Jamais, sous aucune circonstance, le parti du prolétariat ne peut entrer dans le parti d’une autre classe ou fusionner avec lui. Un parti absolument indépendant du prolétariat est la première condition, décisive, d’une politique communiste. (Lev Trotsky, « La situation politique en Chine et les tâches de l’opposition bolchevik-léniniste », juin 1929, On China, Monad, 1976, p. 403)
Le « trotskysme » est-il dépassé ?
On nous demande souvent pourquoi le Groupe marxiste internationaliste parle de « centrisme » à propos de LO, du NPA, de RP, du POID… Le centrisme, c’est parler de révolution et agir en réformiste. Ainsi, RP, qui est partie du NPA sans aucune divergence stratégique sur consigne de Christian Castillo (PTS d’Argentine), a traduit en français et publié le 4 décembre 2021 un article de l’universitaire Promise Li sous le titre pompeux Réflexions sur le trotskysme chinois et ses leçons pour les luttes actuelles.
Avant d’examiner la réponse qu’apporte Li, il faut remarque que le titre de RP est « leçons pour les luttes actuelles ». La question est mal posée : le problème essentiel n’est pas de savoir comment conduire « les luttes » (qui incluent, pour RP, jusqu’aux protestations des complotistes et des fascistes antivaccins). Le problème est de savoir comment mener le combat pour le socialisme mondial.
Or, les révisionnistes de tout poil tentent de paralyser l’activité consciente du prolétariat, la seule classe sociale capable d’assumer cette tâche. Pour Li, la leçon principale de l’histoire du « trotskysme chinois » (qu’elle édulcore en un vague « mouvement de gauche ») est qu’il ne faut plus s’inspirer du bolchevisme et qu’il ne faut pas construire un parti ouvrier révolutionnaire.
Pour emprunter à l’ouvrage de James, Lee et Castoriadis « Facing Reality », en développant les organisateurs de la classe ouvrière depuis leurs implantation au sein de leurs communautés, dans le but de « produire l’organisation, les formes et les idées que leur émancipation exige »… Je considère le trotskisme comme une identité dépassée.
Partir des « communautés » pour retourner aux « communautés », la perspective intersectionnelle que Li oppose à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire en Chine et qui semble séduire RP (« une lecture très instructive à bien des égards », dit sa présentation) n’est pas si nouvelle. Elle est une resucée du proudhonisme de la fin du 19e siècle en France, contre lequel Marx et Engels ont soutenu le Parti ouvrier (Guesde, Lafargue…), de l’économisme du début du 20e siècle en Russie, contre lequel l’équipe du journal Iskra (Plekhanov, Lénine, Martov…) construisit le Part ouvrier social-démocrate.
L’erreur capitale de tous les « économistes » est la conviction que l’on peut développer la conscience politique des ouvriers de l’intérieur de leur lutte économique, en partant principalement de cette lutte, en s’appuyant principalement sur cette lutte… La conscience politique de classe ne peut être apportée que de l’extérieur de la lutte économique… par la connaissance des rapports de toutes les classes avec l’État et entre elles. (Vladimir Lénine, Que faire ?, 1902, Seuil, 1966, p. 135)
L’ouvrage cité élogieusement par Li recycle la vieille idée gauchiste (des « conseillistes » quasi-anarchistes façon Rühle, Gorter, Pannekoek, Mattick…) selon laquelle des conseils ouvriers suffiraient à conduire une révolution à la victoire.
Une des plus grandes réussites de la révolution hongroise [de 1956] fut de détruire à tout jamais la légende que la classe ouvrière ne peut agir victorieusement qu’au moyen d’un parti politique. Si un parti politique avait existé à la tête de la révolution, il aurait conduit la révolution à la défaite… (Cornelius Castoriadis, Cyril James & Grace Lee, Facing reality, Correspondence, 1958, p 14)
Comme celle de 1919 contre l’aristocratie et la bourgeoisie, la révolution hongroise de 1956 contre la bureaucratie prouve exactement le contraire.
