À propos de Pour lire la 1re Internationale de Marcello Musto

L’histoire de l’Internationale a été une lutte continuelle du conseil général contre les sectes et les tentatives d’amateurs, qui tentèrent toujours de se maintenir contre le mouvement réel de la classe ouvrière au sein de l’internationale elle-même. (Karl Marx, « Lettre à Bolte », 23 novembre 1871, Friedrich Engels, Karl Marx, Œuvres choisies, t. 2, Progrès, 1976, p. 442)

Quelques éditions du livre de Musto(l’illustration de la traduction en espagnol des éditions Bellaterra est anachronique, elle concerne la 2e Internationale)


Marcello Musto, professeur de sociologie à la New York University de Toronto, a livré en 2014 un ouvrage sur l’Association internationale des travailleurs depuis ses débuts en 1864 jusqu’à sa dissolution en 1876. En 2022, il a été traduit de l’anglais par Alexia Blin et Antony Burlaud sous le titre Pour lire la 1re Internationale adapté à une collection de l’éditeur (« Propédeutique », Éditions sociales, Paris, 408 pages, 17 euros). Musto est aussi l’auteur en 2020 de Les Dernières années de Karl Marx, publié en français par les PUF en 2023.

Quoique tardive, la parution en français de Pour lire la 1re Internationale est bienvenue, d’autant que la précédente étude (Mathieu Léonard, L’Émancipation des travailleurs, une histoire de la Première Internationale, La Fabrique, Paris, 2011) n’est plus disponible. L’ouvrage comporte :

  • une préface (p. 7-11),
  • une introduction historique dont l’essentiel avait été publié en français, traduit de l’italien, par la revue théorique du PCF La Pensée en 2014 (p. 15-112),
  • une chronologie des conférences et congrès (p. 112),
  • un tableau des effectifs (p. 113),
  • une bibliographie (p. 395-400),
  • une anthologie copieuse : rapports, résolutions, discours… (p. 115-390) qui permet d’appréhender les débats de l’AIT et ses avancées, dans le langage de l’époque : par exemple, le mot « réformisme » n’existait pas et on s’interpelait comme « citoyens » et non « camarades ».

Le choix du regroupement des documents par thème puis, au sein du thème, par date (voir p. 11) présente l’avantage de permettre à la lectrice ou au lecteur de trouver rapidement sur un sujet donné. Par contre, il tend à dissoudre l’évolution de l’AIT. En outre, une erreur est reproduite telle quelle de la première édition : le texte 52 (septembre 1867) aurait dû précéder les 50 et 51 (tous deux de septembre 1868).

Deux reproches à l’éditeur français : il n’a pas inclus d’index (contrairement à celui de la version originale) et le livre est matériellement fragile.

La naissance de l’AIT à Londres en 1864

Les expériences antérieures des Fraternal Democrats (1845-1857), des Comités de correspondance communiste (1846-1847), de la Ligue des communistes (1847-1852) et de la Société universelle des communistes révolutionnaires (1850) étaient géographiquement et numériquement limitées.

1864, meeting de Londres


Le 28 septembre 1864, 2 000 ouvriers et artisans, principalement anglais et français, se retrouvèrent au Saint Martin’s Hall à Londres, pour lancer l’Association internationale des travailleurs, appelée rétrospectivement « 1re Internationale », qui sera active jusqu’en 1872. Elle permit à une avant-garde de travailleurs de mieux comprendre les rouages du capital, de débattre dans un cadre commun, par-delà les frontières tracées par les classes dominantes. Les gouvernements l’espionnèrent toujours et la persécutèrent souvent.

  • 1864, conférence à Londres (Royaume-Uni)
  • 1866, 1er congrès à Genève (Suisse)
  • 1867, 2e congrès à Lausanne (Suisse)
  • 1868, 3e congrès à Bruxelles (Belgique)
  • 1869, 4e congrès à Bâle (Suisse)
  • 1872, 5e congrès à La Haye (Pays-Bas)
  • 1876, 6e congrès à Philadelphie (États-Unis)

L’AIT se dota d’un organe central, le conseil général, qui a siégé de 1864 à 1872 dans le pays le plus avancé économiquement de l’époque et dans la métropole européenne qui tolérait le plus de réfugiés. Elle regroupait à l’origine :

  • en Grande-Bretagne, des socialistes utopiques disciples de Robert Owen (John Weston…) et des responsables syndicaux (George Odger, George Potter…),
  • des anarchistes de la première manière ou « mutuellistes » adeptes de Pierre-Joseph Proudhon, en France (Henri Tolain, Ernest Fribourg, Eugène Varlin…), en Suisse (Pierre Coullery…) ou en Belgique (César De Paepe…), hostiles à la grève comme arme de lutte et à l’engagement des ouvriers en politique, conservateurs sur la question de l’émancipation des femmes, hostiles à l’adhésion à l’AIT des intellectuels.
  • des éléments non socialiste comme les disciples de Giuseppe Mazzini, axés sur des revendications nationales, cléricaux et favorables à la coopération entre classes sociales (Louis Wolff…),
  • l’aile la plus consciente, sous forme d’un réseau de communistes formés au contact du premier mouvement politique de masse de la classe ouvrière, le chartisme britannique (1838-1848), et anciens membres de la Ligue des communistes (1847-1852). Animé par Karl Marx et Friedrich Engels, il s’efforçait de comprendre les contradictions du système de production capitaliste et de préparer son renversement par la classe ouvrière.

Karl Marx parvint jusqu’en 1872 à faire de ce magma l’organisation qui exprimait le mouvement réel. Bien que simple figurant du rassemblement inaugural, c’est lui que le conseil général chargea de rédiger l’adresse inaugurale et les statuts provisoires, de nombreuses résolutions, les comptes-rendus de ses congrès.

Lorsque Marx fonda l’Internationale, il rédigea les statuts généraux de manière que tous les socialistes de la classe ouvrière de cette époque pussent y participer : proudhoniens, lerouxistes et même la partie la plus avancée des syndicats anglais. Ce n’est que grâce à cette large base que l’internationale est devenue ce qu’elle fut : le moyen de dissoudre et d’absorber progressivement ces petites sectes, à l’exception des anarchistes. (Friedrich Engels, « Lettre à Florence Kelley-Wischnewetzky », 27 janvier 1887, cité par Roger Dangeville, « Introduction », dans Friedrich Engels & Karl Marx, Le Mouvement ouvrier français, Maspero, t. 2, 1974, p. 5)

Marx fut l’âme politique et organisationnelle du conseil général de l’AIT, en fournissant un programme clair et inclusif, doté d’un solide contenu de classe, reliant toujours fermement lutte économique et lutte politique, démontrant le caractère international de la lutte des travailleurs salariés. Il refusa toujours tout titre honorifique suggéré par les autres membres du conseil général.

Au départ, une organisation animée par un émigré allemand… sans section en Allemagne

Grâce au travail obstiné de Marx, à son expérience dans la Ligue des communistes ((1847-1852) et dans la révolution allemande (1848-1850), à la profondeur de son analyse du capitalisme (dont témoigna la parution du livre I du Capital, 1867) et à son sens du rassemblement, l’internationale se développa, dépassant la diversité des contextes nationaux. Marx s’attacha à maintenir cette difficile unité, au prix de concessions, tout en lui donnant toujours un contenu révolutionnaire. Il affuta ses conceptions politiques, au feu de problèmes posés par la lutte de classes mondiale et au fil du combat contre les courants qui voulaient tirer en arrière l’internationale, voire la détruire.

Le premier parti politique ouvrier de taille significative, l’Association générale des travailleurs allemands (ADAV) fondée en 1863 par Ferdinand Lassalle (qui cherchait secrètement à collaborer avec la premier ministre prussien Bismarck), un parti dépourvu de démocratie interne et partisan de la conquête de l’État national, resta à l’écart de l’AIT. À tort, Musto met sur le même plan les socialistes étatistes et les communistes.

Dans la Confédération de l’Allemagne du Nord, malgré la présence de deux organisations politiques du mouvement ouvrier, l’ADAV, lassallienne, et le SDAP lié à Marx, l’enthousiasme pour l’Internationale était faible… Pendant les 3 premières années, ils ignorèrent presque complètement l’AIT. Mais le tableau se modifia quelque peu à partir de 1868… les deux partis rivaux aspirèrent à représenter l’aile allemande de l’AIT. (Marcello Musto, Pour lire la 1re Internationale, p. 55)

Musto se trompe. D’une part, si les communistes allemands n’étaient pas sans défaut, il est abusif de les assimiler aux socialistes étatistes. D’autre part, l’auteur s’empêtre dans les noms de parti et dans les dates.



  • De 1864 à 1867 (« les trois premières années » de l’AIT), aucun SDAP n’a existé.

    En 1864, il n’y avait en Allemagne pas deux mais une seule « organisation politique du mouvement ouvrier », l’ADAV pro-prussienne dirigée par Lassalle puis après sa mort en duel par Jean Baptista von Schweitzer (à la manière dont Mélenchon régente LFI).

    Il y avait en 1864 une VDAV antiprussienne mais elle n’était pas « une organisation politique du mouvement ouvrier » puisqu’elle mélangeait encore des éléments ouvriers hostiles à l’ADAV et des bourgeois démocrates. Ce n’est qu’en 1868, quand l’aile ouvrière (dirigée par August Bebel et Wilhelm Liebknecht, « liés à Marx ») se prononça clairement pour l’AIT, que la bourgeoisie libérale déserta la VDAV.

    Le SDAP n’apparut qu’en 1869, cinq après la fondation de l’AIT, quand une minorité de l’ADAV, favorable à l’internationale, fusionna avec la VDAV.

    En 1875, après la disparition de l’AIT, ce qui restait de l’ADAV fusionna, lors du congrès de Gotha, avec le SDAP pour former le SAP (renommé SPD en 1890) qui se réclamait tant de Marx que de Lassalle (voir, entre autres, Joseph Rovan, Histoire de la social-démocratie allemande, Seuil, 1978, p. 24-45).ille limitée et financièrement indigente

    Selon Musto, l’importance numérique des membres des sections affiliés à l’AIT a été surestimée, que ce soit par ses partisans ou par ses détracteurs. À son apogée en 1871, elle devait compter 150 000 adhérents, dont 50 000 en Grande-Bretagne, 30 000 en France, 30 000 en Belgique, 30 000 en Espagne, 30 000 en Italie, 10 000 en Allemagne, 6 000 en Suisse, 4 000 aux États-Unis, sachant que dans la plupart des États européens (monarchie prussienne, monarchie italienne, monarchie espagnole, empire autrichien, empire français, empire russe…), appartenir à l’AIT n’était pas légal.

    Sa composition sociologique ne recoupait qu’en partie la main d’œuvre des grandes villes européennes. À sa fondation, l’AIT était peu implantée au sein du prolétariat industriel, surtout en France, car elle regroupait surtout des salariés de l’artisanat (tailleurs, ébénistes, cordonniers, horlogers, imprimeurs…) qui étaient déjà en fait les mieux organisés. En Suisse, sa base principale était francophone et artisanale plutôt que germanophone et industrielle. Cependant, contemporaine de l’expansion capitaliste en Belgique, en France, en Suisse, en Allemagne, aux États-Unis… elle y recruta des ouvriers de l’industrie et du bâtiment.

    Ses ressources financières étaient tout aussi ténues, d’une instabilité chronique. Les contributions individuelles étaient rares, et les cotisations venaient principalement des syndicats pour une somme totale collectée de quelques dizaines de livres par an. Ce qui suffisait à peine à payer le salaire du secrétaire général (4 shillings/semaine) et impliquait de devoir subir les expulsions pour les arriérés de paiement. Néanmoins, malgré ces difficultés, l’internationale put maintenir une instance assurant la direction politique à travers son conseil général qui se réunit 385 fois entre 1864 et 1872.

