ABC du marxisme : front unique ouvrier

La classe ouvrière n’est pas homogène. Son avant-garde, qui combat consciemment et ouvertement pour une révolution sociale et pour le socialisme mondial, doit répondre à l’aspiration naturelle à l’unité des travailleurs quand ils engagent des luttes collectives.

L’Association internationale des travailleurs (AIT) rassembla tous les courants de 1864 à 1872. L’AIT animée par Marx permit la confrontation des vues et l’action commune. Par exemple, l’AIT se prononça pour la lutte pour les salaires et pour la constitution de syndicats contre les disciples d’Owen et de Proudhon. Elle se prononça pour le salariat des femmes contre les disciples de Proudhon. Elle affirma la dimension politique de la lutte des travailleurs malgré les disciples de Bakounine. Elle soutint la Commune de Paris en dépit de la réticence des dirigeants syndicaux britanniques.

Lui succéda de 1889 à 1914 l’Internationale ouvrière (IO) qui reposait sur des partis de masse en Europe occidentale et centrale. Lors des congrès internationaux, les « socialistes » partisans du colonialisme, de la fermeture des frontières aux immigrés, de la participation à des gouvernements bourgeois « progressistes »… furent systématiquement mis en minorité.

En 1914, ce cadre unitaire explosa quand la plupart des partis membres (SPD allemand, PS-SFIO français, POB/BWP belge, LP britannique, SDAP autrichien…) bafouèrent les résolutions de l’IO en s’alignant chacun sur sa bourgeoisie en guerre, envoyèrent les prolétaires s’entretuer pour elle et s’associèrent à la répression des grèves et des soulèvements populaires.

L’explication de cette trahison et de cet éclatement fut fournie en 1915-1917 par Lénine et Zinoviev (Parti bolchevik). L’exploitation au-delà de ses frontières confère à une puissance impérialiste de tels avantages économiques qu’elle a les moyens de corrompre une « bureaucratie ouvrière » : ministres, parlementaires, maires, permanents, journalistes… qui lui sert d’agents au sein des masses exploitées et opprimées.

La division du mouvement ouvrier entre un pôle réformiste, social-patriote, et un pôle révolutionnaire, internationaliste, est depuis irréversible. S’y ajoute un marais centriste, pacifiste, dont la seule constance est de refuser de rompre avec le réformisme tout en bavardant sur la révolution.

En s’appuyant sur la révolution russe victorieuse en 1917 grâce au Parti bolchevik, l’Internationale communiste (IC) est fondée en 1919. Elle se heurte à l’emprise sur les masses que conservent les partis réformistes et centristes et au gauchisme qui réintroduit l’anarchisme dans l’IC. Le problème est particulièrement aigu en Allemagne. En janvier 1921, le secrétaire général du KPD Levi, avec l’appui de l’envoyé de l’IC Radek, écrit une lettre ouverte à toutes les autres organisations ouvrières de masse (SPD, KAPD gauchiste, syndicats) pour proposer l’unité d’action pour les salaires, l’emploi, l’autodéfense, l’amnistie des prisonniers politiques. Avec succès, le KPD se fortifie au détriment du SPD et du KAPD qui ont refusé le front unique ouvrier.

En mai 1922, au nom de la direction de l’Internationale communiste, Trotsky s’en prend à la majorité opportuniste du PC (SFIC) qui est hostile au front unique ouvrier, Bulletin communiste n° 34, 17 aout 1922,


Sous l’impulsion de Lénine et de Trotsky, l’Internationale communiste reprend et systématise cette tactique, ce que est ratifié par le 4e congrès mondial en 1922. Le front unique ouvrier est une offre de combattre ensemble sur des questions concrètes. En cas de réalisation du bloc, il ne faut pas renoncer à la critique de son partenaire, forcément vacillant. Que la réponse soit positive ou non, le parti ouvrier révolutionnaire en sort renforcé, le parti réformiste affaibli.

La bureaucratie de l’URSS s’empare de l’IC et rejette en 1929 le front unique ouvrier. En Allemagne, le SPD serait social-fasciste. Résultat : le parti nazi l’emporte en 1933. L’État totalitaire interdit les syndicats, tous les partis ouvriers, envoyant leurs militants sans distinction en camps de concentration.

En 1935, Staline fait adopter à l’IC l’alliance avec des partis bourgeois « démocratiques » ou « antifascistes », qui ne peut se réaliser que sur leur programme, qu’en défense de l’État bourgeois. Le front populisme aboutit à des catastrophes en Espagne en 1938 (victoire de Franco) et en France en 1940 (remise du pouvoir à Pétain).

Il ne peut y avoir de révolution victorieuse sans parti ouvrier révolutionnaire à la tête de la classe ouvrière. On ne peut pas construire un parti ouvrier révolutionnaire en coexistant pacifiquement à côté des partis sociaux-chauvins (LFI, PCF, PS…) et en ménageant les bureaucraties syndicales qui reçoivent plus de subventions que de cotisations, qui siègent dans les conseils d’administration et de surveillance des groupes capitalistes, qui acceptent systématiquement de discuter avec l’État bourgeois de ses projets anti-ouvriers, qui sabotent les luttes.

C’est pourquoi les communistes révolutionnaires militent dans les syndicats de masse pour qu’ils luttent réellement en défense des intérêts des salariés, ce qui les oppose aux agents de la bourgeoisie. Là où il y a plusieurs syndicats, ils se battent pour l’unification dans une seule centrale démocratique et de lutte de classe.

Dès que c’est possible, les communistes contribuent à créer des organes plus larges d’auto-organisation des masses pour mener démocratiquement la lutte des classes. Les conseils de travailleurs ne peuvent pas mener à eux seuls une révolution victorieuse, mais ils constituent le terrain sur lequel le parti ouvrier révolutionnaire peut réfuter en pratique le réformisme, prendre la tête des masses et conduire la lutte de classe jusqu’à la révolution, la prise du pouvoir par la classe ouvrière.

3 mars 2023