Israël mène une guerre permanente aux Palestiniens

Opération « brise vague »

En une semaine, à la fin du mois de mars, 14 citoyens israéliens ont été tués par deux Arabes israéliens et un Palestinien de Cisjordanie, au cours de trois attentats dont deux revendiqués par Daech et le Jihad islamique. Le gouvernement Bennett a aussitôt lancé un appel aux Israéliens « pour qu’ils se déplacent toujours avec leur arme personnelle » et donné « carte blanche » aux forces de répression. Cinq bataillons d’infanterie ont été déployés en Cisjordanie, l’armée a pénétré dans les camps de réfugiés comme à Jénine, infligé des punitions collectives aux habitants, procédé à des enlèvements, détruit des maisons. Les territoires ont été bouclés ; 109 checkpoints volants ont été ajoutés aux 108 points de contrôle permanents qui entravent les déplacements, réduisent à rien les possibilités de travailler mais multiplient les humiliations et les agressions.

Comme l’an dernier, sur l’esplanade des Mosquées, dès le début avril, mois de Ramadan, des ultra-orhtodoxes juifs protégés par la police ont multiplié les provocations. Les tentatives de ripostes palestiniennes se sont soldées par des assauts de l’armée qui ont fait 200 blessés, 400 arrestations.

Des roquettes lancées depuis Gaza en guise de protestation contre cette répression ont été suivies de raids aériens sur cette minuscule enclave peuplée de deux millions de personnes. La marine de guerre israélienne a tiré sur des pêcheurs gazaouis.

À ce jour, 40 Palestiniens ont été tués.

La violence du joug colonial

L’assassinat de civils israéliens provoque à juste titre une large condamnation des gouvernements et de la presse à travers le monde. Par contre, les mêmes ferment les yeux depuis 70 ans sur le terrorisme d’État qui porte largement la responsabilité des frustrations, de la misère, du désespoir, de l’absence de toute perspective que connaissent les Palestiniens. La mort des pauvres et des opprimés est bien supportée par les États bourgeois et ceux qui les servent.

Le rapport de l’organisation non-gouvernementale internationale Human Rigths Watch (HRW) pour 2021, comme celui du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l’ONU, établit qu’en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, les forces de sécurité israéliennes avaient, à la date du 4 décembre, tué 77 Palestiniens — soit près du triple du nombre enregistré pour toute l’année 2020 et incluant 16 enfants — et en avaient blessé plus de 1 000 par des tirs à balles réelles. Des colons israéliens avaient tué cinq Palestiniens, en avaient blessé 137 et avaient causé des dommages matériels lors de 287 incidents, à la date du 22 octobre, selon l’OCHA. Le nombre d’agressions impliquant des colons israéliens contre des Palestiniens lors de la première moitié de 2021 dépassait de plus du double les chiffres de 2020 à la même période.

À Gaza, en mai 2021, lors des 11 jours de guerre menée par l’État d’Israël, 260 Palestiniens ont été tués, dont 66 enfants, et 2 200 ont été blessés. Les autorités de Gaza ont affirmé que 2 400 logements avaient été rendus inhabitables et plus de 50 000 endommagés. « 8 250 personnes demeuraient déplacées à l’intérieur des frontières » à la fin de 2021, a indiqué l’OCHA. Les bombardements ont également endommagé 331 établissements scolaires, 10 hôpitaux et 23 cliniques de soins courants. La Banque mondiale a estimé à 380 millions de dollars les dommages physiques et à 190 millions les pertes économiques subies par le territoire.

Pendant les huit premiers mois de 2021, les autorités israéliennes ont fait démolir 666 maisons et autres structures palestiniennes en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, déplaçant 958 personnes, soit une hausse de 38 % par rapport à la même période de 2020 (HRW). La plupart de ces immeubles ont été démolis faute d’être dotés de permis de construire dont les autorités rendent l’obtention quasi impossible pour les Palestiniens dans ces secteurs. En juillet, les autorités israéliennes ont fait raser, pour la sixième fois en moins d’un an, les maisons de la plupart des habitants de la communauté palestinienne de Khirbet Humsah, dans la vallée du Jourdain, au motif qu’elles se trouvaient dans un secteur désigné comme « zone de tir », déplaçant 70 personnes, dont 35 enfants. Plusieurs cimetières abritant des tombes palestiniennes ont été détruits, le dernier en date, en octobre 2021, sur un site à l’extérieur des murs de Jérusalem, pour y installer un « parc à thème biblique ».

