Procès en extradition d’Assange : la farce judiciaire continue

Le procès en extradition de Julian Assange a repris le 7 septembre, avec une seconde série d’audiences qui se sont déroulées jusqu’au 1er octobre. Il s’est à nouveau révélé un simulacre de justice. Tout d’abord, l’accusation de collusion avec Manning ayant été démolie par la défense lors de la première série d’audiences en février, le gouvernement étatsunien a émis en juin un nouvel acte d’accusation remplaçant le précédent (superseding indictement). Cette fois-ci, le journaliste est accusé d’avoir lui-même piraté des ordinateurs gouvernementaux, sollicitant à cet effet l’aide de hackers. L’acte mentionne une source — qui était en fait un hacker islandais payé comme informateur par le FBI, un délinquant qu’Assange avait lui-même dénoncé à la police islandaise. Malgré ce changement significatif d’acte d’accusation, le procès continue comme si c’était la même chose, la défense n’ayant qu’à s’y adapter.

Avant l’ouverture, la salle d’audience avec 42 places pour le public a vu sa capacité d’accueil réduite à 9 personnes, sous prétexte de distanciation physique à cause de la Covid19, mais finalement, seulement 5 personnes furent admises à l’ouverture le 7 septembre. Amnesty International, Reporters sans Frontières et plusieurs députés fédéraux allemands se virent refuser l’entrée, mais après une protestation de l’ambassade d’Allemagne, ces derniers furent autorisés à assister. Dans une salle adjacente, il y avait 6 places pour les journalistes, où ils pouvaient suivre l’audience sur un petit écran avec un son quasi-inaudible ; aussi le journaliste indépendant John Pilger quitta cette salle et se joignit aux manifestants à l’extérieur ; les jours suivants, 3 de 6 places étaient réservées pour des personnes qui ne vinrent même pas. Plus tard, ce furent 10 journalistes qui purent y être admis. Si plusieurs agences de presse firent acte de présence, les grands titres de la presse brillèrent par leur absence.

L’accès au procès par Internet, prévu pour une quarantaine d’observateurs de la société civile (dont plusieurs députés européens et les représentants d’Amnesty International et de Reporters sans frontières) fut bloqué, la juge Vanessa Baraitser considérant que cette forme d’accès « n’est pas dans les intérêts de la justice », car elle ne peut pas contrôler leur comportement à distance, comme pour le public présent dans la salle. Huit députés européens émirent une protestation publique, demandant à pouvoir suivre le procès, car « la justice ne doit pas seulement être rendue, mais être vue rendue ».

Les nombreux témoins de la défense ayant tous fourni une déposition écrite, la juge et l’accusation suggérèrent qu’il n’était pas nécessaire qu’ils la répètent oralement, le procès irait plus vite en se limitant à leur contre-interrogatoire par les deux parties. La défense argua que le public et Assange lui-même devaient entendre le contenu des témoignages. L’accusation objecta qu’alors les témoins pourraient oralement présenter de nouveaux éléments auxquels « la Couronne » (l’accusation) ne se serait pas préparée. Après une brève interruption de séance, la juge accorda à chaque témoin une demi- heure pour résumer sa déposition.

La défense fit valoir que le gouvernement états-unien avait annoncé son nouvel acte d’accusation dans un communiqué le 22 juin, mais que celui-ci n’avait été versé au dossier que le 29 juillet, soit six semaines avant les audiences, et ce n’est que le 21 août qu’il devint clair que les nouvelles charges étaient différentes des précédentes. Comme six semaines représentent un temps insuffisant pour permettre à la défense de se préparer aux nouveaux éléments, elle réclama que les nouvelles charges soient retirées du procès, que celui-ci se restreigne à celles contenues dans le précédent acte d’accusation. La juge Baraitser lut sa décision écrite à l’avance : elle avait proposé à la défense un ajournement des audiences, mais celle-ci l’avait refusé ; donc la requête fut rejetée.

Après la pause déjeuner, la défense obtint une courte interruption pour consulter Assange, puis demanda un ajournement des audiences jusqu’à janvier 2021 afin de se préparer aux nouvelles accusations. La proposition d’ajournement faite par la juge datait du 14 août, à un moment où Assange n’avait pas pu prendre connaissance des nouvelles charges, les communications avec ses défenseurs étant extrêmement limitées, c’est pourquoi elle n’avait pas été acceptée. Après une courte pause, la juge donna sa décision : la défense avait eu l’occasion d’obtenir un ajournement mais ne l’avait pas saisie, et le matin elle avait demandé le retrait des nouvelles charges au lieu de l’ajournement ; à nouveau la requête fut rejetée.

