La fondation du NPA

(Anglais / English)

Le réformisme du 21e siècle

Ni communiste, ni révolutionnaire

L’abandon de ces termes dans l’intitulé du parti résume les choix du congrès (6, 7 et 8 février 2009) qui a enterré la Ligue communiste révolutionnaire et proclamé le Nouveau parti anticapitaliste. Ce NPA est un produit de la période où le prolétariat a reculé sous les assauts de la bourgeoisie, où le capitalisme a été rétabli en Russie, en Europe de l’Est et en Chine, où les organisations qui se réclamaient de la 4e Internationale ont rejeté les leçons d’Octobre et la nécessité de construire des partis ouvriers révolutionnaires.

Dès sa naissance, le NPA s’inscrit dans la décomposition du mouvement ouvrier, puisqu’il n’est pas question d’expliquer aux travailleurs, aux jeunes, que seule une révolution prolétarienne, une insurrection mettant à bas l’État bourgeois, imposant un gouvernement révolutionnaire peut résoudre les innombrables misères que la classe des capitalistes abat sur nos têtes. Des paragraphes et des paragraphes en guise de « principes fondateurs du NPA », mais pas un qui dise clairement qu’il faut que le prolétariat prenne le pouvoir, qu’il se dote d’un État à lui, édifié sur les conseils, les comités qu’il aura construits au cours de sa mobilisation, pour briser la résistance de la bourgeoisie, pour gagner la guerre de classe. Parce qu’il se fixera pour tâche de satisfaire les immenses besoins de la population laborieuse qui le contrôlera, ce gouvernement, cet État ouvrier arrachera des mains des capitalistes les moyens de produire, de transporter, d’échanger ; l’expropriation, la collectivisation, la mise sur pied d’un plan de développement visant à nourrir, loger, soigner, instruire, libérer, voilà le programme d’un parti qui veut vraiment changer le monde, c’est à dire liquider le mode de production capitaliste et construire le socialisme, pour une société sans classe et sans oppression.

Cette orientation politique, apprise chez Marx, Engels, Lénine, Luxembourg, Trotsky, implique le combat pour l’indépendance de classe du prolétariat et pour la construction de l’internationale ouvrière révolutionnaire et de ses partis. Le NPA rejette ces acquis d’un siècle et demi de luttes ouvrières. Aux jeunes étudiants, travailleurs, aux ouvriers, aux chômeurs, aux salariés dégoûtés par la politique des partis social-démocrate et ex-stalinien, il ne propose qu’un programme réformiste et des références politiques non marxistes.

Une recette indigeste

Démocrates, écolos, bobos, ex-LO, féministes, pablistes, syndicalistes, libertaires (et on en oublie), les composantes du NPA se sont mises d’accord, à grands renforts d’amendements, sur un document qui résume leurs visions politiques. Il ressemble à un hachis Parmentier, dans lequel chacun a tenté de recycler sa marchandise. Que vous cherchiez la révolution ou le statu quo, par roublardise ou naïveté, on vous dira « si, ça y est dedans »… et souvent leurs montagnes (« les exigences radicales ») accouchent de souris (l’opposition quand l’appareil d’Etat exagère) :

Notre programme comporte aussi des exigences démocratiques radicales pour s’opposer aux excès et dérives des institutions répressives (police, justice, prisons, armée…). (Principes fondateurs, chapitre 3)

Autre montagne :

Nous présentons un plan d’urgence sociale pour faire supporter le coût de la crise aux capitalistes qui en portent la responsabilité. (Résolution générale, I2A)

Passons à la souris, 5 lignes plus loin :

Pour les entreprises qui se révèlent réellement en difficulté, le financement sera assuré par un service public bancaire, avec une cotisation spéciale acquittée par l’ensemble des actionnaires. Maintien du salaire en cas de chômage technique financé par le même fonds.

En clair, une banque publique renflouera et paiera les salaires. Et s’il faut financer, pourquoi ne pas exproprier ? C’est trop bolchevik ?

Tous les courants du NPA partagent la même répulsion pour la révolution russe de 1917, jamais citée dans le document fondateur. S’ils parlent de « socialisme du 21e siècle » (expression qu’utilisent le président Chavez au Venezuela et le président Correa en Équateur), c’est pour n’être pas assimilés à des défenseurs de la première révolution prolétarienne victorieuse.

