Parler clair pour défendre une orientation révolutionnaire

Rien n’est écrit d’avance pour la CGT. Jusqu’ici, on a déjoué tous les pronostics. Cela fait six mois que l’intersyndicale est mobilisée, c’est énorme. Les suites dépendront du niveau de la mobilisation mardi et du vote [à l’Assemblée nationale] le 8 juin. J’appelle donc tout le monde à descendre dans la rue… Nous avons marqué des points cruciaux : on a gagné la bataille des consciences, remis le syndicalisme au centre et fait perdre à Emmanuel Macron toute majorité sociale et politique. Et, oui, je le confirme : il est encore temps qu’il retrouve la raison et renonce à cette réforme. (Sophie Binet, JDD, 4 juin)

Il n’y a plus de grèves en défense des retraites depuis un bon moment. Quoi qu’en dise la direction de la CGT, Macron n’est pas devenu fou. Quoi qu’en dise la direction de la CGT, la classe ouvrière a perdu la bataille des retraites contre le gouvernement et ce n’est pas la 14e journée d’action du 6 juin qui y a changé quoi que ce soit. Mais que vaut cette « victoire morale » dont se targue la direction de la CGT dans « la bataille des consciences » ? Pas un clou ! Dans la lutte entre les classes, comme le disait déjà Jean de La Fontaine sous Louis XIV, « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».

Qui est responsable de la défaite, les travailleurs ou les chefs actuels du mouvement ouvrier ?

Dans l’affrontement entre la bourgeoisie française et la classe ouvrière sur les retraites, Macron et son gouvernement auraient pu être battus à plate-couture et pourtant ce sont eux qui ont été les plus forts. Sinon, comment expliquer que la loi a été promulguée et que les décrets d’application ont commencé à être publiés, que des centaines de milliers de salariés consultent le site du gouvernement ? Alors que l’immense majorité des travailleurs, de la classe qui produit toutes les richesses, qui entretient et fait fonctionner toute la société était résolument opposée à la contreréforme des retraites, comment comprendre que la bourgeoisie, classe ultra-minoritaire, a pu à nouveau l’emporter ? Tout simplement parce qu’une fois de plus, la force gigantesque de la classe ouvrière a été dévoyée par ceux-là mêmes qui disent la représenter politiquement, parler en son nom, diriger ses syndicats, qui n’ont eu de cesse de protéger le gouvernement du possible déferlement de la grève générale.

La principale préoccupation de l’intersyndicale qui, au début, « oubliait » même de réclamer le retrait du projet contre les retraites, a toujours été d’éviter au capitalisme français une « crise sociale et politique » (Communiqué, 16 mars).

À Paris, Fanny, employée de l’Insee de 24 ans, regrette, elle, qu’il n’y ait pas « eu un appel à la grève générale » tôt dans le mouvement. (Le Monde, 6 juin)

Non seulement l’intersyndicale CFDT-CGT-FO-SUD-UNSA-CFTC-CGC n’a jamais appelé à la grève générale, mais les dirigeants syndicaux siégeaient au Conseil d’orientation des retraites qui a découvert un grave « problème » de financement pour le régime général des retraites.

Après avoir enregistré des excédents en 2021 et 2022, le système de retraite serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années… De 2022 à 2032, la situation financière du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de -0,5 point de PIB à -0,8 point de PIB en fonction de la convention et du scénario retenu. (COR, Synthèse du rapport annuel, septembre 2022, p. 5)

Non seulement l’intersyndicale n’a jamais appelé à la grève générale, mais ses membres se sont rendus à toutes les convocations pour chercher une « solution » commune au prétendu problème, en fait pour mettre au point le projet Macron-Borne. Puis ils sont retournés à Matignon cautionner à nouveau le « dialogue social » alors que le gouvernement faisait adopter la loi pour allonger le travail de 2 ans.

Non seulement l’intersyndicale n’a jamais appelé à la grève générale, mais elle a combattu de toutes ses forces contre le mot d’ordre de grève générale, pour qu’il n’apparaisse pas dans les rares assemblées générales, dans les cortèges, dans les slogans et sur les banderoles.

