Sur la lutte des classes en France et dans le monde

La crise de direction du prolétariat pèse sur la lutte de classes à l’échelle mondiale

La conjoncture économique mondiale est marquée par la poursuite de l’inflation, et en particulier les prix de l’énergie, la hausse des taux directeurs des banques centrales, le ralentissement de la croissance, notamment en Chine et en Europe, et la crainte d’une récession mondiale

Il se confirme un peu plus chaque jour la marche à la catastrophe climatique avec la poursuite de la hausse des émissions de gaz à effet de serre, l’abandon quasi-officiel de l’objectif du maintien de la hausse des températures à +1.5°C qu’un grand nombre de scientifiques jugent d’ailleurs désormais inatteignable. La « farce » de la COP 27 de Charm El-Cheikh, avec ses 40 000 invités, ses norias de jets gouvernementaux et privés, ses vœux pieux, ses consultants et les groupes de pression pétroliers est encore plus sinistre que la précédente de Glasgow.

Le recul des armées russes en Ukraine alimente la contestation de Poutine par les mères ou épouses des soldats mobilisés, mais pour le moment le pouvoir tient, même si les revers militaires l’affaiblissent. La Chine prend encore un peu plus de distance dans le soutien à Poutine en souhaitant l’arrêt des combats, mais sans le désavouer publiquement car la Chine est gagnante à l’affaiblissement de la Russie qui dépend de plus en plus d’elle. L’OTAN sort renforcée de cette affaire, et avec lui les États-Unis. D’où la moindre agressivité de la Chine exprimée au G20 vis-à-vis des États-Unis.

Après les élections en Italie, l’arrivée au pouvoir de Melloni à la tête d’une coalition de partis bourgeois dont le principal est Fratelli d’Italia, un parti fascisant, signifie un profond désarroi politique de la classe ouvrière qui est l’œuvre de la politique des socialistes et des ex-staliniens qui sont allés en Italie le plus loin possible depuis les années 1990 puisqu’ils ont même détruit le PSI et le PCI.

Au Brésil, Bolsonaro a été battu mais d’assez peu car il dispose d’une base importante dans la population, ce qui signifie également un désarroi politique d’une partie considérable de la classe ouvrière et des couches paupérisées, produit par la politique du PT. En particulier l’influence considérable des églises réactionnaires avec qui le PT a cherché constamment à pactiser au lieu de les combattre et qui sont aujourd’hui un des fers de lance de la réaction. Si Lula arrive en tête à la présidentielle, les résultats des élections des députés et des gouverneurs ne sont pas en faveur du PT. De plus, pour bien marquer son attachement au respect de l’État bourgeois, Lula avait formé un « ticket » avec Alckmin, le cofondateur du PSDB, parti bourgeois dès sa fondation en 1988, contrairement à ce que son appellation pourrait laisser croire, un parti allié au PFL, parti héritier de la dictature militaire et mis en place pour contrer la montée du PT. Lequel Alckmin a opportunément rejoint le PSB en mars 2022. Si le Collectif révolution permanente avait une section au Brésil, elle n’aurait pas pu appeler à voter pour le ticket comprenant Alckmin. Elle aurait dû mener campagne pour la rupture du PT avec la bourgeoisie tout en développant les revendications transitoires comme éléments du programme d’un gouvernement ouvrier. Mais nous n’avons de section, les groupes TML et FT-VP ont été incapables de rompre avec le PT. La confusion de la classe ouvrière se poursuit donc avec d’un côté les partisans de Lula qui ont fait la fête toute la nuit des résultats, un peu comme en France en 1981 avec l’élection de Mitterrand, et de l’autre côté les partisans de Bolsonaro qui ont tenté de pousser l’armée à intervenir, sans succès évidemment car la bourgeoisie n’a pour le moment aucun souci à se faire avec Lula qui gouvernera encore plus à droite que ne l’a fait Rousseff précédemment.

