À propos de Révolutionnaires n° 6

Ce que la masse peut exiger d’un journal, c’est un programme clair et une direction juste. (Léon Trotsky, « Qu’est-ce qu’un journal de masse ? », 30 novembre 1934, Œuvres, t. 7, EDI, p. 176)

Deux NPA, deux journaux

Fin octobre 1928, la direction stalinienne du WCPA, la section américaine de l’Internationale communiste, expulse plusieurs cadres qui défendent les positions de l’Opposition de gauche du Parti communiste russe. Une semaine après, la CL (Ligue communiste) lance le bimensuel The Militant.

En décembre 2022, la direction opportuniste du NPA se sépare de tous ses courants d’opposition, garde l’argent, les locaux et l’organe hebdomadaire, L’Anticapitaliste. Le courant Convergences révolutionnaires, issu de LO, prend la tête du reste du NPA, avec le courant Anticapitalisme et révolution, issu de l’ex-LCR. Cinq mois après la scission, ils lancent un nouveau mensuel.

Le mensuel Révolutionnaires a plus pour modèle l’ennuyeux « journal d’Arlette Laguiller » (sic), l’hebdomadaire Lutte ouvrière, que la presse du Parti bolchevik ou celle de la 4e Internationale.

Les économistes ont dit que la presse de Lénine n’était pas faite pour les ouvriers… Il est vrai que l’« Iskra » n’était pas à la portée de tout ouvrier. C’est un paquet de quatre pages aux trois colonnes finement imprimées. Mais Lénine ne s’adresse dans cet organe qu’aux ouvriers avancés. Lénine distingue trois degrés de conscience et trois types de presse leur correspondant : les ouvriers avancées, à qui est destiné l’organe central ; les ouvriers moyens, à qui il faut un journal populaire ; les couches inférieures du prolétariat qu’il faut atteindre par les tracts. (Madeleine Worontzoff, Lénine et la presse révolutionnaire, 1975, La Taupe rouge, p. 25-26)



Alors que la loi est promulguée le 14 avril grâce au sabotage des dirigeants syndicaux (CFDT, CGT…) et des partis sociaux-impérialistes (LFI, PS, PCF), le premier numéro fait croire qu’il est encore possible de gagner sur les retraites. Le deuxième numéro va jusqu’à vanter les casserolades lancées par LFI.



Le sixième numéro parait après l’opération du Hamas sur le territoire d’Israël du 7 octobre et à la veille de la journée d’action du 13 octobre appelée par l’Intersyndicale CFDT-CGT-FO-UNSA-SUD-FSU-CFTC-CGC.


Aucun programme pour la Palestine

Quand on a appris le « trotskysme » (sic) à l’école de LO, on considère Israël comme un État qui, comme tant d’autres, traite mal une minorité nationale.

Tous ces faits montrent ce que signifie en fait l’État sioniste : l’oppression de la minorité arabe par la majorité juive. C’est pourquoi la lutte pour le socialisme dans cette partie du monde passe pour les révolutionnaires israéliens, par la lutte pour la désionisation de l’État israélien… Nous ne considérons pas que la disparition de l’État d’Israël soit nécessaire ou souhaitable. Nous pensons même que son existence pourrait être bénéfique à toute la population arabe et juive du Moyen-Orient… Pour que l’État d’Israël puisse être bénéfique aux Juifs et aux arabes du Moyen-Orient, il lui faudrait une politique et une structure socialistes. (« Le problème palestinien », Lutte de classe, juillet 1967)


Selon le fondateur de LO, Israël pouvait devenir… socialiste. Cela donne la mesure du niveau théorique du personnage. Cela explique le titre, incongru, du numéro de Lutte ouvrière vendu en compétition avec Révolutionnaires lors des manifestations du 13 octobre.

L’éditorial de Révolutionnaires porte, à juste titre, sur la guerre d’Israël contre les Palestiniens. Mais il est incapable de tracer une perspective.

Il faut qu’aujourd’hui s’exprime au niveau international une solidarité contre sa politique colonialiste. Une solidarité internationale qui permette de sortir les Palestiniens et les Palestiniennes de l’isolement et d’encourager la classe ouvrière et la jeunesse israélienne à rompre avec leur État et sa politique sioniste raciste. (Révolutionnaires n° 6, 11 octobre, p. 2)

La formule nébuleuse de « sortir de l’isolement » les Palestiniens et d’« encourager la classe ouvrière et la jeunesse israélienne à rompre avec leur État » reste compatible avec la ligne de l’appareil de la CGT et de ses clones SUD et FSU.