Et quand la recherche par les travailleurs de la grève générale se faisait trop sentir, les bureaucraties syndicales ont employé toutes les ruses possibles comme de baptiser « grève générale » les journées d’action à répétition, ou bien l’appel à une grève reconductible, ici ou là.

En enlevant à la grève son programme politique, les réformistes sapent la volonté révolutionnaire du prolétariat, mènent le mouvement dans une impasse et obligent par conséquent les différentes catégories à mener des combats isolés. (Trotsky, Préface à l’édition française de « Où va l’Angleterre ? », 6 mai 1926)

S’appuyer sur Le Pen contre Macron ?

Une autre forme de trahison de la classe ouvrière s’est déployée tout au long de ce mouvement avec le 8 juin pour épilogue. Il s’agit des efforts constants déployés aussi bien par les partis liés aux appareils syndicaux et issus de la classe ouvrière (PCF, PS et LFI) que par l’intersyndicale pour non seulement faire croire qu’une issue parlementaire positive était possible, mais pire encore, qu’il fallait en appeler aux députés des partis bourgeois opposés à Macron (EELV, LIOT, LR, RN) pour défendre les intérêts des salariés ! Alors que LR et le RN approuvent les exemptions de cotisations patronales qui servent ensuite à de prétexte aux attaques contre le droit à la santé et le droit à la retraite.

Ainsi, en même temps qu’ils empêchaient la classe ouvrière de triompher par ses méthodes de classe, par la grève générale, les appareils contrerévolutionnaires qui dirigent le mouvement ouvrier en appelaient à une sainte alliance à l’Assemblée nationale avec les pires ennemis de la classe ouvrière, sous prétexte qu’ils s’opposaient au gouvernement. Et si le RN avait appelé à une manifestation contre Macron, le PCF, le PS, LFI et les chefs syndicaux y auraient-ils appelé aussi sous prétexte que c’était contre Macron ?

Mais qu’aurait-il résulté du vote majoritaire d’une motion de censure avec un ramassis de députés LR et RN ? Une dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections législatives. Et dans ce cas, c’était un boulevard pour le parti fascisant puisque les partis « réformistes » venaient de voter bras dessus bras dessous avec lui à l’Assemblée nationale ! Brader l’indépendance de classe sous le prétexte d’obtenir un résultat immédiat est une trahison qui se paie ensuite. C’était vrai de l’appel à voter pour Macron en avril 2022 au prétexte de faire barrage à Le Pen, c’est encore vrai quand on vote à l’assemblée avec Le Pen contre Macron !

Combattre pour la grève générale ou suivre les appareils, il faut choisir !

La classe ouvrière doit tirer le bilan de cette défaite pour pouvoir demain submerger le dispositif contrerévolutionnaire des appareils du mouvement ouvrier, pour se défendre, pour vaincre. Malheureusement, elle ne peut bénéficier d’aucune aide pour cela du côté des organisations centristes (révolutionnaires en parole et adjointes des chefs syndicaux en pratique). Ainsi pour l’aile pro NUPES qui a scissionné du NPA à son dernier congrès, c’est la couverture sans fard des appareils :

Ce vote annoncé pour jeudi 8 juin, s’il a lieu, est l’occasion d’un nouvel affrontement. Dans ce cadre, nous avons toutes et tous intérêt à nous faire entendre, à exercer une pression maximale en vue de ce vote, mais aussi –et peut-être surtout– à faire vivre cette vague de contestation politique contre Macron et son monde. C’est tout l’enjeu d’être en grève et dans la rue ce mardi 6 juin. (NPA Anticapitalistes, 30 mai)

Quant à LO, qui n’a jamais dit un seul mot sur la nécessité d’imposer la grève générale tout au long de cette mobilisation alors que c’était la seule perspective concrète véritablement révolutionnaire, elle continue de soutenir vaille que vaille les journées d’action.

Mais quels que soient les calculs des dirigeants syndicaux, ceux qui ont manifesté et fait grève le 6 juin ont pu affirmer les intérêts de leur classe sociale et montrer qu’ils ne se fiaient qu’à leurs propres forces pour inverser le cours des choses ! (LO, Éditorial, 7 juin)

LO, qui n’avait vu en mai-juin 1968 non une crise révolutionnaire mais un simple mouvement revendicatif, promet le socialisme comme d’autres promettent le paradis.