L’absence d’un parti socialiste révolutionnaire a beaucoup couté aux travailleurs hongrois… Faute d’une direction socialiste révolutionnaire consciente, les conseils ouvriers n’ont pas réussi à prendre le pouvoir… Le direction des conseils ouvriers n’a pas su adresser des appels révolutionnaires aux travailleurs d’Europe de l’Est et d’URSS… Elle n’a pas su s’adresser systématiquement aux troupes de l’URSS… Elle a pris pour argent comptant les promesses de la bureaucratie de Moscou… (SWP, Revolution in Hungary and the crisis of Stalinism, janvier 1957, Pioneer, p. 12-13)
Certes, une révolution peut commencer sans parti, mais elle ne triomphe vraiment que si la classe ouvrière a pu construire auparavant une organisation politique bien à elle qui permet de déjouer les manœuvres de la bourgeoisie, de ses représentants et agents politiques de tous les plumages.
Nous voulons abolir les classes par la domination politique du prolétariat… La politique qu’il faut faire est celle du prolétariat : le parti ouvrier ne doit pas être à la remorque de quelque parti bourgeois que ce soit, mais doit toujours se constituer en parti autonome, ayant sa propre politique et poursuivant son propre but. (Friedrich Engels, « Intervention à la conférence de l’Association internationale des travailleurs », 21 septembre 1871, dans Engels & Marx, Le Parti de classe, Maspero, 1973, t. 3, p. 39-40)
Telle est la leçon que confirme l’histoire de la Chine au 20e siècle.
Les bolcheviks-léninistes chinois s’efforcent de construire un parti ouvrier révolutionnaire
À partir de 1927, plusieurs noyaux du Parti communiste (section chinoise de l’Internationale communiste, IC), qui comportent son fondateur Chen Duxiu, l’ancien secrétaire à l’organisation Peng Shuzhi, le premier secrétaire de l’organisation de jeunesse Liu Renjing, tirent les leçons de la contrerévolution menée en 1927 par le parti nationaliste bourgeois Guomindang (GMD). Sous la pression de l’Opposition de gauche internationale de l’IC, les quatre groupes bolcheviks-léninistes fusionnent en 1931 dans la Ligue communiste de Chine. (voir Histoire du parti communiste chinois 3)
La LCC est malmenée par le régime nationaliste bourgeois. : Liu Liu Renjing, torturé, capitule et rallie le GMD. Chen Duxiu, Peng Shuzhi, Zheng Chaolin et bien d’autres sont arrêtés et passent 5 ans en prison.
Après l’invasion par le Japon de la Chine en juillet 1937, la bureaucratie de l’URSS, pour sécuriser à sa manière la frontière orientale, pousse le PCC bureaucratisé à s’allier à nouveau avec le GMD et à suspendre la confiscation des terres. Le Parti « communiste », où Mao règne désormais, obtempère. (voir Histoire du parti communiste chinois 7 et 8)
Malgré la faiblesse de ses ressources (alors que le PCC peut s’appuyer sur l’URSS), sa vulnérabilité à la répression (il n’y a pas de territoire où les bolcheviks-léninistes soient à l’abri des impérialistes japonais, des réactionnaires du GMD et des staliniens du PCC) et les calomnies du PCC (« les trotskystes » sont des « fascistes » ou des « espions japonais »), la Ligue se reconstitue en 1937, sous l’impulsion de Peng. Devenue la section chinoise de la 4e Internationale, la LCC adopte la stratégie de la révolution permanente. La classe ouvrière doit prendre la tête de la révolution démocratique et antiimpérialiste que la bourgeoisie nationale (dont l’expression principale est le GMD) est incapable de mener à bien et établir son pouvoir en alliance avec les travailleurs des campagnes. (voir Histoire du parti communiste chinois 5)
Alors que l’URSS courtise les impérialismes occidentaux dont le Royaume-Uni, la LCC anime fin aout 1937 une grève de dockers qui s’oppose au chargement d’un navire japonais à Hongkong, alors une enclave de l’impérialisme britannique. Le PCC dénonce les bolcheviks-léninistes à la police britannique qui les réprime.
À Hongkong, plusieurs camarades ont dirigé une grève sur un bateau japonais. Ils ont été jetés en prison. Leur arrestation, leur ont dit les policiers britanniques, faisait suite à une dénonciation des staliniens. Peu après, le gouvernement de Hongkong a passé une loi pour permettre l’arrestation, l’emprisonnement et l’expulsion de tout Chinois sans jugement d’un tribunal. Plusieurs de nos militants ont dû quitter Hongkong. Dans les zones sous contrôle du Guomindang, l’intervention est encore plus difficile. La peine de de mort vient d’être décrétée pour toute grève ou activité nuisible aux intérêts de l’État. (Frank Glass, « Rapport sur la section chinoise », 21 janvier 1939, Revolutionary History vol. 2, n° 2, printemps 1990)
Le premier acte de la guerre mondiale (l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne en 1938) et le revirement de Staline (qui passe un pacte avec Hitler en 1939) bouleversent le mouvement ouvrier international. Par exemple, en France, une bonne partie des députés staliniens renie en 1939 le PCF lors de son interdiction par le gouvernement du Parti radical et d’anciens dirigeants du PS-SFIO créent un parti fasciste (RNP) en 1941.