Les fondateurs du NPA fustigent ensemble le « productivisme » quand 900 millions de personnes dans le monde crient famine, « un modèle insidieux et manipulateur basé sur la consommation », comme si la majeure partie de l’humanité ne cherchait qu’à s’approprier le superflu ! Ils font croire que lorsque les exploités et les opprimés se mettront en mouvement, la bourgeoisie, ses flics, son armée resteront bras ballants tandis que des pâquerettes sans OGM fleuriront sur les trottoirs. S’ils parlent d’« écosocialisme », c’est parce qu’ils aspirent à s’appuyer sur la petite bourgeoisie qui ne désigne pas le mode de production capitaliste comme véritable responsable du pillage et des atteintes à l’environnement. De « démocratie » en « autogestion », avec ses « citoyen-ne-s », son « néolibéralisme », son « économie de marché », son « alter-mondialisme », les « principes fondateurs du NPA » brouillent les frontières de classe. Ainsi, le NPA ne manque pas d’affirmer son soutien au leader du parti-paysan indigéniste en Bolivie, à un ex-séminariste à la tête d’une coalition de front populaire en Équateur et à un ex-colonel, nationaliste bourgeois au Venezuela.

Nous observons avec une attention particulière et beaucoup d’espoir les processus en cours en Bolivie, Equateur et Venezuela. (Résolution générale, III2)

Nouvelle étiquette pour vieille marchandise

Fan de Chavez aujourd’hui, la direction réelle du NPA provient largement de l’ex-LCR, elle-même produit d’une scission minoritaire de la section française de la 4e Internationale en 1952.

En 1951, les dirigeants de la 4e Internationale étaient devenus sceptiques sur la révolution prolétarienne et impatients devant l’insuccès de leur propre organisation et cherchèrent des raccourcis. Pablo et Mandel révisèrent alors le programme et confièrent à la bureaucratie stalinienne le soin de faire la révolution. Abandonnant une orientation indépendante vers la classe ouvrière et la lutte pour construire un parti qui pourrait briser la domination politique de la bureaucratie, ils réduisirent leur rôle à celui de conseiller des nationalistes petits-bourgeois et des staliniens, essayant de les influencer et de les pousser vers la gauche. Dans les pays avancés, les groupes trotskystes devaient, selon eux, s’insérer dans les partis staliniens ou sociaux-démocrates. Dans les pays dominés, le « pablisme » prônait le « front unique anti-impérialiste », de rejoindre le mouvement nationaliste. Ils exclurent en 1952 la section française qui leur résistait, puis provoquèrent l’explosion de la 4e Internationale, qui ne s’en remit pas.

Cette ligne se révéla immédiatement fausse lors de la révolution de 1952 en Bolivie et de la révolution de 1953 an Allemagne de l’est, sans pour autant ramener ses dirigeants à l’orthodoxie.

Les illusions se reportèrent sur le FNL d’Algérie et le M26J de Cuba. Le SI rebaptisé SU devint soudain castriste, donc guerillériste. Alors, les dirigeants européens du SU, qui menaient une confortable carrière universitaire (Mandel, Maitan, Weber, Bensaïd, Habel, Löwy…), envoyèrent inutilement à la prison, à la torture (par des militaires formés à cette fin par l’armée française) et à la mort des centaines de militants qui auraient pu devenir des cadres révolutionnaires dans la classe ouvrière d’Amérique latine.

Comme Castro, Mandel et ses adjoints soutinrent parallèlement tous les fronts populaires, tant au Chili (Unité populaire, voir Révolution Socialiste n°  14) qu’en France (Union de la gauche).

La LCR a fourni nombre de cadres au PS : Henri Weber, Julien Dray, David Assouline, Gérard Filoche, Paul Alliès, Denis Pingaud… (et même au MRC bourgeois : Sami Naïr). La conseillère de Royal, Sophie Bouchet-Petersen, vient également de la LCR. La LCR a contribué à la division syndicale en ajoutant les SUD aux multiples confédérations.

