Chez Macron : bienvenue aux riches étrangers, dehors les pauvres !
L’humanité s’est toujours déplacée. Les citoyens de pays impérialistes le font facilement, pour le tourisme, les études, l’emploi, la religion… mais la majorité de la population mondiale voit ses déplacements entravés par le manque de moyens financiers et par les frontières. Sur 1 240 000 demandes d’asile dans l’Union européenne en 2017, seulement 538 000 ont été acceptées dans des conditions misérables.
Pendant que le gouvernement français accueille fastueusement à Versailles les capitalistes étrangers et tente d’attirer l’attention sur quelques boutiques de luxe victimes de la révolte des « gilets jaunes », il repousse des dizaines de milliers de migrants fuyant la guerre ou la misère, contribuant avec l’UE à la mort de milliers de personnes en Méditerranée (17 000 depuis 2014 selon l’ONU).
Les impérialisme français, britannique et américain ont ravagé le Proche-Orient : Irak, Syrie, Libye. Les cliques islamistes qui se disputent la Libye sont payées par les gouvernements italiens et français pour retenir les migrants, donc les exploiter, les voler, les violer, les réduire en esclavage.
Dans un geste inédit, la France a annoncé « la cession » à la Libye de six bateaux « pour la marine libyenne », lors du point presse hebdomadaire du ministère des armées, jeudi 21 février, sans autre précision. (Le Monde, 22 février)
L’UE aide aussi le Maroc à « équiper ses garde-côtes » avec 148 millions d’euros versés en 2018. La même année, 100 000 migrants ont été arrêtés au Maroc, puis expulsés vers leur pays ou enfermés dans des camps.
Les ONG n’ont plus le droit de sauver les migrants en Méditerranée (30 000 vies sauvées depuis 2014). Le bateau L’Aquarius de l’ONG française SOS Méditerranée est bloqué par le gouvernement Macron. En janvier 2019, les bateaux d’ONG allemandes Sea Watch 3 et Sea Eye ont été contraints de rester dans les eaux internationales avec des migrants naufragés car aucun pays de l’UE ne leur a permis d’accoster. Le 27 mars, l’UE a même décidé de suspendre les moyens navals de sauvetage de la mission Sophia, se rangeant ainsi aux arguments du ministre de l’Intérieur italien Salvini. Il n’y a donc plus aujourd’hui aucun dispositif de secours aux naufragés en Méditerranée.
Le président de la 5e République a dévoilé lors du lancement de sa campagne pour les élections au Parlement européen de mai le sort qu’il réserve aux migrants :
Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure : je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières. (Macron, Pour une Renaissance européenne, 4 mars)
Dans le fil de Sarkozy et Hollande
D’ailleurs le gouvernement Macron remplit déjà toutes les conditions indiquées comme le « contrôle des frontières », notamment celles avec l’Italie et la Grande-Bretagne où depuis 2015, la police repousse, parfois dans l’illégalité, les migrants. Chassés d’Italie par la police de Di Matteo et Salvini, les migrants tentent de passer la frontière par la montagne même en plein hiver. 7 personnes qui leur sont venues en aide ont été condamnées à des peines de prison avec sursis et ferme (4 mois pour deux d’entre eux) par le tribunal correctionnel de Briançon en décembre dernier, 2 autres en janvier 2019, alors que les fascistes de GI qui empêchent les migrants de traverser la frontière ne sont pas inquiétés.
Dans les Hauts-de-France, ceux qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne ne sont pas mieux traités que ceux qui voudraient s’installer en France.
Samedi soir, une centaine de migrants voulant rejoindre le Royaume-Uni ont fait une incursion dans le port de Calais, une opération inédite par son ampleur qui a conduit à 63 interpellations… Sur les 63 interpellés, 30 « ont fait l’objet d’une mesure administrative concrétisée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) », avec « placement en centre de rétention administrative pour la moitié d’entre eux », a indiqué la préfecture du Pas-de-Calais. En outre, 28 migrants doivent être jugés en mai. (AFP, 4 mars)
Le tribunal de Calais a condamné à 4 mois de prison ferme un Malien considéré comme le « meneur ».