Cette lutte de classe est à mener aujourd’hui avec la conscience qu’il faudra, un jour, aller jusqu’au bout, jusqu’à notre émancipation totale, c’est-à-dire la fin de l’exploitation, le renversement de la domination de la bourgeoisie et de son système capitaliste. (LO, Éditorial, 7 juin)

RP était partie du NPA, entre deux congrès, sans aucune divergence stratégique. Elle a créé, tardivement, un « réseau pour la grève générale ». Mais il y a tromperie sur la marchandise car RP couvre toujours l’isolement par les bureaucrates syndicaux des secteurs les plus combattifs au moyen de « reconductibles » éclatées.

À partir du 7 mars, plusieurs syndicats et fédérations syndicales se sont donné l’objectif de dépasser le plan de bataille de l’intersyndicale en appelant à la reconductible, comme Sud Rail, l’intersyndicale RATP, et les syndicats ou fédérations CGT des Ports et Docks, Chimie, Energie, Cheminots, Verre et Céramique et Éboueurs. (Révolution permanentée, 1er avril)

En réalité, sous ce masque, RP a pour objectif, non pas d’imposer la grève générale contre les directions traditionnelles, mais « d’élargir la grève reconductible ».

. Son modèle, le PTS argentin n’avance jamais l’autodéfense mais donne aux travailleurs comme perspective politique la diversion de l’assemblée constituante. RP essaie de refiler, en se contorsionnant, la même camelote étapiste et réformiste en France.

Nous ne sommes pas encore en condition de remplacer Macron par un gouvernement des travailleuses et des travailleurs… Il faut abroger la Vème République et éliminer la figure présidentielle, en nous inspirant de la Convention de 1793, instaurant une assemblée unique dont le rôle ne serait pas de parler pendant que le gouvernement gouverne, mais de légiférer et gouverner en combinant les pouvoirs législatifs et exécutifs. Ses membres seraient élus pour deux ans. (RP, Face à la radicalisation autoritaire, pour une réponse démocratique, 8 avril)

Supprimer le Sénat et la présidence est tout à fait juste, mais opposer délibérément de telles mesures démocratiques du mot d’ordre de gouvernement des travailleurs, tout en « oubliant » systématiquement l’armement du prolétariat, c’est converger dans les faits avec les deux POI (et leur « assemblée constituante ») et LFI (et sa « 6e république »).

Pour le NPA anti-NUPES, si la grève générale figurait bien dans sa liste de mots d’ordre, en réalité il n’a pas combattu pour imposer l’appel à la grève générale, n’a jamais osé affronter les dirigeants syndicaux. Il a seulement trouvé insuffisante l’intersyndicale.

L’intersyndicale a dirigé le mouvement tout au long des derniers mois. Mais après le premier mai, elle n’a proposé comme échéance générale que le mardi 6 juin, plus d’un mois après. Et les différents syndicats ont accepté individuellement de rencontrer le gouvernement pour aborder d’autres sujets. Parce qu’il ne faudrait pas que la lutte contre la réforme bloque le dialogue ? Voilà une drôle de façon de « bloquer le pays ». (NPA Révolutionnaires, 29 mai)

Comme si la question était dans le rythme des journées d’action de l’intersyndicale et pas dans son refus d’appeler à la grève générale ! Cela conduit Convergences révolutionnaires, le courant façonné par LO qui dirige le NPA anti NUPES, à soutenir de fait la journée d’action du 6 juin des bureaucrates… et même les ridicules casserolades des mélenchonistes :

La préparation de cette journée doit être un point d’appui… La casserole est devenue une arme fatale… (NPA Révolutionnaires, 23 mai)

Fort de son succès, Macron met les bouchées doubles pour marquer de nouveaux points pour le compte de la bourgeoisie française.

