Le premier ministre Castex a tenu à apporter son soutien à Darmanin après que celui-ci a dit, à propos des violences policières : « Quand j’entends le mot violences policières, moi personnellement je m’étouffe »… Des propos provocants qui relèvent de calculs politiciens, cherchant à dévoyer les mécontentements. (Lutte ouvrière, 31 juillet)
Il est difficile de répandre autant de confusion en si peu de lignes. Le nouveau premier ministre serait motivé par un petit « calcul politicien » : en quoi ? quel est son but ? Castex voudrait « dévoyer le mécontentement » : de qui ? vers quoi ?
C’est pourtant simple : le premier ministre couvre le ministre de l’intérieur qui couvre la police. Pourquoi ? Par ce qu’elle est indispensable à l’ordre capitaliste.
Les chiens de garde des exploiteurs
Amar Behmohamed, un brigadier-chef affecté sur le ressort de la Préfecture de police de Paris, prend la parole sur un sujet explosif. Depuis 2017, il dit avoir été témoin de propos racistes, de cas de maltraitance et de faits de vol qu’il impute à plusieurs de ses collègues. (Le Monde, 29 juillet)
Les discriminations sociales et raciales, les violences policières envers les exploités et les opprimés ne sont, ni aux États-Unis, ni en France, le fait de quelques « brebis galeuses », « indignes de la police républicaine » comme le prétend Mélenchon (7 juin). Elles sont inhérentes à la nature et à la fonction des corps de répression d’une société divisée en classes sociales.
Dans toutes les républiques bourgeoises, même les plus démocratiques, la police est, avec l’armée de métier, l’instrument principal de l’oppression des masses… La police passe les « petites gens » à tabac dans les commissariats de New-York, de Genève et de Paris, alors qu’elle est pleine de prévenance pour les capitalistes… La substitution d’une milice populaire à la police et à l’armée permanente est la condition du succès de toute réforme… au profit des travailleurs. (Lénine, Ils ont oublié l’essentiel, 18 mai 1917)
Pas plus que les mesures restreignant les libertés, il ne s’agit d’un petit calcul politicien de tel ou tel ministre.
Depuis plus de 20 ans, c’est le même refrain, dans son rapport annuel, la commission chargée de contrôler les écoutes (CNCTR) reconnait mezzo voce que la surveillance électronique des citoyens ne cesse de se renforcer. (Le Canard enchaîné, 10 juin)
L’État n’incarne pas « l’intérêt général ». Parce que la police défend avant tout la bourgeoisie française, le nouveau premier ministre la célèbre. Comme l’armée et les services secrets, les tribunaux et les prisons, la police était là avant lui et, sauf révolution sociale, restera après lui.
À nos policiers et gendarmes, à toutes les forces de sécurité et à tous les acteurs de la prévention, je souhaite exprimer au nom de la Nation mon profond respect et ma gratitude. Ils forment la première ligne de l’ordre républicain et exercent leur mission dans des circonstances qui sont parfois extrêmement délicates. Je veillerai, à ce qu’ils puissent obtenir tous les moyens, matériels et humains, nécessaires pour conduire leur mission… Je ne peux parler de ceux qui protègent les Français sans évoquer le rôle fondamental de nos armées… elles sont l’honneur de notre Patrie. Au coeur du pacte républicain et des responsabilités judiciaires se trouve l’autorité judiciaire… (Jean Castex, Déclaration de politique générale, 14 juillet)
La justice bourgeoisie protège la police « de la République ».
Il faut voir à quel point il y a une justice à deux vitesses… Le manifestant peut être condamné alors que des policiers ne seront ni identifiés ni mis en cause. Un de mes clients a perdu plusieurs dents et a été défiguré. Mais on est incapable de connaître l’auteur du tir de LBD qui en est la cause. À Besançon, un gilet jaune avait reçu un coup de matraque d’un policier. Tout avait été filmé par un média local… Le procureur de la République a classé l’affaire sans suite au motif que le policier n’avait pas l’intention de commettre des violences. (Rapahël Kempf, Siné mensuel, février)
Les manifestations de policiers de juin
Les membres de l’appareil répressif de l’État bourgeois (flics, mercenaires, juges, matons…) sont, par nature, favorables aux partis les plus réactionnaires.
Parfois les services secrets, les hauts magistrats, l’état-major et la hiérarchie policière interviennent, indirectement ou directement, dans la vie politique, toujours au détriment des libertés démocratiques et parfois même du parlement bourgeois. Ainsi, des juges brésiliens ont destitué en 2016 la présidente du Parti des travailleurs, élue au suffrage universel. En France, l’actuel régime présidentiel est issu, en 1958, d’un coup d’État militaire qui a mis fin au régime parlementaire de la 4e République et qui a confié le pouvoir au général de Gaulle. En 1940, la 3e République avait cédé le pouvoir au maréchal Pétain, tandis que le général De Gaulle prenait la tête de la fraction de la bourgeoisie française qui misait sur la Grande-Bretagne et les États-Unis contre l’Allemagne. En 1887-1889, un démagogue, le général Boulanger, tenta en vain de renverser la 3e République.