Israël maintient au moins 5 000 Palestiniens en détention pour des infractions liées à la « sécurité », dont 200 enfants, souvent pour avoir lancé des pierres, selon des chiffres communiqués par HaMoked, une organisation israélienne de défense des droits humains et par Adameer, une association palestinienne de défense des droits des prisonniers. Defence for Children International – Palestine (DCIP) estime qu’environ 700 enfants palestiniens, dont certains n’ont pas plus de 12 ans, sont détenus et poursuivis chaque année devant les tribunaux militaires israéliens où les verdicts de culpabilité frôlent les 100 %. Tous les habitants de Cisjordanie sont soumis à ce régime d’exception quand le droit civil israélien est appliqué aux colons. En outre, près de 600 Palestiniens se trouvent en détention administrative sans inculpation formelle ni procès et sur la base d’éléments de preuve tenus secrets, d’après HaMoked.

Plus de 1 300 plaintes relatives à des tortures, notamment à des mises en chaines douloureuses, des privations de sommeil et des expositions à des températures extrêmes, ont été déposées auprès du ministère israélien de « la justice » depuis 2001, et n’ont abouti qu’à deux enquêtes criminelles et aucune inculpation, selon une organisation israélienne de défense des droits, le Comité public contre la torture. En septembre, six prisonniers palestiniens se sont évadés d’une prison dans le nord d’Israël. En réponse, les visites familiales de tous les détenus ont été annulées. Les avocats de plusieurs de ces hommes ont affirmé que les prisonniers évadés ont été torturés après avoir été repris.

Obtenir le silence


Shireen Abu Akleh, le 11 mai, a été abattue d’une balle en pleine tête alors qu’elle couvrait un raid de l’armée israélienne sur le camp de Jénine. Portant casque, gilet barré du bandeau « presse », la journaliste de la chaine Al-Jazira est la seizième professionnelle de la presse assassinée ces dix dernières années. Reporters sans frontières dénombre 35 assassinats de professionnels de la presse par l’armée israélienne depuis 2001, la plupart dans les territoires occupés (Le Monde, 15 mai 2022). Les journalistes sont ciblés parce qu’ils témoignent.

À la radio militaire, un porte-parole va jusqu’à assimiler Mme Abu Akleh à une combattante ennemie, qui « filmait et travaillait pour un média parmi des Palestiniens armés. Ils sont armés avec des caméras, si vous me permettez de le dire. » (Le Monde, 13 mai 2022)

L’État colon déploie son arsenal coercitif pour restreindre au maximum l’information sur ses crimes. Les réseaux sociaux sont étroitement surveillés et la liberté d’expression bafouée, des organisations palestiniennes de défense des prisonniers ou des enfants ont été interdites (6 ONG cette année dont DCIP).

Le jour des funérailles nationales de Shireen Abu Akleh, le 13 mai, la police israélienne a sillonné Jérusalem pour arracher les drapeaux palestiniens, frapper ceux qui chantaient, ce qu’elle qualifie de « provocations nationalistes ». Elle a fait irruption à la matraque dans la cour de l’hôpital d’où devait partir le cortège vers la Vieille Ville, attendu par des milliers de personnes rendant hommage à la journaliste assassinée. Quatorze personnes ont été blessées dont trois touchées à la tête par des balles de métal cerclées de caoutchouc.