    1864-1870, l’expansion en lien avec une vague de grèves

    Jusqu’en 1870, le mouvement ouvrier progressa numériquement (des syndicats se créaient, l’AIT s’étendit) et qualitativement (l’influence des socialismes utopiques et de l’anarchisme à la Proudhon recula).

    1866, 2e congrès à Genève


    Durant les premiers congrès de l’AIT, les « mutuellistes », au départ hégémoniques en France, en Suisse romande et en Belgique, conservaient une grande influence. Ils constituaient son aile conservatrice (on dirait aujourd’hui réformiste). Les disciples de Leroux, de Proudhon, d’Owen ou de Lassalle exprimaient leur hostilité aux grèves et aux syndicats (les « sociétés de résistance »).

    Proudhon voulait persuader l’État d’instaurer le crédit gratuit pour que les travailleurs restent indépendants et se relient librement. Proudhon, Owen et Lassalle soutenaient que la « loi d’airain des salaires » empêchait d’augmenter le salaire réel). Au contraire, le conseil général préconisait les luttes « économiques » comme point d’appui pour l’abolition du salariat.

    Heureusement, les dirigeants syndicaux britanniques, s’ils étaient plus au plan politique proches des libéraux bourgeois que communistes, ni les anciens chartistes ne s’opposaient ni aux revendications démocratiques, ni aux luttes économiques. Au passage, Musto sème parfois la confusion entre réformes et réformisme, celle qu’entretiennent les réformistes.

    Il a semblé indispensable d’inclure [dans l’anthologie] les écrits qui revendiquaient une alternative au système capitaliste, y compris la défense de mesures réformistes à exiger hic et nunc. (p. 9-10)

    Ces revendications réformistes… (p. 34, les traducteurs, qui ont senti le problème, ont ajouté des guillemets absents de l’original, voir Workers Unite!, p. 14)

    Les revendications économiques et politiques des travailleurs, reprises par l’AIT, n’étaient pas réformistes. L’ABC est de distinguer les exigences des travailleurs et le courant opportuniste qui prétend qu’il faut s’y limiter ou que leur satisfaction amènera progressivement à une société plus juste : « possibilistes », « trade-unionistes », « économistes » « réformistes »…

    Quiconque se prononce en faveur de la réforme légale, au lieu et contre le la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas une voie plus paisible, plus sure conduisant au même but. Il a en vue un but différent. Il se contente de modifications superficielles apportées à l’ancienne société. (Rosa Luxemburg, « Réforme sociale ou révolution ? », 1898-1899, Œuvres, Maspero, t. 1, p. 73)

    D’ailleurs, Musto emploie à plusieurs moments le terme « réformistes » dans ce sens (p. 17, p. 78) afin de les distinguer des révolutionnaires,

    Le soutien en 1866 du conseil général aux salariés de la confection de Londres en grève entraina l’adhésion de cinq sociétés de tailleurs (soit 500 ouvriers). Dès son premier congrès, l’AIT enregistra ainsi l’affiliation de 17 syndicats et 25 000 nouveaux membres. En deux ans, ce sont plus de 100 syndicats et organisations politiques qui adhérèrent à l’internationale.

    En 1866, après la guerre civile aux États-Unis, les membres de l’AIT aidèrent William Sylvis à créer une centrale syndicale, la National Labor Union (NLU), qui s’adressait aux non-qualifiés et combattait pour limiter la journée de travail à 8 heures. Malheureusement, Sylvis mourut en 1867.

    Durant l’année 1867, de nombreuses grèves en France et en Suisse se développèrent face aux terribles conditions de travail des ouvriers de l’industrie, et l’internationale permit, grâce à la solidarité des fonds de soutien, de résister à l’oppression patronale. Elle fit la démonstration de la nécessité d’un front de classe et de la coopération internationale. Ainsi, son audience s’élargit en Europe continentale, notamment en France et en Suisse qui compta jusqu’à 25 sections à Genève.

    À Lyon, ce n’était pas l’internationale qui jeta les ouvriers dans la grève, mais la grève qui les jeta dans l’internationale. (« Rapport du conseil général au 4e congrès », septembre 1869, La Première Internationale, 10-18, p. 253)

    C’est en Grande-Bretagne que l’AIT comptait alors le plus de membres, 50 000 en 1867 (sur 800 000 ouvriers syndiqués). Néanmoins, elle y stagnait et peinait à rallier les ouvriers de l’industrie (hormis l’United Excavators) et les non qualifiés. Les ouvriers mécaniciens ne sentaient pas menacés par la concurrence étrangère. Le droit de vote donné aux ouvriers et la légalisation des syndicats entretint l’idée d’une voie pacifique dans la résolution du conflit inhérent au capitalisme. Les dirigeants syndicaux se tournèrent de plus en plus vers le Parti libéral. Ceci était une exception, car les mesures répressives contre les syndicats demeuraient en Europe.

    L’affaissement de l’anarchisme patriarchal et antisyndical

    La transformation capitaliste du continent européen et l’expérience sapèrent l’influence des « mutuellistes » dans l’AIT. Le 2e congrès se tint à Lausanne en 1867 avec 72 délégués, sans Marx, absorbé par Le Capital, ce qui laissa le champ libre aux mutuellistes pour imprimer leurs lubies de mouvement coopératif et de crédit gratuit. Néanmoins, grâce au belge César De Paepe, devenu « collectiviste », le congrès vota déjà un rapport favorable à la collectivisation des transports et de la circulation. De même, De Paepe souligna le caractère inévitable des guerres en régime capitaliste.

    La répression politique frappa les premières sections françaises de l’AIT et radicalisa les plus jeunes membres qui fréquentèrent en prison des blanquistes (si Proudhon n’avait jamais regroupés ses partisans, Blanqui ne cessa jamais de le faire). Les grèves des bronziers parisiens, des tisserands lyonnais, des mineurs de Saint-Étienne améliorèrent leur condition de vie, accrurent leur conscience de classe. La pratique fit évoluer les anciens mutuellistes tout en confirmant le programme de l’AIT, l’importance des grèves et du combat politique.

    En septembre 1868, à Bruxelles, le 3e congrès de l’internationale (avec 99 délégués) mit en minorité les mutuellistes. Il approuva la socialisation de la production, et adopta le principe de la propriété collective du sol arable. Il avança même des mesures environnementales comme la nature collective des forêts, la conservation des sources. Pour la première fois, l’internationale se prononça pour la socialisation des moyens de production, une victoire pour le conseil général. De plus, une motion contre la guerre fut présentée.

    En Angleterre, l’internationale stagnait bien qu’ayant réussi à contenir les velléités des patrons d’importer des briseurs de grèves.

    En 1868, le 5e congrès de la VDAV d’Allemagne se prononça pour l’AIT, même si la loi prussienne interdisait son adhésion directe. De 1866 à 1871, Johann Philipp Becker publia à Genève Der Vorbote, le premier organe de l’AIT en langue allemande. Cela permit de constituer en Allemagne quinze sections à l’apogée de l’AIT.

    En France, en 1868, la répression du Second Empire entraina la disparition de toutes ses sections, sauf à Rouen. Varlin succéda à Tolain et renonça aux positions mutuellistes. Malgré un regain de l’organisation, seulement un tiers des départements français contenaient une section de l’organisation. Les disciples de Blanqui commencèrent à y adhérer.

    En Belgique, l’AIT parvint à atteindre sa plus forte densité d’implantation

    La reformulation de l’anarchisme à l’écart de l’AIT

    En 1864, Marx tenta d’associer à la construction de l’AIT Mikhaïl Bakounine, un révolutionnaire russe qui était étranger au mouvement ouvrier lors de la révolution européenne de 1848-1850. Celui-ci répondit favorablement.

    Bakounine était avant tout un aventurier qui s’est tenu, la plus grande partie de sa vie, à l’écart du mouvement ouvrier. Ses vues variaient considérablement au fil du temps. Sa seule constance était le rejet du matérialisme historique. De 1848 à 1863, il était à l’aile gauche du nationaliste panslave, en appelant plus d’une fois au tsar (La Cause du peuple, 1862). En 1863, Bakounine fut reçu en tant qu’opposant russe par le roi de Suède. Lors du banquet, il défendit la monarchie constitutionnelle avec de hauts fonctionnaires, des dignitaires protestants, des aristocrates et des capitalistes.

    De retour en Italie après la rencontre avec Marx, il lança à la fois sa secte et sa propre version du socialisme.

    Dès 1864 Bakounine réussit à grouper un certain nombre d’Italiens, de Français, de Scandinaves et de Slaves dans cette société secrète, qui s’appela la Fraternité internationale ou Alliance des révolutionnaires socialistes. (James Guillaume, « Notice biographique », dans Mikhaïl Bakounine, Œuvres t. 2, Stock, 1907, p. XXX)

    Ainsi naquit l’anarchisme moderne (les « antiautoritaires ») qui combina l’athéisme et l’indifférence à la démocratie de Stirner, l’hostilité à la politique de Proudhon et la préparation à la façon de Blanqui du soulèvement par une minorité.

    Il est nécessaire qu’au milieu de l’anarchie populaire, l’unité de la pensée et de l’action révolutionnaire trouve un organe. Cet organe doit être l’association secrète et universelle des frères internationaux… une sorte d’état-major composé d’individus dévoués, énergiques, intelligents… capable de servir d’intermédiaire entre l’idée révolutionnaire et les instincts populaires. Le nombre de ces individus ne doit donc pas être nombreux. Pour l’organisation internationale dans toute l’Europe, cent révolutionnaires fortement et sérieusement alliés suffiront. (Mikhaïl Bakounine, « Programme et objet de l’Organisation secrète révolutionnaire des frères internationaux », automne 1868, dans Daniel Guérin, Ni Dieu ni maitre, anthologie de l’anarchisme, 1970, La Découverte, 2011, p. 231-232, une citation plus courte figure dans Musto, p. 95)

    Blanqui ne pratiquait pas, lui, un double langage alors que les biographes de Bakounine ont été interloqués en découvrant le contraste entre la posture antiautoritaire affichée et les pratiques sectaires dissimulées.

    Bakounine dénonçait le despotisme de Marx… Mais ces principes ne s’appliquaient en aucun cas à l’Alliance secrète et sélective dont les membres devaient être comme « des pilotes invisibles dans la tempête des passions populaires ». La révolution devait être dirigée « non par un pouvoir visible, mais par la dictature collective de l’Alliance. Dans ce but, les membres de l’Alliance devaient sacrifier leur liberté personnelle à une discipline aussi rigide que celle des Jésuites (Bakounine revint plus d’une fois à cette comparaison, dont la force résidait dans « l’effacement de l’individu face à la volonté collective ». (Edward Carr, Michael Bakunin, Macmillan, 1937, p. 422-423, pas traduit)

    Peu importe que les multiples organisations secrètes imaginées par l’aventurier n’aient pas toutes existé. Une organisation qui réclame l’obéissance sans programme, sans statut, sans congrès, sans élection est une clique ou un culte. La soumission des adeptes s’oppose à la discipline de militants ouvriers en droit de débattre du programme, de se prononcer sur l’orientation et d’élire leurs organes dirigeants. Il faut distinguer la clandestinité à laquelle une organisation ouvrière peut être contrainte par la répression de l’État bourgeois et les groupes conspiratifs qui échappent volontairement à tout contrôle de la classe ouvrière. On retrouve un héritage douteux du bakouninisme dans le fonctionnement des black blocs mais aussi, de manière plus inattendue, dans LFI bâtie autour de Mélenchon et même dans VO-LO qui a caché durant 30 ans son organisation, ses congrès, son gourou (Hardy) aux travailleurs, au contraire du Parti bolchevik, pourtant confronté à une répression autrement violente.

    La LIPL, une organisation bourgeoisie concurrente

    Quelle furent les débuts de la société secrète de Bakounine ? Toujours à l’écart du mouvement ouvrier, l’Alliance participa, à la fondation d’une organisation bourgeoise par des personnalités libérales européennes (dont John Stuart Mill, John Bright, Giuseppe Garibaldi, Victor Hugo). Elle opposait aux tensions grandissantes entre puissances européennes l’utopie des États-Unis (capitalistes) d’Europe.