Après cette introduction, les audiences du mois de septembre ont été consacrées essentiellement aux dépositions et contre-interrogatoires des témoins. Nous ne pouvons les relater toutes, le lecteur pourra obtenir une présentation détaillée de celles-ci sur le blog de Craig Murray (https://www.craigmurray.org.uk/) et sur le site dédié aux comptes rendus du procès (https://assangecourt.report/).

Un procureur arrogant

Si les témoins ne disposaient que de 30 minutes pour résumer leur déposition, le contre-interrogatoire par l’accusation pouvait parfois durer jusqu’à 4 heures ! L’accusateur public (selon le droit britannique, le rôle du procureur est tenu par un avocat engagé par le parquet), James Lewis, appliqua constamment une tactique agressive vis-à-vis des témoins cités par la défense, cherchant à les déstabiliser et les intimider, mettant en doute leur expertise et leur indépendance, exigeant une réponse binaire oui ou non à des questions de nature complexe et dépendant d’un contexte, leur reprochant de ne pas avoir lu le nouvel acte d’accusation (disponible depuis seulement 6 semaines, et que certains n’avaient obtenu que très récemment) ou un quelconque autre document relatif au procès, invoquant telle ou telle publication scientifique non citée par le témoin comme faisant autorité, ou certaines dépositions (en particulier celle de Gordon Kromberg, assistant procureur du district de l’est de l’État de Virginie, un personnage controversé, notamment à cause de son islamophobie extrême) comme vérité d’Évangile ; si le témoin montrait son désaccord avec une telle déposition, Lewis lui demandait alors s’il accusait son auteur d’être un menteur.

Lewis prit un malin plaisir à citer devant divers témoins un passage du livre WikiLeaks: Inside Julian Assange’s War on Secrecy écrit par deux journalistes du Guardian, David Leigh et Luke Harding ; il y est affirmé que les deux auteurs se souciaient de protéger les noms des informateurs mentionnés dans les documents obtenus par WikiLeaks, mais que lors d’un dîner, Assange leur aurait dit que ces informateurs étaient des traitres qui méritaient rétribution, que s’ils étaient tués ils l’auraient bien mérité. Mais Lewis s’abstint d’en parler devant un témoin participant à ce dîner, qui avait donc assisté à cette conversation, et qui aurait pu confirmer que cette allégation était mensongère. Cependant, ce témoin ne put pas évoquer cette affaire, car cela aurait apporté « un nouvel élément auquel la Couronne ne se serait pas préparée », chose formellement interdite par la juge Baraitser.

Un citoyen allemand qui en 2003 avait été arrêté en Macédoine, remis à la CIA, torturé et violé, détenu dans une prison secrète en Afghanistan, ne put pas témoigner oralement : la juge se contenta qu’on lise sa déposition. Lewis s’opposa à la simple mention qu’il avait été torturé et que le gouvernement états-unien avait fait pression sur l’Allemagne pour ne pas poursuivre les agents de la CIA impliqués dans ces crimes (des faits révélés par WikiLeaks), donc on ne put pas en discuter lors de l’audience.

À un moment, James Lewis en vint même à se plaindre à la juge que le témoin n’était pas assez bref dans ses réponses, donnant de longues explications, donc son temps imparti de 4 heures pour le contre-interrogatoire était écoulé alors qu’il n’était qu’à la moitié de ses questions. Il lui reprocha de ne pas « contrôler le témoin ». La juge rétorqua que ce n’était pas son rôle de contrôler le témoin, qui doit être libre de donner ses explications aussi longuement que nécessaire. Il se plaignit que jamais dans sa carrière, il n’avait été soumis à un tel couperet sur son temps imparti, et que « cela ne passerait pas dans un véritable tribunal ». Mais la juge Baraitser, qui probablement n’avait pas envie de passer trop de temps à ce procès, lui répliqua qu’il y avait 39 témoins, donc pas question de déborder du temps imparti.

Les accusations sont réfutées

Selon les témoins, les publications de WikiLeaks contribuèrent à faire cesser des campagnes d’assassinats au Pakistan et en Afghanistan, révéler de nombreux cas de torture, et à innocenter des détenus de Guantanamo. Elles conduisirent également à des modifications des règles d’engagement de combat de l’armée des États-Unis. Par ailleurs, elles permirent à l’opinion publique de comprendre l’échec des guerres en Irak et en Afghanistan, ce qui contribua à pousser le gouvernement états-unien en direction d’un désengagement militaire.