Une aile s’oppose à la défense de la Chine contre le Japon
En Chine, en 1940, la Ligue communiste est partagée en trois positions :
- Chen Duxiu commence à questionner le bolchevisme et la dictature du prolétariat. Depuis 1934, il considère que l’URSS n’est plus un État ouvrier. Donc, il ne faut pas la défendre contre l’Allemagne. Pour Chen, le conflit ouvert en Europe oppose des États fascistes à des États démocratiques qu’il faut soutenir. Il suggère un front de tous les partis en dehors du GMD et du PCC. Il veut non seulement ranger la LCC aux côtés du gouvernement officiel du GMD et son Armée nationale révolutionnaire quand ils luttent effectivement contre l’impérialisme japonais, mais cesser toute critique à son égard. Cela placerait la Ligue à la droite du PCC.
Une victoire hitlérienne signifiera l’étouffement de toute l’humanité, elle transformera partout les humains, des gens pensants dotés d’une conscience libre, en bêtes de somme mécaniques incapables de réfléchir et sans conscience libre. Ainsi, depuis le début de cette guerre mondiale mais également dans l’avenir, dans tous les pays (y compris, bien sûr, en Allemagne) des progressistes de bonne volonté devraient faire de la destruction des nazis d’Hitler l’objectif général d’une offensive commune de tous les peuples. Les autres batailles ne peuvent être tenues pour progressistes que dans la mesure où elles servent cette fin générale… Je crois que le mouvement pour l’indépendance de l’Inde est réactionnaire. (Chen Duxiu, « Ma vision fondamentale », 28 novembre 1940, dans Gregor Benton, Prophets Unarmed, Brill, 2015, p. 738-742).
- Wang Fanxi et Zheng Chaolin soutiennent une position de « défaitisme », de neutralité entre l’occupation japonaise et le front uni GMDG-PCC. Zheng a cette position depuis 1937 et Wang la rejoint puisque les États-Unis vont entrer en guerre.
Si l’armée américaine intervient et devient le principal adversaire de l’impérialisme japonais, la guerre changera de caractère et se transformera en conflit entre le Japon et les États-Unis, avec la Chine comme partenaire subalterne du côté américain…. (Wang Fanxi, cité par Joseph Miller, The Politics of Chinese Trotskyism, University of Illinois, 1979, p. 197-198)
Une fois la guerre du Pacifique commencée, la résistance chinoise (dans la mesure où elle était contrôlée par le Guomindang) devait être perçue comme une partie intégrante de la guerre impérialiste beaucoup plus générale, puisque le Guomindang, associé de l’impérialisme américain, allait devoir accorder ses plans à la stratégie d’ensemble du commandement suprême américain : par conséquent, le but de libération nationale deviendrait nécessairement subordonné à l’ambition américaine de remplacer le Japon comme pouvoir dominant en Asie orientale. Tant que la lutte de la Chine contre le Japon restait plus ou moins indépendante de tous les pouvoirs impérialistes, elle resterait progressiste, mais une fois entrainée dans le conflit mondial, cet aspect progressiste diminuerait considérablement ou disparaitrait. (La Marche de Wang, La Brèche, 1987, p. 254)
- Peng Shuzhi, Liu Yaoru, Jiang Zhendong, Chen Zhongxi et Chen Bilan s’efforcent de se tenir sur le programme de la 4e Internationale : défense de l’URSS comme État ouvrier contre toute puissance impérialiste et contre la bureaucratie parasitaire qui l’affaiblit ; défense de la Chine contre l’envahisseur japonais ; pour la défaite de toutes les puissances impérialistes : États-Unis, Allemagne, France ; pour que le prolétariat prenne la tête de la révolution démocratique… (voir Chen Bilan, Cahiers du CERMTRI n° 55, décembre 1989, p. 25). Sur la guerre entre le Japon et la Chine, leur position converge avec l’opinion de Trotsky.