    La tenue à Genève, en septembre 1867, du congrès constitutif de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, lui offrit l’occasion inattendue d’exposer ses idées devant un auditoire prestigieux. (Gaetano Manfredonia, L’Anarchisme en Europe, PUF, 2001, p. 42)

    Bakounine fut élu par le congrès au comité directeur de l’organisation bourgeoise. Les bakouninistes ne parvenant pas à s’emparer de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, l’aventurier en vint à préconiser la fusion de celle-ci avec l’internationale ouvrière en pleine croissance, naturellement sous son égide.

    Non, je n’ai jamais eu l’intention de noyer notre Ligue dans l’Association internationale des ouvriers. Reconnaitre et annoncer que nous prenons pour point de départ et pour base de nos principes politiques les grands principes économiques et sociaux qui sont acceptés par l’AIT ne signifie pas se mettre à sa remorque et en devenir l’esclave. (Mikhaïl Bakounine, « Lettre au président de la LPL », septembre 1868, dans James Guillaume, L’Internationale, documents et souvenirs, t. 1, SNLE, 1905, p. 73)

    1868-1869, l’OPA anarchiste sur l’AIT

    Bakounine en convainquit la section de Genève de l’AIT. Quant au conseil général de l’AIT, il déclina sèchement l’offre. En 1868, au congrès de Berne de LPL, Bakounine dénonça le communisme, ce qui n’était pas pour déplaire aux bourgeois « libéraux ».

    Parce que je demande l’égalisation économique et sociale des classes… on m’a reproché d’être communiste… je hais le communisme parce qu’il est la négation de liberté. (cité par James Guillaume, L’Internationale, t. 1, p. 74-75)

    Malgré tout, son projet fut rejeté par Ligue internationale de la paix et de la liberté. Déçu, Bakounine la quitta avec Élisée Reclus, Aristide Rey, Charles Keller, Victor Jaclard, Albert Richard, Nicolas Joukovsky, Valérien Mroczkowski, Giuseppe Fanelli, Saverio Friscia, Alberto Tucci… pour fonder l’Alliance internationale de la démocratie socialiste. L’AIDS demanda à adhérer comme telle à l’AIT.

    L’Organisation secrète révolutionnaire des frères internationaux doublait clandestinement son Alliance internationale de la démocratie socialiste qui, elle se manifestait au grand jour et sollicitait d’être admise en bloc dans l’Internationale. (Daniel Guérin, Ni Dieu ni maitre, 1970, La Découverte, 2011, p. 225)

    Le conseil général ayant refusé le 22 décembre 1868 l’adhésion d’une structure internationale, par nature concurrente, Bakounine prétendit qu’elle s’était dissoute en février 1869 et annonça la reconversion en groupes publics dans différents pays qui demanderaient séparément leur adhésion à l’AIT. En fait, il n’en apparut qu’un, en Suisse, qui fut accepté dans l’AIT en juillet 1869.

    1869, Bakounine au 4e congrès de Bâle


    En septembre 1869, le 4e congrès de l’AIT se tint à Bâle (78 délégués). Y participaient un délégué de la NLU des États-Unis et un du SDAP allemand (résultat de la fusion de la VDAV pro-AIT et d’une minorité internationaliste de l’ADAV lassalienne). L’Alliance secrète (AIDS) avait soigneusement préparé le congrès par une chasse aux mandats (que Bakounine et Guillaume reprochèrent en 1871-1872 aux « autoritaires »). Bakounine, très actif au congrès, y recruta des vieux proudhoniens et des jeunes impatients.

    La résolution sur la propriété de la terre fut confirmée et une résolution pour les « sociétés de résistance » (syndicats) adoptée. Bakounine avait choisi comme angle d’attaque l’héritage. Ressuscitant une vielle lune des socialistes utopiques, Bakounine, Varlin et Guillaume réclamèrent sa suppression totale et immédiate, ce qui n’aurait pas facilité l’alliance des ouvriers des villes et des paysans travailleurs.

    Considérant que le droit d’héritage, qui est un élément essentiel de la propriété individuelle, a puissamment contribué à aliéner la propriété foncière et la richesse sociale au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre… Que d’autre part le droit d’héritage, quelque restreinte que soit son action, en empêchant que les individus aient absolument les mêmes moyens de développement moral et matériel, constitue un privilège… Le Congrès reconnait que le droit d’héritage doit être complètement et radicalement aboli, et que cette abolition est une des conditions indispensables de l’affranchissement du travail. (« Projet de résolution de la commission du congrès », La Première Internationale, 10-18, 1976, p. 295)

    Le mot d’ordre d’abolition de l’héritage fut contesté par la section de Bruxelles (p. 296) et par le conseil général.

    La loi de l’hérédité n’est pas la cause, mais l’effet, la conséquence juridique de l’organisation économique actuelle de la société… La disparition du droit d’héritage sera le résultat naturel d’un changement social abolissant la propriété individuelle dans les moyens de production, mais l’abolition du droit d’héritage ne peut être le point de départ d’une pareille transformation sociale… Proclamer l’abolition du droit d’héritage comme point de départ d’une révolution sociale ne peut que détourner les travailleurs du véritable point d’attaque contre la société présente… Toute mesure concernant le droit d’héritage ne peut conséquemment avoir rapport qu’à un état de transition sociale. Ces mesures transitoires ne peuvent être que les suivantes : a) extension de l’impôt sur le droit d’héritage… b) limitation du droit de tester. (« Rapport du conseil général », La Première Internationale, 10-18, 1976, p. 302-305)

    La proposition du conseil général fut nettement minoritaire : 37 contre, 19 pour, 6 abstentions. La résolution de l’Alliance soumise par la commission du congrès sur l’héritage obtint une majorité relative : 32 pour, 23 contre, 13 abstentions (ce qui empêcha son adoption par le congrès qui aurait nécessité une majorité absolue : 35 au moins).

    Épisode instructif négligé par Musto, Bakounine soutint avec enthousiasme une résolution pour renforcer les pouvoirs du conseil général qu’il proposait de déplacer de Londres à Genève.

    Bakounine propose de donner au conseil général le droit de refuser à des sections nouvelles l’entrée de l’Internationale jusqu’au congrès suivant, et de suspendre des sections existantes. (cité par James Guillaume, L’Internationale, documents et souvenirs, t. 1, SNLE, 1905, p. 209)

    1870, l’internationale aux États-Unis et l’illusion d’un parti de plusieurs classes

    L’ancrage aux États-Unis reposait sur des sections de travailleurs émigrés d’Europe (Allemagne, France…). Mais celles-ci ne débordaient pas leur caractère ethnique d’origine et échouèrent longtemps à s’unifier, à recruter des ouvriers nés sur place et même à publier un journal anglophone.

    Pour autant, l’expression « nationaliste » qu’emploie Musto à leur égard (p. 56) est infondée. Si la Ligue prolétarienne de Chicago (animée par Joseph Weydemeyer) et le Club communiste de New-York (animée par Friedrich Sorge) avaient été « nationalistes allemands », pourquoi auraient-ils choisi leur camp lors la guerre civile entre Américains ?

    En 1861, l’antagonisme entre les capitalistes et les planteurs éclata en une guerre civile. Reconnaissant le caractère progressiste de la lutte de la bourgeoisie pour le « travail libre » contre le système esclavagiste, les partisans de Marx répondirent à l’appel aux armes du président Lincoln. (Farrell Dobbs, Revolutionary Continuity, t. 1, pas traduit, Monad, 1980, p. 51)

    Après la guerre civile et l’accumulation accélérée du capital qui s’ensuivit, les groupes de travailleurs allemands eurent certainement tort de s’accrocher à leur langue. Mais Musto ne distingue pas clairement les communistes (internationalistes) et les lassaliens (nationalistes allemands).

    Les communistes encourageaient les revendications, la syndicalisation des non qualifiés, dont les Noirs et l’émancipation des femmes.

    Les socialistes étatistes orientèrent le mouvement ouvrier vers l’action politique mais pour demander à l’État bourgeois d’aider à fonder des coopératives de production (une utopie partagée par les owénistes et les proudhoniens). Ainsi, avec des responsables de la NLU, les lassaliens des États-Unis lancèrent en 1870 un parti de plusieurs classes, le National Labor Reform Party qui prit pour axe une utopie petite-bourgeoise, à savoir baisser le taux d’intérêt à 1 % pour aider les travailleurs indépendants et les coopératives de production.

    1870, une première scission en Suisse

    En Suisse, l’Alliance prépara le congrès d’avril 1870 de la fédération à la Chaux-de-Fonds avec les mêmes méthodes que pour le congrès de l’internationale.

    Chaque membre de l’Internationale garde la liberté pleine et entière de s’affilier à n’importe quelle société secrète. (James Guillaume, 4 avril 1870, L’Internationale, documents et souvenirs, t. 1, SNLE, 1905, p. 344)

    L’Alliance disposa de 21 mandats dont certains représentant des sections fictives ou insignifiantes face aux 12 mandats des sections de Genève et aux 6 autres de sections locales.

    Il en résulta la première scission. La majorité admettant l’animation de l’AIT par le conseil général, surtout composée d’ouvriers qualifiés de nationalité suisse, garda le nom de Fédération romande de l’AIT. La fraction hostile au conseil général dirigée par August Spichiguer (ouvrier de l’artisanat), Adhémar Schwartzguebel (artisan) et James Guillaume (gérant de l’entreprise paternelle), composée surtout d’artisans et d’ouvriers immigrés (français, italiens…) prit le nom de Fédération jurassienne de l’AIT.

    Au nom de l’AIT, l’Alliance internationale de la démocratie socialiste s’étendit spectaculairement en Italie et en Espagne qui étaient encore peu industrialisées.

    En Russie, l’AIDS intégra en 1869-1870 un groupe terroriste autour de Sergueï Netchaïev, dont le journal incitait la noblesse à renverser le tsar pour le remplacer par un « monarque révolutionnaire ». Quand les violences de Netchaïev au sein du mouvement révolutionnaire russe et ses vols furent révélées et suscitèrent une réprobation générale dans le mouvement ouvrier européen, Bakounine fut contraint de rompre après avoir compromis l’AIT en Russie.

    1870, l’AIT face à la guerre franco-prussienne

    Après la déclaration de guerre de Napoléon III à la Prusse, le conseil général adopta le 21 juillet 1870 une première adresse. Dans son introduction (p. 57), Musto omet que l’adresse se prononçait nettement pour l’unification de l’Allemagne que voulait empêcher l’État français. Pourtant, le document qu’il publie plus loin le montre.

    Du côté allemand, la guerre est une guerre de défense. Mais qui a mis l’Allemagne dans la nécessité de se défendre ? Qui a permis à Louis Bonaparte de lui faire la guerre ? La Prusse ! C’est Bismarck qui a conspiré avec ce même Louis Bonaparte, afin d’écraser l’opposition populaire à l’intérieur, et d’annexer l’Allemagne à la dynastie des Hohenzollern. (Pour lire la 1re Internationale, p. 318)

    Wilhelm Liebknecht et August Bebel (SDAP) furent les deux seuls députés du Reichstag à voter contre les crédits de guerre. L’AIT mettait en garde les travailleurs allemands contre l’État prussien de Guillaume Ier et de son chancelier Bismarck qui voulait mettre l’Allemagne sous sa coupe au détriment des libertés démocratiques, en rattachant de force les populations de langue germanique de l’État français.

    Si la classe ouvrière allemande permet à la guerre actuelle de perdre son caractère strictement défensif et de dégénérer en une guerre contre le peuple français, victoire ou défaite, ce sera toujours un désastre, Toutes les misères qui se sont abattues sur l’Allemagne, après les guerres dites de libération, renaitront avec une intensité nouvelle. (Pour lire la 1re Internationale, p. 318)

    La première adresse eut un grand écho. En septembre 1870, la bataille de Sedan conduisit au renversement du régime de Napoléon III, comme l’avait prévu l’adresse. Marx redoutait un soulèvement prématuré. La deuxième adresse, adoptée le 9 septembre 1870 après la victoire de la coalition allemande dirigée par le royaume de Prusse, se prononçait pour l’arrêt de la guerre.