Révisionniste du trotskysme, flanc-garde du PCF et des appareils corrompus, la LCR qui a appelé à voter Chirac en 2002 a toujours épousé les modes et la ligne de moindre résistance, collée à la petite bourgeoisie « de gauche ». Titiste, stalinophile, castriste, tiers-mondiste, guerillériste, union de la gauche, autogestionnaire, écologiste… réformiste toujours.

Le « socialisme pour le 21e millénaire »

Les dirigeants de la LCR ont lancé leur « parti anticapitaliste » en estimant qu’un espace s’était ouvert pour eux, avec le score de Besancenot à l’élection présidentielle : un PS deux fois battu, aux liens extrêmement distendus avec les ouvriers, les jeunes, à cause de la politique bourgeoise qu’il ne manque pas de mener au gouvernement comme dans l’opposition parlementaire ; l’agonie du PCF que manifestent ses scores électoraux ou ses campagnes de distribution de faux billets ; la lassitude de centaines de milliers de travailleurs qui avaient espéré en vain que Lutte ouvrière servirait à autre chose qu’à capter leur bulletin électoral tous les 5 ans ; le ratatinement des baudruches ATTAC, forums sociaux, altermondialistes, que feue la LCR gonflait à pleins poumons.

Cet espace, Besancenot et compagnie ont décidé de l’occuper, non en construisant un parti ouvrier révolutionnaire, mais un parti réformiste new look, plus vendable que le PS, le PCF, auprès des jeunes, auprès des travailleurs qui ont fait l’expérience de leurs multiples trahisons. Un parti non prolétarien qui ne formera aucun de ses militants au marxisme, à la théorie pour l’action du prolétariat révolutionnaire. Quelques exemples d’ignorance crasse et de réécriture besancenote du Capital.

La mondialisation marquée par une offensive des classes dominantes contre les travailleurs et les peuples pour augmenter les profits aboutit à une crise profonde et structurelle du mode de production capitaliste lui-même. (Principes fondateurs, chapitre 1)

En attaquant la valeur de la force de travail (intensification du travail, allongement de sa durée, stagnation ou baisse des salaires, chômage de masse, diminution de la protection maladie, des retraites, refus des titres de séjour, législation anti-grève, anti-syndicat, etc.), la classe capitaliste ne scie pas sa branche, contrairement aux stupidités citées plus haut, elle combat pour maintenir son taux de profit. Elle essaie de contrecarrer une contradiction majeure du mode de production capitaliste : la tendance à développer l’outil de production pour tenir dans la concurrence mondiale, au détriment du travail vivant, du travail des ouvriers, seule source de plus-value. La crise ne provient pas de l’ « offensive des classes dominantes contre les travailleurs », elle a plutôt été retardée par cette offensive, sans avoir pu être empêchée, ce qui donne une idée du pourrissement du mode de production capitaliste.

La « mondialisation », c’est-à-dire la tendance à l’internationalisation des forces productives, n’a rien de nouveau. Par rapport aux modes de production antérieurs, le capitalisme a constitué à cet égard un progrès considérable (qui permet d’envisager le socialisme mondial) :

Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays.

Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l’industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l’adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n’emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. À la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. À la place de l’ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations.

Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l’est pas moins des productions de l’esprit. Les œuvres intellectuelles d’une nation deviennent la propriété commune de toutes. L’étroitesse et l’exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle. (Marx, Manifeste du parti communiste, 1848, GB, p. 9)

Pourtant, selon le NPA comme pour tant de réformistes, une simple relance nationale résoudrait la crise mondiale.

La banqueroute actuelle est la conséquence logique d’un système en faillite. Elle est le produit de la contradiction entre le développement sans limite du crédit, l’économie d’endettement et le marché d’autant plus limité que les classes dominantes, à la recherche de la rentabilité maximum, entretiennent le chômage de masse, la précarité, bloquent les salaires… (Principes fondateurs, chapitre 1)

Des salaires plus hauts, des consommateurs plus nombreux et voilà la machine qui repart ! En somme, il suffirait de réguler l’offre et la demande. Pour eux, les racines de la crise capitaliste sont dans la sphère du marché, pas dans celle de la production. En cela aussi, ils ne sont pas marxistes, en cela aussi, ils trompent les prolétaires puisqu’ils font croire qu’on peut répondre aux besoins des masses dans le cadre du capitalisme.