Ils confirmèrent également qu’aux États-Unis de nombreux documents classés secrets fuitent régulièrement vers la presse, et qu’en vertu des droits constitutionnels sur la liberté de la presse, les journalistes et médias ne purent jamais être condamnés en justice pour de telles publications, ni pour avoir protégé leurs sources, ni même pour les avoir sollicitées ; seuls les auteurs des fuites peuvent être poursuivis. Un cas classique est celui des Pentagon Papers publiés par le New York Times puis le Washington Post en 1971. Ainsi, l’acte d’accusation considère la mise à disposition des lanceurs d’alerte par WikiLeaks d’une boîte de dépôt (drop box) sécurisée constitue une « conspiration criminelle », mais tous les grands journaux ont une telle boîte, et font de la publicité pour celle-ci, sans être poursuivis.

Aussi l’accusateur Lewis s’empressa d’affirmer qu’Assange n’était pas poursuivi pour la possession et publication de documents secrets, mais pour avoir utilisé des moyens illégaux pour les obtenir, et révélé les noms des informateurs, mettant en danger leur vie ; en réalité, l’acte d’accusation amalgame tout cela. De plus, la législation étatsunienne ne punit pas la publication par la presse de noms d’informateurs, même si c’est une pratique journalistique contestable. Plus tard, il insinua que des journalistes ayant publié des documents secrets (comme les Pentagon Papers en 1971) auraient pu être condamnés en justice sous l’Espionage Act de 1917 — dans la droite ligne de Trump, qui considère les journalistes comme des « ennemis du peuple ».

Sur ces questions, un témoin insista sur l’obsession d’Assange pour la sécurité, en particulier la nécessité d’éditer avant publication les documents afin d’enlever les noms des informateurs sur le terrain. WikiLeaks s’était associé avec 5 grands journaux internationaux pour la publication des « câbles diplomatiques » sur la guerre en Irak : El País, Le Monde, Der Spiegel, The Guardian et The New York Times. Ce dernier devait s’enquérir auprès des autorités états-uniennes des noms à protéger. Assange et WikiLeaks prévinrent ces autorités des dangers encourus par les personnes mentionnées dans les documents, et ainsi elles eurent neuf mois, le délai pris par l’édition des textes, pour mettre à l’abri ces personnes. Les documents non édités résidaient sous forme encryptée sur un « cache », et un logiciel fut testé puis, après validation, utilisé pour les éditer en enlevant les noms (alors que les journalistes faisaient pression pour publier rapidement les documents). Suite à des attaques de type DDOS visant à bloquer le site, WikiLeaks encouragea ses partisans à établir des sites miroirs, avec des instructions permettant de copier tout sauf le cache encrypté. Mais certaines personnes firent des sites miroirs comprenant ce cache. En février 2011, parut le livre WikiLeaks: Inside Julian Assange’s War on Secrecy mentionné plus tôt. Celui-ci révélait le mot de passe du cache, ainsi les sites miroir furent piratés sans que WikiLeaks puisse l’empêcher. Assange tenta en vain de dissuader certains journaux (comme Der Freitag) d’ébruiter l’existence du mot de passe et du cache. Les documents non édités furent mis en ligne sur le site Cryptome, puis sur Pirate Bay. De plus, n’importe qui put en faire des sauvegardes sur la Wayback Machine d’Internet Archives. Ce n’est qu’après ces publications pirates que WikiLeaks publia ceux-ci sur son site.

De toute façon, le gouvernement étatsunien n’a jamais pu citer le nom d’une personne tuée ou réellement lésée à cause de la publication de son nom par WikiLeaks. Et même s’il y en avait, ce serait infime face aux millions de victimes des guerres criminelles démasquées par WikiLeaks. Notons que les sites Cryptome (basé aux États-Unis) et Pirate Bay n’ont jamais été poursuivis pour cette publication des documents comprenant les noms. Un témoin de Cryptome confirma que le site avait publié ces documents avant WikiLeaks et que les autorités états-uniennes ne leur ont jamais demandé de retirer ces documents de leur site ; un autre d’Internet Archives confirma que les sauvegardes sur la Wayback Machine n’ont jamais dû être retirées, elles s’y trouvent toujours, sans aucune menace de poursuite à leur égard.

En ce qui concerne l’accusation qu’Assange aida Manning à pirater les ordinateurs de l’armée des États-Unis, un témoin mis à mal cette accusation, expliquant qu’il était à l’époque techniquement infaisable de « craquer » le code secret.

Le sort qui attend Assange

Il ressort des dépositions des témoins que si Assange est extradé, il passera probablement le reste de sa vie en prison, à l’isolement.

