La mobilisation des enseignant(e)s contractuel(le)s au Maroc

Pour obtenir le statut de fonctionnaire

Depuis 2016, les gouvernements successifs ont embauché des dizaines de milliers d’enseignants sur la base de contrats à durée déterminée (CDD), profitant de la pression exercée sur toute la jeunesse par un chômage élevé qui touche 30 % des 15-24 ans, 20 % des diplômés.

Mal payés, précarisés, ces enseignants ont entamé en 2017 un mouvement de grèves et de manifestations qui a revêtu un caractère national en 2019 : des dizaines de milliers de contractuels ont manifesté à Rabat les 23 et 24 mars, exigeant leur rattachement à la fonction publique d’État. S’appuyant d’abord sur leurs syndicats (FNE et SNE), ils se sont ensuite dotés d’une coordination nationale (CNPCC) qui depuis lors est la direction de leur lutte.

Régulièrement, leurs manifestations, totalement pacifiques, sont réprimées par la police.

Hier, plusieurs milliers de contractuels de l’enseignement, hommes et femmes, pour la plupart âgés de 20 à 30 ans, se sont rassemblés à Rabat. Les forces de l’ordre ont dispersé avec des matraques et des canons à eau de jeunes contractuels qui voulaient passer la nuit devant le Parlement après plusieurs heures de manifestation. Une soixantaine de blessés légers ont été transportés à l’hôpital cette nuit, selon Othmane Zeriouch, un responsable de la coordination des contractuels. (Le Figaro, 24 mars 2019)

Deux mois plus tard, un père venu soutenir sa fille, enseignante manifestant à Rabat, décède après avoir été tabassé par les nervis du roi envoyés pour disperser le sit-in auquel il participait. La coordination « considère l’État marocain entièrement responsable de l’assassinat de Abdallah Hajili ». Des milliers de personnes défilent à Marrakech pour marquer leur soutien à la famille, dénoncer la répression et réaffirmer l’objectif de l’intégration de tous les contractuels dans la Fonction publique.

En 2020 et 2021, la mobilisation se poursuit, montrant la détermination des enseignants. Cependant, jamais le conseil national de leur coordination n’appelle à la grève générale jusqu’à satisfaction. Des grèves de plusieurs jours, voire d’une semaine, d’un mois, sont décrétées, toutes largement suivies, donnant lieu à de puissantes manifestations dans les différentes régions. Mais jamais le gouvernement ne se trouve confronté à la grève générale, il poursuit la répression. Il va jusqu’à utiliser des bandes de voyous contre les manifestants et ses flics harcèlent sexuellement les femmes qui participent aux marches. Il tente également une manœuvre que les enseignant(e)s déjouent.

La revendication initiale reste…


À l’échelle des régions (AREF), les « conseils d’administration » annoncent la « fin de la contractualisation » et tentent de convaincre qu’il s’agit là d’un alignement sur les droits inhérents au statut de fonctionnaire. Le 24 juin 2021, le Conseil de gouvernement annonce l’adoption d’un projet de loi.

Le projet de loi 01.21 est de nature à garantir le principe de similitude entre les cadres de l’AREF et le corps professoral qui est soumis au statut des fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale, ce qui permettra d’offrir à ces cadres une stabilité professionnelle à même de leur permettre de remplir leurs missions, ainsi que de renforcer leur place au sein du chantier de la réforme du système de l’éducation et de mettre en œuvre la loi-cadre 51.17.

La Coordination nationale des enseignants qui représente celles et ceux « à qui on a imposé la contractualisation, rejette en bloc les nouveaux statuts fondamentaux des cadres des AREF ».

On a juste retiré le terme de contractualisation, mais le fond reste le même. On parle, par exemple, d’avancements et de la possibilité de se présenter à des concours, or nous savons très bien que cela fait l’objet de dispositions spécifiques qui en fixent les modalités et que l’on ne trouve pas dans les nouveaux statuts des cadres des AREF. (Le Matin, 24 octobre 2021)

Le projet de loi de finances 2022 prévoit la création, au profit des académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF), de 15 000 postes pour le recrutement d’enseignants, confirmant ainsi le refus de l’intégration des enseignants contractuels dans la fonction publique d’État.

…mais les actions dispersées aussi

La fin de l’année 2021 voit une manifestation nationale très massive à Casablanca le 16 novembre, des rassemblements de grévistes suivent dès janvier 2022. L’État bourgeois multiplie les lourdes saisies sur salaire, les menaces à l’encontre des enseignants qui le défient, la répression violente dans la rue. Il y a des dizaines de blessés à chaque protestation et les tribunaux commencent à égrener les condamnations.

Plus de 40 enseignants marocains ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour avoir manifesté sans autorisation en faveur d’une réforme de leur statut professionnel, a indiqué ce vendredi 11 mars leur avocate. Dans le même dossier, le tribunal de Rabat, qui a rendu ses verdicts jeudi, a infligé trois mois ferme à une professeure pour « outrage envers un corps constitué », a précisé à l’AFP Me Souad Brahma, qui a décidé de faire appel. Cette professeure, Nezha Magdi, était poursuivie pour avoir accusé les forces de l’ordre de « harcèlement sexuel » lors de la dispersion d’une manifestation d’enseignants contractuels le 17 mars 2021 à Rabat. (Ouest France, 11 mars 2022)

Des amendes de 1 000 dirhams (plus d’1/3 du salaire minimum) sont infligées aux condamnés ; en outre, 25 autres personnes restent poursuivies pour participation à des rassemblements interdits ou violation de l’état d’urgence sanitaire. La grève nationale de protestation des 22, 23, 24 et 25 avril, comme la semaine de mobilisation du début mai confirment que la détermination des professeur(e)s à obtenir leur intégration dans le corps national de l’enseignement public est intacte. Mais il est temps de marquer le point décisif.

Grève générale jusqu’à satisfaction !


Le 30 avril 2022, sous couvert d’augmentation du salaire minimum garanti (inférieur aux besoins) et d’autres mesures (promises), les dirigeants de l’Union marocaine du travail (UMT), de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et de la Confédération démocratique du travail (CDT), ont signé avec le gouvernement, le patronat un accord visant à « institutionnaliser le dialogue social suivant les Hautes Orientations de SM le Roi Mohammed VI » !

Les parties ont convenu d’un calendrier pour la promulgation de la loi portant sur l’exercice du droit de grève au 1er janvier 2023 ; l’amendement du Code du Travail au 1er juillet 2023, à travers la promulgation d’un texte de loi prenant en considération les attentes du secteur privé relatives, notamment à la flexibilité responsable. (1001infos, 2 mai 2022)

À bas la collaboration de classe ! À bas l’accord du 30 avril 2022 !

Dans les assemblées générales de la coordination, dans toutes ses instances, dans les réunions syndicales, dans les assemblées générales d’établissement, il faut se regrouper sur la seule orientation qui permettra de gagner : Grève générale de l’Éducation nationale ! Dirigeants de la coordination, de la FNE, du SNE, de tous les syndicats du secteur, appelez tous les enseignants à la grève jusqu’à satisfaction de l’exigence d’intégration des contractuels dans la fonction publique, pour le rejet de tout « statut régional » ! Aucune discussion avec le gouvernement qui réviserait à la baisse le cahier revendicatif adopté par les enseignants en lutte ! Autodéfense des manifestations !

10 aout 2022