    La classe ouvrière allemande a résolument donné son appui à la guerre, qu’il n’était pas en son pouvoir d’empêcher, comme étant une guerre pour l’indépendance allemande et la libération de l’Allemagne et de l’Europe du cauchemar oppressant du Second Empire… Ils réclament maintenant leurs « garanties » : garantie que leurs immenses sacrifices n’ont pas été faits en vain, garantie qu’ils ont conquis la liberté, garantie que la victoire sur les armées bonapartistes ne sera pas, comme en 1815, convertie en défaite du peuple allemand et, comme première garantie, ils réclament une paix honorable pour la France, et la reconnaissance de la République française. (Karl Marx, La Guerre civile en France, ES, 1972, p. 287, cette partie ne figure pas dans les extraits publiés par Musto)

    Le conseil général condamnait à nouveau tout découpage de la France, toute annexion territoriale.

    Les bourgeois [allemands] n’osent pas prétendre que le peuple d’Alsace-Lorraine brule de se jeter dans les bras de l’Allemagne, bien au contraire. Pour la punir de son patriotisme français, Strasbourg, que domine une citadelle indépendante de la ville, a été six jours durant bombardée d’une manière absolument gratuite et barbare, à coups d’obus explosifs « allemands », qui l’incendièrent et tuèrent un grand nombre de ses habitants sans défense ! (Karl Marx, La Guerre civile en France, p. 284, cette partie ne figure pas non plus)

    Le rattachement de l’Alsace et de la Lorraine à l’empire allemand fondé autour de la Prusse allait nourrir le chauvinisme et jeter les bases de la guerre de 1914. Le conseil général de l’AIT salua la proclamation de la république en France tout en démasquant son caractère bourgeois.

    Cette république n’a pas renversé le trône, mais simplement pris sa place laissée vacante. Elle a été proclamée non comme une conquête sociale, mais comme une mesure de défense nationale. Elle est dans les mains d’un Gouvernement provisoire composé en partie d’orléanistes notoires, en partie de républicains bourgeois, sur quelques-uns desquels l’Insurrection de juin 1848 a laissé son stigmate indélébile. La division du travail entre les membres de ce gouvernement ne présage rien de bon. Les orléanistes se sont saisis des positions fortes : de l’armée et de la police, alors qu’aux républicains déclarés sont échus les ministères où l’on parle. Quelques-uns de leurs premiers actes montrent assez clairement qu’ils ont hérité de l’empire non seulement les ruines, mais aussi la peur de la classe ouvrière. (Karl Marx, p. 322-323)

    1871, la Commune de Paris

    Le 14 aout 1870, les blanquistes hors de l’AIT (Blanqui, Eudes, Granger, Brideau, Flotte…) tentèrent un coup militaire sur la caserne de pompiers de La Villette qui échoua rapidement. Le 28 septembre 1870, les bakouninistes de l’AIT (Blanqui, Lankiewicz, Ozerov, Bischoff, Richard, Blanc, Palix, Saignes, Bastelica…) se fièrent naïvement au général Cluseret, mirent sur pied un Comité de salut de la France qui proclama à l’hôtel de ville de Lyon l’abolition de l’État. L’État bourgeois n’ayant pas disparu pour autant, reprit, sans résistance, l’hôtel de ville le soir même puis déclencha une répression sanglante. Dépité, l’aventurier en conclut que les travailleurs français étaient dépourvus de tout esprit révolutionnaire. C’était quelques mois avant la Commune de Paris,

    Face aux bavards jacobins et aux révolutionnaires blanquistes, nostalgiques de la première révolution française, le conseil général tentait de dissuader les travailleurs français de prendre les armes pour rejouer la révolution bourgeoise (ce qui condamne doublement les parodies pacifistes et électoralistes de la France insoumise). L’adresse du 9 septembre 1870 préconisait de profiter des libertés rétablies pour s’organiser et préparer leur propre révolution.



    Lucidement, le conseil général déconseillait alors aux travailleurs français de tenter de renverser prématurément le nouveau gouvernement.

    La classe ouvrière française se trouve donc placée dans des circonstances extrêmement difficiles. Toute tentative de renverser le nouveau gouvernement, quand l’ennemi frappe aux portes de Paris, serait une folie désespérée. Les ouvriers français doivent remplir leur devoir de citoyens ; mais en même temps, ils ne doivent pas se laisser entrainer par les souvenirs nationaux de 1792, comme les paysans français se sont laissé duper par les souvenirs nationaux du Premier Empire. Ils n’ont pas à recommencer le passé, mais à édifier l’avenir. Que calmement et résolument ils profitent de la liberté républicaine pour procéder méthodiquement à leur propre organisation de classe. Cela les dotera d’une vigueur nouvelle, de forces herculéennes pour la régénération de la France et pour notre tâche commune, l’émancipation du travail. De leur énergie et de leur sagesse dépend le sort de la république. (Pour lire la 1re Internationale, p. 323).

    Les prudents avis de l’AIT furent balayés par les provocations du gouvernement d’Adolphe Thiers contre les travailleurs de Paris et leur garde nationale. Ils se soulevèrent en mars 1871 et proclamèrent la Commune. Marx soutint immédiatement la révolution et le premier pouvoir des travailleurs. Engels envisagea même de rejoindre la Commune. La plupart des « internationalistes » parisiens oscillaient entre proudhonisme et bakouninisme ; parmi les rares communistes présents à Paris, figuraient les belles figures de Leo Frankel et Elizaveta Dimitriev. Les membres de l’AIT qui siégeaient à la Commune étaient minoritaires face au camp « jacobin » des républicains radicaux et des blanquistes (17sur 85 élus).

    L’idée de patriotisme s’empara de l’esprit des socialistes de la Commune et Blanqui, par exemple, révolutionnaire incontestable et adepte fervent du socialisme, ne trouva pas mieux pour son journal que le titre La Patrie en danger. La réunion de ces deux objectifs contradictoires -patriotisme et socialisme- constitua l’erreur fatale des socialistes français… Le prolétariat s’arrêta à mi-chemin : au lieu de procéder à l’expropriation des expropriateurs, il se laissa entrainer par des rêves sur l’établissement d’une justice suprême dans le pays, unie par une tâche nationale commune. (Vladimir Lénine, « Les enseignements de la Commune », 23 mars 1908, Œuvres, Progrès, t. 13, p. 499-500)

    La république bourgeoise établie à Versailles coupa la Commune de Paris du reste du pays puis l’écrasa sans pitié en mai 1871 avec la complicité de l’armée prussienne. Marx rédigea alors fébrilement deux brouillons d’une adresse de l’AIT, très radicaux. Il les remania pour faire adopter l’adresse fin mai par le conseil général élargi aux survivants de la Commune réfugiés à Londres. La Guerre civile en France fut publiée dans plus de dix langues et eut un grand retentissement international.

    La Commune a réalisé ce mot d’ordre de toutes les révolutions bourgeoises, le gouvernement à bon marché, en abolissant les deux grandes sources de dépenses : l’armée permanente et le fonctionnarisme d’État. (Karl Marx, La Guerre civile en France, GMI, p. 40)

    L’AIT prise dans le reflux de la classe ouvrière

    Musto soutient que l’écrasement de la classe ouvrière en France n’entrava en rien l’AIT.

    La renommée et les forces de l’Internationale continuèrent à croitre au lendemain de la Commune… Cette vitalité considérable était partout évidente… (Marcello Musto, Pour lire la 1re Internationale, p. 64-65)

    Musto évoque à l’appui l’augmentation de l’effectif des fédérations d’Espagne et d’Italie (p. 65), l’adhésion de nouvelles sections au Portugal, au Danemark, en Inde, en Australie, en Nouvelle-Zélande (p. 66). Par conséquent, les choix malencontreux de Marx en 1872 expliqueraient sa crise.

    Marx ne sut pas tenir compte de l’état d’esprit qui prévalait dans l’Association et ne se montra pas suffisamment avisé. (p. 87)

    Tout le monde commet des erreurs. En tout cas, si la renommée de l’AIT fut en 1871 à son zénith, en tant qu’organisation, elle fut fragilisée. Une défaite importante de la classe ouvrière conduit toujours à un recul du mouvement ouvrier. La réaction cléricale, aristocratique et bourgeoise tint l’internationale comme coupable de révolution sociale et accrut la répression à son encontre. Le mouvement ouvrier s’affaissa dans tous les grands États capitalistes de l’époque.

    En France, les sections françaises étaient anéanties. Les blanquistes rejoignaient bien l’AIT, mais en exil, Auguste Blanqui lui-même étant dans les geôles de la 3e république.

    En Belgique, l’effectif de la fédération commença à décliner.

    En Allemagne, la répression s’abattit sur les internationalistes : Liebknecht et Bebel furent condamnés en 1872 à deux ans d’incarcération pour « haute trahison » ; un mois après, la peine de Bebel fut prolongée de 9 mois supplémentaires ; en 1874, les procès se multiplièrent contre les militants des deux partis ouvriers et des syndicats.

    En Grande-Bretagne, plusieurs dirigeants syndicaux, effrayés à l’idée d’être associés à la Commune de Paris, prirent immédiatement leurs distances avec l’AIT. Benjamin Lucraft et George Odger quittèrent le conseil général et démissionnèrent de l’internationale. En 1871, l’État bourgeois britannique avait fait des concessions : il légalisa les syndicats. En 1875, il autorisera les grèves. Les syndicats se bureaucratisèrent et leurs chefs collaborèrent avec le Parti libéral. George Odger fut plusieurs fois candidat du parti bourgeois ; Randal Cremer devint député en 1885 et fut anobli par la reine en 1907.

    Aux États-Unis, une scission eut lieu, la fédération hostile au conseil général soutenant un parti bourgeois ; l’autre, fidèle au conseil général, centrée sur l’activité syndicale mais négligeant toute construction d’un parti ouvrier.

    1871, la crise

    Dans ce contexte, la capacité de nuisance de l’Alliance décupla. Désertée par des dirigeants syndicaux britanniques, l’AIT se déchirait fatalement entre communistes, qui mesuraient le poids de la défaite, blanquistes et bakouninistes qui refusaient de la voir pour réclamer une insurrection stupide et « possibilistes » qui abandonnaient toute perspective révolutionnaire au profit de blocs avec la bourgeoisie « progressiste ».

    Faute de pouvoir tenir un congrès de l’AIT dans des conditions de sécurité suffisantes, le conseil général convoqua une simple conférence à Londres en septembre 1871. Marx y développa une énergie considérable, appuyé par Engels qui vient de prendre sa retraite à Londres. Il s’agissait de tirer des leçons de la Commune de Paris.

    Nous jetons un défi à tous les gouvernements… Nous devons leur dire : nous savons que vous êtes la force armée contre les prolétaires. Nous agirons pacifiquement contre vous là où cela nous sera possible et par les armes quand ce sera nécessaire. (Karl Marx, « Intervention à la conférence de Londres », 21 septembre 1871, Pour lire la 1re Internationale, p. 368)

    Les communistes firent un bloc avec les blanquistes dirigés par Édouard Vaillant pour adopter la résolution IX (4 délégués contre sur 23).

    Contre le pouvoir collectif des classes possédantes le prolétariat ne peut agir comme classe qu’en se constituant lui-même en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes. Cette constitution de la classe ouvrière en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de son but suprême : l’abolition des classes. La coalition des forces ouvrières déjà obtenue par les luttes économiques doit aussi servir de levier aux mains de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploiteurs. La conférence rappelle aux membres de l’Internationale que, dans l’état militant de la classe ouvrière, son mouvement économique et son action politique sont indissolublement unis. (Pour lire la 1re Internationale, p. 68-69)

    La résolution V (pas mentionnée par Musto), encourageait la mise en place de sections de femmes travailleuses.