Le NPA est bien un parti réformiste qui parle du socialisme comme les curés du paradis, mais qui s’arrange, ici et maintenant, avec le capitalisme.

Nous participons aux luttes pour des réformes immédiates et nos réponses politiques partent des réalités du terrain, de tout ce que chacun-e vit au quotidien. (Principes fondateurs, chapitre 4)

Les mots ne sont pas choisis au hasard, il ne s’agit pas du combat pied à pied pour la satisfaction des revendications, mais d’« une politique de réformes progressistes dans le cadre du système » à laquelle « le PS a même renoncé » (Principes fondateurs, chapitre 4).

A la vieille séparation entre programme minimum et programme maximum à laquelle le NPA se conforme, le Programme de transition rédigé par Trotsky et adopté à la conférence de fondation de la 4e Internationale donne une claque magistrale :

La tâche stratégique de la prochaine période – période prérévolutionnaire d’agitation, de propagande et d’organisation – consiste à surmonter la contradiction entre la maturité des conditions objectives de la révolution et la non-maturité du prolétariat et de son avant-garde (désarroi et découragement de la vieille génération, manque d’expérience de la jeune). Il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat.

La social-démocratie classique, qui développa son action à l’époque où le capitalisme était progressiste, divisait son programme en deux parties indépendantes l’une de l’autre : le programme minimum, qui se limitait à des réformes dans le cadre de la société bourgeoise, et le programme maximum, qui promettait pour un avenir indéterminé le remplacement du capitalisme par le socialisme. Entre le programme minimum et le programme maximum, il n’y avait aucun pont. La social-démocratie n’a pas besoin de ce pont, car de socialisme, elle ne parle que les jours de fête.

L’Internationale communiste est entrée dans la voie de la social-démocratie à l’époque du capitalisme pourrissant, alors qu’il ne peut plus être question de réformes sociales systématiques ni de l’élévation du niveau de vie des masses; alors que la bourgeoisie reprend chaque fois de la main droite le double de ce qu’elle a donné de la main gauche (impôts, droits de douane, inflation, déflation, vie chère, chômage, réglementation policière des grèves, etc.) ; alors que chaque revendication sérieuse du prolétariat et même chaque revendication progressive de la petite bourgeoisie conduisent inévitablement au-delà des limites de la propriété capitaliste et de l’État bourgeois.

La tâche stratégique de la 4e Internationale ne consiste pas à réformer le capitalisme, mais à le renverser. Son but politique est la conquête du pouvoir par le prolétariat pour réaliser l’expropriation de la bourgeoisie. Cependant, l’accomplissement de cette tâche stratégique est inconcevable sans que soit portée la plus grande attention à toutes les questions de tactique, même petites et partielles.

Toutes les fractions du prolétariat, toutes ses couches, professions et groupes doivent être entraînés dans le mouvement révolutionnaire. Ce qui distingue l’époque actuelle, ce n’est pas qu’elle affranchit le parti révolutionnaire du travail prosaïque de tous les jours, mais qu’elle permet de mener cette lutte en liaison indissoluble avec les tâches de la révolution.

La 4e Internationale ne repousse pas les revendications du vieux programme « minimum », dans la mesure où elles ont conservé quelque force de vie. Elle défend inlassablement les droits démocratiques des ouvriers et leurs conquêtes sociales. Mais elle mène ce travail de tous les jours dans le cadre d’une perspective correcte, réelle, c’est-à-dire révolutionnaire. Dans la mesure où les vieilles revendications partielles « minimum » des masses se heurtent aux tendances destructives et dégradantes du capitalisme décadent -et cela se produit à chaque pas-, la 4e Internationale met en avant un système de revendications transitoires dont le sens est de se diriger de plus en plus ouvertement et résolument contre les bases mêmes du régime bourgeois. Le vieux « programme minimum » est constamment dépassé par le programme de transition dont la tâche consiste en une mobilisation systématique des masses pour la révolution prolétarienne. (Trotsky, L’Agonie du capitalisme et les tâches de IVe Internationale, 1938, GB, p. 6…)

Soutien aux journées d’action

Parce qu’en dépit de l’habillage « gauche radicale », le programme est le même que celui du PS, du PCF, du PG, parce que le refus de la dictature du prolétariat est pareillement partagé, la LCR construisant le NPA a fait des blocs, aux dernières élections municipales avec la « gauche plurielle ».

