ABC du marxisme : le référendum

Le recours systématique au référendum est un des points communs de LFI et du RN, avec la défense de « la nation » et la négation de la lutte des classes. Le Pen l’appelle référendum d’initiative populaire et Mélenchon référendum d’initiative citoyenne. Il est repris par une grande partie du mouvement des « gilets jaunes », au détriment des revendications sociales dont il était aussi porteur. Or, le référendum n’est généralement pas une solution progressiste, ni même démocratique.

En 1871, pour la première fois de l’histoire, les travailleurs prennent le pouvoir : ayant pris les armes, ils élisent leurs représentants au sein de la Commune de Paris. Les élus sont révocables. Ils ne touchent pas plus qu’un salaire d’ouvrier qualifié. Pas trace de référendum. Et pour cause, le référendum avait servi en France à Louis-Napoléon Bonaparte pour légitimer la diminution des libertés démocratiques (plébiscite de décembre 1851 : 92 % de oui) puis pour instaurer une monarchie (novembre 1852 : 97 % de oui).

L’expérience du bonapartisme et du pouvoir des travailleurs inspire le programme du parti ouvrier révolutionnaire.

L’émancipation de la classe productive est celle de tous les êtres humains sans distinction de sexe, ni de race. Les producteurs ne sauraient être libres qu’autant qu’ils seront en possession des moyens de production (terres, usines, navires, banques, crédits, etc.). L’appropriation collective ne peut sortir que de l’action révolutionnaire de la classe productive – ou prolétariat – organisée en parti politique distinct. Elle doit être poursuivie par tous les moyens dont dispose le prolétariat, y compris le suffrage universel transformé d’instrument de duperie qu’il a été jusqu’ici en instrument d’émancipation. (Jules Guesde & Karl Marx, Programme du Parti ouvrier, 1880)

L’émancipation des travailleurs ne peut pas s’accomplir au sein d’un régime bourgeois, fût-il démocratique. Les moyens de production y restent la propriété d’une minorité de la société, qui peut ainsi exploiter le plus grand nombre (ou le reléguer au chômage). À la domination économique, la minorité capitaliste ajoute la domination idéologique, grâce aux clergés, au système scolaire, aux grands médias, aux bureaucraties syndicales et aux grands partis y compris les partis d’origine ouvrière mais politiquement capitalistes (en France : LFI, le PS, le PCF, Générations…). Pour compléter, la bourgeoisie recourt à la menace et à la violence par son armée, sa police, les bandes fascistes.

Dans le cadre du capitalisme, le référendum est le plus souvent « un instrument de duperie ».

Dans ce cas, le peuple n’est plus appelé à voter sur tout un programme embrassant la réorganisation politique et sociale d’un pays, mais seulement sur une mesure particulière, une seule proposition qui, en outre, doit toujours être adaptée à la situation politique et sociale du moment, si elle veut être applicable et ne pas se limiter à un geste symbolique. (Karl Kautsky, Parlementarisme, législation directe et sociale-démocratie, 1893)

En Italie, Mussolini transforme les élections législatives en plébiscite (mars 1929 : 98,4 % de oui). En Allemagne, Hitler fait approuver par référendum la concentration du pouvoir exécutif dans ses mains (août 1934 : 84,2 % de oui).

Après la 2de Guerre mondiale, un référendum avalise le désarmement du peuple et la continuité de l’État bourgeois (haute administration, police, armée) en Italie (juin 1946 : 54 % de oui, les non étant pour la monarchie !) et en France (octobre 1946 : 96,4 % de oui). En France, le général De Gaulle légitime son coup d’État (septembre 1958 : 82,6 % de oui). En Iran, l’ayatollah Khomeiny fait ratifier la contre-révolution islamiste (décembre 1979 : 99,5 % de oui).

En Italie, où des initiatives de « référendums abrogatifs » sont possibles, la tentative de revenir par les urnes à l’échelle mobile des salaires échoue (juin 1985 : 54,3 % contre).

Certaines questions servent à diviser la classe ouvrière, c’est flagrant avec la « votation » restreignant l’immigration en Suisse (février 2014 : 50,3 % de oui). Les consultations sur l’Union européenne sont typiquement des faux choix comme le référendum sur la constitution européenne en Espagne (février 2005 : 76,7 % de oui), au Luxembourg (juillet 2005 : 56,5 % de oui), aux Pays-Bas (juin 2005 : 61,6 % de non), en France (mai 2005 : 54,7 % de non, mêlant LO, LCR, PCF avec RPF et FN). De même, le référendum en Grande-Bretagne pour la sortie de l’Union européenne (juin 2016 : 51,9 % de oui) fracture et affaiblit la classe ouvrière.

La plupart des référendums (ainsi que l’élection de candidats qui gouvernent pour la bourgeoisie) transforment le suffrage universel en un instrument de duperie.

Pour que le droit de vote devienne un instrument d’émancipation aux mains des travailleurs, il faut former un parti ouvrier révolutionnaire qui contrôle ses élus au lieu d’être contrôlé par eux, supprimer la présidence et le Sénat, instaurer la révocabilité des élus et limiter leur indemnité au salaire médian, dissoudre les corps de répression et armer le peuple, former et centraliser des organes démocratiques des masses en lutte, proclamer un gouvernement ouvrier qui sera désigné par ces conseils de travailleurs et responsable devant eux.

28 janvier 2019