Le gouvernement Macron-Philippe-Collomb a encore durci la législation des Chirac-Pasqua (1986, 1993), Chirac-Sarkozy (2006), Sarkozy-Guéant (2011) et Hollande-Valls (2013) contre les migrants avec la loi dite « asile et immigration » (mai 2018) :
- possibilité pour la police de refuser, à 10 kilomètres de la frontière, l’entrée dans l’espace de Schengen, y compris si la personne est mineure (cas de la frontière franco-italienne en particulier),
- autorisation pour l’OFPRA (office statuant sur le droit d’asile) de faire des entretiens téléphoniques (donc sans avocat, représentant ou quelconque défenseur),
- régionalisation des demandes d’asile (guichet unique de demandes d’asile) sous 90 jours après l’entrée sur le territoire, auprès de préfectures désignées, sans bons de transport gratuits pour les demandeurs (seulement 60 jours de délai en Guyane),
- suppression de la maigre indemnité d’asile si le demandeur ne se rend pas, sous 5 jours, dans le département où un logement lui a été attribué (pour une personne, c’est 6,80 euros par jour, soit moins de 210 euros par mois pour survivre seule),
- réduction à 21 jours du délai pour une demande d’asile auprès de l’OFPRA, obligation de répondre à un entretien dans le mois qui suit,
- réduction à 15 jours du délai de recours avec l’aide d’un avocat auprès de la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) pour le demandeur, au-delà duquel une OQT (obligation de quitter le territoire) peut être décidée par le Préfet,
- possibilité pour le Préfet d’expulser tout demandeur d’asile enregistré s’il vient d’un pays « sûr », si sa demande est en réexamen, fait l’objet de poursuites (« menace grave à l’ordre public »), ou si une procédure est en cours dans un autre État,
- réduction à 48 heures du délai pour contester une décision d’expulsion après refus du droit d’asile,
- surveillance renforcée des résidences des réfugiés et des associations ou organismes les accompagnant,
- suppression de l’hébergement en cas d’absence d’une semaine, de refus de s’y rendre ou de le quitter,
- recours contre une OQT réduite à 15 jours et à 48 heures en cas d’emprisonnement en centre de rétention,
- possibilité de rallongement de la période d’emprisonnement en centre de rétention jusqu’à 90 jours (au lieu de 60 maximum auparavant),
- fichier biométrique des mineurs.
Le ministre de l’intérieur Castaner, successeur de Collomb et lui aussi ancien du PS, ne se contente pas de matraquer et d’éborgner des « gilets jaunes ». Il annonce une croissance de 20 % du nombre d’expulsions d’étrangers. En 2018, cela correspond à 18 000 expulsés en métropole.
Pour LR, DlF et le RN, ce n’est évidemment pas assez. Le Pen continue de répandre ses mensonges en affirmant que les migrants sont plus aidés que les chômeurs. Il s’agit de détourner le mécontentement populaire vers des boucs émissaires afin de protéger les capitalistes français.
L’inertie du mouvement ouvrier
La solidarité internationaliste devrait mobiliser le mouvement ouvrier, dont l’affaiblissement numérique et idéologique laisse largement la place libre, au détriment des migrants.
Les églises chrétiennes, tout en s’étant mises au service du capitalisme depuis des siècles, sont des organisations internationales dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec la politique des gouvernements nationaux. Cela explique qu’avec leur aide financière et matérielle (locaux), des associations cléricales (Secours catholique, Cimade, Fondation Abbé Pierre, Emmaüs…) aident les migrants sur le terrain de la charité, tout en les empêchant de résister à la police, leur prêchant la résignation face aux décisions de justice, sans jamais exiger l’abrogation des lois de discrimination.
