Où va le NPA-R ?

Il n’y a rien de plus important que l’union de tous les marxistes ayant conscience de la profondeur de la crise et de la nécessité de la combattre pour défendre les bases théoriques du marxisme et ses principes fondamentaux, que l’on dénature de toutes parts. (Lénine, 23 décembre 1910)

2007-2009, le grand bond en arrière programmatique de la LCR

En 2007, la direction de la LCR (Bensaïd, Krivine, Sabado…) décide de se débarrasser des références au « léninisme » et « trotskysme », qui étaient rentables dans les années 1970.

Le NPA fondé en 2009 met sur le même plan toutes les luttes, oublie la nécessité de détruire l’État bourgeois et d’instaurer le pouvoir ouvrier. Son ennemi absolu est le PS. Le PCF fait partie, lui, de la famille (la « gauche radicale »). Sa stratégie est de constituer un front « antibéral » et « antimondialisation » avec les staliniens défroqués et les partis bourgeois écologistes.

Malgré les ouvertures de la LCR, aucun courant anarchiste ou écologiste ne rejoint le projet. Par contre, le succès attire

  • le groupe d’origine pabliste-moréniste RP (qui vient de la même pseudo « 4e Internationale » pabliste mais en a scissionné en 1979),
  • deux groupes d’origine hardyste CR-L’Étincelle et D&R (exclus de LO mais qui n’ont produit aucun bilan sérieux du hardysme),
  • deux groupes La Commune et CRI-CLAIRE (issus d’une autre pseudo « 4e Internationale », plus restreinte, la lambertiste).

Une certaine démocratie interne en découle.

2009-2023, scission sur scission

Aussitôt fondé, le NPA entre en crise à cause du projet concurrent du PdG-LFI lancé par une scission du PS au même moment. La débandade du NPA s’amorce pour ne jamais cesser quand le PdG constitue le Front de gauche, un bloc « antilibéral » avec le PCF… mais sans le NPA. Celui-ci connait de plusieurs départs successifs au profit de LFI et du PCF. Par exemple, le dirigeant du PCF Picquet qui a négocié récemment le programme du NFP est un ancien membre du BP de la LCR et un ancien rédacteur en chef de son hebdomadaire Rouge.

Quelques années plus tard, fin 2021, RP, qui a grimpé dans les appareils syndicaux et qui a une base étudiante dans quelques villes, juge que le bateau fait eau de toute part. Elle scissionne pour présenter son propre candidat à l’élection présidentielle contre celui du parti, sans aucune divergence stratégique.

Par contre, le NPA ne connait aucune scission quand il appelle, comme le PS et le PCF, en avril 2022 à voter Macron au second tour, ce qui constitue pourtant une véritable trahison.

En décembre 2022, mis en minorité relative au congrès, son appareil incarné par Salingue, Poupin, Poutou et Besancenot l’abandonne. Ce NPA pro-NUPES veut avoir les mains libres pour démarcher LFI et la NUPES. Récemment, ce NPA-AC a rejoint le NFP malgré la présence du PS (le pire ennemi d’hier) en son sein.

L’autre NPA n’est alors qu’un bloc de la plupart des minorités (CR, A&R, D&R, SoB) à l’exception de deux : la CLAIRE qui a refusé de participer au congrès et l’ARC qui reste avec la direction antérieure. Le NPA anti-NUPES attire le NPA Jeunes qui n’est pas une véritable organisation de jeunesse mais un appendice du NPA.

Un an et demi sans congrès !

S’ouvre alors la possibilité de franchir un pas vers un parti de type bolchevik, démocratique et révolutionnaire. Pour cette raison, le 16 avril 2023, le Groupe marxiste internationaliste (section française du Collectif révolution permanente) demande à rejoindre le NPA-R, à égalité de droits et de devoirs avec les autres courants.

Après une telle scission, une équipe communiste aurait convoqué immédiatement un congrès démocratique du NPA, aurait revu sa base politique liquidatrice pour la remplacer par un programme révolutionnaire adapté au 21e siècle qui s’appuie sur les 4 premiers congrès de l’Internationale communiste (1919-1922) et les premières conférences de la 4e Internationale (1933-1940).

