ABC du marxisme : inflation

L’inflation est « la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui entraine une augmentation générale et durable des prix » (INSEE). Elle est l’indication que la monnaie, l’argent, d’un État (ou d’un groupe d’États dans le cas de l’euro) joue mal son rôle d’équivalent général. [voir l’ABC sur la monnaie]

En particulier, la dépréciation de la monnaie perturbe ses fonctions de mesure de valeur et de réserve de valeur : au fil du temps, la même somme procure moins de biens et services.

Contrairement à ce qu’assurent les journalistes des principaux médias et les politiciens bourgeois, l’inflation n’avait pas disparu. D’une part, ces dernières décennies, certains pays dominés ont subi des vagues d’inflation devenue incontrôlable (en 2018, elle s’élevait à 15 % en Turquie, à 47 % en Argentine, à 929 790 % au Venezuela…).

INSEE, inflation en France du traité de Maastricht à la dernière reprise économique

D’autre part, toute monnaie des centres impérialistes perd un peu de sa valeur chaque année, ce qu’assument les banques centrales. Leur cible est généralement de 2 % par an, depuis une décision du parlement néozélandais en1989.

Le Conseil des gouverneurs a pris ce jour de nouvelles mesures essentielles pour faire en sorte que l’inflation revienne au niveau de notre objectif de 2 % à moyen terme. (Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, Conférence de presse, 21 juillet 2022)

Il ne s’agit pas d’un plan sournois de la classe dominante du pays, exécuté à travers la « politique monétaire », mais d’une forme de contradiction du capitalisme contemporain. Bien que la valeur des biens fabriqués généralement baisse, ce qui tend à faire baisser les prix, les monnaies nationales se déprécient toutes, plus ou moins vite, ce qui pousse les prix à la hausse.

La monnaie contemporaine est avant tout de la monnaie de crédit, émise par les banques ordinaires quand elles prêtent aux entreprises non-bancaires (et aussi aux particuliers, à l’État).

La quantité de monnaie dans une économie résulte avant tout de la demande de crédit des acteurs économiques non-financiers (entreprises non bancaires, particuliers, État), un endettement qui est conditionné par le taux de profit. Le crédit devient de plus en plus indispensable au capitalisme. La contrepartie est que la monnaie n’est plus convertible en or. Elle n’est plus qu’un signe de valeur qui ne peut fonctionner qu’avec la garantie par l’État. Sur un territoire donné, elle a « cours légal », les vendeurs ne peuvent la refuser comme paiement. La contradiction n’est pas supprimée, elle est reportée au niveau international, car la monnaie doit être échangée contre d’autres sur le « marché des devises » ou « marché des changes », dont l’axe est la monnaie de la puissance impérialiste dominante (le dollar étasunien) qui n’échappe pas à la dépréciation permanente des monnaies contemporaines.

Inévitablement, des contradictions surgissent entre les opérations de crédit et l’accumulation réelle de capital, entre les différentes monnaies à l’échelle mondiale reflétant l’inégalité économique entre les différents États qui se partagent la planète.

Dans le cas où l’anticipation (par les banques) de création de valeur opérée par leurs emprunteurs (quand ce sont des entreprises non bancaires) n’est pas totalement vérifiée, la monnaie concernée se déprécie et par conséquent il en faut plus pour acheter la même chose. Telle est la source de l’inflation rampante permanente.

Les problèmes d’une monnaie peuvent être aggravés quand elle se déprécie sur le marché des devises, ce qui renchérit les importations de biens et de services et augmente le poids de la dette extérieure si elle a été contractée en monnaie étrangère.

Une pandémie mondiale, une restructuration de la production internationale ou un conflit armé peuvent faire grimper brusquement les prix de certaines marchandises, ce qui provoque des cercles vicieux d’abord en cas d’importation nécessaire à la production locale, ensuite par contagion au sein de l’économie nationale.

Le fonctionnement du capitalisme est toujours perturbé par l’inflation. Pour autant, aucune « politique monétaire »ne peut la supprimer.

L’enjeu est de savoir si la banque centrale et le gouvernement (deux faces de l’État bourgeois) échouent à la contenir, au détriment du capital national (et inévitablement de la population laborieuse) ou si l’État bourgeois parvient à la contrôler, à la limiter sur le dos des producteurs et leurs familles en leur faisant supporter l’augmentation des prix des biens et services entrant dans la consommation populaire, en restreignant les dépenses sociales (mais pas les policières et militaires), en bloquant les salaires (comme Nixon, du Parti républicain, aux Etats-Unis en 1971 ou Mitterrand, soutenu par le front populaire PS-PCF-PRG, en France en 1982). D’où la justification de la revendication de la suppression des impôts sur la consommation populaire et de l’indexation des salaires, des allocations et des pensions, de gouvernement ouvrier.

Ni l’inflation monétaire, ni la stabilisation ne peuvent servir de mots d’ordre au prolétariat, car ce sont les deux bouts d’un même bâton. Contre la cherté de la vie, on ne peut lutter qu’avec le mot d’ordre de l’échelle mobile des salaires. (Trotsky, L’Agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, 1938, GMI, p. 9)