Les exceptions sont la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI) née en 1962 de l’activité de militants du PSU, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) fondé par des maoïstes, des trotskystes et des anarchistes en 1969 et le Réseau éducation sans frontières (RESF) constitué en 2004 pour la « régularisation des sans-papiers scolarisés » ; dans la foulée, le Réseau université sans frontières (RUSF) défend les étudiants étrangers. Le POI et le POID, trop occupés à courtiser les bureaucrates de FO et à dénoncer l’Union européenne comme source de tous les maux qui s’abattent sur « la nation », ne soutiennent pas RESF. Les deux collectifs sont approuvés par de nombreux syndicats (aucun de FO) mais aucune confédération nationale ne les soutient.
Les rédactions de Regards, Politis et Mediapart ont publié une pétition qui reste sur le terrain de la démocratie bourgeoise.
Il ne faut faire aucune concession à ces idées, que l’extrême droite a imposées, que la droite a trop souvent ralliées et qui tentent même une partie de la gauche. Nous, intellectuels, créateurs, militants associatifs, syndicalistes et citoyens avant tout, affirmons que nous ne courberons pas la tête. Nous ne composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos au partage. (Manifeste pour l’accueil des migrants, septembre 2018)
Sur le terrain, la CGT et Solidaires tentent de défendre les travailleurs étrangers surexploités car fragilisés vis-à-vis des patrons (français, chinois, turcs…) par la discrimination de l’État bourgeois. Toutefois, même la direction de la CGT tend à isoler ces luttes des autres travailleurs : l’obtention d’un titre de séjour serait l’affaire des seuls sans-papiers. Elle s’en remet à son État impérialiste qu’elle fait passer pour le défenseur de l’intérêt général : « Un État de droit se doit de protéger l’ensemble des travailleurs sur son territoire, dans l’intérêt de tous ! » (Martinez, Le Monde, 26 septembre 2018).
FO estime que « les politiques d’aide au développement et d’appui des pays d’origine doivent absolument être amplifiées et devenir une priorité » (FO, Communiqué, 3 mai 2018).
Les partis sociaux-impérialistes ont toujours fait la même chose que les partis bourgeois quand ils étaient au pouvoir. Dans l’opposition, leur programme pour les élections européennes sont d’ailleurs vagues : « élargir la notion du droit d’asile » (PCF), « travailler à l’anticipation et à la régulation des flux migratoires » (PS), autant de formulations compatibles avec la politique de LREM. Pour LFI, qui a remplacé le drapeau rouge par celui des Versaillais, il ne faut surtout pas ouvrir les frontières françaises.
Les neuf-dixièmes des migrations actuelles se font dans des conditions régulières. Nous parlons d’un dixième. Est-ce que ce dixième a raison de venir de manière irrégulière ? Je préférerais qu’ils restent chez eux, je l’ai toujours dit. Je pense qu’il faut créer les conditions pour que les gens puissent rester chez eux. (Mélenchon, RTL, 16 décembre 2018)
Autrement dit, les humains qui s’obstinent à venir « de manière irrégulière » doivent continuer à risquer leur vie, à être arrêtés, détenus dans des camps et déportés. D’ailleurs, LFI a refusé de signer la pétition Manifeste pour l’accueil des migrants.
Dans notre lutte pour le véritable internationalisme et contre le social-chauvinisme, notre presse dénonce constamment les chefs opportunistes du Socialist Party of America, qui sont partisans de limiter l’immigration des ouvriers chinois et japonais. Nous pensons qu’on ne peut pas, à la fois, être internationaliste et se prononcer en faveur de telles restrictions. (Lénine, Lettre à la SPL des États-Unis, 22 novembre 1915)
L’internationalisme prolétarien exige l’ouverture des frontières aux réfugiés, aux travailleurs, aux étudiants, des papiers pour tous, l’égalité des droits pour tous ceux qui vivent, travaillent et étudient en France. Les travailleurs conscients se prononcent donc pour le front unique des organisations ouvrières en défense des migrants, pour la fermeture des centres de détention et l’abrogation de toutes les lois de discrimination. Notre perspective, c’est reconstruire l’internationale ouvrière pour renverser les États bourgeois nationaux.