Les policiers chargent ceux qui se sont rassemblés dans la cour de l’hôpital. Ils poussent contre un mur les hommes qui s’étaient saisi du cercueil et qui avançaient vers les grilles, vers la rue. Ils s’acharnent sur deux des porteurs. L’un d’eux reçoit au moins dix coups de matraque dans les côtes et sur l’épaule, un coup de pied aux fesses et finit par s’écrouler. Le cercueil bascule à 45 degrés, en direct devant les caméras mais ne tombe pas. (Le Monde, 15 mai 2022)

Amro Abu Khdeir, le porteur matraqué, a été arrêté le 16 mai chez lui à Jérusalem-Est et placé à l’isolement, accusé « d’appartenir à une organisation terroriste », qualificatif utilisé par l’injustice israélienne pour réprimer toute dénonciation de l’occupation et de ses crimes.

La presse israélienne a assuré, le 19 mai, que l’armée n’avait pas l’intention d’ouvrir une enquête sur la mort de la journaliste. Les militaires estiment qu’il n’existe pas de « soupçon d’acte criminel », explique le quotidien Haaretz. (Le Monde, 21 mai 2022)

Une politique qui nie le droit des Palestiniens à l’existence

À feu nourri ou à petit feu, les Palestiniens sont empêchés de vivre. La colonisation s’étend, le gouvernement Bennett vient d’annoncer un projet de construction et d’appels d’offres pour 4 300 logements supplémentaires dans des colonies de Cisjordanie, où vivent près d’un demi-million d’Israéliens.

L’irrigation est mise à mal par le vol pur et simple de l’eau des aquifères de Cisjordanie (voir « La politique israélienne de l’eau : une volonté permanente d’accaparement des ressources régionales », Géologues n° 171, décembre 2011).

La barrière de séparation, qu’Israël dit avoir érigée pour des raisons de sécurité mais dont 85 % se trouvent en Cisjordanie plutôt que sur la Ligne verte, sépare des milliers de Palestiniens de leurs terres agricoles. Elle isole également 11 000 Palestiniens qui vivent du côté ouest de la barrière mais ne sont pas autorisés à se rendre en Israël, ne peuvent que rarement accéder à leur propriété ou à des services de base. À Jérusalem-Est, les organisations de colons s’appuient sur une loi discriminatoire qui leur permet de revendiquer des terres dont elles affirment qu’elles appartenaient à des Juifs avant 1948. Les Palestiniens, eux, parmi lesquels les habitants du quartier de Sheikh Jarrah qui vont être expulsés, sont dans l’impossibilité aux termes de la loi israélienne de récupérer les terres qu’ils possédaient avant la création de l’État d’Israël. Et le droit au retour des réfugiés est totalement proscrit.

En 1981 Israël a décidé de faire d’un territoire au sud d’Hébron une zone de tirs pour son armée d’occupation. La Cour suprême israélienne vient de rejeter le 4 mai 2022 le dernier recours contre l’expulsion et le transfert forcé des 1 300 habitants palestiniens qui vivent à Masafer Yatta, cultivent les terres, élèvent leur bétail. Ces communautés de bédouins sédentarisés ont fourni au tribunal des preuves de leur installation dans cette zone de 3 000 hectares bien avant qu’Israël n’occupe la Cisjordanie (photographies de 1937, actes de vente de moutons…) En vain. Cette décision ouvre la voie à la démolition des huit villages qui s’y trouvent et à l’expulsion de leurs habitants. Depuis 2011, les autorités israéliennes ont démoli ou confisqué 217 structures palestiniennes dans ce secteur et déplacé 608 résidents palestiniens. Leur quotidien est fait de violence des colons et d’agressions de l’armée, de démolition, de destruction de leurs cultures, de vol de leur bétail. Une marche pacifique de protestation, le vendredi 20 mai, a été attaquée par l’armée. Dans un communiqué, l’ONG israélienne anticolonisation B’Tselem a déclaré :

La Haute Cour de justice d’Israël a statué que le transfert forcé de centaines de Palestiniens de leurs maisons et la destruction de leurs communautés dans le but manifeste de s’emparer de leurs terres était légal. (…) Les juges ont ainsi prouvé une fois de plus que les occupés ne peuvent pas s’attendre à ce que justice soit rendue par le tribunal de l’occupant. (Le Monde, 10 mai 2022)

La Cour suprême israélienne a validé en juillet 2021 la Loi sur l’État-nation qui affirme qu’Israël est « l’État-nation du peuple juif », déclare que, sur son territoire, le droit à l’autodétermination « est réservé au peuple juif » et établit la « colonie juive » comme une valeur nationale. Une négation complète des droits fondamentaux des Palestiniens. Elle lui sert également à rejeter systématiquement les requêtes d’environ 31 000 demandeurs d’asile érythréens et soudanais auxquels les gouvernements successifs ont imposé des restrictions en matière de déplacements, de permis de travail, d’accès aux soins médicaux et à l’éducation, afin de les pousser à partir.