    Mais le conseil général s’effritait : Eccarius, Robin, Caméninat, Theisz, Bastelica le quittèrent. Le 12 novembre 1871, la fédération jurassienne tint un congrès à Sonvilier qui adopta une circulaire adressée à toutes les fédérations qui rejetait les décisions de la conférence de Londres. Elle fut approuvée par la plupart des sections italiennes, espagnoles, belges.

    1872, la clarification



    L’AIT tolérait en son sein tous les courants du mouvement ouvrier, mais pas toute pratique. Le conseil général publia en mars 1872 un rapport détaillé sur les agissements de l’Alliance (Les Prétendues scissions dans l’Internationale). Malon, Guillaume et Bakounine répondirent qu’ils étaient victimes des calomnies des « autoritaires », des Allemands et des Juifs, tout en niant l’existence de toute structure secrète. Ils mentaient aux travailleurs.

    À propos de l’organisation secrète, j’ai dû, dans mon tome 3, dire d’une façon générale qu’elle a existé. Mais, après cette indication générale, j’ai cru devoir m’abstenir d’entrer dans les détails ; j’estime que ce n’est pas à nous à raconter certaines choses. Je n’ai rien dit, par exemple, des réunions pendant le congrès de Genève [des scissionnistes en 1873], ni de notre action dans le Jura à partir de 1872. (James Guillaume, « Lettre à Pindy », 5 janvier 1908, cité par Marc Vuilleumier, James Guillaume, sa vie, son œuvre, Grounauer, 1980, p. 50)

    Le 5e congrès de l’AIT fut convoqué par le conseil général à La Haye. Musto passe sous silence que Bakounine avait décidé le boycott du congrès par les « antiautoritaires » suisses, italiens et espagnols) pour tenir immédiatement un congrès parallèle. Guillaume le persuada d’opérer plutôt la scission à La Haye sur la base de « l’autonomie » pour en faire tomber la responsabilité sur les « centralistes » et ratisser large.

    Alors que Cafiero et les Italiens, soutenus d’abord par Bakounine, se prononcent pour la rupture immédiate avec le conseil général de Londres et la formation d’une nouvelle internationale, c’est Guillaume qui, avec le soutien de la Fédération jurassienne, prend l’initiative d’une politique beaucoup plus habile: au lieu de décourager les éléments hésitants en constituant dès le départ une organisation de tendance libertaire, il se borne à protester contre les empiètements et abus du conseil général au nom de l’autonomie des fédérations nationales et du respect de la diversité des tendances. En luttant sur ce terrain, il espérait se rallier ceux qui balançaient encore entre les deux adversaires. C’est ce qui se produisit… Sur le plan international, Guillaume fut le grand diplomate de la sécession qui provoqua la défaite et la fin du Conseil général. (Marc Vuilleumier, James Guillaume, sa vie, son œuvre, Grounauer, 1980, p. 16)

    Bakounine avait même rédigé un programme pour la scission, mais Guillaume le dissuada de le rendre public avant qu’elle fût consommée. La fédération italienne, à son congrès de fondation en aout 1872, honora publiquement Bakounine mais, désobéissant aux consignes de l’Alliance, annonça sa scission et décida de boycotter le congrès de l’AIT.

    La conférence déclare solennellement, devant les travailleurs du monde entier, que, dès ce moment, la Fédération italienne de l’Association internationale des travailleurs rompt toute solidarité avec le conseil général de Londres. (Fédération italienne, « Résolution », 6 aout 1872, dans La Première Internationale, Droz, t. 3, 1971, p. 286)

    En septembre 1872, 65 délégués participèrent au 5e congrès. Marx et Engels s’y déplacèrent, contrairement à De Paepe et à Bakounine. Malgré l’absence de la fédération italienne, le contingent des « autonomistes » autour de Guillaume était important (25). Musto regrette sentencieusement que « l’hostilité fut exacerbée par trois jours de disputes stériles autour de la vérification des mandats » (p. 76-77). Il suffit d’avoir participé à un congrès d’une organisation ouvrière où deux fractions ont à peu près la même force, ou même à une assemblée générale d’une association quelconque qui est partagée sur une question importante, pour comprendre que c’était inévitable.

    L’adoption d’un amendement aux statuts (article 7a) consacrait que la classe ouvrière avait besoin d’un parti à elle, contrairement aux syndicalistes et aux réformistes qui misaient en matière politique sur des partis bourgeois ou aux mutuellistes ou aux « libertaires » prêchant l’abstentionnisme politique.

    Dans sa lutte contre le pouvoir uni des classes possédantes, le prolétariat ne peut agir en tant que classe qu’en se constituant lui-même en parti politique distinct et opposé à tous les anciens partis politiques créés par les classes possédantes. Cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de sa fin suprême : l’abolition des classes. (Pour lire la 1re Internationale, p. 354)

    Le congrès rejeta la proposition de Guillaume de transformer le conseil général en un simple collecteur et diffuseur d’information. Il confirma au contraire la possibilité pour le conseil général d’exclure des fédérations ou des sections en cas de non-respect des principes et des statuts de l’AIT. Ce qui justifia l’exclusion de la section 12 pro-bourgeoise de New York. Une commission rassemblant toutes les opinions proposa l’éviction de Bakounine (25 voix pour, 6 contre, 7 abstentions) et de Guillaume. À la fin du 5e congrès, Engels proposa de transférer le siège de l’AIT à New-York pour empêcher les anarchistes de s’emparer de la 1re Internationale.

    1873, l’estocade portée par les « autonomistes »

    James Guillaume, 1866


    Désertée par les chefs syndicaux britanniques, scissionnée par les chefs anarchistes, l’AIT officielle connut un déclin inévitable. Son congrès de 1873, à Genève, ne rassembla que des communistes. Aucun membre du nouveau conseil général, basé aux États-Unis, ne put s’y rendre. La dissolution fut prononcée en juillet 1876 à Philadelphie par une dizaine de délégués ne représentant plus que 635 membres.

    De leur côté, les anarchistes conduits par Guillaume réussirent à agréger en avril 1873 à Neuchâtel tous les opposants « autonomistes », soit plus de 300 sections et 25 000 membres. Ceux-ci étaient issus principalement d’Espagne, d’Italie, de Suisse, de France, de Belgique et des Pays-Bas. Quelques délégués britanniques l’appuyèrent.

    La doctrine de l’anarchie n’aurait peut-être pas amené de scission si Bakounine n’avait eu le tort, lui ultra-autonomiste, de vouloir créer, au sein de l’Association internationale des travailleurs, un groupe initiateur qui ne pouvait manquer de devenir, par la force des choses, un groupe directeur. (César De Paepe, 1 aout 1876, cité par Marc Vuilleumier, James Guillaume, sa vie, son œuvre, Grounauer, 1980, p. 50)

    La première décision fut de supprimer le conseil général, une façon d’entériner la désorganisation entreprise en 1868. La contrefaçon d’AIT ne dura guère, sans que les « antiautoritaires » pussent en attribuer la responsabilité aux « autoritaires ». Étant parvenu à ses buts, Bakounine quitta la fédération jurassienne en octobre 1873.

    L’AIT fédéraliste en pratique

    L’organisation usurpatrice subit l’épreuve du feu en Espagne en 1873-1874 et en Italie en 1874 et 1877. En Espagne, confrontés à la lutte réelle entre les classes, les bakouninistes furent contraints de « faire de la politique » et de jeter par-dessus bord leur propre programme : en mai 1873, en laissant publiquement voter pour les républicains de tout poil aux élections ; en juillet 1873, lors de la rébellion cantonale des « républicains intransigeants » en participant aux gouvernements locaux dispersés. Les cantons laissaient le pouvoir central aux républicains fédéralistes modérés, puis aux républicains centralistes qui envoyèrent l’armée les écraser un à un. En janvier 1874, un général qui avait réprimé les masses populaires mit fin à la 1re république.

    Le chef des anarchistes le justifia en argüant que les « juntes révolutionnaires » des cantons étaient autant de communes de Paris et, par conséquent, tout sauf un gouvernement (James Guillaume, « Monsieur Engels et les ouvriers espagnols », 9 novembre 1873). Mais, un demi-siècle plus tard, la révolution espagnole confirma que la critique communiste n’était pas sans fondement quand les chefs bakouninistes entrèrent dans les gouvernements « républicains » de l’État bourgeois le 27 septembre 1936 à Barcelone et le 4 novembre 1936 à Madrid.

    Le gouvernement a cessé d’être une force d’oppression… de même que l’État qui ne représente déjà plus l’organisme séparant la société en classes. Avec l’intervention d’éléments de la CNT, l’État et le gouvernement cesseront d’autant plus d’opprimer le peuple. (CNT, 13 septembre 1936, dans Daniel Guérin, Ni Dieu ni maitre, anthologie de l’anarchisme, 1970, La Découverte, 2011, p. 745)

    De 1873 à 1876, les congrès de l’AIT « antiautoritaire » ne rassemblèrent guère plus de 20 à 30 délégués. Même si chaque fédération faisait ce qu’elle voulait au nom de « l’autonomie », la coexistence ne pouvait durer entre la fédération belge dirigée par De Paepe qui devenait électoraliste et prête aux compromis avec les partis bourgeois « progressistes » et la fédération italienne dirigée par Carlo Cafiero, Andrea Costa et Errico Malatesta qui organisa deux insurrections ultra minoritaires, une en 1874 avec la participation de Bakounine, une autre en 1877.

    En 1877, dans la province de Bénévent, Malatesta et Cafiero tentèrent de mettre en application leur activisme à la manière blanquiste. À la tête d’une trentaine d’internationalistes, armés, drapeaux rouges en tête, ils d’emparèrent du village de Lentino… Mais la population resta passive, l’armée intervint. Malastesta et Cafiero furent arrêtés sur place. (Daniel Guérin, Ni Dieu ni maitre, p. 411)

    Le dernier congrès des faussaires se tint à Verviers, en septembre 1877. Guillaume, qui la maintenait à bout de bras, victime de la répression en 1877 de l’État suisse, s’exila en France où il abandonna toute activité militante.

    L’explication de la crise de l’AIT : la montée des nations ?

    Musto explique, sans aucune démonstration, que l’AIT fut finalement victime d’une ère nouvelle, celle des nations.

    Le renforcement de l’État-nation… tous ces facteurs s’additionnèrent pour rendre la configuration originelle de l’Internationale inadaptée à cette nouvelle ère. (Marcello Musto, Pour lire la 1re Internationale, p. 87)

    L’unification de l’Allemagne en 1871 a marqué le début d’une ère nouvelle où l’État-nation s’est définitivement affirmé comme une forme d’identité politique, juridique et territoriale. Le nouveau contexte rend peu plausible la continuité d’une organisation supranationale à laquelle les organisations des différents pays, même si elles bénéficient de leur autonomie, doivent céder une part importante de la direction politique. (p. 78)

    L’empire allemand n’était pas si national que cela : non seulement il englobait une population polonaise significative, mais il entérinait sciemment une division des germanophones entre Suisse, Allemagne et Autriche. La monarchie britannique reposait officiellement sur un bloc de quatre nations. Les États-Unis sont ethniquement hétérogènes. L’AIT est apparue à un moment où l’Italie avait pris forme et où les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Suisse, la Belgique, la France, l’Espagne, la Russie… existaient depuis longtemps. En outre, elle a su répondre à la guerre civile aux États-Unis, à la division de l’Allemagne, à l’oppression et à la division de la Pologne, à la colonisation de l’Irlande, etc.

