La question de la fin de vie, entre la convention citoyenne et le projet de loi

La plupart des États contemporains admettent l’égalité juridique des hommes et des femmes, le divorce, la contraception, le libre choix de suivre ou non un traitement. Cependant, les appareils religieux de tout acabit qui ont freiné historiquement la recherche scientifique et les partis bourgeois qui s’appuient sur la religion entravent souvent l’avortement, y compris dans les pays les plus démocratiques, et empêchent, presque partout dans le monde, de choisir sa fin de vie. Évidemment, les interdictions légales pèsent moins les membres des classes dominantes (pour qui il y a toujours des arrangements) que ceux des classes exploitées.

Or, le développement des sciences et des techniques permet aux êtres humains de mourir de manière indolore et aussi de mettre volontairement fin à leur vie sans souffrir. Cela peut prendre trois formes :

  • Les soins palliatifs sont une approche médicale pour améliorer la qualité de fin de vie des patients.
  • Le suicide assisté permet à un patient de s’administrer une substance mortelle prescrite par un médecin en raison d’une maladie incurable et d’une fin de vie proche.
  • L’euthanasie est le cas d’un patient qui demande à un soignant de pratiquer l’acte létal.

En France, les soins palliatifs ne sont pas garantis

Officiellement en France, les soins palliatifs constituent la règle depuis presque trente ans.

Il s’agit d’apaiser les douleurs et l’angoisse, d’apporter le plus possible de confort et de réconfort à celui qui va mourir, d’accueillir et d’entourer sa famille pendant cette période difficile… Le problème du soulagement de la douleur est central dans la démarche d’accompagnement. (Direction générale de la santé, Circulaire, 26 aout 1986)

La loi Kouchner du 9 juin 1999 a garanti le droit à l’accès aux soins palliatifs. Théoriquement, tous les hôpitaux devraient disposer d’un service de ce type (USP). En fait, une partie de la population n’y a pas accès puisque l’État bourgeois, dont ces dernières années les gouvernements Macron-Philippe-Buzyn, Macron-Castex-Véran, Macron-Borne-Bourguignon, Macron-Borne-Braun, Macron-Borne-Rousseau les moyens nécessaires aux hôpitaux pour qu’ils soient dotés de tels services. La situation est pire dans les EHPAD, sans parler des soins à domicile.



Nombre de lits en unités de soins palliatifs (LUSP) pour 100 000 habitants fin 2021, lecture : le département de Corse du Sud dispose de plus de 4 LUSP pour 100 000 habitants / Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2023

Au 1er février 2022, 26 départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs, ni d’équipes mobiles. 100 000 personnes sont prises en charge par an pour un besoin estimé à plus de 320 000 personnes dans le cadre du plan national gouvernemental 2021-2024. (Société française d’accompagnement des soins palliatifs, Communiqué, 11 mars 2022)

En octobre 2022, au Conseil national de la refondation de la santé, rien n’est prévu pour le financement des nouvelles unités de soins palliatifs ou le développement des soins palliatifs à domicile.

Par conséquent, sur 53 % des patients qui meurent à l’hôpital, seuls 23 % ont accès aux USP.

En France, la réaction empêche toujours de choisir sa mort

La loi de 1999 n’autorise ni l’euthanasie, ni l’assistance au suicide. Cependant, elle met en place l’information du patient sur son état de santé et son consentement aux soins, son droit de refuser un traitement, le droit d’être accompagné d’une « personne de confiance », le droit d’exprimer sa volonté dans des « directives anticipées » et l’accès à son dossier médical. Mais elle est méconnue car seulement 18 % des Français ont rédigé leurs directives anticipées.

La loi Claeys-Léonetti de 2016 n’autorise ni l’euthanasie, ni l’assistance au suicide. Néanmoins, elle permet de se soustraire à « l’obstination déraisonnable » du corps médical, en ouvrant la possibilité de bénéficier d’une sédation profonde et continue. pour les malades en phase terminale et aux souffrances inapaisables. Les directives anticipées doivent être respectées. « L’obstination déraisonnable » est ce que les patients et leurs proches appellent plus simplement l’acharnement thérapeutique pratiqué par des médecins réactionnaires et tout-puissants.

En 2021, l’Assemblée nationale débat d’une proposition de loi du député Falorni autorisant l’euthanasie. L’écrivain Michel Houellebecq estime qu’avec une telle loi, la France perdrait « tout droit au respect ». Le PCF est réticent, comme le ministre de la santé du gouvernement Macron-Castex qui se déclare « pas convaincu qu’il faille ouvrir aujourd’hui ce débat d’envergure » (Olivier Véran, 7 avril 2021). 3 200 amendements (dont 2 300 de LR) bloquent la proposition.