Ce même mois de juillet, le parlement israélien n’a pas prorogé une ordonnance temporaire qui était en place depuis 2003 et interdisait, à de rares exceptions, l’octroi d’un statut juridique de longue durée dans le pays aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui épousent des citoyens ou des résidents permanents d’Israël, mais le ministère de l’Intérieur a donné consigne aux diverses administrations de maintenir cette mesure discriminatoire, prolongeant ainsi la séparation de nombreuses familles. Une telle restriction n’existe pas pour les époux ou épouses de pratiquement toutes les autres nationalités.

Gaza manque de tout

Israël étrangle depuis 15 ans Gaza par un blocus draconien qui réduit à presque rien les zones de pêche, les autorisations journalières de sortie du territoire, les exportations de produits frais et les importations d’un nombre invraisemblable de biens, matériaux de construction et d’autres, considérés comme étant à « double usage », c’est-à-dire pouvant aussi être utilisés à des fins militaires. La liste comprend les équipements pour les examens aux rayons X et les matériels de communications, ainsi que leurs pièces détachées. Selon l’OCHA, les familles vivant à Gaza ont dû se passer d’électricité produite par le réseau central pendant plus de 11 heures par jour en moyenne. Les coupures prolongées et chroniques d’électricité compliquent de nombreux aspects de la vie quotidienne (chauffage, climatisation, traitement des eaux usées, soins médicaux). L’eau des nappes phréatiques de Gaza, qui sont la seule source d’eau naturelle du territoire, est « presque entièrement impropre à la consommation humaine ». Également selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les réserves de « 42 % des médicaments essentiels » sont annuellement à un niveau inférieur aux besoins pour un seul mois.

L’ambassade de France au Liban a publié les chiffres suivants : le taux de chômage au sein de la population active en Palestine a atteint 26 % en 2021, 47 % à Gaza et 16 % en Cisjordanie. Le taux de chômage des femmes dépasse les 43 % mais il est inférieur à celui des jeunes diplômés de moins de 30 ans. 60 % des Gazaouis vivent sous le seuil de pauvreté, 30 % des Palestiniens de Cisjordanie.

Le rapport d’Amnesty International publié en février dernier sur la politique d’« apartheid israélien » détaille les restrictions sur l’approvisionnement en gaz et en nourriture des Palestiniens, affirmant qu’Israël utilise « des formules mathématiques pour déterminer la quantité de nourriture à autoriser à Gaza » limitée à ce qu’il juge « essentiel pour la survie de la population civile ». Cette arme alimentaire met en joue aussi la population de Cisjordanie au moment où l’accès aux terres agricoles est un combat de chaque jour, où toutes les importations sont soumises à l’autorisation de l’occupant (95 % du blé est importé), au moment où les prix flambent : la confédération d’ONG Oxfam international alerte en avril sur le fait que « les prix des denrées alimentaires dans toute la Palestine ont bondi de 25 %, le cout de la nourriture pour le bétail de 60 %, les réserves de farine de blé dans les territoires occupés pourraient être épuisées en l’espace de trois semaines. »

Le gouvernement israélien a vacciné plus des deux tiers de ses citoyens et résidents permanents et a commencé à offrir des troisièmes doses de rappel en octobre dernier. Il a fourni des vaccins aux citoyens palestiniens d’Israël et aux résidents permanents palestiniens de Jérusalem-Est occupé, ainsi qu’aux colons israéliens en Cisjordanie, mais pas à la plupart des plus de 4,7 millions de Palestiniens vivant sous contrôle israélien en Cisjordanie occupée et à Gaza. Israël affirme que cette responsabilité incombe à l’Autorité palestinienne, alors que la quatrième Convention de Genève oblige les puissances occupantes à assurer des fournitures médicales, y compris pour lutter contre la propagation de pandémies, aux populations vivant sous occupation. Plus d’un million de Palestiniens de Cisjordanie, à l’exclusion des résidents de Jérusalem, et 466 000 Palestiniens de Gaza étaient vaccinés à la date du 21 octobre, selon l’OMS, pour une large part grâce à des vaccins obtenus de sources extérieures.