    L’action internationale des classes ouvrières ne dépend en aucune façon de l’existence de l’Association internationale des travailleurs. Celle-ci fut seulement la première tentative pour doter cette action d’un organe central ; tentative qui, par l’impulsion qu’elle a donnée, a eu des suites durables, mais qui, sous sa première forme historique, ne pouvait survivre longtemps à la chute de la Commune de Paris. (Karl Marx, « Gloses marginales au programme du parti allemand », 1875, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, ES, 1972, p. 37) 

    Fallait-il épouser le cadre national ? Cela aurait étonné tant Bakounine que Marx. Cela a été pratiqué plus d’un fois depuis. En défendant leur « nation » (en fait leur bourgeoisie et son État) contre les autres, la plupart des sections de la 2e Internationale (et des directions syndicales) trahirent en 1914. En inventant en 1924 l’incongru « socialisme dans un seul pays », Boukharine et Staline justifièrent l’usurpation du pouvoir par la bureaucratie dans l’État ouvrier. En se ralliant au patriotisme en 1934, la 3e Internationale stalinisée envoyait les partis « communistes » dans la voie nationale empruntée depuis longtemps par les partis « travaillistes », « sociaux-démocrates » et « socialistes ».

    24 aout 1944, le PCF aux antipodes de l’internationalisme


    Mars 1956, le gouvernement à majorité PS-SFIO-PS, qui comprend Mitterrand, envoie les conscrits faire la guerre coloniale en Algérie ; le PCF et le PS-SFIO votent les « pouvoirs spéciaux » À l’armée qui lui permettent en fait de torturer


    1970, affiche du PCF


    Le capitalisme est mondial mais sa classe exploiteuse est en concurrence, entreprise contre entreprise, État contre État. Contre sa propre classe ouvrière et contre ses rivales, chaque bourgeoise s’appuie sur un État. La classe ouvrière est, elle, mondiale par sa nature de classe exploitée et souvent internationale par sa composition actuelle dans la plupart des États.

    L’ouvrier n’a pas de patrie, cela veut dire que : a) sa situation économique n’est pas nationale mais internationale ; b) son ennemi de classe est international ; c) les conditions de son émancipation sont internationales ; d) l’unité internationale des travailleurs est plus importante que son unité nationale. (Vladimir Lénine, « Lettre à Armand », 20 novembre 1916, Œuvres, Progrès, 1964, t. 35, p. 247-248)

    Le mouvement ouvrier surmonta le recul consécutif à la Commune de Paris, ce qui s’exprima par la construction de syndicats et de partis.

    En réalité, les partis ouvriers sociaux-démocrates d’Allemagne, de Suisse, du Danemark, du Portugal, d’Italie, de Belgique, de Hollande et des États-Unis, plus ou moins organisés à l’échelle nationale, forment autant de groupes internationaux. (Friedrich Engels, « Sur l’Histoire de l’Internationale de Sir George Howell », 4 aout 1878, cité par Franz Mehring, La Vie de Karl Marx, 1918, Page2 & Syllepse, t. 2, 2018, p. 1268)

    Sur cette base, les communistes réussirent en 1899 à constituer l’Internationale ouvrière (2e Internationale) comme ils l’avaient envisagé dès la dissolution de l’AIT en 1873.

    Je crois que la prochaine internationale sera directement communiste élaborera carrément nos principes. (Friedrich Engels, « Lettre à Sorge », 12 septembre 1874, dans Friedrich Engels & Karl Marx, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, ES, 1966, p. 123)

    Aujourd’hui, l’internationalisme prolétarien n’est pas dépassé. C’est le capitalisme et l’État nation qui sont archaïques. La survie des États freine le développement des forces productives, entraine le militarisme et des guerres incessantes, empêche de faire face à la crise écologique, nourrit la réaction.

    Bakounine, anticipateur des « drames du 20e siècle » ?

    Musto met de manière récurrente sur le même plan les communistes avec les socialistes étatistes à la Lassalle ou les aventuristes anarchistes à la Bakounine. Selon lui, le communisme et l’anarchisme de la fin du 19e siècle étaient de la même nature, chaque variante ayant ses mérites.

    Il faut bien reconnaitre que les autonomistes faisaient bel et bien partie de la composante révolutionnaire de l’Internationale et qu’ils apportèrent une contribution critique intéressante sur les questions du pouvoir politique, de l’État et de la bureaucratie. (Marcello Musto, Pour lire la 1re Internationale, p. 91)

    Il faut bien reconnaitre que Bakounine avait prévu les dangers de ce qu’on appellera la « période de transition entre capitalisme et socialisme », en particulier le danger d’une dégénérescence bureaucratique après la révolution. (p. 96)

    Les intuitions critiques de Bakounine annonçaient déjà certains des drames du 20e siècle. (p. 97)

    L’intuition peut stimuler la science, mais pas la remplacer. Or, si Bakounine était un personnage charismatique et courageux, il était peu dialecticien, ne comprenait pas grand-chose à la marche de l’histoire et se désintéressait des lois du mode de production capitaliste, en lien avec son mépris pour les conditions objectives du socialisme.

    À partir de 1864, il a condamné par principe tout gouvernement, tout pouvoir, toute armée ouvrière. La Commune de 1871, si elle n’avait exercé aucune autorité, n’aurait pas tenu une semaine face à l’armée du gouvernement versaillais. Le pouvoir des soviets de 1917, s’il ne s’était pas centralisé et armé, n’aurait pas tenu un mois face à l’intervention de toutes les armées impérialistes et à la contrerévolution des armes blanches russes.

    La guerre de 1914-1918 est un des drames du 20e siècle. Bakounine n’a pas anticipé que, à la déclaration de guerre, le théoricien anarchiste Piotr Kropotkine et le syndicaliste anarchiste français Léon Jouhaux, à la tête de l’appareil de la CGT, allaient trahir la classe ouvrière et rejoindre « l’union sacrée ». Il n’a pas non plus envisagé que son bras droit dans sa lutte dans l’AIT, Guillaume, et son successeur chez les « libertaires », Kropotkine, se rallieraient en 1914 à la guerre impérialiste de la bourgeoisie française.

    La captation de l’URSS par une bureaucratie privilégie et la terreur stalinienne sont la plus grande tragédie du 20e siècle. Pourtant, Bakounine affirmait que la Russie ou l’Italie de son temps serait plus apte à établir l’anarchisme que la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, malgré leur arriération. Il n’a donc pas pu envisager la déformation, à partir de 1918 d’un État ouvrier économiquement retardé, envahi, en proie à la guerre civile, isolé par l’échec des révolutions hongroise, allemande et chinoise. C’est la pénurie qui a engendré la bureaucratie, pas une aspiration « autoritaire » du Parti bolchevik. Vu son rejet du matérialisme historique, Bakounine ne pouvait pas prévoir la dégénérescence de l’URSS quand l’appareil étatique incarné par Staline (la bureaucratie) s’empara en 1923-1927 du parti et de l’État, décréta le socialisme réalisé, instaura la terreur sur la classe ouvrière, suscita le culte du chef omniscient, exacerba le nationalisme russe. Sous sa coupe, l’Internationale communiste devint l’instrument de la diplomatie de l’URSS, paralysant le prolétariat mondial (hésitation en Allemagne en 1923, subordination au Guomindang conduisant à la défaite de la révolution chinoise en 1927, division forcenée des rangs ouvriers aboutissant à la victoire de Hitler en 1933…) puis menant une contrerévolution consciente (France en 1936 et 1944-1947, Espagne en 1936-1938, Italie en 1943-1947, Grèce en 1944…).

    La jeune bureaucratie, formée au début pour servir le prolétariat, se sentit l’arbitre entre les classes… Elle gagnait en assurance au fur et à mesure que la classe ouvrière internationale subissait de plus lourdes défaites… La direction bureaucratique contribuait aux défaites, les défaites affermissaient la bureaucratie. (Lev Trotsky, La Révolution trahie, 1936, Minuit, p. 1963, p. 66)

    1936, Frederica Montseny, ministre CNT


    La défaite de la révolution espagnole de 1936-1937 est un des drames du 20e siècle. La doctrine bakouniniste n’a pas conduit les chefs de la CNT-FAI, malgré l’aspiration de leur base, à la stratégie révolutionnaire (du type du Parti bolchevik en Russie en 1905 et en 1917) mais à rejoindre le front populaire et à entrer dans le gouvernement bourgeois « républicain » formé par les sociaux-démocrates et les staliniens qui allait écraser les militants de la CNT et du POUM à Barcelone en mai 1937.

    Une face peu reluisante de Bakounine

    Passe encore, que pour les besoins de la polémique, Bakounine et Guillaume aient toujours assimilé le communisme au socialisme d’État à la Lassalle. Mais ils recourraient publiquement à un racisme antiallemand aussi systématique que douteux. Le dernier acte politique de Guillaume fut de publier en France, lors de la Première guerre mondiale, un pamphlet pour accuser Marx d’être un nationaliste allemand (Karl Marx, pangermaniste).

    En tout cas, si Bakounine avait eu vraiment « l’intuition des drames historiques à venir », il se serait gardé d’alimenter, après Proudhon, le racisme antijuif, ce que Musto n’évoque jamais.

    La secte juive constitue aujourd’hui en Europe une véritable puissance. Elle règne despotiquement dans le commerce, dans la banque, et elle a envahi les trois quarts du journalisme allemand et une partie très considérable du journalisme des autres pays. (Mikhaïl Bakounine, « Lettre aux citoyens rédacteurs du “Réveil” », 18 octobre 1869, Œuvres, t. 5, Stock, 1911, p. 243)

    Affolés, certains de ses amis, en particulier Alexandre Herzen, le dissuadèrent de publier cette lettre. Mais, après la conférence de Londres, les chefs de l’Alliance laissèrent paraitre en public leur antisémitisme.

    Le plus plat des laquais juifs de Monsieur Marx… (James Guillaume, « Réponse aux prétendues scissions », 10 juin 1872, La Première Internationale, Droz, t. 2, 1962, p. 307)

    La méchanceté des Juifs allemands et russes, les amis de Marx, ses agents… Moi, le bouc expiatoire condamné par la furieuse synagogue… l’article du Juif allemand Maurice Hess… les Borkhein et autres Juifs allemands… Je vous fais grâce du petit Juif russe… (Mikhaïl Bakounine, « Réponse aux prétendues scissions », 12 juin 1872, La Première Internationale, Droz, t. 2, p. 301-302)

    À l’intérieur de la société secrète, c’était pire.

    Les Juifs constituent aujourd’hui en Allemagne une véritable puissance. Juif lui-même, Marx a autour de lui une foule de petits Juifs… inquiets, nerveux, curieux, remuants, indiscrets, bavards, intrigants, exploiteurs, comme sont les Juifs partout… Ils se sont emparés de toute la presse d’Allemagne… et, depuis longtemps, ils règnent dans le monde de l’argent et des grandes spéculations financières et commerciales : ayant ainsi un pied dans la banque, ils viennent de poser l’autre pied dans le socialisme… Eh bien, tout ce monde juif qui forme une seule secte exploiteuse, une sorte de peuple sangsue, un parasite collectif à travers les frontières des États… ce monde est actuellement, en grande partie du moins, à la disposition de Marx d’un côté et des Rothschild de l’autre… La solidarité juive les unit… Que peut-il y avoir de commun entre le socialisme et la haute banque ? Ah ! c’est que le socialisme autoritaire, le communisme de Marx veut la puissante centralisation de l’État et là où il y a centralisation de l’État, il doit y avoir nécessairement une banque centrale de l’État et là où il existe une telle banque, les Juifs sont certains de ne point mourir de faim… (Mikhaïl Bakounine, « Lettre à la section de Bologne », décembre 1871, dans Georges Ribell, Marx, Bakounine, socialisme autoritaire ou libertaire, 10-18, 1975, t. 1, p. 197-198)

    Une telle ignominie s’oppose au socialisme scientifique, au communisme émancipateur de Marx, Engels, Luxemburg, Lénine, Trotsky…

    Anarchisme et communisme, deux jumeaux de la famille anticapitaliste ?

    Bakounine et Marx, dessin de Wiaz


    L’anarchisme et le communisme sont bien deux courants du mouvement ouvrier mais les protagonistes ne pensaient pas que la scission de l’AIT était fortuite.

