Meeting CCR-RP du 20 octobre
Où est la lutte contre les bureaucrates ?
Quel est le programme ?

Un assemblée ouverte qui ne froisse pas les bureaucraties syndicales

Le 18 octobre dernier, le site Révolution permanente, sous le titre « Quelle stratégie pour les salaires et contre Macron ? » appelait à la tenue d’« une assemblée ouverte » à Paris pour soutenir les journées d’action décrétées par les directions syndicales .

La journée du 18 octobre appelée par les directions syndicales sous la pression de la base doit être un point d’appui pour lier les secteurs en grève et préparer la reconductible. (revolutionpermanente.fr, 18 octobre).

Depuis, les deux nouvelles journées d’action (27 octobre et 10 novembre) font leur effet : aucune grève de masse n’affronte le gouvernement. Le « point d’appui » n’en était pas un… Une fois de plus, les chefs syndicaux ont protégé le pouvoir capitaliste. Macron et Borne viennent de réquisitionner des travailleurs des raffineries afin de faire reprendre le travail.


Cette réunion publique était censée, selon l’annonce, aussi lancer la construction d’une nouvelle organisation. Sans que l’affiche ne le dise explicitement ; un oubli malencontreux sans doute. Pourtant il est, plus que jamais, nécessaire de disposer d’un parti révolutionnaire pour prendre le pouvoir et exproprier les capitalistes. Mais quel doit être son programme ?

Plus de 150 personnes, en grande majorité des jeunes, assistent à la réunion. La présidente de séance évoque vaguement la construction d’une nouvelle organisation, mais c’est la mutation des « journées d’action » des appareils en « reconductibles » qui tient la vedette.

Celle du 18 octobre était décrétée après 3 semaines de grèves dans plusieurs raffineries. En fait, c’est une énième journée d’action sans lendemain, démoralisante qu’aucun secteur ne déborde par son auto-organisation avec des AG de grévistes élisant leurs délégués. Le 18 octobre est marqué par les négociations sur chaque site de ExxonMobil et TotalEnergies. Les grévistes arrachent finalement 5 % d’augmentations, loin des 10 % exigées. La lutte de masse, de millions de travailleurs, pouvait arracher 10 % pour tous et l’indexation des salaires sur l’inflation. L’intersyndicale réussit à l’interdire. Ni le site RP ni aucun des trois intervenants du 20 octobre ne le dénoncent…

Adrien (militant CCR-RP et CGT Total Grandpuits) affirme que la journée du 18 octobre a un bilan en « demi-teinte ». Il se plaint du « manque de préparation » mais la cautionne… ainsi que les futures.

Si en cinq jours, il est impossible d’organiser une réponse massive de notre camp social, la situation a imposé de poser, avec cette date et celles à venir, des perspectives pour le futur ainsi que le retrait de la CGT des négociations sur les retraites. (revolutionpermanente.fr, 27 octobre)

En fait, rien ne se déroulera ainsi. Une fois la possibilité d’une grève générale avortée, Martinez et compagnie reviennent auprès de Macron, Borne, Dussopt pour collaborer contre nos retraites.

RP ne comprend pas que les journées d’action et la concertation avec le gouvernement sont parfaitement complémentaires, sont les deux faces de l’aide qu’apportent les bureaucraties à la classe dominante.

En renonçant à la grève générale, les chefs renoncent à toute lutte révolutionnaire. (Trotsky, Encore une fois, où va la France ?, mars 1935)

« Construire les reconductibles » grâce aux « journées d’action » des bureaucrates ?

Anasse Kazib, porte-parole du CCR-RP et élu SUD-Rail au CSE Réseau Île-de-France conclut.

Il nous faut une organisation qui se revendique de la classe ouvrière, et qui lui propose une politique à même de favoriser son unité, mais aussi de rassembler derrière elle la jeunesse, les mouvements féministe ou encore antiraciste. C’est cette perspective que nous vous proposons avec le congrès de lancement de Révolution permanente en décembre prochain. (revolutionpermanente.fr, 27 octobre)

Se « revendiquer de la classe ouvrière » ne suffit pas. Il faut « rassembler », mais pour quoi faire ? Rien n’est dit sur la prise du pouvoir, la destruction de l’État bourgeois, les conseils, l’armement… Pas de mot d’ordre du gouvernement ouvrier. Pourtant, il faut bien chasser Macron pour garantir l’expropriation des grandes entreprises comme tout communiste le défend et dire par quoi le remplacer.

En mai, à la fête de LO, Kazib avait répondu à une militante communiste révolutionnaire que c’était « trop dangereux ».