Mais CR-L’Étincelle, la plus forte des minorités, n’en fait rien. CR se révèle incapables de muter, de faire face à ses responsabilités, d’avancer vraiment vers un « parti communiste et internationaliste ». Le bloc CR-A&R prend les rênes du NPA-R, sans congrès, consolide son appareil, ne répond pas à la demande d’adhésion du Groupe marxiste internationaliste (à cette date, nous n’avons toujours pas de réponse !). Le NPA-R est une sorte de formation intermédiaire entre l’ex-LCR et LO, que la domination de CR va faire pencher du côté de LO.

Le NPA convoque avec succès des « rencontres d’été révolutionnaires » auxquelles participent le courant SoB du NPA-R, une douzaine de militants du GMI (CoReP), plusieurs cadres de la L5I venus d’Allemagne, un dirigeant du PCdL venu d’Italie. Le 30 aout, elles s’achèvent sur ce qui s’annonce comme un haut moment de la démocratie ouvrière : « Débat : quel internationalisme aujourd’hui ? ». En guise de débat, seules les organisations liées à CR et à A&R sont autorisées à s’exprimer. La parole n’est pas donnée aux 4 organisations internationales présentes (SoB, CoReP, L5I, LIS) ni au PCdL.

Activisme sans stratégie

Le trait commun de tout le centrisme est le refus de combattre, sur les lieux de travail et dans les syndicats, contre les bureaucraties syndicales corrompues par leur propre bourgeoisie. En outre, le « trotskysme » hostile à l’armement du peuple et à la dictature du prolétariat disperse l’énergie dans des querelles secondaires, tactiques, entre une douzaine d’organisations vouées par leur taille et leur division à l’impuissance.

Lors du mouvement en défense des retraites de 2023, le NPA-R, comme RP et le NPA-AC, parle à l’occasion de « grève générale » mais il ne lève pas le petit doigt pour cela dans les assemblées générales ou au sein des syndicats, n’affronte pas les bureaucraties syndicales. Après avoir négocié le projet avec le gouvernement Macron-Borne, celles-ci dispersent, avec l’aide de la NUPES (le NFP d’alors) et de LO, l’énergie des travailleurs dans des « journées d’action », des « grèves reconductibles » et des « casserolades ».

Depuis, la fuite en avant des chefs CR et A&R se poursuit, toujours sans tenir de congrès :

Les liens des chefs de CR et d’A&R avec les appareils syndicaux (de la CGT, FSU et de SUD) et le poids du hardysme de CR l’emportent de plus en plus sur l’aspiration de quelques centaines de jeunes qui cherchent la voie de la révolution socialiste internationale. La direction exige de plus en plus d’obéissance, tolère de moins en moins d’initiative.

Coincé entre RP et LO

Après bientôt deux ans d’existence, le NPA-R se retrouve sans programme, sans stratégie, écartelé entre deux autres composantes de ce que tous appellent « l’extrême gauche » :

  • LO qui est largement connue, plus soudée par un fonctionnement aux traits sectaires,
  • RP qui est plus rusée, plus habile à s’adapter à « l’intersectionnalité » en vogue.

Le mantra du petit appareil du NPA est « l’implantation ». Son problème est que RP est mieux « implantée » dans la jeunesse issue de l’immigration et que LO est nettement plus « implantée » dans les lieux de travail.

Et à quoi sert l’implantation de LO, qui reste le modèle de CR ? Arthaud et Mercier promettent à leurs disciples un parti dans 100 ans, la révolution dans 500 ans, le communisme dans 1 000 ans… En attendant, dans les syndicats, les chefs de LO fournissent des adjoints à Binet. Ils soutiennent régulièrement les policiers, comme le PCF et le PS. Ils votent parfois pour des partis bourgeois et il leur est même arrivé de confectionner des listes communes, fronts populistes, avec des partis bourgeois (dont les débris du Parti radical).

Ce n’est qu’en appliquant réellement le marxisme au lieu de le laisser dans les livres sacrés, en mettant la construction d’une internationale au centre, en adoptant un programme révolutionnaire, une stratégie révolutionnaire, qu’en fonctionnant démocratiquement, que le NPA-R pourrait être utile à la classe ouvrière… et arrêter l’hémorragie des militants.

Militantes et militants du NPA-R, engagez la discussion et l’action commune avec le Groupe marxiste internationaliste !

3 juillet 2024