Pour le droit de pouvoir choisir sa façon de mourir

Le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » a été transmis vendredi 15 mars au Conseil d’État. Il devrait être discuté à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai.

En France, en 2024, il n’est pas permis de choisir sa fin de vie

La législation en vigueur (la loi Claeys-Léonetti datant de 2016) n’autorise ni l’euthanasie, ni l’assistance au suicide qui sont encore passibles de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende si cela concerne un adulte et 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende s’il s’agit d’un mineur, sans parler des interdictions d’exercer.

Les personnes préférant mourir plutôt que continuer à vivre dans des conditions de vie qu’elles jugent trop dégradées, pénibles ou douloureuses n’ont donc jusqu’à présent d’autre possibilité que de se tourner vers la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse qui pratiquent l’euthanasie ou l’assistance au suicide. Encore faut-il en avoir les moyens financiers, culturels, d’accompagnement…. Malgré l’interdiction en France, courageusement, des médecins assistent cependant de nombreuses personnes dans cette démarche, plusieurs milliers par an, et revendiquent de l’avoir fait, malgré les sanctions encourues, un peu comme l’avaient fait leurs pairs avec le MLAC quand l’avortement était illégal au début des années 1970.

Même ceux qui veulent simplement mourir sans souffrir ne bénéficient pas de soins palliatifs. Quand le système de santé publique se dégrade à cause des gouvernements bourgeois successifs, qui peut croire qu’ils sont disponibles ? La Cour des comptes indique que la moitié des patients qui en avaient fait la demande n’ont pu accéder aux soins palliatifs en 2022 (5 juillet 2023).

La pression de toute la réaction

Comme c’était prévisible, le projet de loi de Macron ne comporte qu’une ouverture très limitée au droit à pouvoir choisir sa façon de mourir, tant il a délibérément laissé cours dans un long processus d’élaboration à l’emprise des religions, à la morale réactionnaire, au Conseil de l’ordre des médecins (organisation corporatiste fondée par Pétain à qui l’on doit précédemment la défense farouche du numérus clausus appliqué pendant des années pour limiter l’accès aux études de médecine…)

S’y associent les partis bourgeois et des associations de soignants qui défendent aussi le statu quo.

Les organisations soignantes cosignataires estiment qu’une telle légalisation conduirait inévitablement le législateur à subvertir la notion même de soin telle qu’elle est communément admise aujourd’hui. Elles demandent au gouvernement et aux parlementaires, s’ils décident de faire évoluer la loi, de laisser le monde du soin à l’écart de toute implication dans une forme de mort administrée. (Avis éthique commun, 16 février 2023)

Les raisons invoquées sont parfois légitimes :

  • l’inquiétude que la légalisation de l’aide médicale à mourir ne supplante le développement encore très insuffisant des soins palliatifs ;
  • la difficulté pour une équipe soignante de se situer alors face à un patient auteur d’une tentative de suicide, le soigner ou l’aider à mourir (entre 80 000 et 90 000 patients sont hospitalisés chaque année après une tentative de suicide).

Mais l’avis contient aussi des positions beaucoup plus discutables, voire réactionnaires, en considérant par exemple que la légalisation pousserait à une « injonction de mort… sur les personnes les plus vulnérables » ou que les soins palliatifs qui ne provoquent pas la mort intentionnellement sont la limite déontologique à ne pas dépasser pour un soignant.

Or, si les soins palliatifs sont un progrès indiscutable puisqu’ils prennent en charge la douleur et peuvent conduire à une sédation plus ou moins profonde jusqu’à la mort, ils ne répondent pas cependant totalement à la situation. En effet les soins palliatifs consistent au bout du compte à laisser le patient, certes délivré des douleurs et plus ou moins inconscient, censé ne pas ressentir qu’il est privé d’alimentation et d’hydratation, agoniser pendant parfois des jours et des jours, quand bien même celui-ci aura exprimé plusieurs fois auparavant sa volonté d’en finir. Est-ce digne pour lui, pour ses proches ?

Le 11 mars, au sortir d’une multiples consultations au palais de l’Élysée, les chefs des principales religions sont nets.

Quand on aide à mourir, ce n’est pas de la fraternité… on propose la mort, le désespoir comme horizon de vie. (Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris)

Je pense aussi que c’est le triomphe de l’autonomie sur la solidarité. (Matthieu Rougé, évêque de Nanterre)

Le projet de loi dicté par la réaction

Sous cette pression, le projet de loi comporte donc de nombreuses restrictions. Ainsi le texte précise d’abord que l’aide à mourir est une possibilité ouverte à des personnes majeures, françaises ou « résidant de façon stable et régulière en France ». Où va se nicher la xénophobie ! Migrants, sans-papiers, ou même travailleurs saisonniers étrangers, circulez, ce n’est pas pour vous !

Ensuite, la personne qui doit souffrir d’une « affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » et présenter « une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à son affection », doit être capable d’exposer « sa volonté de façon libre et éclairée ». Cette volonté doit être réitérée dans un délai minimal de deux jours. Cette disposition implique donc qu’une personne qui aurait exprimé clairement sa volonté auparavant, mais ne serait plus en capacité de le faire et de le réaffirmer, serait exclue du dispositif. Le médecin qui recueille cette volonté, qui devra ensuite consulter un autre médecin qui ne connait pas le patient ainsi qu’un autre soignant qui, lui, opère auprès du patient, disposera d’un délai maximal fixé à quinze jours pour répondre à la demande, positivement ou négativement. Quinze jours ! Moyennant quoi, le projet de texte précise sans craindre le ridicule qu’en cas de refus du médecin d’accéder à sa demande, le patient pourra toujours saisir le tribunal administratif…

Enfin, le projet de texte prévoit que tout médecin pourra faire jouer une « clause de conscience » et refuser son aide à mourir au patient. Et si aucun médecin sollicité n’accepte, il pourra alors être fait appel à une « liste de médecins volontaires ». Cette dernière disposition montre bien la capitulation devant l’ordre moral et religieux.

Je suis très sensible aux oppositions, philosophiques et religieuses, qu’il faut entendre et respecter. (Macron, La Croix, 10 mars)

C’est exactement au nom du même dispositif de la clause de conscience, toujours en vigueur depuis la loi Veil, que le droit à l’avortement est rendu moins accessible.

Que les prêtres et les réactionnaires meurent comme ils veulent mais laissent les autres libres !

Le programme des communistes balaie tout ce fatras.

  • Droit de pouvoir choisir sa façon de mourir, accès aux soins palliatifs pour tous, droit au suicide assisté, droit à l’euthanasie !
  • Création de toutes les unités, lits et postes nécessaires !

25 mars 2024