L’impunité de l’agresseur

Ce n’est pas la seule Convention internationale qu’Israël viole. Il contrevient à 40 résolutions votées par l’ONU (sans parler des centaines bloquées essentiellement par les gouvernements américains successifs), à plusieurs adoptées à Genève, à des arrêts de la cour internationale de justice de la Haye. Depuis sa création en 2006, 9 des 30 sessions du Conseil aux droits de l’homme de l’ONU concernent les agissements d’Israël. En mai 2021, il a créé une Commission d’enquête spéciale pour examiner les responsabilités lors des affrontements qui venaient de se dérouler dans plusieurs villes d’Israël et de Cisjordanie. Tous les États européens siégeant au Conseil se sont abstenus (dont la France des droits de l’Homme…) ou ont voté contre la création de cette commission.

Il n’y a pas de meilleure preuve que ni l’ONU, ni aucune autre assemblée émanant des États bourgeois, ne constituent une protection pour les Palestiniens qui ne peuvent en attendre, au mieux, que des mines chagrinées et des mots sur du papier. Cela n’a jamais empêché la fourniture des armes et des financements à Israël.

Les soutiens d’Israël

Lors des affrontements de mai 2021, l’administration Biden a critiqué les attaques à la roquette menées par les groupes armés palestiniens, mais pas le comportement d’Israël, et elle a maintenu la vente à ce pays de 735 millions de dollars d’armements, y compris de munitions à guidage de précision utilisées dans des attaques à Gaza. Ce financement s’ajoute aux 3,7 milliards de dollars d’assistance en matière de sécurité que les États-Unis fournissent à Israël et d’une enveloppe supplémentaire d’un milliard de dollars autorisée en octobre. Un accord signé par l’ancien président Obama en 2016 assure d’ailleurs une enveloppe globale de 38 milliards de dollars d’aide militaire sur la décennie 2017-2028.

L’un des derniers actes du gouvernement Macron-Castex a été, par la voix du toujours ministre Darmanin, de tenter d’interdire le Comité Action Palestine et le Collectif Palestine Vaincra. Cependant, le Conseil d’État a suspendu vendredi 29 avril l’exécution des décrets de dissolution publiés en mars par le ministère de l’Intérieur, jugeant que le dossier d’accusation de menées terroristes était par trop infondé et que la liberté d’expression aurait été la seule victime dans cette histoire.

Un commissaire européen hongrois, proche d’Orban, tient en otage, à lui tout seul, l’aide européenne à la Palestine ; 215 millions d’euros dont le non versement prive 120 000 familles pauvres d’une allocation trimestrielle de survie, baisse de 20 % le salaire des fonctionnaires en Cisjordanie et déstabilise tout le secteur hospitalier de Jérusalem-Est, destinataire de 10 à 20 millions sur cette enveloppe.

Depuis septembre 2021, le département de cancérologie de l’hôpital Augusta-Victoria de Jérusalem-Est fonctionne au ralenti. À court d’argent, l’un des principaux centres de soins des territoires occupés ne peut plus recevoir de nouveaux malades du cancer. Au total près de 500 Palestiniens en attente d’une chimiothérapie ou d’un autre type de traitement ont été refusés. (Le Monde, 3 mai 2022)

Des États arabes ont approfondi ou noué des liens avec l’oppresseur des Palestiniens, préférant miser sur les affaires juteuses et contribuant à aggraver l’isolement des opprimés. Ainsi en est-il des Émirats arabes unis, de Bahreïn, du Soudan, du Maroc, de la Jordanie. Depuis le coup d’État militaire de 2013, l’Égypte de al-Sissi a restreint les déplacements des habitants de Gaza au passage de Rafah quand elle ne le ferme pas carrément.

