Pour accompagner la politique réactionnaire et nationaliste de Johnson, la nouvelle direction du Parti travailliste mène une purge en son sein

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En 2015, des centaines de milliers de travailleurs et d’étudiants avaient rejoint le vieux Labour Party (LP, Parti travailliste) pour aider Jeremy Corbyn en ayant l’illusion que ce dernier, allait affronter le capitalisme ou du moins corriger ses effets les plus nuisibles (inégalités croissantes, désindustrialisation et chômage, abandon des services publics, pénurie de logement, cherté des études supérieures…).

Corbyn et son courant Momentum ont capitulé d’emblée devant la bourgeoisie, la monarchie et même l’aile droite blairiste du parti. Dès la désignation de Corbyn, celle-ci a mené, en s’appuyant sur la presse bourgeoise, une campagne taxant d’antisémite tous les adversaires de la colonisation de la Palestine par Israël. Jamais Corbyn n’a pas riposté. Le Brexit l’a aussi paralysé. Son discours d’adieu au parlement a été pitoyable.

Cette crise nous montre à quel point nous dépendons les uns des autres. Nous ne pouvons en sortir comme société qu’au travers d’un effort collectif considérable. En temps de crise, personne n’est une île, personne n’est indépendant. Le bien-être du PDG le plus riche dépend des travailleurs intérimaires qui nettoient son bureau. Dans des moments comme celui-ci, nous devons reconnaître la valeur de chacun et la force d’une société se soucie de tous et où on se soucie les uns des autres. (Jeremy Corbyn, LabourList, 25 mars 2020)

Depuis l’élection de Keir Starmer (chef de l’aile droite qui avait commencé sa carrière à gauche du parti : il était dans sa jeunesse un rédacteur de la revue pabliste Socialist Alternatives) à la tête du LP le 4 avril 2020, la nouvelle direction mène une offensive contre tous les militants ou regroupements ayant de près ou de loin des attaches avec le socialisme.

Ainsi, Rebecca Long-Bailey, une adjointe de Corbyn qui avait accepté -servilement- de figurer dans le pré-gouvernement de Starmer en a été évincée pour « antisémitisme » (en fait une critique des services secrets israéliens). Même Corbyn a été suspendu dans un premier temps pour une accusation infondée d’antisémitisme. Puis, après sa réadmission sous la pression des militants, il a été exclu du groupe parlementaire.

Cette véritable chasse aux sorcières menée par la direction néo-blairiste a continué de plus belle en ciblant des responsables et des militants du LP qui contestait la nouvelle ligne de soutien de fait à la politique du gouvernement du premier ministre conservateur Johnson. Ces derniers ont été suspendus ou pour certains exclus. Par conséquent, des centaines, voire des milliers de militants, souvent jeunes, ont quitté le parti.

Cette purge tente de prévenir un « nouvel accident » de type Corbyn et de donner des gages à la bourgeoisie britannique. En janvier, la direction du LP a voté pour l’accord entre le gouvernement Johnson et l’UE.

Face à ces attaques, une grande partie des diverses tendances qui constituent l’aile gauche du parti (Momentum, Labour Against the Witch Hunt, Labour Party Marxists, Socialist Appeal, Labour Left Alliance, etc.) a décidé de lancer une campagne pour un « congrès extraordinaire ». En effet, toutes ces tendances, qui ont en commun d’avoir théorisé peu ou prou la possibilité de faire évoluer le Labour Party sur sa gauche et ont transformé ainsi la tactique de l’entrisme léniniste en une adaptation au long cours au réformisme, se trouvent aujourd’hui menacées dans leur existence. Cette possibilité est prévue par les statuts du parti en cas de conflit interne sans issue. Cette campagne rencontre un succès grandissant dans le LP et certains syndicats membres du parti.

Cette initiative draine aussi l’illusion que l’offensive pourrait être stoppée par un simple congrès démocratique et qu’à partir de la défaite de la direction actuelle qui accepterait gentiment de partir, le LP pourrait se transformer soudainement en un grand parti ouvrier ayant pour programme d’ériger le socialisme à travers les élections bourgeoises et le parlement. C’est le contraire de la tactique de l’entrisme qui vise à arracher les militants combattifs à l’emprise du réformisme et pas à conforter les partis réformistes ! En effet, le LP reste et restera l’exemple typique de ce que Lénine appelle un « parti ouvrier bourgeois » : sa base électorale et syndicale est salariée ; son appareil, que cela soit sous Blair, Corbyn ou Starmer est une bureaucratie petite-bourgeoise, agent de la bourgeoisie au sein des exploités ; sa politique, son programme réel sont bourgeois depuis sa naissance voici plus d’un siècle aux mains de la Fabian Society anticommuniste (les ancêtres de Blair et Starmer) flanquée de l’ILP sociale-chrétienne (les prédécesseurs de Corbyn).

Il est indubitable qu’en se séparant des partis bourgeois au parlement, le Parti travailliste fait un premier pas vers le socialisme et vers la politique de classe… Mais il ne s’ensuit pas pour autant que c’est un parti réellement indépendant de la bourgeoisie, qu’il mène une lutte de classe… (Vladimir Lénine, « La session du BSI de l’Internationale ouvrière », octobre 1908, Œuvres t. 15, Progrès, p. 252-254)

Dès lors, au sein du LP et dans les syndicats, il faut regrouper l’avant-garde autour d’un programme d’action, pour la construction d’un parti capable de le défendre et de l’appliquer, assemblées générales sur les lieux de travail, de vie et d’études pour discuter et décider de ce qui se passe au sein du LP pour réarmer les travailleurs face aux mauvais coups de Johnson et du capital. L’avant-garde doit se débarrasser des illusions mortelles dans le travaillisme et le réformisme : croire que le LP pourrait aller au socialisme sous la pression des masses et de son aile gauche ou tenter de le concurrencer avec un autre projet réformiste (SLP de 1996, SSP de 1998, Respect de 2004, PBP de 2005, TUSC de 2010, LU de 2013, ACR de 2020…).