuels staliniens de matérialisme dialectique et d’un copieux article de Grande encyclopédie soviétique, concoctés sous la tutelle de Mark Mitin. Celui-ci est « guidé par une idée : comment interpréter au mieux chaque mot et chaque pensée de notre sage et adoré maitre, le camarade Staline » (Boevye voprosy materialisticheskoĭ dialektiki, Partizdat TsK VKP, 1936, p. 3).

Puis Mao, qui est un orateur médiocre, inflige chaque mardi et chaque jeudi 4 heures de cours de philosophie aux militants, sans citer ses sources. Au début, il ennuie passablement ses auditeurs, mais il gagne un respect des cadres intermédiaires pour ses capacités idéologiques. Ses efforts sont retracés dans des écrits spécifiques (les laborieux De la pratique, juillet 1937 ; De la contradiction, aout 1937).

On en retrouve l’influence dans ses écrits politiques. Ainsi, pour justifier de s’allier aux bourgeoisies occidentales qui, depuis plus d’un siècle humilient, pillent et divisent la Chine :

Les contradictions entre la Chine et certaines puissances impérialistes sont passées au second plan, et la fissure entre ces puissances et l’impérialisme japonais s’est élargie. Il s’ensuit aussi que le Parti communiste chinois et le peuple chinois ont la tâche de lier le front uni national antijaponais en Chine au front de la paix dans le monde. En d’autres termes, la Chine ne doit pas seulement s’unir avec l’URSS, qui a toujours été une amie fidèle du peuple chinois, elle doit également, autant que possible, se lier, en vue d’une lutte commune contre l’impérialisme japonais, avec les pays impérialistes désireux actuellement de maintenir la paix et de s’opposer à de nouvelles guerres d’agression. (Mao Zedong, « Les tâches du Parti communiste chinois dans la période de la résistance au Japon », 3 mai 1937, Oeuvres choisies, t. 1, ELE, 1966, p. 296)

Le « matérialisme dialectique » à la Staline et à la Mao sert à justifier tous les tournants de la caste russe privilégiée et de son appareil international. Il suffit à Mao de nommer « contradiction secondaire » la ligne d’hier et « contradiction principale » la nouvelle.

Les contradictions nationales qui se développent entre la Chine et le Japon ont surpassé en importance politique et relégué à une place secondaire et subordonnée les contradictions entre les classes et entre les blocs politiques du pays. (p. 297)

La lutte des classes devient « secondaire » pour un « marxiste-léniniste » ! Cette lamentable casuistique a provoqué l’admiration de Louis Althusser, Alain Badiou et Slavoj Žižek.

Sa connaissance de Marx était probablement limitée. Par exemple, il avait coutume de dire que chaque chose a deux aspects, un bon et un mauvais ; il s’en serait probablement gardé s’il avait su que Marx raillait cette forme de dialectique comme une absurdité petite-bourgeoise. (Leszek Kolakowski, Main currents of Marxism, 1976, OUP, 1977, t. 3, p. 495 ; Kolakowski fait allusion à Misère de la philosophie, 1847)

1937 : le second front unique antiimpérialiste entre le PCC et le GMD

Mao enjoint aux cadres et militants du PCC, de l’Armée rouge et de la « région spéciale » qu’ils gouvernent (fini les « soviets » !) de cesser toute hostilité envers l’État bourgeois et son armée (ARN).

Dans l’intérêt de la paix intérieure, de la démocratie et de la résistance et en vue d’établir un front uni national antijaponais, le Parti communiste chinois a pris les quatre engagements suivants : 1) renoncer à la dénomination d’Armée rouge et faire de l’Armée rouge une partie de l’Armée révolutionnaire nationale, en plaçant ce Gouvernement et cette Armée sous l’autorité respective du Gouvernement central de Nankin et de son Conseil militaire ; 2) appliquer intégralement le régime démocratique sur tout le territoire administré par le Gouvernement de la Région spéciale ; 3) cesser de suivre une politique de renversement du régime du Guomindang par la force ; 4) cesser de confisquer les terres des propriétaires fonciers. (Mao Zedong, « Les tâches du Parti communiste chinois dans la période de la résistance au Japon », 3 mai 1937, Oeuvres choisies, t. 1, ELE, 1966, p. 301-302)

Début 1937, les négociations entre Zhou Enlai, émissaire du PCC, et les cadres du GMD avancent à grands pas. En juin, une mission du GMD se rend à Yan’an (Yenan), la capitale de la « région spéciale » du Shaanxi.