Rome, 24 octobre 2022 / photo Vatican Media


En 2022, le président français visite pour la 3e fois Bergoglio, le chef de l’Église catholique :

Lors de son déplacement au Vatican, le 24 octobre 2022, Emmanuel Macron s’était entretenu de la fin de vie avec le pape François. « J’en ai parlé d’initiative au pape, en lui disant que je n’aimais pas le mot d’euthanasie : la mort, c’est un moment de vie, pas un acte technique ». (La Croix,9 janvier 2023)

Le gouvernement Macron-Borne lance une « convention citoyenne »

Pour lâcher du lest après la révolte des gilets jaunes, Macron décide de mettre en place en 2019-2020 une Convention citoyenne sur le climat. Pour élargir le consensus alors qu’il n’a plus qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, Macron mène en 2022-2023 la même opération sur la fin de vie.

Le 13 septembre, le président convoque une nouvelle convention citoyenne. Ses 150 membres sont tirés au sort. Elle est animée par un Comité de gouvernance choisi par le Conseil économique, social et environnemental (une institution de collaboration de classes où siègent, moyennant rétribution, toutes les confédérations syndicales). La convention se réunit de décembre 2022 à avril 2023.

Le même jour, le Comité consultatif national d’éthique, fondé par Mitterrand en 1983 avec des représentants des différentes religions, préconise d’élargir la procédure de « sédation profonde et continue » et réclame que, en cas d’ouverture légale à l’assistance au suicide, les professionnels de santé devraient pouvoir bénéficier d’une clause de conscience.

Les clergés chrétiens, musulmans et juifs rappellent aussitôt que seul leur Dieu donne la vie et est autorisé à la reprendre. Au cours de l’histoire, tous ont béni des troupes qui allaient ôter la vie à d’autres peuples. Le 6 mars, ils sont conviés au palais de l’Élysée pour diner, comme si les représentants des traditions les plus obscurantistes et les plus intolérantes avaient leur mot à dire sur les lois et la fin de vie de ceux qui ne partagent pas leur dogme.

Le 1er avril, l’Ordre national des médecins (fondé en 1940 sous Pétain) revendique une « clause de conscience » qui permettrait à tout médecin de ne pas respecter la volonté des patients et déclare que, quelle que soit la loi, aucun médecin ne devra aider à l’euthanasie d’un patient qui la demanderait.

Le 2 avril, le président du RN Bardella se prononce contre l’euthanasie et le suicide assisté et Le Pen explique qu’il ne faut pas de nouvelle loi. Zemmour a la même position. Sous le slogan « donner la mort n’est pas un soin », les bigots, obscurantistes, homophobes et fascistes (Civitas, Syndicat de la famille-Manif pour tous, Soulager mais pas tuer, Alliance Vita, Médecins pour la Vie) essaient d’intimider…

Le 12 juillet, l’Académie nationale de médecine (créée en 1820 par Louis XVIII) accepte d’envisager l’assistance au suicide mais « à titre exceptionnel » et écarte catégoriquement l’euthanasie.

Rapport de la Convention citoyenne, avril, p. 52


La Convention préconise la consensuelles amélioration des soins palliatifs. Malgré tout, 75 % des participants se prononcent pour un « ouvrir l’accès à l’aide active à mourir », en clair pour la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Mais le Comité de gouvernance leur a soufflé d’y mettre « des conditions ». Qui décidera quelles sont bien remplies ?

Il est sûr que les projets de budget pour 2024 n’assureront pas la qualité des soins palliatifs en fin de vie et des soins médicaux tout le long de la vie (le gouvernement annonce déjà des déremboursements. Il est certain que le projet de loi sur la fin de vie ne garantira pas l’euthanasie volontaire ni même un véritable droit au suicide assisté.

Les organisations de la classe ouvrière doivent se prononcer

Deux des trois filles de Marx, actives dans le mouvement ouvrier français ou britannique, se sont donné la mort. Lafargue, un fondateur de la première organisation communiste en France, s’est suicidé. Lénine a demandé, en vain, à être euthanasié à la fin de sa vie.

Les partis issus de la classe ouvrière, les syndicats de salariés, les syndicats d’étudiants… doivent se prononcer question démocratique élémentaire : c’est à la personne souffrante de dire ce dont elle a besoin, ce qu’elle préfère, ce qu’elle accepte ou refuse. Le médecin n’est pas là pour la dissuader ou la contraindre, mais pour l’informer et l’assister, quelle que soit sa décision. L’État n’a pas à décider de ce que doit être la fin de la vie, mais il doit établir le cadre juridique et fournir les moyens matériels qui permettent de vraiment choisir.

Annulation de toutes les lois contre la retraite des travailleurs !

Fin de tout financement public des cultes religieux sous quelle que forme que ce soit, sur tout le territoire !

Droit de pouvoir choisir sa façon de mourir, accès aux soins palliatifs pour tous, droit au suicide assisté, droit à l’euthanasie !

Création de toutes les unités, lits et postes nécessaires !

3 aout 2023