Et puis l’Union de la gauche (PS-PCF-PR) n’a pas fait le socialisme, mais géré l’Etat en fonction des impératifs de la bourgeoisie. Pourtant l’organisation à laquelle Christine consacrait son temps et son énergie, l’OCI devenue PCI a définitivement basculé dans un soutien à peine déguisé à la politique de Mitterrand, excluant en 1984 ceux qui n’acceptaient pas cette dérive, dont Christine. Les moyens de corruption par la bourgeoisie des directions du mouvement ouvrier, sous mille et une formes, même celles des organisations se réclamant de la révolution, sont puissants. Un certain nombre de militants n’ont pas trouvé la force de résister et sont partis sur la pointe des pieds. Pas Christine qui a continué à se battre en rejoignant le combat du Comité des exclus du PCI autour de Stéphane Just, d’abord pour le redressement politique et organisationnel du PCI, puis pour la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire. Et puis quand l’URSS a implosé en 1989, le stalinisme qui gangrénait monstrueusement l’état où la révolution avait triomphé en 1917 est arrivé à son terme et les anciens bureaucrates sont devenus les nouveaux capitalistes. Et les bonnes âmes attachées à la défense du capitalisme ont dit : vous voyez bien que le socialisme, ça ne marche pas, il n’y a pas d’avenir autre que le capitalisme. Et la démoralisation et les reculs politiques ont redoublé dans tout le mouvement ouvrier, y compris dans les organisations révolutionnaires.
Ainsi, quand Christine avait la quarantaine, parler de socialisme était presque devenu un gros mot, ou à tout le moins une vieille marotte pour nostalgiques attardés. Et pourtant elle est restée une militante, Christine, dans des conditions qui devenaient de plus en plus difficiles, décourageantes, avec une organisation de plus en plus réduite, alors que beaucoup avaient cessé de se battre. Le comité pour la construction du POR ayant éclaté après la mort de Stéphane Just en 1997, Christine a continué à militer. Elle a été au Comité communiste internationaliste (trotskyste) l’indispensable maquettiste du journal Combattre pour en finir avec le capitalisme, passant de longues heures le plus souvent la nuit, à mettre en forme et relire les articles.
Quand elle a eu la soixantaine, Christine était toujours militante pour construire un parti ouvrier révolutionnaire, une internationale révolutionnaire. A ce moment-là, en 2013, la fusion du CCI(T) avec le Groupe bolchevik, créant le Groupe marxiste internationaliste, à laquelle elle a participé, lui a redonné plus d’espoir. Militante révolutionnaire, elle l’est restée jusqu’au bout, fidèle à ses convictions dans ce combat difficile, exigeant. Ce qui l’a animée jusqu’à ce que la maladie l’emporte, c’est la conviction que la crise de l’humanité se résume à la crise de sa direction révolutionnaire, c’est-à-dire la compréhension la plus acérée, la plus avancée où puisse porter la conscience d’un homme ou d’une femme de notre temps. Voilà ce que Christine portait en elle. Tous ses camarades du Groupe marxiste internationaliste saluent sa mémoire et son engagement.