Sous un prétexte (« l’incident du pont Marco Polo » du 7 juillet 1935), l’armée impériale japonaise reprend les hostilités, envahit le nord du pays. Elle est bien supérieure à l’armée conventionnelle chinoise. Mais la taille du pays l’empêche de mailler finement le territoire. L’envahisseur ne contrôle que les métropoles, ce qui le rend vulnérable à la guérilla. Pékin tombe le 13 aout.

Le 21 aout 1937, le gouvernement chinois signe un pacte avec l’URSS. Le 22 septembre, le GMD officialise l’alliance que réclamait le PCC. Jiang intègre la guérilla stalinienne renommée « 8e armée de route » à l’Armée nationale « révolutionnaire ».

Sur le terrain, l’armée nationaliste bourgeoise recule tout en laissant les masses désarmées face à l’ennemi. La bataille de Shanghai est perdue le 6 septembre après la destruction de la moitié de l’aviation chinoise et 200 000 morts. La capitale de Jiang Jieshi, Nankin, est abandonnée à son sort le 13 décembre. L’état-major nippon laisse ses soldats piller, violer et massacrer. On estime à 100 000 les victimes civiles et à au moins 20 000 le nombre de viols.

La guerre nationale est entravée par le refus conjoint du GMD et du PCC d’intéresser les masses paysannes, comme elles le furent durant la révolution américaine (1775-1783), la révolution française (1789-1793) et la révolution russe (1917-1921).

Dès l’été 1937, les confiscations et redistributions de terres sont arrêtées, sauf dans le cas de « collaborateurs » projaponais absents. C’est vers des mesures de réduction du loyer des terres que l’on va s’orienter. La décision du 28 janvier 1942 du comité central rappelle et résume toute la politique agraire qui sera celle du parti communiste pendant près de dix ans, entre 1937 et 1947. (Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Payot, 1975, t. 1, p. 342)

La 4e Internationale pour la lutte contre l’impérialisme japonais par la révolution sociale

Shanghai, 1936, le comité central de la Ligue communiste de Chine : Wang Fanxi, Frank Glass, Hua Zhenlin, Han Jun, Chen Qichang, Jiang Zhendong

Devant la faillite du KPD en Allemagne, l’incapacité de l’IC à en tirer les leçons en 1933 et son tournant vers les fronts populaires en 1934-1935, l’Opposition de gauche internationale décide de créer une nouvelle internationale. La révolution espagnole de 1936-1937 et son blocage par le Frente Popular confirment qu’il ne faut pas empêcher la révolution sociale des ouvriers et des paysans travailleurs si on veut gagner la guerre.

La tâche immédiate du prolétariat chinois est la lutte pour la conduite de la guerre contre le Japon par la mobilisation et l’armement des larges couches du peuple travailleur, afin de lier à la défaite et à la révolution au Japon, la victoire du prolétariat chinois sur le Guomindang traitre et valet de l’impérialisme. Dans cette lutte, le prolétariat international sera aux côtés des ouvriers, paysans et soldats chinois. Cependant les masses chinoises étant férocement exploitées, leur mobilisation pour la défense révolutionnaire de la Chine, c’est-à-dire pour la troisième révolution, doit se faire sur la base d’un programme de revendications sociales et politiques déterminées : armement des masses populaires, liberté de presse et d’organisation, expropriation des grands propriétaires fonciers, partage des terres, abolition des impôts et des dettes usurières, contrôle ouvrier sur la production. La bourgeoisie doit porter les frais de la guerre préparer le passage révolutionnaire du pouvoir des mains du Guomindang traitre entre celles des ouvriers et paysans qui tendront la main aux masses travailleuses du japon et de la Mandchourie. Assemblée constituante pan-nationale, démocratiquement élue, Assemblée nationale des Comités de soldats, ouvriers et paysans, qui, seule, peut décider du sort de la Chine. (Secrétariat international de la 4e Internationale, « Résolution sur la guerre sino-japonaise », aout 1937, Quatrième internationale n° 4, janvier 1938)

La section chinoise de la QI, la Ligue communiste, réduite par la répression du GMD à quelques dizaines de militants, dispersés, s’efforce d’ouvrir cette voie.