Le gouvernement est reparti à l’attaque contre les chômeurs

Le 7 juin, soit le lendemain de la 14e journée d’action, le ministre du Travail Dussopt a présenté son projet de loi au conseil des ministres « pour le plein emploi ». Il s’agit de contraindre tous ces de chômeurs à retourner le plus vite possible au travail, à commencer par les bénéficiaires du RSA, qui se la coulent douce en vivant grassement avec leurs 607,75 euros mensuels. Le projet prévoit pour ces feignants un suivi particularisé, avec stages, formations, immersions en entreprises dont le respect conditionnera le versement de l’allocation, en liquidant au passage Pôle Emploi pour un guichet unique appelé France Travail. Ce n’est qu’un début. Une fois acquise cette nouvelle attaque contre les travailleurs, la bourgeoisie ira plus loin car elle enrage de ne pas encore pouvoir contraindre tous les chômeurs à devoir accepter tous postes vacants, quelles que soient les rémunérations, les conditions de travail ou l’éloignement.

Le gouvernement est reparti à l’attaque contre les réfugiés et les travailleurs étrangers

Chaque jour, des capitalistes, leurs économistes et leurs représentants politiques se lamentent du nombre d’emplois non pourvus dans différents secteurs économiques. La classe exploiteuse se divise même sur la question : faut-il autoriser la venue d’une main d’œuvre étrangère pour les métiers en tension ou bien plutôt exploiter le prolétariat bien français, ou bien encore combiner les deux ? C’est en partie l’objet du marchandage en cours entre le gouvernement et LR sur le projet de loi Darmanin visant les réfugiés, les étudiants et les travailleurs étrangers. En partie seulement car si, du côté Darmanin, la notion de « métiers en tension » est tout à fait compatible avec l’exigence de « quotas » d’étrangers de LR, en revanche sur les mesures de répression, de refoulement et d’expulsion des migrants et sans-papiers, c’est la course à l’échalotte entre le RN, LR et le gouvernement pour savoir qui remportera la palme du plus réactionnaire.

Déjà les sénateurs LR ont voté l’idée géniale de supprimer l’aide médicale d’État aux sans-papiers, ce qui du strict point de vue sanitaire est parfaitement inepte. Mais le marchandage continue en coulisses. Fin mai, LR a annoncé déposer deux propositions de loi sur l’immigration, prévoyant des restrictions à l’aide médicale d’État, au regroupement familial, au droit d’asile ou encore aux prestations sociales pour les étrangers, des quotas migratoires et la possibilité de convoquer un référendum sur l’immigration. Pour Éric Ciotti, cela ne fait aucun doute, « si nos propositions sont adoptées, nous résoudrons le problème de l’immigration dans notre pays ». Et quand un déséquilibré, par ailleurs chrétien et syrien, blesse au couteau six personnes dont quatre enfants à Annecy le 8 juin, LR se déchaine :

Nous avons besoin de rompre avec l’immobilisme en matière d’immigration. Le chaos migratoire nous menace. Or, le texte proposé par Gérald Darmanin, c’est du « en même temps » ! (Éric Ciotti, Le Parisien, 10 juin)

LR qui demande samedi 10 juin à être reçu par Macron sur la question de l’immigration, lequel répond illico « être prêt à travailler avec tous les partis de gouvernement dont les LR, sur le sujet de l’immigration, mais pas seulement »… En même temps, LR et le RN ont attaqué le 9 juin l’accord au plan européen conclu pourtant pour mieux refouler les migrants et tenir les demandeurs d’asiles en dehors des frontières européennes, mais sur un point précis, celui prévoyant une répartition entre tous les pays des réfugiés débarqués en Italie, Espagne ou Grèce. « Je n’admets pas, comme beaucoup de Français, que nous ne soyons plus décisionnaires de qui entre dans notre pays, qui s’y maintient et à quelles conditions » a dit Le Pen tandis que, pour Ciotti, « il faut changer les règles françaises et il ne faut plus se soumettre à des règles qui nous sont imposées, qui sont inadaptées ». La surenchère réactionnaire entre Darmanin, Ciotti et Le Pen contre les migrants, réfugiés et travailleurs étrangers est lancée. 

Le gouvernement est reparti à l’attaque contre les enseignants

Poursuivant sur sa lancée, le gouvernement avance également contre les enseignants avec la mise en place d’un « « pacte qui doit être opérationnel à la rentrée de septembre 2023. Comme les enseignants sont sous-payés depuis des années alors que leurs charges de travail ne font qu’augmenter, Macron et son ministre Pap Ndiaye ont repris l’antienne de la bourgeoisie, travailler plus pour gagner plus, et ont donc inventé ce dispositif. Il s’agira pour les volontaires d’assurer de nouvelles « missions » de 18 à 24 heures annuelles chacune donnant droit à une « indemnité » de, 1 250 euros consistant par exemple à remplacer ses collègues absents « au débotté » ou bien d’assurer du soutien scolaire en 6e. L’objectif est de recenser les volontaires pendant la deuxième quinzaine de juin.