En Chine, le 20e congrès du PCC a reconduit Xi dans ses fonctions en renforçant encore son contrôle sur l’appareil. Il a réaffirmé que Taiwan était une affaire chinoise à régler entre chinois ainsi que sa volonté de faire de la Chine la première puissance mondiale en 2049.

En Iran, le mouvement se poursuit mais sans perspective ni organisation ni grève générale. L’absence d’un parti ouvrier révolutionnaire, même embryonnaire fait cruellement défaut. Donc le régime maintient le cap et durcit la répression avec des premières peines de mort contre des manifestants.

Aux Etats-Unis, les deux partis bourgeois se sont affrontés aux élections de mi-mandat. Là aussi, la confusion politique domine dans la classe ouvrière, appelée à choisir entre l’un et l’autre. Et les résultats montrent que le Parti républicain, largement dominé par Trump, s’il n’a pas fait autant qu’annoncé et espéré, remporte néanmoins la majorité à la chambre des représentants, alors même que son orientation est furieusement anti-avortement, anti-émigrés, antisyndicale, et même anticommuniste puisqu’il va jusqu’à accuser ses adversaires du Parti démocrate d’être des communistes ! Évidemment la politique de Biden en défense du capital avec les ravages de l’inflation n’est pas étrangère à ce succès relatif du Parti républicain. Pourtant le processus n’est pas achevé au sein du Parti républicain. Il demeure une aile plus « classique » incarnée par exemple par Pence qui juge que la dérive conspirationniste de Trump n’est pas un avenir pour le PR. Trump qui y a une base puissante a fait le pari d’entrainer le PR tout entier sur une ligne de plus en plus droitière, plutôt que de construire un parti fascisant. On ne peut pas prédire l’évolution, mais ce qui est certain c’est que la classe ouvrière dans tout ça n’a aucune politique indépendante.

Enfin en Israël, les élections ont donné la victoire à une coalition de Netanyahou avec les juifs orthodoxes et un parti fasciste, arrivé 3e, appuyé sur les colonies de Cisjordanie, qui prône ouvertement la chasse aux Palestiniens.

Bref, peu d’éléments réjouissants et c’est pourquoi nos tentatives pour regrouper un noyau international sont à la fois si nécessaires et en même temps difficiles.

En France, la possibilité de la grève générale s’est refermée

La situation devient plus difficile pour l’impérialisme français qui se voit de plus en plus contesté par l’impérialisme allemand qui a mis en route un train de mesures pour protéger ses entreprises beaucoup plus robuste que ne peut le faire l’impérialisme français, s’est rendu seul en Chine pour défendre ses intérêts alors que Macron voulait faire partie du voyage et s’est avancé en octobre dans une version européenne de défense aérienne avec 14 autres pays européens, mais sans la France, visant l’achat commun d’armements américain, allemand et israélien qui marginalise les ambitions françaises. Le couple franco-allemand n’est plus ce qu’il était, Emmanuel et Olaf sont en froid…

Mais la situation se durcit également pour la classe ouvrière, avec la poursuite de l’inflation qui n’a certainement pas fini de grever les budgets des ménages (voir la hausse attendue des coûts de l’énergie en 2023 où les fournisseurs des grandes surfaces annoncent que leur facture énergétique pourra être multipliée par 10 !), la situation dans les hôpitaux où la moindre épidémie de bronchiolite tourne à la catastrophe, etc.