Les marxistes, ayant étudié les leçons de l’histoire (en particulier du passé récent de la Chine) ne croient pas que la Chine peut arracher une véritable indépendance nationale sous le règne de Jiang. La bourgeoisie et son gouvernement sont totalement incapables, à cause de leurs liens avec l’impérialisme et de leur craint des masses, de conduire efficacement une telle guerre. Ils chercheront soit un compromis avec le Japon, soit avec ses rivaux impérialistes, ce qui reviendra au même pour l’indépendance de la Chine. (Li Fu-jen, « End of the Chinese Soviets », New International n° 16, janvier 1938)

Après l’invasion japonaise, elle reçoit le renfort de 50 communistes révolutionnaires relâchés le 13 aout 1937 des prisons du gouvernement. La LCC publie le mensuel illégal Doh Tseng (Lutte) et le mensuel légal Tung Shan (Le temps de vivre) à Shanghai, le mensuel Iskra à Hongkong… Mais, parmi les libérés, le principal cadre issu du PCC, son premier secrétaire général Chen, adopte le front unique antiimpérialiste.

Chen Duxiu proposait d’offrir un soutien total à la guerre de résistance conduite par Jiang Jieshi. Il désapprouvait la critique de la politique du Guomindang publiées dans notre revue. En raison de son attitude, un grave conflit éclata au sein de l’organisation. (Chen Bilan, « Mes années auprès de Peng Shuzhi », 1970, Cahiers du CERMTRI n° 55, décembre 1989)

Néanmoins, fin 1939, la LC compte 250 militants (dont 60 % sont des ouvriers et 40 % des employés ou des intellectuels). Pour autant, le PCC l’emporte de loin car il bénéficie du prestige, usurpé, de la révolution russe et il dispose de moyens financiers et matériels envoyés par l’URSS. La LCC se heurte à la répression de l’occupant japonais, du GMD et aux calomnies du PCC qui la traite d’agent du Mikado (l’empereur du Japon).

En 1938, l’hystérie anti-trotskyse reprit après le retour de Wang Ming en Chine et le mot « trotskyste » devint synonyme dans le langage du parti de « espion japonais ». (Gregor Benton, China’s Urban Revolutionaries, Humanities Press, 1996, p. 61)

1938 : Mao l’emporte définitivement sur Wang

Mao n’a aucune illusion sur Jiang et le GMD et il comprend que l’Armée impériale japonaise est autrement efficace que l’ARN du GMD. L’Armée rouge se garde donc d’affronter les troupes de l’envahisseur et, face à Jiang, le PCC conserve son pouvoir local et son indépendances militaire.

Comme tout autre militariste en Chine, Mao savait bien que son pouvoir, voire sa survie, dépendait totalement de la force de son armée. (Alexander Pantsov et Steven Levine, Mao, the Real Story, Simon & Schuster, 2007, p. 315)

Mais cette prudence n’est pas au gout de Staline. En novembre 1937, en pleine débâcle militaire devant le Japon, il envoie en Chine Chen Yu, Kang Sheng (qui est intégré depuis 1933 au NKVD (et a fait liquider des centaines de militants communistes d’Asie résidant à Moscou) et Wang Ming.