Il n’est pas certain que ceux-ci se bousculent au portillon, les équipes enseignantes étant à juste titre la plupart du temps vent debout contre ce dispositif qui les prend pour des imbéciles. Mais le gouvernement disposera d’une autre arme pour les y contraindre progressivement : l’accord de chaque enseignant avec le projet pédagogique de son établissement qu’il cherche peu à peu à imposer, comme il a commencé à le faire dans les écoles primaires de Marseille en accord avec la mairie PS. Certes, ce dispositif est encore loin d’être pleinement déployé, mais il indique clairement comment le gouvernement entend parvenir à ses fins, en assujétissant plus étroitement chaque enseignant au chef d’établissement.

Le dialogue social est relancé

Les chefs syndicaux se sont rendus à l’invitation de Borne les 16 et 17 mai. Pour le gouvernement, l’important était d’afficher la reprise du « dialogue social » avec les directions syndicales tout en réaffirmant que la contreréforme des retraites allait s’appliquer. Pour faire passer la pilule, Binet a feint une grosse indignation : « Je suis en colère, sur quasiment tous les sujets, c’était une fin de non-recevoir, avec une politique alignée sur l’intérêt et la volonté patronale ». Quelle surprise ! Les directions syndicales pensaient-elles réellement que le gouvernement pouvait défendre une autre politique ou bien plutôt s’ingénient-elles à essayer de faire croire aux travailleurs qu’il pourrait en aller autrement afin de légitimer la réouverture des concertations ? S’il y avait un doute, il est levé par le dernier communiqué de l’intersyndicale. Celui-ci liste les revendications qu’elle entend défendre, sous une forme particulièrement ectoplasmique et pour tout dire parfaitement compatible avec la relance du dialogue social voulue par le gouvernement.

L’intersyndicale rappelle que le salaire relève du partage des richesses : l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minimas sociaux et des bourses d’études est une priorité. Le SMIC doit demeurer un salaire d’embauche et ne peut pas être une trappe à bas salaires… L’État doit aussi montrer l’exemple en augmentant le point d’indice dans la fonction publique. (Communiqué de l’intersyndicale, 30 mai)

Où est passée la revendication simple et immédiate du rattrapage de la perte du pouvoir d’achat et de l’indexation automatique sur l’inflation, pour les salaires comme pour les retraites et les allocations, pour le privé comme pour le public ? Au lieu de quoi l’intersyndicale se contente de dire que l’augmentation… est une priorité. La belle affaire ! Mais quelle augmentation, de combien ? Un flou bien pratique pour justifier les accords au rabais…

Pour la défense de l’armée française, garde-à-vous !



Le 7 juin, la loi de programmation militaire a été votée à l’Assemblée nationale par 408 voix pour, 87 contre et 53 abstentions, après l’examen de quelques 1 791 amendements, dans un esprit rare de communion de l’ensemble des forces politiques représentées autour de la défense et la promotion du bras armé de l’État bourgeois, qui plus est impérialiste. Il s’agissait de voter 413 milliards d’euros pour la période 2024–2030 et chacun s’est félicité de l’ambiance studieuse et cordiale qui a présidé à cet exercice, au point de louer la méthode du ministre des armées qui « contraste avec la brutalité et l’antiparlementarisme ordinaire du gouvernement » comme le reconnait si gentiment le député mélenchoniste Aurélien Saintoul. En réalité, c’est moins l’urbanité du ministre que l’union sacrée de toutes forces politiques qui a permis ce résultat qui est, au passage, un autre succès pour Macron, lui dont la direction de la CGT pensait qu’il était désormais privé de « toute majorité sociale et politique ».