Les initiatives prises en commun, en appui aux directions des confédérations syndicales, viennent confirmer que le fossé n’est pas si grand entre les différentes boutiques réformistes. Le congrès fondateur du NPA a été repoussé d’une semaine, officiellement pour permettre aux militants de se vouer sans entrave à la réussite de la journée d’action du 29 janvier… Dans les jours qui ont suivi, la direction nouvellement désignée a signé un communiqué avec le PS, le PCF, le Parti de Gauche (Mélenchon), le MRC (Chevènement), LO, les Alternatifs et d’autres Alter-Ekolos, qui vaut d’être cité :

Les partis et organisations de gauche réunis mardi 3 février à Paris se félicitent de l’ampleur du succès de la mobilisation sociale du 29 janvier. […] Contrairement à ce que vient d’affirmer le Premier ministre, la journée du 29 janvier porte clairement la demande d’un changement de cap, notamment sur les questions des salaires, de l’emploi, des services publics. Nicolas Sarkozy et le gouvernement ne peuvent se dérober à ces exigences et ignorer les grands axes avancés dans la plateforme syndicale unitaire.

Au sein de « la gauche », pas du tout gêné par la présence des socio-libéraux et des souverainistes, le NPA attend de Sarkozy qu’il change de politique, qu’il adopte la plateforme intersyndicale (qui s’avère très loin des véritables revendications ouvrières, en matière d’augmentation de salaires ou du maintien de tous les emplois) ! Les signataires se fixent d’ailleurs une prochaine rencontre « après l’intervention télévisée présidentielle du 5 février » : au cas où Sarkozy annoncerait qu’il cesse de mener la politique conforme aux intérêts de la bourgeoisie ? Autrement dit, le NPA sert à répandre des illusions nuisibles à la nécessaire mobilisation contre le gouvernement et les mesures réactionnaires qu’il prend. Il quémande quand la situation exige l’affrontement avec ce gouvernement, pour le forcer à capituler, pour le vaincre et le chasser. Ainsi, dans le même communiqué, le NPA et ses associés n’appellent pas à la reddition du gouvernement face à la grève générale de la population laborieuse de Guadeloupe, à la satisfaction de toutes les revendications. Non, ils taisent la grève générale, rebaptisée « mouvement social » et « demandent au gouvernement d’engager au plus vite de réelles négociations sur les revendications exprimées, notamment sur la question du pouvoir d’achat ».

Alors que 2,5 millions de salariés ont fait grève et manifesté le 29 janvier contre la politique du gouvernement, les directions des syndicats qui laissent isolée la grève générale de Guadeloupe organisent, dans l’unité, l’impuissance face à Sarkozy. Elles refusent de prendre en charge nationalement la défense des milliers de travailleurs licenciés, mis au chômage partiel : elles les parquent, entreprise par entreprise, de réunion de CA en tribunal de commerce, au lieu d’appeler à une manifestation centrale à Paris, pour aucune suppression d’emploi, pour l’expropriation des licencieurs. Tandis que les hospitaliers, les enseignants-chercheurs, les étudiants se battent contre les plans de Sarkozy, Bachelot, Pécresse, les directions des confédérations et des fédérations syndicales continuent de discuter avec le gouvernement. Elles appellent à une nouvelle journée d’action de 24 heures, le 19 mars, journée qui ne menace en rien le gouvernement et qui sert de soupape à la colère justifiée des travailleurs.

Le NPA reprend son stylo et signe, le 12 mars, avec les mêmes moins LO, un appel « à réussir le 19 mars une très grande journée de protestation et de propositions, plus forte encore de celle du 29 janvier ». Et son enthousiasme pour les journées d’action ne se dément pas, le 23 mars, son Comité exécutif titre sa déclaration : « Après le 19 mars, vite, une nouvelle journée de grèves et de manifestations ». Le NPA sert à vendre la tactique mortifère des grèves au pluriel, à couvrir les directions des syndicats dont il lui arrive de critiquer… le calendrier trop relâché entre deux « temps forts ».