Trois jours avant le départ pour la Chine, le 11 novembre 1937, Wang Ming reçut des consignes directes de Staline pour « prendre des mesures pour extirper les influences du trotskysme dans l’action de la direction du PCC… Utilisez tous les moyens… Les trotskystes doivent être chassés, abattus, détruits. Ce sont des provocateurs, les agents les plus pervers du fascisme ». (Alexander Pantsov et Steven Levine, Mao, the Real Story, Simon & Schuster, 2007, p. 317)

1937, Mao et Wang à Yan’an

Lors de la réunion du bureau politique de décembre 1937, Wang Ming se présente comme le représentant de Staline avec l’appui de Kang Shen et Chen Yu.

Staline considérait le GMD comme un partenaire indispensable pour tenir les Japonais en respect (et les empêcher de porter leur attention sur la Sibérie). Donc le parti chinois, en tant que loyal sujet de la Comintern, devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour favoriser l’alliance Soviétiques-GMD. La question-clé plaidait Wang, était de « consolider et étendre l’unité être le GMD et le PCC » sur une base non de « concurrence mutuelle » mais « de respect, de confiance, d’aide et de surveillance mutuels ». (Philip Short, Mao Tsé-Toung, Fayard, 1999, p. 318)

Wang propose que le PCC soit loyal envers le GMD et que l’Armée rouge participe à la guerre conventionnelle de l’ARN contre l’armée japonaise. Mao maintient la ligne adoptée à Luochan, consistant à ce que le PCC garde son indépendance tout en s’alliant et à ce que ses troupes se limitent à la guérilla. Comme le BP est à peu près partagé en deux moitiés, le débat n’est pas tranché. Wang Ming est intégré au BP et devient chef de la délégation du PCC auprès du Guomindang à Wuhan.

Les communistes sont invités à siéger au « Conseil politique du Peuple » convoqué en juillet 1938 à la place de l’Assemblée nationale… Zhou Enlai avait été invité à assister au Congrès national exécutif du Guomindang (mars-avril 1938) comme aux beaux jours. (Jacques Guillermaz, Histoire du Parti communiste chinois, Payot, 1975, t. 1, p. 351-352)

Lors de la réunion de février 1938, Mao présente une analyse fouillée et pessimiste de la guerre. Le BP se divise entre Wang Ming, Zhou Enlai et Bo Gu d’un côté ; Mao, Chen Yu et Kang Sheng de l’autre. Mao envoie en mars 1938 Ren Bishi à Moscou, où se décide qui dirige les partis « communistes ».

Ren explique deux fois, en avril puis en mai, au présidium de l’IC que Mao est un chaud partisan du front unique antiimpérialiste avec le GMD et qu’il est le mieux placé pour l’appliquer. Estimant inutile de fragiliser la direction du PCC par un affrontement entre Wang et Mao, Staline renonce à son projet.

Après que Dimitrov a consulté Staline à la mi-juin, le comité exécutif de l’IC déclare « son plein accord avec la ligne du PCC », soutient même sa politique de poursuivre la guerre de guérilla aux arrières des forces du Japon et de préserver l’autonomie complète du parti dans le front uni. Il approuve la nomination de Mao comme secrétaire général. (Alexander Pantsov et Steven Levine, Mao, the Real Story, Simon & Schuster, 2007, p. 323)

Dimitrov transmet la résolution à Wang Jiaxiang, qui rentre en Chine et qui est remplacé à Moscou dans l’appareil de l’IC par Ren. Il lui précise :

Vous devez dire à tous qu’il est nécessaire de soutenir Mao Zedong en tant que chef du Parti communiste chinois. Il a été trempé dans la lutte pratique. Des personnes telles que Wang Ming devraient cesser de se battre pour la direction du parti. (p. 323)

Le bureau du PCC à Wuhan ferme. La chute de Wuhan en aout 1938 clôt la victoire japonaise. Le désastre du détournement du fleuve Jaune pour limiter la progression nippone fait entre 500 000 et 900 000 morts civils et des millions de réfugiés.

Lors de la réunion du bureau politique de septembre 1938, Wang Jiaxiang transmet la décision de la Comintern qui est comprise par tous les participants comme celle de Staline. Mao marginalise Wang Ming, d’autant que la relation avec le GMD se détériore. Le choix est confirmé par les éloges à Mao de la presse de l’URSS.

(à suivre)