S’il existe au monde une guerre juste, c’est bien celle de la guerre du peuple chinois contre ses oppresseurs. Toutes les organisations ouvrières, toutes les forces progressistes en Chine, sans abandonner leur programme ni leur indépendance politique, doivent remplir jusqu’au bout leur devoir dans la guerre de libération, indépendamment de leur attitude à l’égard du gouvernement de Jiang Jieshi. (Lev Trotsky, « Japon et Chine », 30 juillet 1937, Œuvres t. 14, ILT, 1983, p. 216-217)
- L’oppression d’une nation par un impérialisme ne doit pas conduire à justifier le ralliement à la puissance adverse.
- Le soulèvement d’un peuple contre l’invasion ou contre la colonisation reste entièrement justifié en cas de guerre entre les puissances impérialistes.
- Il est parfaitement admissible, pour une nation opprimée, de jouer des divisions entre puissances impérialistes.
- À l’époque du déclin du capitalisme, la bourgeoisie des peuples opprimés est incapable de mobiliser les masses pour accomplir les tâches démocratiques.
- L’indépendance d’un État arriéré, si le capitalisme mondial est maintenu, se révèlera une fiction.
- La classe ouvrière doit prendre la tête de la lutte pour l’indépendance, les libertés démocratiques, la réforme agraire… mais ne pourra pas s’y borner, elle sera obligée de débuter une révolution sociale contre le capitalisme.
- Pour conduire une révolution sociale, la classe ouvrière a besoin de son parti mondial, de l’association libre et disciplinée de ses éléments les plus avancés.
La position gauchiste de Wang et Zheng rejoint la position opportuniste de Chen sur un point : l’URSS n’est pas un État ouvrier qu’il faut défendre malgré sa dégénérescence contre la bureaucratie locale et contre toute menace impérialiste.
Après un débat démocratique, le deuxième congrès de la LCC, en juillet 1941, rejette les deux déviations. Il vote majoritairement la résolution Notre attitude et notre politique devant la guerre entre l’URSS et l’Allemagne et la guerre imminente entre le Japon et les États-Unis.
Dans cette résolution, la Ligue a exigé la liberté totale de parler, de publier, de s’associer, de mener des grèves, de prendre les armes pour combattre le Japon et de promouvoir son programme politique parmi les membres de tous les partis, à l’exception de ceux des traitres. Elle a également exigé l’institution d’une journée de travail de huit heures, la création d’associations de paysans dans les villages et la confiscation des terres. En ce qui concerne ses relations avec le PCC, la Ligue a reconnu qu’elle devait continuer à critiquer le parti sur le plan politique, mais en ce qui concerne la guerre antijaponaise et la défense de l’Union soviétique, il était nécessaire de coopérer dans les activités réelles. La résolution contenait également des points concernant l’organisation d’unités de guérilla, l’agitation parmi les soldats japonais. (Joseph Miller, The Politics of Chinese Trotskyism, University of Illinois, 1979, p. 200-201)
Chen Duxiu, malade, rompt avec la LCC et l’Internationale. Il meurt peu après, en mai 1942. Après le 2e congrès, la minorité conduite par Wang et Zheng publie son propre organe.
Fin 1941, le Japon entre en guerre contre les États-Unis. L’armée impérialiste s’empare des concessions étrangères, dont celle de Shanghaï où la direction de la LCC s’était établie. La minorité de Wang Fanxi et Zheng Chaolin scissionne et adopte frauduleusement l’étiquette de « Ligue communiste (internationalistes) ». La Ligue communiste est d’autant plus affaiblie que la liaison entre les différentes villes devient de plus en plus difficile et que la répression est féroce.
Après l’attaque de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, les troupes japonaises occupèrent la concession internationale de Shanghaï. Ceci porta un rude coup à notre mouvement. Les communications entre la direction centrale et les organisations locales furent interrompues. Plus grave encore, nombre de cadres furent arrêtés. Peng Shuzhi s’échappa de justesse… Une période d’extrême terreur s’ouvrit sous l’occupation japonaise. (Chen Bilan, Cahiers du CERMTRI n° 55, décembre 1989, p. 26)
La convergence avec ceux qui refusent de défendre l’URSS aux États-Unis
Le partage de la Pologne en 1939 entre l’URSS et l’impérialisme allemand, puis l’invasion la même année de la Finlande par l’URSS secoue la 4e Internationale. Une aile de la section américaine (SWP) conduite par James Burnham, Max Shachtman et Cyril James abandonne la défense de l’URSS devenue impopulaire dans les médias de masse. Elle fonde le WP (Parti des travailleurs). Non content de mettre sur le même pied son propre État impérialiste et l’URSS, le WP soutient que le conflit entre grandes puissances oblige à mettre en sommeil les revendications nationales.