Durant sa détention provisoire, il sera placé dans une aile de « ségrégation administrative » de sa prison américaine (communément appelée « X-block »), dans une cellule de la taille d’une place de stationnement, avec une énorme porte blindée, et pour équipement une petite toilette et un lit fait d’une planche avec un paillasson et une couverture ; toute communication avec d’autres détenus serait impossible.

Après sa condamnation, il finira ses jours dans une prison de haute sécurité « supermax », sous régime de « mesures administratives spéciales » (SAM), ce qui signifie rester enfermé seul dans sa cellule 22 ou 23 heures par jour, interdit de tout contact avec les autres détenus, ses seules sorties hors de sa cellule se faisant le soir ou la nuit, enchaîné, vers une « cellule de récréation ». Son courrier postal sera vérifié. Il aura droit à deux fois 15 minutes de téléphone par mois, et ses communications seront enregistrées par le FBI. De plus ses rencontres avec ses avocats seront enregistrées, et on contrôlera même ce qu’il peut regarder à la télévision. Les appels des prisonniers demandant la fin de leur régime de SAM n’aboutissent presque jamais, même en cas de bonne conduite.

Les décisions sur le régime SAM peuvent être complètement arbitraires. Un témoin rapporta que l’islamiste Abou Hamza (extradé du Royaume Uni vers les États-Unis, où il fut condamné à la réclusion à perpétuité pour terrorisme), était autorisé à écrire à seulement deux personnes, dont son fils ; il vit son régime SAM prolongé d’un an pour avoir écrit à son fils « dis à mon petit-fils que je l’aime », ce qui représentait selon l’administration une « communication non autorisée avec une 3e personne, un enfant âgé d’un an ». Une avocate du gouvernement états-unien déclara que cela aurait pu être un message terroriste codé.

Le procureur James Lewis cita la déposition du procureur adjoint Kromberg détaillant les facilités offertes aux détenus, brossant un tableau idyllique d’un lieu ressemblant plus à un centre de loisirs qu’à une prison « supermax ». De toute façon, ces facilités ne sont pas accessibles aux prisonniers sous régime de SAM, qui restent toujours à l’isolement, et la réalité sur le terrain ne se conforme généralement pas à sa description dans les rapports officiels. Les avocats du gouvernement des États-Unis tentèrent aussi de minimiser la peine qui serait infligée à Assange, et mirent en doute le fait qu’il serait mis au régime de SAM.

En réponse aux témoins de l’accusation et aux critiques de James Lewis quant à la méconnaissance par les témoins de la défense des conditions de détention dans la prison « supermax », la défense demanda à citer des témoins supplémentaires connaissant bien le système carcéral des États-Unis. La juge refusa cette requête, pour elle il était trop tard.

Les psychiatres cités par la défense confirmèrent qu’Assange souffre du syndrome d’Asperger et de dépression. Sa condition dans la prison de Belmarsh lui a causé un traumatisme psychique comparable à celui des victimes de guerres. Son extradition aurait donc de graves effets sur sa santé physique et psychique, et sa mise à l’isolement pourrait très probablement le pousser au suicide. James Lewis prétendit qu’Assange était un simulateur, car sa « maladie mentale » ne lui aurait pas permis de diriger WikiLeaks, tenir des plateaux de discussion à la télévision, obtenir et publier des centaines de milliers de documents secrets et écrire un livre ; l’argument est ridicule, l’histoire compte de nombreux personnages éminents souffrant de semblables problèmes psychiques. Lewis affirma aussi que ce diagnostic était contredit par les déclarations des médecins de la prison de Belmarsh où il est incarcéré, mais les témoins expliquèrent qu’à l’instar de nombreux détenus, Assange répugne à parler de ses problèmes au personnel de la prison, craignant que ce soit utilisé contre lui, pour le mettre à l’isolement.

Il est intéressant de signaler certains événements de la détention d’Assange à Belmarsh. Sa santé physique et psychique déclina lorsqu’il fut sujet à des « soins médicaux » et s’améliora lorsqu’ils cessèrent. Durant les cinq mois de son séjour dans l’aile médicale de la prison, la Dr Daly, médecin-chef de la prison, ne fit aucun des rapports médicaux mensuels, pourtant obligatoires, le concernant. Un témoin révéla que lors d’une fouille de sa cellule, les gardiens trouvèrent une lame de rasoir cachée parmi ses sous-vêtements. James Lewis insinua que c’était une invention d’Assange, l’affirmer faisait partie de sa simulation de troubles psychiques et de risque de suicide, d’ailleurs l’incident ne se trouve pas dans les notes cliniques de la Dr Daly. Mais la défense put produire une note rédigée par un gardien et adressée au gouverneur de la prison, dénonçant exactement le fait. Aussi Lewis rétorqua que le gouverneur avait laissé tomber cette accusation contre Assange. La juge Baraitser renchérit qu’elle ne pouvait baser son opinion que sur la décision du gouverneur de la prison. Plus tard, la défense produisit un compte rendu d’une audience de la prison, mentionnant l’incident, où la décision du gouverneur de laisser tomber l’accusation se trouvait au paragraphe 19. Baraitser refusa ce document, car c’était un « nouvel élément », elle n’avait demandé que la décision du gouverneur et refusait de prendre en considération le reste du document.