EELV s’est abstenu en regrettant « une opportunité ratée d’adapter la défense aux défis de notre temps », notamment le dérèglement climatique. Des armes et de la mitraille pour l’État bourgeois, oui, mais plus écologiques… LR a voté pour car « 413 milliards, ce n’est déjà pas si mal » comme le reconnait le député Thieriot. Le RN a voté pour car « je me satisfais que l’outil militaire que vous programmez pour les prochaines années ne soit pas incompatible avec la politique étrangère et de défense que je souhaite mener » a dit Le Pen.

Le PS, tout en partageant « plusieurs affirmations fortes » mais en regrettant au final « le manque d’ambition » du texte, s’est abstenu. Le PCF a voté contre, tout en reconnaissant « des avancées notables pour nos armées », mais parce qu’à ses yeux, trop d’argent est dévolu au titre des armes nucléaires et pas assez au titre des armes conventionnelles : « aujourd’hui, notre désaccord porte surtout sur le niveau de dépenses engagées à ce titre ». Quant à LFI, elle a également voté contre en estimant que le projet manquait d’ambition et de vision : « il ne peut s’agir de faire la même chose avec plus de moyens. Il faut nous projeter. Et cette LPM ne le fait pas ».

Ainsi, tous les partis sociaux-patriotes ont-ils, à leur manière, déclaré leur flamme à la « défense nationale », c’est-à-dire à l’armée impérialiste française, dernier recours contre la révolution sociale à l’intérieur alors que le financement du militarisme va reposer essentiellement sur les travailleurs.

Une étude inédite de l’Institut des politiques publiques relance le débat sur la fiscalité… Pour les très riches, l’impôt est régressif : le taux payé par les 0,1 % les plus fortunés diminue à mesure que l’on grimpe dans l’échelle des revenus. Ces données sont antérieures aux réformes Macron : suppression de l’ISF, « flat tax » sur les revenus du capital, baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. (Le Monde, 7 juin)

Macron peut s’en frotter les mains et imposer le service national universel aux lycéens. La bourgeoisie se rassurer que la révolution ne viendrait jamais de ce côté-là.

Avancer vers un parti communiste internationaliste

La lutte de classes ne cesse pas à cause d’une défaite. Un peu plus tôt, un peu plus tard, la classe ouvrière reprendra le combat d’ensemble. Parce qu’elle n’a pas le choix. Il lui faudra repartir des enseignements qu’elle aura pu tirer de cette mobilisation en défense des retraites, comme le fait la travailleuse interviewée par Le Monde le 6 juin dernier regrettant qu’il n’y ait pas eu d’appel à la grève générale.

Le Groupe marxiste internationaliste a combattu avec toutes ses forces pour ouvrir cette voie, dès l’annonce du projet de loi par le gouvernement. Mais il faut pour y réussir une organisation révolutionnaire solidement implantée qui aura ouvertement pour programme l’armement du peuple, le gouvernement ouvrier, l’expropriation du grand capital et les États-Unis socialistes d’Europe. Une telle organisation se battra pour le front unique ouvrier contre toutes les attaques de la bourgeoisie, pour l’indépendance des syndicats et pour leur unification, pour le contrôle des travailleurs sur la production et la distribution, pour l’autodéfense des luttes sociales et des organisations ouvrières. Elle préparera aussi la grève générale contre la prochaine attaque, sans craindre d’affronter les agents de la bourgeoisie au sein des travailleurs.

Les partis ouvriers bourgeois se sont constitués dans tous les pays capitalistes avancés. Sans une lutte résolue et implacable contre ces partis, ces groupes, ces tendances, il ne saurait être question ni de lutte contre l’impérialisme, ni de marxisme. (Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, octobre 1916)

Car la bourgeoisie tire sa force non seulement de son appareil d’État, du capital, de l’idéologie dominante, mais aussi des puissants relais dont elle dispose dans les partis réformistes et à la tête des syndicats. Voués avant tout à la défense du capitalisme français, attachés par mille liens à l’État bourgeois, craignant par-dessus tout la révolution, ces appareils contrerévolutionnaires refusent tout combat véritable pour défendre les revendications car il les amènerait inévitablement à être balayés par le mouvement de la classe ouvrière.

Pour tous ceux qui veulent construire cette organisation révolutionnaire, il n’y a pas de voie médiane. Il faut choisir.

12 juin 2023