Malgré la mobilisation d’une fraction de la classe ouvrière, les appareils ont totalement maitrisé la situation et permis au gouvernement de sortir d’un moment difficile. En effet, la grève dans les raffineries n’a pas débordé en grève générale, malgré une attente indéniable d’une fraction limitée de la classe ouvrière que nous avons pu ressentir en distribuant notre tract le 18 octobre. Fraction limitée car déjà le 18 octobre était une nouvelle « journée d’action », rassemblant peu de monde, alors même que le gouvernement avait enclenché les réquisitions contre les grévistes des raffineries. La suite n’a été qu’un enterrement avec 2 autres journées d’action totalement inexistantes. En même temps qu’ils refusaient la grève générale et négociaient des augmentations au rabais, les appareils étaient capables, sans doute avec l’aide de centristes, d’entrainer les travailleurs de la raffinerie de Feyzin dans 38 jours de grève isolée qui s’est terminée récemment sans même qu’un bilan n’ait été publié ! Les centristes de tout poil ont parfaitement joué la partition des appareils, à nouveau le Groupe marxiste internationaliste était bien seul.

Dans ces conditions, le gouvernement déroule sans trop de difficultés :

  • Les budgets de l’État et de la Sécu ont été adoptés avec le 49.3, les négociations sur les retraites vont bon train puisque le deuxième cycle de discussions vient de commencer sur les régimes spéciaux que le gouvernement va remettre dans le « droit commun » au moins pour l’énergie et la RATP, en utilisant la « clause du grand père » comme il l’avait fait à la SNCF. Sans surprise, les chefs syndicaux participent en avertissant que, si c’est ça (comme si cela pouvait être autrement…) alors ils opteraient pour une position dure… Donc de nouvelles journées d’action en perspectives.
  • Le projet de loi sur le renforcement de la police est prêt, en discussion à l’Assemblée nationale et le gouvernement s’apprête à le faire voter avec les voix de LR et du RN : 15 milliards supplémentaires, création de 200 brigades de gendarmerie, 11 unités supplémentaires de forces mobiles, renforcement des équipements… A quoi pourrait s’ajouter, à la demande de LR, 3000 places supplémentaires dans les centres de rétention pour les étrangers en attente d’expulsion.
  • Sur la question de l’immigration, on a d’ailleurs assisté à une comédie bien réglée à l’Assemblée nationale à partir de l’interjection lancée par un député RN au député LFI qui intervenait sur le sort du bateau l’Ocean Viking, « qu’il retourne en Afrique ». En effet toutes les forces politiques ont fait bloc pour dénoncer une attaque raciste contre le député LFI qui est noir, mais pas une n’a indiqué que le « qu’il retourne en Afrique » adressé au bateau secourant les migrants est tout aussi abject ! Cela s’est même terminé par Mélenchon et ses députés entonnant une vibrante marseillaise devant l’Assemblée nationale. Et pendant ce temps, après avoir joué la montre, le gouvernement contraint et forcé a accepté l’accostage du bateau à Toulon, mais en prévenant immédiatement que tous ceux qui n’étaient pas éligibles au droit d’asile seraient refoulés, ce qui a déjà commencé. Car Darmanin l’a bien expliqué, il s’agit d’être « gentil avec les gentils et méchants avec les méchants ». Les gentils, ce sont les migrants qu’on peut accepter pour occuper des emplois dans des secteurs en tension, qui obtiendront un visa, mais si le secteur n’est plus en tension, le visa sera supprimé, et les méchants, ce sont tous les autres, les déboutés du droit d’asile, tous ceux qui ont reçus et vont recevoir un ordre de quitter le territoire français, OQTF, désormais traqués par la police et à qui Darmanin demande aux préfets de « rendre la vie impossible ». Voilà la réalité dissimulée derrière l’opération d’union nationale soi-disant pour défendre l’honneur du député LFI.
  • LFI brouille de plus en plus les cartes avec le dépôt de ses motions de censure ectoplasmiques permettant volontairement au RN de voter pour dans l’espoir de faire tomber le gouvernement. Mais alors quelle meilleure courte-échelle au RN si le gouvernement venait à tomber dans ces conditions ?

La possibilité d’avancer sur la grève générale s’est donc momentanément refermée, elle pourrait se rouvrir sur la question des retraites, mais nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, les centristes sont totalement cristallisés sur une ligne de soutien aux appareils, l’évolution du CCR-RP en témoigne.

17 novembre 2022