La seule voie démocratique, progressiste est de démanteler l’État basé depuis 1948 sur la colonisation de la Palestine pour faire place à une Palestine unifiée, démocratique, laïque, bilingue, binationale. La seule force capable de mener cette tâche historique est la classe ouvrière. Elle ne pourra la mener à bien qu’en instaurant un gouvernement ouvrier en Palestine et en fondant la fédération socialiste du Proche-Orient.

La conférence sociale de Macron et Borne : « c’est juste du théâtre » ?


Photo de Gauche, Borne ; de droite, François Hommeril (CFE-CGC), Marylise Leon (CFDT), Frédéric Souillot (FO) et Sophie Binet (CGT)

Révolutionnaires minimise la participation des directions syndicales à la conférence sociale de Macron-Borne.

Elles ont toutes privilégié la participation à la « conférence sociale » du 16 octobre, sur le thème des « bas salaires, de la revalorisation des carrières et du salaire minimum ». Là le patronat n’a pas beaucoup à s’inquiéter : c’est juste du théâtre. (Révolutionnaires n° 6, p. 6)

Pas très différent de l’attitude de la direction de LO : « conférence sociale, cinéma total » (16 octobre) et de ce que racontent les cheffes des bureaucrates.

« On reste sur notre faim », a regretté la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon. « Tout ça pour ça ! », a déploré son homologue de la CGT Sophie Binet. (Les Échos, 17 octobre)

Ce n’est ni du théâtre, ni du cinéma, c’est une preuve de la collaboration de classe dont a besoin le gouvernement.

Ce n’est pas tout. La première ministre annonce lors de la conférence aux « partenaires sociaux » la création permanente d’un nouvel organisme d’association capital-travail, le Haut Conseil des rémunérations. À notre connaissance, aucun dirigeant syndical n’a décliné l’offre.

Un Haut Conseil aux rémunérations sera créé. La CGT demande que sa composition garantisse une vraie pluralité et indépendance et qu’il se substitue au comité des experts du SMIC. (CGT, Communiqué de presse, 16 octobre)

Les membres du HCR seront probablement bien rémunérés, comme les bureaucrates syndicaux des conseils d’administration des grandes entreprises, du Conseil économique, social et environnemental, du Conseil d’orientation des retraites, etc. sur lesquels LO, les NPA, les POI, RP, etc. sont si discrets.

La bourgeoisie d’une grande puissance impérialiste peut, économiquement, soudoyer les couches supérieures de ses travailleurs… La question de savoir comment cette petite aumône est répartie entre ministres « ouvriers », députés « ouvriers », travailleurs membres des organismes de gestion d’entreprises, permanents… est une question secondaire. (Vladimir Lénine, « L’Impérialisme et la scission du socialisme », octobre 1916, Œuvres, t. 23, Progrès, p. 127)

La participation à la « conférence sociale » en octobre 2023, la concertation de l’hiver 2022-2023 sur le projet contre les retraites, le vote pour Macron au second tour de la présidentielle en avril 2022, ne sont pas « du théâtre » ou « du cinéma ».

Elles correspondent au refus, au printemps, par les directions syndicales de la grève générale pour défendre les retraites, leur sabotage du mouvement à coup de « grèves reconductibles », de 14 « journées d’action », de pétition, de référendum, d’appel au Conseil constitutionnel, de casserolades…

Face à l’inflation, Révolutionnaires titre : « Augmenter les salaires, pas les actionnaires », « 400 € net/mois », « Les salaires doivent suivre les prix » (p. 1). Mais comment faire pour les arracher ? Certainement pas en se plaçant à la remorque des chefs syndicaux comme y invitent LO, RP et les deux NPA.

Le 13 octobre, à l’appel de l’intersyndicale et de cinq organisations de jeunesse, nous aurons l’occasion de mesurer notre force dans la rue. Soyons nombreuxEs en grève et dans la rue ! (NPA-AC, 5 octobre)

Les directions syndicales appellent à une journée de mobilisation le 13 octobre, pour les salaires. C’est plus que nécessaire. Ce sera une occasion d’imposer notre présence et nos revendications…. Soyons nombreux en grève et en manifestation ce jour-là. Que la conférence sociale commence un peu plus tôt que prévu… avec quelques millions d’invités-surprise ! (NPA-R, 2 octobre)

Dans les entreprises et les administrations, dans les syndicats, il faut combattre pour l’indépendance de classe, pour la rupture avec le gouvernement Macron-Borne !

La tâche la plus importante du parti révolutionnaire est désormais d’émanciper les travailleurs de l’influence réactionnaire de la bureaucratie syndicale. (Léon Trotsky, « L’ILP et la nouvelle internationale », 4 septembre 1933, Œuvres, t. 2, EDI, p. 178)

25 octobre 2023