Enseignement professionnel : une attaque contre notre classe

Le 13 septembre, lors de la visite d’un lycée professionnel des Sables d’Olonne (Vendée), Macron annonce son intention de « réformer » l’enseignement professionnel. Dans la même ligne que les dernières attaques, l’objectif est de soumettre encore davantage les lycées professionnels aux besoins des capitalistes. Le projet prévoit d’accroitre le temps passé en entreprise, de baisser à nouveau les heures d’enseignements généraux et de limiter les filières aux besoins des entreprises locales.

Après des années d’atteintes au droit à la qualification

L’enseignement professionnel est issu des conquêtes de 1944-1945, quand la classe ouvrière a arraché partiellement ses enfants aux griffes des patrons (avec la création des centres d’apprentissage, renommés CET puis LP). Comme le capitalisme restait en place, comme l’État bourgeois était sauvé par la collaboration de classe (ministres PS et PCF, association de la CGT et de la CFTC à la reconstruction…), l’apprentissage patronal et l’enseignement catholique étaient néanmoins maintenus et la formation permanente s’effectuait en dehors de l’éducation nationale.




Aujourd’hui, l’enseignement professionnel forme un tiers des lycéens français (650 000 élèves), venant principalement de la classe ouvrière. Selon le ministère de l’Éducation, 34,9 % des effectifs sont des enfants d’ouvriers contre 16,3 % dans la filière générale, 19,3 % sont enfants d’employés contre 15,7 % et seul 7 % ont des parents cadres contre 30 %. Plus d’un élève sur deux est issu d’un milieu défavorisé (55,4 %) contre un quart dans l’enseignement général (25,4 %).

Soucieux de cantonner le plus grand nombre d’enfants de travailleurs à leurs conditions, la professionnalisation de plus en plus précoce a toujours été défendue par le patronat, les partis bourgeois et l’État. En 2001, le ministre délégué à l’enseignement professionnel du gouvernement Jospin voulait enrayer la baisse des effectifs en LP.

Est-il compréhensible, que face à la croissance qui reprend, les deux tiers de la baisse démographique soient répercutés sur l’enseignement professionnel ? (Jean-Luc Mélenchon, 3 mars 2001)

Le futur Lider Maximo de la France insoumise, en plus d’ajouter dans les enseignements des LP et BEP une heure de propagande sur la République bourgeoise, la fameuse ECJS (éducation civique juridique et sociale), avait commencé à spécialiser étroitement en adéquation avec les besoins immédiats du capitalisme local en créant les « lycées des métiers ».

En 2008, le gouvernement Sarkozy-Darcos faisait passer la durée du bac professionnel de 4 à 3 ans, une dégradation considérable de la qualification, une économie conséquente pour l’État bourgeois et un handicap quasi-infranchissable pour les élèves qui désirent poursuivre leurs études.

En 2016, Vallaud-Belkacem fusionna des filières, faisant ainsi baisser le nombre d’enseignements spécifiques.

En 2019, Blanquer divisa par deux les volumes d’enseignement des matières générales.

Chaque gouvernement a ajouté aux professeurs un lot de recherche de stage et de justification du travail accompli pour satisfaire aux différents indicateurs de contrôle mis en place, sans jamais augmenter les salaires en contrepartie.

Former une main-d’oeuvre peu chère et corvéable

Pour le gouvernement, la solution à la fuite des prolétaires devant les bas salaires et les conditions de travail infâmes est de refaçonner l’enseignement professionnel.

Le gouvernement va calibrer les filières professionnelles en direction des métiers qui peinent à recruter et que les gens désertent en raison de leurs conditions de travail défavorables. (Sigrid Gérardin, secrétaire générale du SNUEP-FSU, 20 minutes, 1er septembre 2022)

Les ministres changent mais les exigences du capital restent les mêmes. Les établissements scolaires que ne fréquentent pas ses enfants doivent se limiter à la reproduction de la force de travail. C’est là la véritable définition de leur « égalité des chances ».

Plus que jamais, nous devons poursuivre ensemble le travail pour que dans la voie professionnelle comme ailleurs, la réussite et l’égalité des chances soient le moteur de nos actions. (Pap Ndiaye, Ensemble, construisons le lycée professionnel de demain, 27 octobre 2022)

Dans la continuité de la réforme Lang-Mélenchon de 2001, le gouvernement souhaite restreindre les formations proposées par chaque lycée professionnel aux besoins des entreprises locales. Limiter ainsi les possibilités futures des élèves en les rendant plus dépendants de certaines filières, voire de certaines entreprises, aura pour conséquence d’affaiblir la possibilité pour les diplômés de négocier les salaires en faisant jouer la concurrence. De l’autre côté, les entreprises jouiront de travailleurs immédiatement opérationnels, car formés chez elles à peu de frais grâce au financement de l’État. L’objectif étant de faire porter à l’éducation nationale le cout de l’adaptation des nouveaux salariés à leur poste de travail.

