Chine : le congrès du PCC et la colère qui gronde

Le 13 octobre, sur le pont Sitong du périphérique de Pékin, deux grandes banderoles sont déployées. Pour quelques minutes seulement, l’opposant Peng Lifa y défend ce que de nombreux Chinois pensent.

Assez de test PCR, nous voulons des moyens de subsistance ; assez de confinements, nous voulons la liberté ; assez de mensonges, nous voulons la dignité ; pas de révolution culturelle, nous voulons la réforme ; assez de chef suprême, nous voulons des bulletins de vote ; ne pas être des esclaves mais des citoyens. Grève des étudiants, grève des travailleurs, renvoyez le dictateur et voleur d’État Xi Jinping.

Pékin, 13 octobre


Les quelques photos prises font très vite le tour des réseaux sociaux. Arrêté, Peng est accusé d’« incitation à la subversion du pouvoir », crime passible de plusieurs années de prison.

La lutte contre la corruption pour redorer l’image du parti unique

Tous les 5 ans, le fastueux congrès du Parti « communiste » de Chine (PCC) se tient avec plus de 2 000 délégués (dont bon nombre de capitalistes) qui ne débattent pas vraiment. Ils sont convoqués pour applaudir le chef et pour entériner les tractations antérieures et cachées des sommets du parti unique pour désigner les gouvernants officiels de la deuxième économie mondiale et de ses 1,4 milliard d’habitants. Depuis 2012, le nouveau secrétaire général Xi Jinping a mené une lutte de fraction victorieuse contre les autres cliques bourgeoises. En 2017, il a fait renouveler son mandat et nommer ses alliés pour écarter les concurrents. En 2018, il a modifié la constitution qui limitait son poste à deux mandats consécutifs. Il dispose d’un congrès apparemment à sa botte.

La lutte contre la corruption a consolidé sa position de chef suprême et relégitimé le PCC. En 10 ans de règne de Xi, plus de 1,5 million de « tigres » (les corrompus de haut rang) et de « mouches » (les petits corrompus) ont été exclus et sanctionnés par la justice. L’état-major était particulièrement renommé pour son avidité. Plus de 70 généraux ont été limogés.

Les « renards », les enrichis qui ont fui à l’étranger en siphonnant au total 800 milliards de yuans (100 milliards d’euros) ne sont pas à l’abri. En aout 2022, Xiao Jinhua, PDG milliardaire de Tomorrow, est condamné à 13 ans de prison, après avoir été enlevé en 2017 à Hongkong, malgré son passeport canadien.

Mais il s’agit d’une tâche sans fin, surtout quand il n’y a qu’un parti autorisé. En septembre 2022, Sun Lijun, vice-ministre de la sécurité publique, et Fu Zhenghua, ministre de la justice, tous les deux nommés par Xi en 2018, sont condamnés à mort (avec sursis).

Les priorités selon Xi

Le discours d’ouverture de Xi rappelle qu’il faut « éliminer avec fermeté les vices des institutions », « faire régner une discipline rigoureuse ». Cet autoritarisme vaut avant tout pour les centaines de millions de travailleurs des villes et des campagnes.

La sécurité nationale constitue le fondement du renouveau de la nation, et la stabilité sociale, la condition préalable à la prospérité du pays. (Xi Jinping, Rapport au 20e congrès du PCC, 16 octobre)

Dans ce régime, le chef suprême est réputé infaillible.

La coordination entre la lutte contre l’épidémie et le développement économique et social a obtenu des résultats positifs importants. (Xi Jinping, Rapport, 16 octobre)

À propos de Hongkong où l’impérialisme chinois a supprimé la plupart des libertés démocratiques, Xi assure que « la situation a connu un retournement majeur et que l’ordre y a été rétabli. ».

Contre le droit à l’autodétermination de la population de Taïwan, le message est clair :

S’agissant de Taiwan, nous avons mené, sans aucune hésitation, des luttes importantes contre les activités sécessionnistes des partisans de l’« indépendance de Taiwan » et contre les graves provocations des forces étrangères… Nous ne pouvons garantir que nous n’aurons jamais recours à la force et nous gardons toutes les options ouvertes. (Xi, Rapport, 16 octobre)

Les représentants politiques de l’impérialisme chinois ont conscience que ses rivaux veulent le refouler par tous les moyens.

Les courants opposés à la mondialisation commencent à gagner du terrain, l’unilatéralisme et le protectionnisme montent en puissance, la reprise de l’économie mondiale s’essouffle, les conflits et bouleversements régionaux deviennent fréquents. (Xi, Rapport, 16 octobre)

En conséquence, le pouvoir veut se « préparer à affronter les rudes épreuves qui se succéderont telles des tempêtes, voire des ouragans ». Face au projet de Biden de limiter l’accès aux semi-conducteurs performants produits par Taïwan et la Corée du Sud, le chef du PCC en appelle à l’autosuffisance nationale.