Morceaux choisis

Le nom d’un journal est toujours un indice pour qualifier l’organisation qui le publie. La direction du NPA a choisi Tout est à nous !  En pensant à qui ? Aux ouvriers licenciés ? Aux familles expulsées de leur logement ?

Quant à la lecture de ce « On ferait semblant que », elle confirme évidemment la politique réformiste du NPA. Le n° 1 daté du 26 mars 2009 titre : « Après le 19 mars, cap sur la grève générale ». En guise de grève générale, sa ligne est celle de la reconduction des journées d’action, de l’accumulation des actions secteur par secteur, en rêvant de l’effet boule de neige.

Manifestations [de l’enseignement supérieur] réunissant des dizaines de milliers de personnes, actions « coup de poing » comme la récente occupation de Sciences Po par des étudiants et enseignants de Paris 8, lectures publiques de La Princesse de Clèves (ouvrage décrié par Sarkozy), cours « hors les murs », distributions de tracts sur les marchés, devant les écoles, les collèges et les lycées… volonté d’élargissement, en appelant à des journées d’action « de la maternelle à l’université » ou en prenant toute sa place le 19 mars. (Tout est à nous !  26 avril 2009)

Il n’y a maintenant pas d’autre solution que de préparer la grève reconductible par la base, dans les entreprises, dans les localités, en travaillant chaque fois que c’est possible à la convergence des luttes. (Tout est à nous !  9 avril 2009)

Le NPA appelle à « créer partout, dans l’unité, des comités de mobilisation pour définir les revendications unifiant l’ensemble du monde du travail, et préparer les prochaines étapes de la mobilisation ». Ce qui signifie, premièrement, que la grève générale n’est pas à l’ordre du jour, qu’il faut la « construire » selon l’expression qu’ils partagent avec tous les bureaucrates syndicaux ; deuxièmement, qu’il faut inventer une « plateforme unifiante ». Ils feignent d’ignorer que le principal obstacle à la grève générale, c’est le refus acharné des directions traîtres, au premier chef, des syndicats à affronter le gouvernement, à rompre toute collaboration avec lui, à appeler à la grève générale. Ne pas le dire, ne pas taper inlassablement sur ce clou, c’est rejeter obligatoirement la responsabilité de l’inaction ou de la défaite sur les travailleurs.

Mais « faisons semblant » un instant d’oublier que les conditions de vie imposées au prolétaires et au jeunes par Sarkozy, sa politique, son gouvernement, les patrons qu’il sert, la haine légitime qu’elles engendrent, constituent le levier politique capable de soulever le prolétariat et la jeunesse et examinons sérieusement la « plateforme unifiante » et le « Plan d’urgence sociale, écologique, démocratique » que défend le NPA et « la conférence de la Gauche anticapitaliste et européenne ».

Pour s’attaquer vraiment à la crise, pour définir de « nouvelles régulations », il faut s’attaquer au noyau dur du capitalisme, imposer une nouvelle répartition des richesses et prendre des mesures d’incursion dans la propriété capitaliste. (Tout est à nous ! 9 avril 2009)

Réguler, c’est réformer le capitalisme, vouloir corriger ses défauts. Répartir les richesses est un moyen de cette régulation. Le tout est une duperie de couards qui n’exproprieront jamais le moindre « capitaliste du CAC40 ».

De quel ordre doivent être les transformations dites profondes ? S’agit-il seulement de transformer une partie du capitalisme privé en capitalisme d’État ? Ou bien voulons-nous remplacer le capitalisme tout entier par un autre régime social ? Lequel ? Quel est notre but final ? Voulons-nous remplacer le capitalisme par le socialisme, par le communisme ou par l’anarchie proudhonienne ? Ou bien voulons-nous tout simplement rajeunir le capitalisme en le réformant et en le modernisant ? Quand je veux me déplacer pour une ou deux stations seulement, je dois savoir où va le train. Même pour des mesures d’urgence, nous avons besoin d’une orientation générale. (Trotsky, « Du plan de la CGT à la conquête du pouvoir », 1935, Le Mouvement communiste en France, Minuit, p.  487)

Ces remarques s’appliquent parfaitement à la pièce centrale des mesures d’urgence du NPA, « l’interdiction des licenciements ». Parce que le train de Besancenot ne se dirige pas vers le socialisme, il mène sa campagne en affirmant que cette revendication est absorbable dans la société capitaliste, que « c’est possible, tout est une question de rapport de forces ».