En ce sens, le projet vise à augmenter de 50 % les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), les stages que les élèves passent en entreprise, une main-d’oeuvre offerte au patronat. En contrepartie, le gouvernement propose que ces périodes de stage soient rémunérées sans que le montant horaire ne soit encore précisé. Toutefois, le programme de Macron pour l’élection présidentielle de cette année proposait un maximum de 200 euros mensuels pour les mineurs et 500 euros pour les autres, là aussi versé par l’Etat. Une bien maigre rétribution alors que les lycéens en établissement professionnel sont à 39,5 % boursiers, contre 21,2 % pour les filières générales ou technologiques.

La réforme prévoit également de fermer certaines filières qui, selon le chef de l’État, « ne correspondent plus aux besoins » du capitalisme, et de remplacer tout ou partie des enseignements généraux au profit d’enseignements prodigués par des « intervenants » professionnels.

Il faudra assumer ensemble de fermer celles qui ne fonctionnent pas et développer celles qui marchent. Et en créer de nouvelles sur les métiers qui recrutent. (Emmanuel Macron, 13 septembre 2022)

La conséquence évidente va être des fermetures de LP, une réduction importante du niveau d’enseignement et du nombre de professeurs, les syndicats tablant à terme sur une perte de 8 000 à 10 000 postes sur les 60 000 actuels.

De plus, le patronat aura son mot à dire sur le contenu des enseignements puisqu’il est question de renforcer son influence dans les établissements, notamment en lui permettant de siéger dans les conseils d’administration des lycées. Il est prévu la possibilité de fixer localement les grilles horaires des enseignements.

Disloquant davantage le caractère national et public de l’enseignement professionnel, ce projet accroit les inégalités entre les élèves au regard de la renommée de l’établissement qu’ils ont fréquenté.

Négocier le projet du gouvernement ou arracher son retrait par la grève générale ?

Pour faire passer la contre-réforme, Macron, Borne, Ndiaye et Grandjean comptent utiliser la déclinaison par branche du Conseil de refondation de la république (CNR), méthode déjà utilisée dans d’autres secteurs de l’éducation et dans la santé.

Cette réforme passera, a insisté le chef de l’État, par une nouvelle méthode désormais bien connue des acteurs éducatifs, à qui elle a été présentée à plusieurs reprises depuis le printemps : des débats sur le terrain, qui réuniront l’ensemble des acteurs locaux pour proposer des solutions. (Le Monde, 14 septembre 2022)

L’offensive est frontale, tant contre les élèves que contre les travailleurs de l’enseignement professionnel. Pourtant, on trouve des responsables syndicaux pour prétendre que le gouvernement « n’a pas de boussole claire » (Sylvain Berthaud, secrétaire général du SGEN-CFDT, 2 novembre). Les autres, loin d’appeler au boycott de la concertation sur ses plans réactionnaires, se contentent de dénoncer « la méthode » et « le manque de concertation ».

Le président Macron persiste à vouloir imposer aux personnels sa réforme des lycées professionnels calquée sur le modèle de l’apprentissage. C’est un exemple révélateur que la méthode ne change pas : aucun bilan de la réforme précédente, aucune concertation en amont de cette annonce brutale et une feuille de route tardive et floue. (CGT, CNT, UNSA, SNALC, FSU, FO, SUD, 23 septembre 2022)

Les adjoints politiques des bureaucraties syndicales (PCF, PS, LFI, LO, NPA, RP…) camouflent la collusion de tous les appareils syndicaux avec le pouvoir.

Les annonces marquent le renoncement du Président de la République à la mission éducative du lycée professionnel. (LFI, 13 septembre 2022)

Avec cette réforme du lycée professionnel… la manifestation interprofessionnelle du 29 septembre, doit servir de point d’appui pour construire une riposte unitaire à l’ensemble des politiques de Macron. (RP, 5 septembre 2022)

Le « dialogue social » vanté par le gouvernement Macron n’existe pas dans l’éducation nationale : la réforme Blanquer a été mise en place avec une consultation très minimale des corps intermédiaires, et même de l’inspection de l’Éducation Nationale. C’est donc un véritable coup de force, dont personne n’est dupe. (NPA, 27 octobre 2022)

Devant le rejet massif de la « réforme » par les travailleurs des LP, l’intersyndicale décrète une « journée d’action » le 18 octobre. La CFDT appelle indépendamment de son côté le même jour. La grève a été très suivie (23 % de grévistes selon le ministère) mais reste une journée esseulée, comme voulu par les directions syndicales. Le SNETAA-FO majoritaire ayant appelé seul à prolonger le mouvement trois jours de plus n’a fait qu’isoler les plus combattifs. Persévérant dans leur sabotage, un nouvel appel est lancé pour le 17 novembre en même temps qu’une dérisoire pétition au président.