À l’inverse, il en parle favorablement à l’AGECA le 20 octobre, mais comme Mélenchon (LFI) et Poutou (NPA) le 18 octobre, pour semer la confusion chez les travailleurs, pour travestir les journées d’action en leur contraire. Les adjoints des bureaucraties syndicales approuvent les journées d’action et font l’amalgame entre journée d’action et grève générale.

Des gens qui ne veulent pas la grève générale doivent inéluctablement faire tous leurs efforts en vue de maintenir la grève dans le cadre d’une semi-grève semi-politique, c’est-à-dire la priver de sa force. (Trotsky, Préface à l’édition française de Où va l’Angleterre ?, 6 mai 1926)

La véritable grève générale exprime la force de la classe ouvrière, pose la question du pouvoir, dresse notre classe contre celle des exploiteurs et son État. Elle rend possible la coordination des délégués de chaque entreprise, de chaque administration pour crée une alternative aux gouvernements bourgeois, pour leur opposer un gouvernement des travailleurs.

Ce n’est pas des grèves corporatives. Ce n’est même pas des grèves. C’est la grève. (Trotsky, La Révolution française a commencé, 9 juin 1936)

Pour une organisation prolétarienne qui affronte les appareils syndicaux corrompus

Il ne peut y avoir hégémonie du prolétariat si les appareils syndicaux et politiques composés de permanents syndicaux, de députés, de maires, etc. gardent le contrôle des exploités et des opprimés. Tel est le sens de l’intervention d’un communiste révolutionnaire, applaudie par plusieurs dizaines de participants :

Dans son article sur la grève du 18 octobre, CCR-RP écrit :

« la colère qui existe contre le gouvernement et sur le terrain des salaires ne s’est pas mue en mobilisation à la hauteur des attentes et de l’enthousiasme suscité par la lutte des raffineurs. Un bilan mitigé, indissociable de l’absence d’une préparation sérieuse d’un combat « tous ensemble » du côté des directions syndicales. Celles-ci n’ont, une nouvelle fois, pas mis en œuvre les moyens pour construire à la base cette journée du 18 octobre. »

Si le 18 octobre n’a pas donné lieu à « une mobilisation à la hauteur des attentes », c’est tout simplement parce qu’une énième journée d’action ne correspond pas à l’attente des travailleurs. Les dirigeants syndicaux ont convoqué le 18 octobre comme ils ont convoqué le 29 septembre, pour que la recherche par les travailleurs d’une véritable perspective de combat contre le gouvernement et les patrons n’aboutisse pas ! Et pour décourager les travailleurs, pour les faire rentrer tout en laissant les plus combattifs s’épuiser dans des grèves isolées.

De quelle perspective de combat les travailleurs ont-ils besoin ? Certainement pas d’une journée d’action supplémentaire ! Pas d’une journée de grève qui devrait s’inscrire dans la durée et être suivie par d’autres journées, comme le dit Martinez ! Les revendications d’augmentation immédiate de 10 % de tous les salaires, pensions et allocations pour compenser la perte du pouvoir d’achat, de l’indexation automatique sur l’inflation, qui unifient toute la classe ouvrière, exigent la grève générale ! La grève générale jusqu’à satisfaction, la grève générale avec ses comités de grève élus par les AG, la grève générale organisée nationalement avec son comité central de grève qui se dresse face au gouvernement !

Les chefs des partis réformistes ne veulent pas de la grève générale car elle menace l’État bourgeois. Les chefs syndicaux n’en veulent pas non plus, pour les mêmes raisons. On ne pourra pas les submerger sans s’organiser dans des comités d’action pour la grève générale, sans combattre en même temps pour leur imposer d’y appeler. Dans les sections syndicales, dans les assemblées générales, dans les réunions d’informations syndicales, dans les manifestations, partout, il faut que surgisse un seul cri :

Grève générale ! Dirigeants des syndicats, appelez à la grève générale !

Pourquoi le CCR-RP qui recommande de se doter d’un « plan de bataille » ne parle-t-il que de la « nécessité d’un mouvement d’ensemble ». Qu’est-ce que c’est que ça, un mouvement d’ensemble ? Une journée d’action interprofessionnelle, c’est aussi un mouvement d’ensemble. Mais ce n’est pas la grève générale ! Pourquoi ne pas appeler un chat un chat ?

Les travailleurs sont en permanence trompés par les chefs des organisations ouvrières qui organisent la défaite en multipliant les journées d’action sans perspective, les grèves isolées, tout en continuant à négocier les plans du gouvernement.

La place d’une organisation révolutionnaire, ce n’est pas de faire semblant de croire qu’ils n’en font pas assez, c’est de les combattre pour les submerger !

