Canada : grève illimitée dans les centres de petite enfance du Québec

Du 6 au 17 juin 2018, il y a eu une grève générale illimitée contre la flexibilité dans 57 CPE (centres de la petite enfance) de Montréal et Laval, à l’appel du Syndicat des travailleuses (eurs) des CPE de Montréal et Laval affilié à la CSN (Confédération des syndicats nationaux).

Les CPE sont des garderies à but non lucratif subventionnées par le gouvernement du Québec. Ils ont été mis sur pied en 1997 par le Parti québécois dans le but de rendre plus accessible la garde d’enfants préscolaires aux travailleuses. Bien entendu, ce n’était nullement un acte de générosité de la part de la bourgeoisie québécoise, mais plutôt le résultat de nombreuses années de luttes de la part du mouvement ouvrier et du mouvement des femmes pour avoir accès à des garderies bon marché et aussi la possibilité de rendre disponible de la main-d’œuvre. L’État a remis la gestion des CPE à des organismes de droit privé. De même, le PQ a fait payer ce service public : le tarif était de 5 $ par jour par enfant. Il pesait donc plus lourdement sur les petits revenus que les gros. En 2004, le gouvernement du Parti libéral de Jean Charest a haussé le tarif à 7,30 $ par jour. Depuis 2014, le tarif est modulé selon le revenu familial et est indexé annuellement en fonction de la hausse du coût de la vie. En 2018, le tarif de base est de 8,05 $ par jour pour les revenus familiaux annuels de 52 220 $ et moins. Il y a donc une volonté de l’État capitaliste de faire payer davantage la classe ouvrière pour un service public.

À l’occasion du renouvellement de la convention collective, l’Association patronale nationale des CPE (APNCPE) désirait accroître la précarité et la flexibilité dans les horaires de travail pour faire des économies. Les conditions des 57 CPE étaient inférieures à celles des 300 autres.

Les employés de CPE travaillent généralement entre 32 et 40 heures par semaine. L’employeur aimerait avoir la latitude de réduire ces heures lorsque beaucoup d’enfants sont absents, surtout pendant le temps des Fêtes et l’été. Le syndicat dénonce la précarité qui découlerait de cette mesure. La partie patronale rappelle qu’elle ne viserait pas les employés qui ont leur permanence, mais seulement les occasionnels, soit environ 5 à 10 % du personnel. (Journal de Montréal, 6 juin 2018).

La question de l’ancienneté pour les listes de rappel était aussi un point de litige important, les patrons préférant donner la priorité aux éducatrices jugés qualifiées. La direction des CPE souhaitait également faire une entorse au principe de l’ancienneté pour le choix des vacances au nom de la « stabilité ». Il y avait donc une attaque frontale contre les acquis durement gagnés des travailleuses dans les garderies dites à but non lucratif. C’est la même volonté de faire payer la crise du système capitaliste à la classe ouvrière que dans les entreprises privées. Une attaque contre un est une attaque contre tous. Si un secteur de la classe ouvrière est affaibli, les autres secteurs ne tarderont pas à subir aussi des reculs dans leurs conditions de travail.

Nous devons non seulement soutenir le combat de ces travailleuses mais aussi revendiquer la mise sur pied d’un réseau de garderies gratuites et ouvertes 24 heures par jour, afin d’accommoder toutes les catégories de travailleurs et de travailleuses et pour alléger le fardeau des tâches domestiques qui incombent trop souvent aux mères de famille. La politique instaurée par les bolcheviks après la révolution de 1917 en Russie est très intéressante à cet égard et nous devons nous en inspirer. Des garderies, appelées « jardins d’enfants », furent ouvertes partout sur le territoire de l’URSS et prenaient en charge les enfants à partir de leur deuxième année jusqu’à leur entrée à l’école. Cet acquis a survécu à la contre-révolution stalinienne et représente un modèle de qui pourrait être une politique familiale dans la transition au socialisme.

La grève a rencontré l’hostilité des bourgeois et de certains petits-bourgeois habitués à exploiter avec le « Regroupement de parents contre les travailleurs de CPE en grève ». Par contre, des parents prolétaires ont exprimé leur soutien, malgré les inconvénients de la grève, à travers le « Regroupement en appui aux travailleuses des CPE en grève ».

Certains parents ont plutôt profité de l’occasion pour souligner le travail extraordinaire des éducatrices de CPE et leur apporter leur appui dans leurs démarches, et ce, même si elles leur posent un défi de logistique familiale. (Le Devoir, 18 juin 2018)

Les dirigeants syndicaux CSN ont signé le 17 juin un accord avec l’employeur sans rendre public le contenu de la convention et ont mis fin à la grève illimitée. Puis ils ont fait ratifier par la base l’entente le 20 juin.

Liberté complète du droit de grève ! Suppression de l’arbitrage étatique ! Satisfaction des revendications des travailleurs des CPE ! Ouverture des CPE là où ils sont nécessaires ! Gratuité des CPE pour les parents travailleurs ou à la recherche d’emploi !

correspondant

Avant-garde 3