Daly avait affirmé à un témoin de l’accusation qu’Assange avait été admis à la section médicale de la prison pour l’isoler des autres détenus, suite à une vidéo de lui prise et mise en circulation par un prisonnier, qui avait embarrassé la direction. Au contraire, selon un document produit par la défense, c’est le personnel pénitentiaire qui avait alerté sa hiérarchie du moral très bas d’Assange et de ses tendances suicidaires, demandant son transfert dans l’aile médicale, ce qui fut fait après une rencontre avec la Dr Daly. Cette révélation valut une nouvelle remontrance de la juge à la défense. Cette affaire jette des doutes sur les « soins » prodigués dans cette prison, où le médecin-chef se comporte plus comme un agent de répression que comme une praticienne fidèle au serment d’Hippocrate.

Une décision attendue en janvier

Parmi les derniers témoignages, les dépositions de deux ex-employés de la firme UC Global furent lues. Cette compagnie espagnole, chargée de la sécurité dans l’ambassade de l’Équateur à Londres, entra en relation avec Sheldon Adelson, un associé de Trump, en 2016. Après l’élection de Trump, UC Global fut chargée d’organiser l’espionnage d’Assange dans l’ambassade. Les caméras de surveillance furent modifiées pour enregistrer le son, et des micros furent installés partout, jusque dans les toilettes. Les enregistrements sonores étaient donnés aux autorités états-uniennes, qui souhaitaient en particulier qu’on enregistre les conversations entre Assange et ses avocats. On installa même sur les fenêtres des dispositifs pour faciliter l’enregistrement par micro-laser depuis l’extérieur. La compagnie cambriola les bureaux de Baltasar Garzón, l’avocat espagnol d’Assange. On prit les empreintes digitales d’Assange à partie d’un verre et on essaya d’obtenir une couche-culotte de son fils pour faire des tests ADN. Il y eut même des discussions sur comment l’enlever ou l’empoisonner. Ces activités enrichirent considérablement David Morales, le dirigeant d’UC Global, qui a depuis eu maille à partir avec la justice espagnole.

La juge Baraitser avait décidé qu’il n’y aurait plus d’arguments présentés oralement après le 8 octobre. L’accusation ayant proposé que les conclusions de la défense et de l’accusation ne soient présentées que par écrit, sans défense orale, la juge reprit cette proposition, qui fut acceptée par la défense, car le délai pour remettre ses arguments écrits courait jusqu’à fin octobre, au lieu du 8. Ensuite viendront des réponses de l’accusation et de la défense. Enfin la juge prendra sa décision sur la demande d’extradition, celle-ci sera rendue le 4 janvier 2021. Entretemps, Julian Assange reste en prison.

Il est fort probable que pour sa décision, la juge Baraitser accordera peu d’intérêt aux débats de ce mois d’audiences, qu’elle a toujours considérés comme une formalité à raccourcir au maximum. Bien plus importantes seront les instructions que lui donnera le gouvernement du Royaume Uni, qui aura eu l’occasion de prendre consultation auprès du nouveau président des États-Unis. En effet, l’administration Obama avait en pratique renoncé à demander l’extradition d’Assange, craignant un échec du procès en raison des garanties constitutionnelles et de jurisprudence sur la liberté de la presse ; mais l’administration Trump, qui méprise ouvertement les droits des journalistes, a réclamé son extradition, produisant des actes d’accusation modifiés au gré des opportunités ; reste à voir comment se positionnera Biden.

Les grands médias, qui face aux gouvernements préfèrent la servilité à la défense de leur propre liberté, se sont généralement montrés assez taiseux sur ce procès. Il incombe au mouvement ouvrier de prendre la défense d’Assange, car ce qui est en jeu, c’est la liberté d’informer, de révéler les crimes et la corruption de la bourgeoisie et de ses gouvernements.

Non à l’extradition de Julian Assange !

Liberté pour Assange et tous les lanceurs d’alerte !