L’entrée – toujours repoussée – de la Turquie dans l’Union européenne vient de servir une nouvelle fois d’épouvantail à toute la racaille xénophobe d’Europe occidentale.
Le mythe de l’unité nationale a été ébranlé en 2013 par les grandes mobilisations de masse contre le gouvernement « islamiste modéré » qui ont rendu célèbre le nom de la place Taksim d’Istanbul dans la jeunesse et la classe ouvrière du monde entier [voir Révolution communiste n° 4]. Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP) a violement réprimé les manifestations ouvrières du 1er mai. Les mineurs concentrent à nouveau l’attention internationale sur le combat d’une section du prolétariat turc contre le patronat et l’État bourgeois.
Tout a commencé mardi 13 juin par une explosion dans la mine de charbon de Soma, au nord d’Izmir, dans l’ouest du pays, qui a fait plusieurs centaines de blessés et 301 morts officiellement. La mine, privatisée, appartient à un capitaliste de l’AKP. Le patron se vantait d’avoir fait passer les coûts de l’extraction de charbon de 130 $ la tonne à seulement 23,80 $ depuis 2005. Immédiatement, patron et gouvernement ont parlé de « fatalité ». Tayyip Erdogan, le Premier ministre, avait déjà osé déclarer en 2010, lors d’un accident où 30 mineurs avaient péri, que « la mort était le destin de cette profession ». Le même Erdogan a montré une fois de plus son mépris de la classe ouvrière et des mineurs en particulier en affirmant à propos du drame de Soma que « ce sont là des choses habituelles ».
On comprend dès lors pourquoi, lors de sa venue sur le site de Soma, il a été hué, conspué et chassé par les proches des mineurs, sous les cris de « Démission ! démission ! ». Plus grave pour le gouvernement, dès mercredi 14, 4 000 ouvriers et jeunes, dénonçant la mort des mineurs, ont affronté à Ankara, la police antiémeute lors de manifestations. À Istanbul, les manifestants ont été dispersés à coups de grenades lacrymogènes. À Ankara également des gaz lacrymogènes et des canons à eau empêchaient les étudiants d’atteindre le ministère de l’Énergie. À Soma, la police a fait face à 10 000 travailleurs, à coups de grenades et de balles en caoutchouc après que ceux-ci ont eu le temps d’exiger la démission du gouvernement et encore : « Ne dors pas Soma, n’oublie pas les mineurs ». Le PDG et quelques dirigeants de l’entreprise ont tout de même été arrêtés, accusés de morts par négligence.
La journée de grève symbolique décrétée par les directions syndicales le 15 mai et les trois jours de « deuil national » n’auront pas servi à éteindre la colère qui gronde parmi les travailleurs et la jeunesse, tant contre le patronat que contre le gouvernement AKP.
Selon un rapport officiel, plus de sept mineurs meurent en Turquie par million de tonnes de charbon extraite. Le drame a mis en lumière les mensonges du gouvernement qui a prétendu avoir fait passer à Soma des tests d’inspection sur la sécurité, propos démentis par les ouvriers survivants et leurs proches. Un mineur a déclaré à l’AFP : « Il n’y a pas de sécurité dans cette mine. Les syndicats ne sont que des marionnettes et nos gestionnaires ne pensent qu’à l’argent ». Le 22 mai, des manifestants ont bravé l’interdiction de se rassembler décrétée par le gouvernement AKP et un d’entre eux a été tué par balle. Quelques jours plus tard, un autre a été assassiné alors qu’il participait à une veillée funèbre dédiée aux mineurs dans le quartier Okmeydani d’Istanbul.
Après la complicité du gouvernement avec l’impérialisme dans la tentative d’offensive contre la Syrie, les scandales pour corruption, les violentes répressions contre la révolte en 2013, cet événement est un nouveau signe du caractère capitaliste et anti-ouvrier du gouvernement islamiste. Les luttes des salariés, des femmes, des étudiants, des minorités nationales et religieuses, pour déboucher, doivent converger dans l’exigence d’un gouvernement ouvrier et paysan.