Pour pouvoir rivaliser, il faut « faire rapidement de l’armée populaire une armée de premier rang mondial ». Contre l’alliance initiée par les États-Unis pour fédérer l’Australie, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud, Xi défend « la priorité de l’armée vers les préparatifs de guerre et de combat ».

Les firmes multinationales chinoises et l’État qui les défend interviennent sur tous les continents.

En dix ans , la Chine a accordé environ 1 000 milliards de dollars de prêts et d’autres fonds pour des projets de développement dans près de 150 pays, tels que l’Équateur et l’Angola. La Chine est devenue le premier créancier officiel du monde. (Wall Street Journal, 26 septembre 2022)

D’ailleurs, la Chine joue sa carte dans la guerre de l’impérialisme russe contre l’Ukraine.

La Chine soutiendra également fermement la partie russe, sous la direction du président Vladimir Poutine, pour qu’elle unisse le peuple russe. (Wang Yi, ministre des affaires étrangères, Le Monde, 30 octobre 2022)

Comme d’habitude, les 2 296 délégués représentant les 96,7 millions d’adhérents du PCC votent à l’unanimité la résolution finale. Celle-ci instaure « la pensée Xi Jinping » dans les statuts du parti. Les 6 autres membres qui composent le « comité permanent du bureau politique », dépourvu comme d’habitude de toute femme, sont tous des proches de Xi. Parmi les promus, le chef de Pékin, Cai Qi, est renommé pour avoir fait détruire en 2017 les abris de fortune des ouvriers venus des campagnes, et le chef de Shanghai, Li Qiang, qui est responsable de longues semaines d’un confinement autoritaire cette année.

La colère gronde

Zhengzhou, 10 juillet 2022, rassemblement de déposants grugés devant une banque


Malgré le degré inouï d’espionnage et de répression, la colère gronde à cause de la sècheresse estivale, de la répétition des confinements drastiques, de la crise immobilière. Quatre banques du Henan en difficulté avaient bloqué au début de l’année les comptes de 400 000 clients. En juillet, des milliers de petits épargnants qui manifestent sont attaqués et dispersés par les policiers. Le chômage urbain des 16-25 ans atteint officiellement 17,9 % (BNSC, octobre).

Les confinements étaient indispensables face au covid quand il n’existait ni vaccin ni traitement. Le gouvernement opposait alors « le chaos de l’ouest » à « l’ordre de Chine ». En fait, l’État chinois avait été long à réagir, faute de syndicats libres, de médias indépendants et de partis d’opposition. Il avait persécuté en janvier 2020 le médecin donneur d’alerte, Li Wenliang. Aujourd’hui, malgré la mise au point de vaccins, y compris en Chine, le pouvoir s’obstine dans les mesures d’hier, ce qui suscite une résistance grandissante.

Des étudiants manifestent sur plusieurs campus contre les confinements massifs à répétition. Ces mesures grippent aussi les chaines de production. À l’obligation des tests (3 fois par semaine pour avoir le droit de se déplacer) s’ajoute parfois le manque de nourriture et de soins. Il arrive que des ouvriers fuient les lieux d’exploitation et de confinement.

Plus d’un mois s’est écoulé depuis que les premiers cas de covid-19 ont touché l’usine d’iPhone de Foxconn à Zhengzhou, dans la province du Henan, ce qui a incité la direction à placer les travailleurs en confinement tout en maintenant la production dans un système en circuit fermé. Les travailleurs ont dû se soumettre à des tests PCR quotidiens et n’ont pas pu quitter la zone industrielle. Les conditions précaires de vie et de travail des quelque 300 000 travailleurs de l’usine de Zhengzhou, la plus grande unité de production d’iPhone au monde, ont poussé des milliers de personnes à fuir à pied. (China Labour Bulletin, 8 novembre 2022)

Zhengzhou, 23 novembre, des ouvriers de Foxconn affrontent la police


Pour se procurer de la main-d’oeuvre, le patron promet des salaires plus élevés. Mais comme il refuse de tenir parole, des affrontements ont eu lieu avec la police le 23 novembre.

En défendant leurs revendications économiques (salaire, temps de travail, protection sociale, conditions de travail…), en exigeant les libertés démocratiques (droit d’organisation, de manifestation, de presse), en reconnaissant le droit des minorités nationales à l’autodétermination, le prolétariat peut rallier les opprimés et former un gouvernement ouvrier et paysan sur les décombres de l’État bourgeois. Un tel pouvoir, appuyé sur les travailleurs en armes, élu par les conseils des entreprises, des villes, des villages, sera en mesure d’exproprier les grands groupes capitalistes chinois et étrangers et d’ouvrir la voie du socialisme.

Pour terrasser la classe des exploiteurs aujourd’hui représentée par le PCC et par Xi, la classe ouvrière a besoin d’un parti révolutionnaire, section d’une internationale révolutionnaire.

26 novembre 2022