Caractériser la lutte de la Chine contre le Japon comme « progressiste », alors qu’elle est complètement subordonnée et intégrée à la guerre inter impérialiste est une tromperie, cela équivaut à soutenir un des camps impérialistes contre un autre. (WP, « Résolution sur le rôle de la Chine dans la guerre », Labor Action, 16 mars 1942)
Cyril James et Grace Jones, auxquels se réfère Liu dans l’article publié par RP, sont en 1940 membres du WP qui, aux États-Unis, refuse de défendre l’URSS. Le WP publie les positions du groupe de Wang Fanxi et Zheng Chaolin. Wang semble alors analyser l’URSS comme collectiviste bureaucratique et Zheng comme capitaliste.
À l’opposé du WP, en 1940, après la défaite de l’impérialisme français face à l’allemand, le manifeste de la conférence d’alarme de la 4e Internationale réaffirme l’importance de la lutte nationale en Chine.
Dans les pays coloniaux et semicoloniaux, la lutte pour un état national indépendant et par conséquent la « défense de la patrie » est différente en principe de celle des pays impérialistes. Le prolétariat révolutionnaire du monde entier soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l’Inde pour l’indépendance nationale, car dans cette lutte, ils portent des coups sévères aux états impérialistes. (Lev Trotsky, La Guerre impérialiste et la révolution prolétarienne, mai 1940, GMI, 2016, p. 20)
Au sein du WP, la fraction de James, Raya Dunayevskaya et Grace Lee rejettent vite tout parti ouvrier. Après-guerre, James et Lee collaboreront avec un autre idéologue européen cité élogieusement par Promise Li, Cornelius Castoriadis, qui rompt en 1948 avec la section française de la 4e Internationale (PCI) pour ne plus avoir à défendre l’URSS en pleine guerre froide. Castoriadis et Claude Lefort fondent en 1949 le groupe SoB qui se dissoudra en 1965. Castoriadis dénoncera le marxisme dès 1964.
De son côté, en 1958, Shachtman fusionnera son organisation, rebaptisée entretemps ISL, avec un parti social-démocrate (SPA). Il y préconisera, avec son adjoint Michael Harrington, de rejoindre le parti bourgeois et impérialiste « de gauche » (le Parti démocrate). Telle est l’origine des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) qui, au nom « des luttes », sont aujourd’hui au service de Biden.
Notre héritage : le bolchevisme, notre filiation : la 4e Internationale
N’en déplaise aux mouvementistes contemporains, le bolchevisme n’est pas dépassé. Le programme de la 4e Internationale de 1933 à 1940 reste d’actualité, ains que l’exemple héroïque de sa section chinoise, la Ligue communiste de Chine (LCC).
Cela s’appliquait au cas de l’Irlande contre la Grande-Bretagne pendant la 1re Guerre mondiale, de l’Inde contre la Grande-Bretagne ou de la Chine contre le Japon durant la 2e guerre mondiale. Cela vaut pour l’Ukraine face à la Russie en 2022 alors que, selon RP, la victoire de l’Ukraine renforcerait l’impérialisme.
En outre, pour la 4e Internationale,
Ce qui est dépassé est le crétinisme réformiste et les blocs avec la bourgeoisie décadente. Comme l’illusion criminelle de pousser à gauche le Parti démocrate, ce qui constitue l’axe politique des DSA dont Promise Li est membre. Comme de voter, comme les députés du PO et du PTS (à qui RP est liée), la motion « pour la paix sociale » du Parti justicialiste au pouvoir en septembre 2022 à l’assemblée de Buenos Aires.
L’essence du bolchevisme est la politique de classe du prolétariat, qui seule a permis la conquête victorieuse du pouvoir lors de la révolution d’Octobre 1917. Le bolchevisme a émergé comme irréconciliable avec la collaboration avec la bourgeoisie. C’est sur cette question que résidait la contradiction entre menchevisme et bolchevisme. (Lev Trotsky, « La Chine et la révolution russe », juillet 1940, On China, Monad, 1976, p. 595)