    Nous avons discuté autrefois, croyant avoir affaire simplement à des socialistes qui différaient de nous sur des points de doctrine. Maintenant nous voyons que les Marx, les Engels et toutes leurs séquelles, ce n’est pas une école socialiste ayant une doctrine plus ou moins erronée : c’est tout simplement la réaction. (James Guillaume, « Monsieur Engels et les ouvriers espagnols », 9 novembre 1873, L’Internationale, documents et souvenirs, t. 3, Stock, 1905, p. 155-156)

    Il y a tout un gouffre entre nous et les anarchistes. (Friedrich Engels, « Lette à Iglesias », 26 mars 1896, dans Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Lénine, Sur l’anarchisme, Progrès, 1973, p. 201)

    Bakounine n’a été collectiviste anarchiste qu’une décennie et s’il a repris à cette occasion le vocable communiste (collectivisme, révolution sociale, etc.). Mais en lui donnant un contenu bien différent.

    1. La classe qui conduit la révolution sociale
      • Pour les anarchistes, l’acteur révolutionnaire était « le peuple » et en particulier les déclassés (bandits, intellectuels rejetés…).
      • Pour les communistes, là où le capitalisme avait triomphé, la classe révolutionnaire devenait le prolétariat (les salariés exploités du capitalisme). Il a besoin pour vaincre de s’allier avec d’autres classes ou fraction de classe, mais il les dirige.
    2. Les conditions de la révolution sociale
      • Les anarchistes estimaient que la révolution sociale était avant tout une affaire de volonté. Ils se désintéressaient totalement des élections et des revendications démocratiques. Ils méprisaient même les revendications économiques. Pour les mêmes raisons, l’athéisme étaient pour eux central.
      • Les communistes estimaient qu’une crise de rapports entre les classes était nécessaire pour qu’une révolution sociale pût triompher. Pour préparer la révolution, les revendications économiques et politiques étaient importantes. Par exemple, s’ils étaient matérialistes au plan de la théorie, leur programme était la séparation de l’État et de la religion, pas l’athéisme.
    3. L’outil de la révolution sociale
      • Les anarchistes misaient sur des sociétés secrètes, cachées aux yeux des travailleurs eux-mêmes. L’Internationale, elle, était censée servie de modèle à la société désirée.
      • Les communistes préconisaient un parti, qui pouvait être clandestin, mais serait l’expression du mouvement des travailleurs. Si certaines caractéristiques de l’AIT et de ses militants anticipent le futur, les êtres humains se transformeront eux-mêmes en transformant consciemment pat millions la société.
    4. Le contenu de la révolution sociale
      • La révolution des « antiautoritaires » avait objectif but d’en finir avec toute autorité. Et comme la quintessence de l’autorité était l’État, la révolution devait supprimer instantanément tout État. L’athéisme remplace la laïcité. Il n’y a pas besoin de transition entre une révolution sociale dans un pays donné et le socialisme mondial.
      • Pour les communistes, le but de la révolution mondiale était la suppression de toute exploitation et la disparition des classes sociales. Une révolution locale imposerait au prolétariat de prendre le pouvoir contre ses ennemis intérieurs et extérieurs. La planification sous le contrôle de la population permet de développer les forces productives. Seule l’extension internationale de la révolution, le contrôle collectif de l’économie et le développement des forces productives permettrait de se débarrasser de tout État.
    5. Le but de la révolution sociale
      • Pour les proudhoniens et les bakouninistes, il s’agit d’égalité, de nivèlement.
      • Pour les communistes, il ne s’agit pas de répartir équitablement la pénurie mais de permettre l’épanouissement de tout le potentiel de l’humanité, ce qui nécessite un développement des forces productives et un accroissement du temps libre.

    Les séquelles du bakouninisme

    Au début du 20e siècle, des anarchistes assumés se débarrassèrent vite certains aspects du bakouninisme pour s’implanter dans la classe ouvrière et s’activer dans le syndicalisme révolutionnaire, tandis que le Parti socialiste révolutionnaire de Russie (1900-1917), tout en s’affilant à l’Internationale ouvrière (2e Internationale), le reprenait largement (appel au peuple, recours au terrorisme…).

    L’Internationale communiste (3e Internationale), après la victoire de la révolution russe en 1917, attira les meilleurs syndicalistes révolutionnaires (Nin, Serge, Rosmer, Cannon, George, etc.). Symétriquement, des centristes s’efforçaient d’y imposer le réformisme de la 2e Internationale et des gauchistes tentaient d’y introduire le bakouninisme : dédain des revendications économiques et démocratiques, refus de participer aux élections, désertion des syndicats de masse à direction réformiste, soulèvement armé minoritaire, hostilité au parti… Partiellement de la part du gauchisme italien (Amedeo Bordiga), totalement dans le conseillisme germano-néerlandais (Anton Pannekoek, Hermann Gorter, Otto Rühle…).

    Plus tard, on vit le Parti « communiste » chinois maoïste, le Parti « communiste » de Cuba castriste, le Parti « communiste » du Kampuchéa polpotiste… miser sur la paysannerie et non sur la classe ouvrière. Dans les années 1960-1970, dans les pays impérialistes, de nombreux courants « maoïstes » (en France, VLR et la GP qui donna à son journal le nom d’une brochure de Bakounine, La Cause du peuple) recyclèrent la panoplie anarchiste. Même 4 membres du comité central de la LC-LCR proposèrent alors de préparer en France la lutte armée en se basant sur la petite bourgeoisie (Bensaid, Creus, Alliès, Artous, Bulletin intérieur n° 30, 1972).

    Le totalitarisme stalinien, l’effondrement des États ouvriers dégénérés face à la pression impérialiste et la restauration du capitalisme par les bureaucraties « communistes » en Russie, en Chine et au Vietnam en 1992, la collaboration de classes des bureaucraties syndicales, les gouvernements des partis ouvriers bourgeois… ont discrédité le communisme et le socialisme, nourrissent la défiance envers tout parti. Non seulement des anarchistes avoués (Murray Bookchin, Noam Chomsky, David Graeber…) ont trouvé une audience, mais des centaines de milliers de jeunes dans le monde, sans avoir lu Stirner, Proudhon, Bakounine, Kropotkine ou Goldman, se révoltent en dehors du « marxisme » et renouent avec la confusion anarchiste : autonomes, zapatistes, altermondialistes, indignés, antifas, black blocs, zadistes, etc.

    Le « congrès socialiste universel » de 1887, un modèle ?

    Marcello Musto qualifie Marx de « philosophe » (p. 88) et de « anticapitaliste » (p. 19, p. 88). S’il est vrai que la thèse de doctorat de Marx fut consacrée à la philosophie, il est devenu ensuite un journaliste démocrate radical puis, jusqu’à la fin de sa vie, un chef du mouvement ouvrier et un théoricien communiste. Ce n’est pas certainement en tant que philosophe qu’il a assuré la direction de l’AIT de 1864 à 1872.

    Marx a découvert la loi du développement de l’histoire humains… Marx a également découvert les lois particulière du mouvement du mode de production capitaliste… Marx fut avant tout un révolutionnaire. (Friedrich Engels, « Discours sur la tombe de Karl Marx », 17 mars 1883, Friedrich Engels & Karl Marx, Œuvres choisies en trois volumes, t. 3, Progrès, 1976, p. 167-168)

    La Ligue des communistes puis la tendance communiste dans l’AIT n’étaient pas simplement anticapitalistes. Assurément, le communisme est anticapitaliste au sens qu’il est radicalement opposé au capitalisme. Mais il est bien plus que cela, il indique comment le supplanter (au moyen d’une révolution sociale et politique conduite par la classe ouvrière) et par quoi (par la transition consciente vers un nouveau mode de production, le socialisme-communisme). Ce n’est pas pour rien que le programme de la Ligue des communistes (Manifeste du parti communiste, 1847, ch. 3) comportait une polémique contre les autres « anticapitalismes » : socialisme utopique, socialisme conservateur, socialisme réactionnaire qui préfigurait l’anticapitalisme démagogique des fascistes des années 1920-1930 et l’anticapitalisme malthusien de bien des courants écologistes actuels.

    Tout l’art du fascisme consiste à de dire anticapitaliste sans s’attaquer sérieusement au capitalisme. Il s’emploie à transmuer l’anticapitalisme des masses en nationalisme. (Daniel Guérin, Fascisme et grand capital, 1936, Maspero, 1975, p. 78)

    Le seul exemple d’avancée vers l’internationale plurielle qu’évoque Musto est le congrès général et universel des socialistes de 1877.

    Six ans après la conférence de Londres de 1871, les thèses de Gand confirmaient que Marx avait été tout simplement en avance sur son temps. (Marcello Musto, Pour lire la 1re Internationale, p. 108)

    Constatant le dépérissement de la fausse AIT qu’il avait créée avec Guillaume, De Paepe le convoqua au nom du Parti socialiste belge à Gand en septembre 1877. Le congrès à prétention mondial de 1877 est présenté par Musto comme un grand succès (p. 107). Certes, il était « pluriel » puisqu’y avaient participé plusieurs partis socialistes (Wilhelm Liebknecht, du parti allemand récemment unifié SAP était venu seul), des anarchistes de Suisse, d’Italie ou de France (James Guillaume, Tito Zanardelli, Paul Brousse, Andrea Costa…), mais son organisateur réformiste était, lui, déçu par son étroitesse.

    Il y a un an, j’espérais en voir sortir, sous la forme de pacte de solidarité, une nouvelle organisation universelle, semblable (quoique plus grandiose encore) à ce qu’était en 1868 et 1869 l’Association internationale des travailleurs… Tu le vois, mon cher, mon désappointement a été grand, mes espérances étaient trompées ! (César de Paepe, « Lettre à Benoit Malon », 11 octobre 1977, La Première Internationale, Droz, t. 4, 1971, p. 586)

    Le congrès de Gand déboucha sur un vague pacte de quelques partis et sur un bureau fédéral sans aucun pouvoir. Son manifeste, que cite élogieusement Musto (p. 107-108), rédigé par De Paepe et Louis Bertrand après le congrès, défendait certes « l’action politique », comme la conférence de 1871 et le congrès de 1872 de l’AIT. Mais, sans perspective d’expropriation de la classe capitaliste, il était électoraliste et opportuniste. Ce congrès resta sans suite.

    En réunissant l’ensemble des courants se réclamant de l’internationalisme, le congrès de Gand (9-14 septembre 1877) constitue l’ultime tentative des partisans d’une relance de l’AIT sur des bases inchangées. Mais les débats révèlent rapidement des divergences insurmontables, notamment entre anarchistes et partisans de l’action politique et électoraliste. (Michel Cordillot, « Essor et déclin de l’AIT », Cahiers Jaurès n° 215, 2015)

    Reconstituer une internationale plurielle ?

    Le congrès qui fonda en juillet 1889, à Paris, l’Internationale ouvrière était autrement représentatif. Il se prononça pour « l’action internationale du prolétariat organisé en parti de classe, s’emparant du pouvoir politique pour l’expropriation de la classe capitaliste et l’appropriation sociale des moyens de production ».

    Certes, on ne peut exiger d’une étude sur l’AIT qu’elle fournisse une analyse approfondie des transformations du capitalisme et du mouvement ouvrier, ni une définition précise de l’internationale ouvrière qu’il faut construire aujourd’hui. Mais Musto ne reste pas silencieux, il brouille les pistes :

    Le monde du travail a subi une défaite historique… En outre, les travailleurs se trouvent plongés dans une situation de profonde subordination idéologique au système dominant. (p. 9)

    Un abime sépare les espoirs de cette époque… de la soumission idéologique et de l’individualisme régnant dans un monde façonné par concurrence et la privatisation néolibérale… La nouvelle internationale doit être plurielle et anticapitaliste. (p. 109-110)

    • La concurrence n’a rien de nouveau. Le « monde capitaliste » est toujours « façonné par la concurrence ».
    • L’Europe et l’Amérique du Nord étaient bien plus « libérales » en 1864-1872 qu’aujourd’hui : il n’existait pas de protection sociale, pas d’hôpitaux publics.
    • Comme le souligne Musto lui-même, l’AIT était minoritaire (150 000 à son apogée, p. 24) et la majorité des travailleurs étaient alors « soumis idéologiquement », soit aux clergés chrétiens, soit à des partis bourgeois (Parti libéral en Grande-Bretagne, Parti radical en France, Parti progressiste en Allemagne, Parti libéral en Belgique…).