En pratique, la direction de RP est moins démocratique que le NPA et LO. Lors du meeting Kazib du 19 février à Nantes, le service d’ordre a essayé d’empêcher la vente de Révolution communiste à la sortie. Le 20 octobre à Paris, la tribune a refusé la parole la parole à un autre militant communiste internationaliste car elle trouvait qu’une intervention contre les journées d’action et contre la collaboration de classes des bureaucrates, cela suffit. Voici ce qu’il avait prévu de dire :

Le gouvernement Macron-Borne cherche à briser la grève des travailleurs du pétrole en en réquisitionnant certains, sous peine de six mois de prison et 10 000 € d’amende. Il s’en prend également aux chômeurs, il veut encore limiter le droit à la retraite, soumettre plus encore l’enseignement professionnel au capital. Il continue les cadeaux aux capitalistes dans le projet de budget, qu’il est contraint de passer en force.

Contre la baisse des salaires réels, les travailleurs de plusieurs secteurs revendiquent des hausses de salaire (et pas à six millions €). Face à l’inflation de 9 % sur les produits de grande consommation (selon l’Insee), la revendication de 10 % de hausse des salaires est légitime pour tous les travailleurs, de même que l’indexation des salaires, des pensions et des allocations sur les prix.

Les organisations syndicales et celles qui se revendiquent des travailleurs doivent faire bloc pour défendre le droit de grève, des hausses de salaire de 10 %, l’échelle mobile des heures de salaire. Aucune confédération ne défend ces mots d’ordre, aucune n’appelle à la grève de tous les salariés pour arracher ces revendications, pour annuler les mesures contre les chômeurs, pour retirer le plan contre les retraites. Les journées d’action, comme celle de mardi, sont limitées et dispersées. Elles ont toujours conduit à la défaite, comme en 2003, en 2010, en 2016… Il faut déborder les directions syndicales pour imposer la grève générale, comme en 1936, en 1968. Cette exigence est reprise par plusieurs sections syndicales CGT FO, SUD, c’est la voie de la victoire.

Ce qui manque ce n’est pas la combativité des masses, les travailleurs du Sri Lanka, d’Angleterre l’ont montré, tout comme les étudiants et travailleurs d’Iran.

Ce qui manque c’est une organisation révolutionnaire qui combatte pour l’auto-organisation des travailleurs, pour le pouvoir ouvrier.

Une organisation révolutionnaire qui prépare la grève générale jusqu’à satisfaction des revendications, qui combatte pour la révolution mondiale, pour la construction d’une internationale ouvrière révolutionnaire, qui s’inspire des enseignements de Lénine et de Trotsky, contre toute alliance avec le capital.

La classe ouvrière n’a pas besoin d’un NPA supplémentaire pour couvrir les appareils à leur gauche. Il faut une organisation révolutionnaire, démocratique, dans le cadre d’une internationale ouvrière révolutionnaire.

Je suis communiste révolutionnaire et je suis prêt à m’inscrire dans ce processus. Le Groupe marxiste internationaliste a écrit au CCR-RP en ce sens, pour que nous avancions ensemble.

Une véritable organisation révolutionnaire n’a pas peur de la démocratie ouvrière. Une véritable organisation ouvrière révolutionnaire a un but clair : la prise du pouvoir par les travailleurs comme lors de la Commune de Paris de 1871 et la Révolution russe de 1917.

Le Groupe marxiste internationaliste (section française du Collectif révolution permanente) a écrit le 9 octobre pour s’associer au lancement annoncé d’une organisation qui serait meilleure que LO ou le NPA.

La direction du CCR-RP n’a pas daigné répondre. Elle n’a même pas dévoilé de projet de programme alors que le congrès est prévu les 16, 17 et 18 décembre.

Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. (Marx, Manifeste du parti communiste, décembre 1847)

Les militants qui aspirent à la révolution, qui ont collé les affiches de Kazib, ont le droit de savoir où on les conduit. Savent-ils que le PTS argentin, le modèle et l’inspirateur de RP, a pour stratégie… l’assemblée constituante, comme le PCF et LFI ? Savent-ils que le PTS a voté à Buenos-Aires, le 3 septembre, une motion d’union nationale soumise par le parti bourgeois au pouvoir ?

Aucun des trois responsables syndicaux qui ont parlé le 20 octobre n’a été capable de citer un exemple de son combat, dans les instances syndicales, contre la participation de leur confédération à la mise au point des projets du gouvernement. Ni même de leur opposition à ce que la CGT signe à EDF pour moins que la CFDT à Total et Esso.

C’est le programme qui définit une organisation. Il faut un programme qui soit une arme pour terrasser le capitalisme. Sans cela, les bureaucraties syndicales corrompues par la bourgeoisie et aux partis sociaux-impérialistes.

Sans une lutte décisive et implacable contre eux, il ne saurait être question ni de lutte contre l’impérialisme, ni de marxisme. (Lénine, L’Impérialisme et la scission du socialisme, octobre 1916)