Lettre de lectrice : la biodiversité et la conférence internationale de Montréal

La biodiversité et la conférence internationale de Montréal

Depuis plus de 4 ans, la quinzième conférence mondiale de l’ONU sur la biodiversité (COP15) vise à faire adopter des mesures mondiales de protection de la biodiversité. Réunie à Montréal (Canada), elle s’est achevée le 19 décembre avec la signature d’un accord déclarant contrer la diminution drastique la biodiversité qui s’accentue actuellement d’année en année, d’ici 2030.

L’extinction de nombreuses espèces animales, végétales et fongiques (de champignons et levures) sur la planète est intimement liée aux activités humaines. Dès la préhistoire a commencé l’extinction de grands mammifères placides, par leur chasse humaine systématique. Puis l’agriculture a modifié les écosystèmes de la planète. Mais la diminution critique de la biodiversité est contemporaine car elle trouve sa source dans la généralisation du mode de production capitaliste au 20e siècle avec l’industrialisation massive et l’agriculture intensive.

La disparition accélérée de formes de vie est associée à l’impact climatique humain, avec l’augmentation de la température moyenne sur la planète. La température moyenne mondiale est d’1,2 °C de plus que la température moyenne pré industrielle. Les effets du réchauffement climatique se font de plus en plus sentir, par diverses catastrophes majeures : canicules exceptionnelles, incendies massifs et ravageurs, vagues de froid, précipitations extrêmes et inondations, etc.

L’accord de Paris en 2015 avait pour objectif de ne pas dépasser une augmentation de 2° C, voire idéalement 1,5 °C, par rapport aux températures de l’ère préindustrielle. Les estimations actuelles portent ce chiffre à +2,7 %, niveau qualifié de catastrophique par l’ONU.

Les glaces de l’océan Arctique ont diminué de plus de 40 % par rapport aux estimations satellites effectuées pour la première fois en 1979, avec une baisse décennale estimée à 13 %, par le National Snow And Ice Data Center, depuis les années 1980. La fonte des glaciers de montagne pose des problèmes majeurs et croissants d’approvisionnement en eau dans les pays où les fleuves sont alimentés par ces eaux.

L’augmentation du niveau de la mer qu’entraine le réchauffement climatique et la fonte des glaces, délogera environ 500 millions de personnes vivant dans des zones qui seront submergées si la température mondiale augmente de plus d’1,5 °C. Selon les estimations du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), ces températures seront atteintes d’ici 2030.

Les dirigeants politiques ne prennent aucune mesure concrète et efficace pour ralentir ce processus, quand ils ne niaient pas le réchauffement climatique comme Trump (ex-président des EU), Morrison (ex-premier ministre d’Australie), Bolsonaro (ex-président du Brésil), Dutertre (ex-président des Philippines) … En France les grands discours du président Macron n’ont mené à aucune amélioration.

En 2020, le gouvernement français a permis des émissions supérieures à celles initialement fixées par la stratégie nationale bas carbone. Même chose pour la réduction des gaz à effet de serre, dont l’objectif passe d’une diminution de 2,3 à 1,5 % par an d’ici 2023. Les groupes capitalistes sont les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, tant par leurs décisions de production guidées par le profit que le mode de consommation de leurs actionnaires et de leurs manageurs (yachts, jets privés, multiples résidences, etc.) alors qu’ils sont une toute petite minorité de la population mondiale.

La crise climatique, la crise biologique et la pandémie de covid sont bien évidemment intimement liées, les espèces animales, fongiques et végétales sont massivement bouleversées par le réchauffement climatique. De nombreux experts scientifiques insistent sur la nécessité de la gestion commune de ces enjeux mondiaux majeurs. La destruction des écosystèmes met également en péril le climat : les océans, les forêts et les sols absorbent environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre actuellement. La dégradation de ces écosystèmes limite cette absorption, et tout indique que la diminution de l’absorption des émissions va s’accentuer d’année en année (la baisse de l’efficacité des puits terrestres est estimée à 17 %, celle des puits marins à 4 % au cours de la dernière décennie).