    Le vocabulaire de Musto (« monde du travail », « néolibéral », « individualisme », « anticapitaliste », « gauche »…) témoigne lui-même d’une « subordination idéologique ». Sa problématique est apparentée aux palinodies des poststaliniens qui attribuent aux travailleurs la responsabilité des défaites du 20e siècle.

    Au printemps 2023, la CNT, l’UCL et la FA ne combattent pour la grève généralemême l’UCL parle « des grèves » et suit les journées d’action des bureaucraties syndicales


    En 1984, les chefs « trotskystes » de l’OCI-PCI (Lambert, Cambadélis, Gauquelin, Gluckstein…) prétendirent renouer avec la 1re Internationale en formant en 1984 un MPPT-Parti des travailleurs ouvert aux bakouninistes et aux réformistes de tout poil et en 1991 une Entente internationale des travailleurs et des peuples. Un des fondateurs anarchistes du PT donne une entrevue au journal du FN !

    L’Union européenne, avec notamment la Commission européenne, remet en cause les États-nations. (Alexandre Hébert, Français d’abord, septembre 1999)

    En 2007, les chefs « trotskystes » de la LC-LCR (Bensaïd, Krivine, Sabado, Besancenot…) prétendirent en 2007 regrouper tous les « anticapitalistes » (bakouninistes, féministes, écologistes, régionalistes…) dans le Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

    Le Parti des travailleurs choisit en 1991 le noir et le rouge pour son sigle, le NPA fait paraitre en 214 un livre pour tenter d’effacer le « gouffre » (Engels)


    Les organisations anarchistes significatives déclinèrent évidement les deux offres. Les projets opportunistes (devenir le parti politique de FO pour les lambertistes du PCI, remplacer le PCF pour les pablistes de la LCR) se sont tous deux fracassés sur la concurrence réformiste :

    • une partie de l’appareil du PCI a rejoint directement le PS, le PT-POI s’est scindé entre POI et POID-PT ;
    • le NPA s’est éparpillé entre Ensemble, RP, NPA-Révolutionnaires, NPA-Anticapitalistes. VO-LO, dont la pratique est tout autant adaptée aux bureaucraties syndicales mais qui s’est maintenue, l’emporte actuellement, malgré ses traits de secte, sur les autres centristes.

    Il n’y a pas de raccourci à la construction d’une internationale ouvrière révolutionnaire.

    1920, 2e congrès de l’Internationale communiste


    Construire une internationale communiste révolutionnaire, agir en commun par le front unique ouvrier

    La 2e Internationale… a soigneusement contourné toutes les questions litigieuses qui appelaient à une scission dans les esprits… Nous devons maintenant transformer l’internationale de fond en comble… Il est hors de question de rejouer toute la comédie. Aujourd’hui, elle est morte… Donc nous voulons une nouvelle internationale qui ne consiste plus uniquement en des mots. (Rosa Luxemburg, « Discours à la fraction Die Internationale du SPD », 19 mars 1916, Œuvres complètes, t. 4, Agone-Smolny, 2014, p. 61-63)

    Pour surmonter les défaites de la classe ouvrière, il faut en tirer les leçons. Le capitalisme a survécu grâce aux trahisons répétées des bureaucraties « ouvrières » qui ont détruit politiquement la 2e Internationale en 1914 et la 3e Internationale en 1933-1934. Contrairement à l’anarchisme impatient qui a scissionné la 1re Internationale, les partis ouvriers bourgeois (« travaillistes », « socialistes », « sociaux-démocrates », « communistes ») héritiers des socialistes étatiques à la Lassalle reposent sur des appareils corrompus par la classe dominante. Les bureaucraties « réformistes », incluant les appareils de la plupart des syndicats contemporains, constituent des agences de la bourgeoisie au sein de classe ouvrière et de la jeunesse. Quelle que soit leur rhétorique (« l’ennemi est la finance », « dépasser le capitalisme », etc.), elles sont contrerévolutionnaires quand le capitalisme est menacé.

    Face à un ennemi redoutable, il est impossible de mener une révolution sociale sans programme, sans stratégie, sans parti. Mais la plupart des organisations qui se réclament de l’héritage de la 4e Internationale s’avèrent incapables de mettre en pratique le programme communiste (lutte contre les appareils traitres du mouvement ouvrier, assemblées générales qui décident et se fédèrent, armement des travailleurs…). Quand elles ne se dissolvent pas dans des partis « larges » ou « anticapitalistes » qui veulent effacer la frontière sanglante qu’ont tracée la sociale-démocratie (approuvant la guerre de sa bourgeoisie en 1914, écrasant la révolution allemande et assassinant Rosa Luxemburg, Leo Jogiches en 1919) et le stalinisme (écrasant la révolution espagnole en 1937, assassinant Grigori Zinoviev en 1936, Andreu Nin en 1937 et Lev Trotsky en 1940) ou qui prétendent faire tourner la roue de l’histoire à l’envers, en évoquant à l’AIT.

    La seule issue est de construire une internationale ouvrière révolutionnaire et démocratique qui regroupe l’avant-garde des travailleurs sur la base du programme communiste. Au lieu de diluer le programme et de confondre les drapeaux, il faut pratiquer l’unité d’action, le front unique ouvrier, avec toutes les organisations (dont les anarchistes) disposées à combattre contre l’exploitation, l’oppression, la répression, pour la grève générale, pour le contrôle des luttes par leurs acteurs, pour l’autodéfense…

    À la coalition ouverte ou masquée des réformistes et des bourgeois, les communistes opposent le front unique de tous les ouvriers et la coalition économique et politique de tous les partis ouvriers contre le pouvoir bourgeois, pour le renversement définitif de ce dernier. (4e congrès de l’Internationale communiste, « Résolution sur la tactique », novembre 1922, Quatre premiers congrès de l’IC, 1934, Librairie du travail, p. 158)

    La force, c’est la classe ouvrière internationale. Le but, c’est le communisme mondial. Le chemin, c’est la révolution, l’expropriation du capital, la destruction de l’État bourgeois, la dictature du prolétariat, la planification. L’outil, c’est le parti mondial de la révolution socialiste.

    12 mars 2024

    Edgar Kmfe, Leonardo Alex, Philippe Couthon


    Bibliographie

    Musto à l’occasion des 150 ans de la fondation de l’AIT

    • en allemand

    „Anmerkungen zur Geschichte der Internationale“, Z. Zeitschrift Marxistische Erneuerung n°99
    https://marcellomusto.org/anmerkungen-zur-geschichte-der-internationale/

    • en anglais

    Workers Unite! The International 150 Years Later
    https://marcellomusto.org/wp-content/uploads/2021/12/Workers-Unite.pdf

    “Notes on the History of the International”, Socialism and Democracy ol. 28, N°2
    https://marcellomusto.org/notes-on-the-history-of-the-international/

    • en espagnol

    “La Asociación Internacional de Trabajadores. A 150 años de su fundación”, Herramienta n°55
    https://marcellomusto.org/la-asociacion-internacional/

    • en français

    « La première internationale et son histoire », La Pensée n° 380
    https://marcellomusto.org/la-premiere-internationale-et-son-histoire/

    • en italien

    Lavoratori di tutto il mondo, unitevi!
    https://marcellomusto.org/wp-content/uploads/2014/12/Piccola-Biblioteca-Donzelli-M.-Musto-editor-Lavoratori-di-tutto-il-mondo-unitevi-Indirizzi-risoluzioni-discorsi-e-documenti-2014-Donzelli-libgen.lc_.pdf

    Les documents de l’AIT

    • La compilation exhaustive de Jacques Freymond, Knut Langfeld, Henri Burgelin, Miklós Molnár, Bert Andréas, La Première Internationale : recueil de documents, Genève, Droz, 4 tomes, 1962-1971

    https://archivo-obrero.com/jacques-freymond-dir-la-premiere-internationale-recueil-de-documents/

    • Un choix des rapports et résolutions des congrès de l’AIT par Christian Labarde, La Première Internationale, 10-18, 1976 sans les résolutions de la conférence de Londres) est épuisé depuis longtemps mais on peut trouver sur la toile les résolutions de l’AIT de 1864, 1870 et 1871

    https://www.marxists.org/francais/ait/

    Les contributions d’Engels et de Marx

    • Le recueil de Roger Dangeville, La Commune de 1871, 10-18, 1971

    http://classiques.uqac.ca/classiques/Engels_Marx/commune_de_1871/commune_1871.html

    • Le recueil de Roger Dangeville, Le Parti de classe, Maspero, t. 3, 1973, ch. 1

    http://classiques.uqac.ca/classiques/Engels_Marx/parti_de_classe/parti_3/parti_3.html

    • Les recueils : Marx, Engels, Lénine Sur l’anarchisme, Progrès, 1973 ; Marx & Engels, Œuvres choisies, t. 2, Progrès, 1976 sont épuisés
    • Friedrich Engels & Karl Marx, « Les prétendues scissions dans l’Internationale » (circulaire interne de l’AIT), mars 1872

    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1872/03/scissions.htm

    • Karl Marx, « L’indifférence en matière politique », mars 1873

    https://www.marxists.org/francais/marx/works.htm

    • Friedrich Engels, « De l’autorité », mars 1873

    https://drive.google.com/file/d/1ptqQ3E0xnwKtxv2CUhyBp-ZN5gHnw8GL/view

    • Friedrich Engels, Paul Lafargue & Karl Marx, « L’Alliance de la démocratie socialiste et l’Association internationale des travailleurs » (rapport au 5e congrès de l’AIT), juillet 1873

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65650545/f5.item

    • Friedrich Engels, « Los bakuninistas en acción », octobre 1873, pas sur la toile en français

    https://www.grupgerminal.org/?q=node/2828

    La position de Bakounine et de James

    • Mikhaïl Bakounine, Œuvres, Stock, 6 tomes, 1895-1913, réunies par Max Nettlau & James Guillaume, ne comportent pas la période panslave et omettent les diatribes antisémites

    https://fr.wikisource.org/wiki/Bakounine/%C5%92uvres

    • James Guillaume, L’Internationale, documents et souvenirs, SNLE, 4 tomes, 1905-1910

    https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Internationale,_documents_et_souvenirs

    • James Guillaume, Karl Marx, pangermaniste, Colin, 1915

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3139238.texteImage

    Des études communistes ultérieures

    • David Riazanov, Marx et Engels, 1922, chapitres 7, 8, 9, ‎réédition Les Bons Caractères, 2006

    https://drive.google.com/file/d/1WtaARQ4Ot0bvVzMZmSaN7rg7mZp4tuBl/view?pli=1

    • Gérard Bloch, Marxisme et anarchisme, 1968, SELIO

    https://www.cermtri.com/index.php/1968-marxisme-et-anarchisme

    • Hal Draper, Karl Marx’s Theory of Revolution, t. 4, MRP, 1990, ch. 3, 4, 5, 6 et notes A et B, pas traduit

    https://archive.org/details/karl-marxs-theory-of-revolution-vol.-2-the-politics-of-social-classes/Karl%20Marx%27s%20Theory%20of%20Revolution%2C%20Vol.%204%20Critique%20of%20Other%20Socialisms/

    • Joseph Seymour, Marxism vs Anarchism, SL, 2001, pas traduit

    https://www.marxists.org/history//etol/document/icl-spartacists/pamphlets/Marxism_vs_Anarchism.pdf