Cette poussée de fièvre boulangiste devrait inciter nos amis à exiger sans répit l’armement du peuple comme seule garantie contre toute velléité césarienne de la part des généraux populistes. (Friedrich Engels, Lettre à Laura Marx, 15 juillet 1887)
Le 8 juin, sur la demande du président inquiet de la multiplication des manifestations contre les violences policières, le ministre de l’intérieur Castaner interdit d’utiliser l’étranglement et condamne les propos racistes. Aussitôt, les policiers, menés officiellement par des « syndicats » mais noyautés en coulisses par le RN et les groupes fascistes, protestent aux portes des commissariats et dans la rue. Ces policiers violent la loi officielle car il leur est interdit de manifester en uniforme et ils détournent pour leurs propres fins les moyens matériels qui sont censés protéger la population. Castaner fait immédiatement machine arrière, mais cela ne suffit pas.
Depuis près de trois semaines, la même scène se répète partout en France : des dizaines de policiers se rassemblent, allument les gyrophares et protestent quelques minutes contre le « lâchage » par le pouvoir dont ils estiment faire l’objet. (Le Monde, 28 juin)
Les contrevenants ne sont pas sanctionnés. Leur pression s’exerce à tous les niveaux.
Jeudi, ce sont plusieurs dizaines de policiers qui se sont amassés devant l’entrée de la Maison de la radio à Paris… une façon de faire pression sur les journalistes… Lundi 22 juin, le syndicat Alliance avait appelé à se mobiliser à Stains (Seine-Saint-Denis) pour obtenir l’effacement d’une fresque représentant George Floyd. Dans un tract publié vendredi, Unité SGP Police FO s’en est pris au conseil régional d’Île-de-France, pour son financement accordé au film réalisé par David Dufresne. (Le Monde, 28 juin)
Finalement, Macron cède en remplaçant Castaner par Darmanin.
Pour l’autodéfense contre les bandes armées du capital
Le chef « populiste de gauche », qui réclame plus de policiers, y voit l’occasion pour le gouvernement Macon-Castex de sauver l’honneur de la justice et de la police.
Castaner, Belloubet, hontes de l’intérieur et de la Justice enfin démissionnés. Darmanin et Dupond-Moretti doivent rétablir la dignité et l’honneur. (Jean-Luc Mélenchon, 6 juillet)
Sans aller aussi loin que LFI, le PS, le PCF et Génération.s dans le soutien à l’État bourgeois, LO, le NPA et le POID oublient, eux aussi, les leçons de la Commune de Paris et de toutes les révolutions et contre-révolutions qui ont suivi.
Paris, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes… Paris pouvait résister seulement parce qu’il s’était débarrassé de l’armée et l’avait remplacé par une garde nationale, dont la masse était constituée par des ouvriers… Une fois abolies l’armée permanente et la police, instruments matériels du pouvoir de l’ancien gouvernement… (Karl Marx, Adresse de l’Association internationale des travailleurs, mai 1871)
Lors des dernières mobilisations sociales, la direction de LO a tenté, une fois de plus, de faire passer les policiers comme des travailleurs ordinaires.
Les syndicalistes policiers justifient le maintien de leur régime spécial en arguant du danger de leur métier. En effet, vingt-cinq gendarmes et policiers sont morts en mission en 2018, sans compter les suicides. Le danger du métier est sans doute réel… tout comme celui qu’encourent bien des travailleurs. L’équité et l’égalité sont chères au gouvernement quand il vante les supposés mérites de sa réforme. Ira-t-il jusqu’à conclure que tous les travailleurs devraient bénéficier des mêmes droits à la retraite que les policiers ? (Lutte ouvrière, 11 décembre 2019)
Pour les communistes, il n’y a pas de « syndicalistes policiers ». Les policiers ne sont pas des exploités qui courent des risques au travail comme d’autres salariés, mais les agents du maintien de l’ordre au service de la minorité exploiteuse. Les « revendications » des flics aboutissent à diminuer les libertés des travailleurs et à renforcer les moyens humains et matériels de répression contre eux.
Ceux qui ont aidé Berger et Martinez à empêcher la grève générale l’hiver 2019-2020 peuvent bien bavarder, au même moment, sur la « convergence des luttes » (NPA) ou, après coup, sur les « comités ouvriers » (LO). Mais, sans la grève générale, sans l’autodéfense des manifestations et des grèves, il n’y a ni unité des luttes contre la classe dominante, ni organes de lutte des exploités.
Toute la police exécutrice des volontés du capitalisme, de l’État bourgeois et de ses clans politiciens corrompus doit être licenciée. Exécution des fonctions de police par la milice des travailleurs. Abolition de la justice de classe, extension du jury, éligibilité de tous les juges, extension du jury pour tous les crimes et délits : le peuple rend justice lui-même. (Pierre Naville & Léon Trotsky, Programme d’action de la Ligue communiste, 1934)
Même l’exigence démocratique du remplacement de l’armée professionnelle par l’armement du peuple est oubliée par LO, le NPA et le POID.
Abolition des armées permanentes et armement général du peuple. (Jules Guesde & Karl Marx, Programme électoral du Parti ouvrier, 1880)
Travailleuses et travailleuses conscients, militantes et militants révolutionnaires, il faut construire un parti qui relève le drapeau du communisme : coordonnons nos efforts, contactez-nous !