Ainsi la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre doit être menée sur un front commun avec celle de la protection des écosystèmes et de la réduction du nombre d’espèces menacées d’extinction.

La COP15 fixe 23 objectifs à l’horizon 2030, qui mélangent des enjeux de conservation, d’utilisation durable des ressources et de partage des bénéfices.

Une des mesures majeures vise à protéger 30 % de la planète (terre et mer, contre actuellement respectivement 17 et 8 %), et ne pas altérer les 3 % de territoires dits « intacts » de la planète. Mais la définition de cette protection est très élastique. Selon le rapport de l’association Bloom publié le 7 octobre 2021, 47 % du temps de pêche des navires industriels français ont eu lieu dans les zones marines protégées, et ce tout à fait légalement ! De plus, pour faire du chiffre, des gouvernements ont parfois mis sous protection des zones sans intérêt pour la biodiversité ou créé des zones sans aucun moyen de protection effective, appelées des « parcs de papier ». Selon un spécialiste des aires protégées, Mike Appleton, « il y a plus de personnes employées dans les terrains de golf et les country clubs des Etats-Unis que de gardes publics dans le monde ».

Les gouvernements de plusieurs États contestent ces mesures, avant même de discuter des moyens techniques et financiers à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs. La réduction de l’usage des pesticides est elle aussi contestée, ainsi que la majorité des autres mesures discutées dans ce projet. Il semble donc que la COP15 ne fasse pas partie des priorités gouvernementales mondiales.

Les mesures de sobriété sont essentielles, tant sur le volet climatique que sur le volet de la biodiversité, et n’ont pas le vent en poupe chez les capitalistes, qui tiennent à leur monopole des moyens de production et à leurs privilèges, dévastateurs pour la planète.

Les chefs de gouvernements ne se sont pas déplacés à Montréal, seul le premier ministre canadien Trudeau est intervenu aux côtés des ministres de l’environnement. Au même moment la coupe du monde de football au Qatar, dans ses stades climatisés à ciel ouvert, voit s’afficher les têtes des pouvoirs exécutifs, dont Macron. Leur absence est significative des véritables priorités des États bourgeois, comme les discours bellicistes de Poutine et Biden au même moment, ainsi que l’essor généralisé des budgets militaires.

Parmi les 150 388 espèces évaluées par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), 28 % sont en danger d’extinction, soit 42 108. Ces chiffres ne prennent pas en compte les nombreuses espèces qui ne sont actuellement pas connues, et n’évalue qu’une toute petite part des espèces connues, puisque plus de 2 millions d’espèces vivantes sont actuellement connues sur Terre.

Des actions immédiates, internationales et d’envergure sont nécessaires, ainsi que des indicateurs et des mesures permettant de contrôler objectivement l’efficacité des mesures mises en place.

Actuellement, le déficit de financement de la biodiversité est évalué à 700 milliards de dollars (660 milliards d’euros) par an. Les mesures prises lors de la COP15 sont des mesures de compromis, tant en ce qui concerne les mesures de protection que les mesures financières. Un nouveau fonds va être mis en place au sein du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). L’objectif est de faciliter l’accès aux ressources nécessaires aux pays pauvres afin de mettre en application les mesures votées lors de la COP15.

Malheureusement, malgré un cadre d’objectifs qualifié de « solide » par les protagonistes de la COP15, il n’y a aucun système de contrôle et de sanction pour modifier les actions des pays si les objectifs visés ne sont pas atteints. On entrevoit donc aisément les dérives et le probable insuccès des mesures votées ce 19 décembre. Chaque État sera libre de ses indicateurs de mesure de progrès. Il faut également signaler qu’actuellement, il n’y a eu aucun progrès environnemental dans les secteurs agricole et de la pêche. Les experts indépendants sont par conséquent pessimistes sur la réalisation des objectifs fixés par la COP15 pour 2030.

Il est donc permis d’être sceptique. Le seul mérite de telles cérémonies est d’attirer l’attention sur le problème de la biodiversité et du climat.

24 décembre 2022, CH