Ni l’Autorité palestinienne ni le Hamas n’ouvrent une perspective de libération

Comme toutes les bourgeoisies du monde, la bourgeoisie palestinienne, tant sa branche nationaliste panarabe (Fatah) que sa fraction cléricale panislamiste (Hamas) n’a rien de progressiste. Elle se montre plus efficace contre le prolétariat que contre l’occupant.

L’Autorité palestinienne (AP) a énormément développé ses forces de répression tandis qu’elle se montre incapable de planifier les investissements nécessaires dans l’agriculture, le traitement de l’eau, les énergies… Sa police est nulle contre l’armée d’Israël, quand elle ne lui sert pas de supplétif, mais brutale avec tous les opposants. Entre janvier et septembre 2021, la Commission indépendante des droits humains (ICHR, créée par Arafat en 1993) a reçu 87 plaintes contre l’AP relatives à des arrestations arbitraires, par exemple pour « insulte aux hautes autorités », 15 autres relatives à des enlèvements et détentions sans procès ou sans inculpation sur ordre d’un gouverneur régional et 76 concernant des tortures et des mauvais traitements. Le 21 juin 2021, un détracteur de l’AP, Nizar Banat, est mort lors de sa garde à vue, peu après avoir été arrêté et battu devant la maison d’un membre de sa famille par les forces de l’AP. La même police a violemment dispersé des manifestations populaires et a arrêté de nombreux Palestiniens qui réclamaient justice après la mort de cet opposant, très connu pour ses dénonciations de la corruption de l’Autorité palestinienne.

Les lois de l’AP sur le statut personnel permettent des discriminations à l’encontre des femmes, notamment en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage ; il n’existe pas de loi exhaustive sur les violences conjugales. Le code pénal en vigueur en Cisjordanie et à Gaza autorise les châtiments corporels des enfants par leurs parents, qui demeurent une pratique généralisée.

L’étendue du rejet de l’AP dans la population explique sans aucun doute pourquoi Abbas a reporté de nouveau les élections législatives et présidentielle. Les Palestiniens n’ont pas voté depuis 2005.

Le Hamas avait décidé de se rapprocher du Fatah, la réconciliation devait se manifester au moment des élections en mai 2021. Leur annulation le prive du mirage de l’unité des rangs palestiniens qu’il espérait faire avaler à la population qui désespère. Des groupes armés (EI, Jihad) qui critiquent l’incapacité du Hamas à améliorer le sort des Palestiniens ne misent pas plus sur le prolétariat que leur frère ainé et se délectent des roquettes qu’ils tirent sur l’un des États les mieux armés du monde.

Palestine libérée et unifiée !

La fin de l’apartheid, l’égalité entre Juifs et Arabes, le droit au retour des millions de réfugiés ne pourront être obtenus en maintenant l’État colonial. Une solution démocratique passe par le démantèlement de l’État sioniste, clérical et raciste, belliciste et instrument des vieilles puissances impérialistes au Proche-Orient, ainsi que de la monarchie de Jordanie. Ni le Fatah, ni le Hamas ne se fixent cette tâche, parce qu’elle est dans l’intérêt de tous les opprimés contre tous les oppresseurs. C’est pourquoi ils ne s’adressent jamais aux prolétaires palestiniens (noyés dans « le peuple ») et juifs (assimilés à la bourgeoisie israélienne et son État). La révolution socialiste est la seule voie pour résoudre la question nationale palestinienne, la seule classe capable de l’accomplir, c’est la classe ouvrière unie de la région (Arabes, Juifs, Turcs, Kurdes, Perses…).

Il faut construire une nouvelle internationale communiste, instrument du prolétariat pour instaurer une Palestine démocratique, laïque et multiethnique, dans laquelle pourront vivre ensemble musulmans, israélites, chrétiens et athées… Une telle Palestine ne sera viable que par l’extension de la révolution socialiste, l’abolition des frontières héritées de la colonisation et l’instauration de la fédération socialiste du Proche-Orient.

23 mai 2021