Dans les années 1970, les salariés victimes d’un licenciement économique touchaient 90 % de leur salaire pendant un an. Jusqu’en 1987, l’État devait donner son autorisation pour les licenciements économiques collectifs. […] Imposer l’interdiction est possible, comme les salariés ont imposé la journée de huit heures, les 40 heures, les congés payés, l’interdiction du travail des enfants. (Tout est à nous ! 2 avril 2009)

Censés doper la combativité, ces arguments montrent surtout qu’aucune protection durable ne peut être acquise par les travailleurs tant que les patrons, leurs gouvernements, leurs États détiennent le pouvoir. Ils prouvent que rien n’est à nous, ce qu’ils ont dû lâcher, ils le reprennent. Et vraiment, les ouvriers de la sidérurgie, du textile ont été mis à l’abri des licenciements collectifs « jusqu’en 1987 » ? Et même en s’en tenant à la France, la journée de huit heures et les 40 heures hebdomadaires sont unanimement respectées ?

Sous les rubriques « Appliquer le droit à l’emploi » et « Responsabiliser le patronat » (!), le dossier consacré à l’interdiction des licenciements arrachent les dernières plumes anticapitalistes à la bécasse réformiste :

Puisque ce sont les capitalistes qui monopolisent la possession des entreprises et des richesses produites, obligeant les travailleurs à louer leur force de travail, ces mêmes patrons doivent supporter la conséquence de cette situation et garantir les contrats de travail. (Tout est à nous ! 2 avril 2009)

Voilà, tant pis pour eux ! Tout est à eux, on le leur laisse, mais en échange, les patrons « doivent garantir les contrats de travail ». Et si les patrons n’ont pas le sens du devoir ? Et qui va garantir que les capitalistes garantissent ? Le gouvernement Sarkozy ? L’État bourgeois et ses lois ? Le NPA ?

Il faut bien conclure que le NPA a un programme d’aménagement de l’ordre existant.

Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise. Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s’occupent d’améliorer le sort de la classe ouvrière, d’organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit. (Marx, Manifeste du parti communiste, 1848, GB, p. 27)

L’édification d’un parti ouvrier révolutionnaire est une tâche urgente, décisive

Les travailleurs salariés ont besoin d’un parti qui représente leurs intérêts de classe, contre la classe des capitalistes, un parti délimité par son programme, celui de la révolution prolétarienne, par son indépendance absolue envers les bureaucraties syndicales et politiques, les vieux partis ouvriers-bourgeois. Il leur faut un parti qui agisse pour imposer les revendications de ceux qui produisent toutes les richesses, qui assurent les conditions d’existence de toute la population. Un parti qui, pour aller de l’avant, ne craindra pas d’aller au socialisme.

Notre classe se bat depuis un siècle et demi contre le capitalisme ; elle a accumulé bien des leçons dans cette lutte que quatre internationales ouvrières ont concentrées. Pour repartir à l’offensive, le prolétariat, la jeunesse à son côté, ont besoin d’un parti mondial qui renoue avec cette filiation.

Celui qui n’ose pas énoncer à voix haute les tâches révolutionnaires, celui-là n’aura jamais le courage de les résoudre […] L’initiative d’une minorité consciente, un programme scientifique, l’agitation courageuse et inlassable au nom d’objectifs clairement formulés, l’impitoyable critique de toute ambiguïté – ce sont là quelques uns des facteurs les plus importants pour la victoire du prolétariat. Sans un parti révolutionnaire soudé et aguerri, une révolution socialiste est inconcevable. (Trotsky, « Pour la 4e Internationale », 1935, Œuvres t. 5, EDI, p. 356…)

30 avril 2009