Trois jours après la journée d’action, le 21 octobre, les « groupes de travail sur la réforme de la voie professionnelle » se réunissent. Le SNETAA-FO boycotte cette première journée. La CGT Éduc’action et le SNUEP-FSU quittent la concertation en cours de route. La ministre déléguée Carole Grandjean continue la réunion avec le SNALC, le SGEN-CFDT et l’UNSA-Education. Mais toutes les directions syndicales acceptent le calendrier et le principe de la « concertation » parce qu’elles refusent d’isoler et d’affronter le gouvernement.

L’intersyndicale décrète donc une nouvelle « journée d’action » le 17 novembre. Une journée, là encore, sans autre perspective que de « faire entendre raison au gouvernement ». tandis que le SNETAA-FO appelle seul à manifester à Paris le 19. Il faut vraiment la soumission la plus abjecte aux bureaucrates pour applaudir à ces diversions contre la grève générale pour arracher le retrait du projet contre l’enseignement professionnel, pour battre le gouvernement au service du capital.

Les deux journées de mobilisation des 16 et 17 novembre devaient encore approfondir le mouvement et peut-être lui donner une nouvelle dynamique. (LO, 16 novembre 2022)

Les professeurs, pourtant hostiles au projet, ne voyant pas dans ces journées à répétition le moyen de l’empêcher, de le faire retirer, le taux de grévistes chute (8,84 % le 17 selon le ministère). Les bureaucrates tentent d’achever ce qui reste de mobilisation dans les établissements.

D’ores et déjà, le SNUEP-FSU appelle à se saisir et contourner la semaine ministérielle des lycées professionnels prévue du 5 au 9 décembre, en organisant des actions fortes dans tous les établissements pour montrer notre exigence du retrait de ce projet de réforme. (SNUEP-FSU, 17 novembre 2022)

L’intersyndicale explose à l’approche des élections professionnelles (1-8 décembre) alors que les travailleurs pâtissent tous les jours de l’émiettement syndical. Le plus gros appareil se vautre dans le chauvinisme et veut soumettre les professeurs ainsi que les ouvriers et employés en formation à la petite bourgeoisie traditionnelle des petits commerçants et des artisans, qui eux-mêmes servent de dupes aux secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie (dont le RN).

Et pendant ce temps-là, le patronat, Medef en premier, revendique de faire appel à une immigration… Et pendant ce temps-là, les enfants de pauvres, les enfants de petits commerçants et artisans, les enfants des gilets jaunes, on leur propose de rester sur le quai de « la mondialisation heureuse » … Les PLP avec le SNETAA FO ne caneront pas : ils défendent quoi qu’il en coûte une École républicaine… pour que chacun trouve sa juste place dans ce qui fait peuple : une nation forte, industrielle et écologique. Pour la France ! (SNETTA-FO, 23 novembre 2022)

Les autres rampent aux pieds du gouvernement du grand capital en inventant un « recul » qui n’existe que dans leurs têtes.

Le ministère de l’Éducation nationale a enfin concédé un premier recul en convoquant, dès vendredi, une réunion d’échanges sur la situation de la voie professionnelle hors cadre du projet de réforme. Être reçu par le ministère de l’Éducation nationale était une de nos revendications, c’est pourquoi nos organisations syndicales s’y rendront. (CGT, FSU, UNSA, SNALC, SUD, CNT, 24 novembre 2022)

Défense de la classe ouvrière, des travailleurs et des élèves des LP! !

Retrait du projet Macron-Ndiaye-Grandjean ! Boycott de toute concertation avec le gouvernement sur ses mesures contre le droit à la formation ! Aucun capitaliste dans l’enseignement professionnel ! Suppression des CFA patronaux ! Satisfaction de toutes les revendications !

Pour cela il faut se réunir en assemblées générales avec les élèves et les parents, construire une coordination nationale réunissant les délégués élus et révocables des assemblées générales !

24 novembre 2022