Depuis le début de l’année universitaire, 371 étudiants ont été arrêtés et au moins un a été abattu par la police. Ces chiffres sont à ajouter à ceux de l’année précédente durant laquelle la police avait assassiné 16 étudiants et en avait arrêté 5 000. Ce déchaînement s’inscrit dans un contexte de répression des travailleurs et de la jeunesse depuis le coup d’État de l’armée le 3 juillet 2013.
La continuité Moubarak-Morsi-Al Sissi
Après la révolution de janvier 2011 qui chassa le général Moubarak du pouvoir et amena son lot de conquêtes démocratiques (droit de manifester, liberté syndicale, presse…), la bourgeoisie tenta de contenir les aspirations révolutionnaires des masses, par le biais des Frères musulmans.
Mohamed Morsi, leur candidat arriva en tête des élections présidentielles de juin 2012. Aussitôt, ceux-ci s’attelèrent à écraser la classe ouvrière. Le gouvernement Morsi interdit les syndicats indépendants, lança les milices islamistes contre les manifestants de la place Tahrir, usa de la torture et du viol contre les manifestants, renforça le rôle de l’Islam, maintint l’accord avec Israël et le blocage de Gaza, laissa intact les intérêts de l’armée (à la fois entreprise capitaliste, corps de répression et relais de l’impérialisme américain qui la finance chaque année à hauteur de 1,3 milliards de dollars), opprima les femmes, les homosexuels, les chrétiens, les artistes…
Toutefois, incapable de juguler les grèves et les manifestations de plus en plus massives, le gouvernement des Frères musulmans est renversé par le maréchal Al Sissi le 3 juillet 2013, avec le soutien honteux des Socialistes révolutionnaires (SR) et ouvert des nasséristes et du Parti communiste égyptien et du pape copte.
Le nouveau régime militaire ne tarde pas à déchaîner la répression : le 14 août 2013, il écrase au Caire les rassemblements des Frères musulmans. Le massacre de la place de Rabaa fait à lui seul plus de 800 morts. La justice aux ordres complète la besogne : le 24 février 2014, 529 Frères musulmans sont condamnés à mort.
Le 19 novembre 2013, la junet interdit par la loi les grèves et manifestations, elle réintègre l’ETUF (également appelé « centrale Moubarak ») dans son rôle d’avant la révolution de 2011 de syndicat officiel et use également du viol et de la torture au compte du capitalisme.
La junte militaire reste la complice de l’État sioniste colonisateur contre les Palestiniens, en bloquant la bande de Gaza.
Début 2014, elle soumet au vote une nouvelle constitution, qui est validée malgré une abstention de 64 %, en juin les élections présidentielles sont remportées par le maréchal Al Sissi avec là encore une participation inférieure à 50 %. L’abstention lors de ces élections a été particulièrement importante chez les jeunes.
L’université, menace pour toutes les dictatures
L’année scolaire 2013-2014 a vu les universités devenir le lieu d’un fort mouvement de contestation de la junte au pouvoir. Pour se prémunir d’une rentrée explosive, le gouvernement, a jugé opportun de procéder à une vague d’arrestations d’étudiants opposés à la junte quelques jours avant la rentrée du 11 octobre.
En plus de la répression directe de l’année 2013 où les forces de répression usaient d’arrestations, de condamnations sommaires et de torture, pour cette rentrée, la junte a décidé de déployer des blindés aux abords des universités, des policiers masqués parcourent les campus, des grilles en métal ainsi que des caméras ont été installées. L’accès à l’enceinte des quinze universités du pays est contrôlé par les gorilles de la société privée de sécurité Falcon, utilisant détecteur de métaux et fouilles au corps.
L’arsenal législatif et administratif n’est pas en reste puisque grâce à une loi « anti-terroriste » adoptée le 27 octobre, les étudiants accusés d’avoir « vandalisé » des bâtiments universitaires peuvent être déférés devant des tribunaux militaires. La junte utilise les mesures adoptées par le gouvernement islamiste qu’elle a renversée : ainsi, la loi des universités de 2012 a été amendée pour permettre la nomination des présidents et doyens d’universités directement par le pouvoir, les étudiants peuvent être exclus en s’épargnant la lourdeur des conseils de disciplines, enfin les « forces de sécurité » peuvent dorénavant circuler librement sur les campus et dans les dortoirs. De nouvelles mesures prévoient de s’attaquer au droit d’organisation et aux syndicats étudiants.
Ces mesures législatives laissent les universités libre d’aller plus loin dans la disparition des droits démocratiques des étudiants, ainsi l’université du Caire a dissous les organisations étudiantes et limite l’accès aux logements sociaux en exigeant test sanguin, empreintes digitales et attestation de non-activité politique aux demandeurs.
De plus, le pouvoir compte sur des milices, les « étudiants patriotes » pour surveiller et dénoncer leurs camarades.
Contre la répression de la junte et contre les Frères musulmans
Les étudiants comportent aujourd’hui dans leurs rangs énormément d’islamistes. Cela tient à l’usure du nationalisme panarabe (nassérisme) et au fait que les FM et Al Nour, financés par les nantis égyptiens et les monarchies réactionnaires du Golfe, apportent un soutien financier à beaucoup de jeunes lycéens et étudiants pauvres, ce qui leur permet de couvrir les frais d’études (livres, logement, nourriture, cours particuliers…). Les moquées et l’aide sociale assurent ainsi un influence dans les quartiers pauvres et aussi dans les universités.
Toutefois et contrairement à ce qu’en disent les SR (applaudis en France par le NPA), les FM ne sont pas une force progressiste, comme l’expérience du gouvernement Morsi (dont ils avaient soutenu la candidature) l’a montré.
À l’époque de l’impérialisme, la seule classe capable de défendre réellement les libertés démocratiques et d’aller jusqu’au bout de la révolution, est la classe ouvrière. Il a manqué en Égypte ces dernières années comme partout sur la planète un parti ouvrier révolutionnaire affilié à une internationale ouvrière révolutionnaire.
- Pour les libertés démocratiques, pour le droit d’expression, de grève, de manifestation et d’organisation ! Égalité totale pour les femmes !
- Séparation de l’État et de l’enseignement d’avec la religion ! Pour la liberté pédagogique, politique et sexuelle des lycéens, des étudiants et des enseignants ! Armée, police, milices privées hors des universités ! Gratuité de l’éducation !
- Désarmement de la police, de l’armée, des milices privées ! Droits démocratiques pour les conscrits ! Autodéfense des grévistes, de femmes, des quartiers populaires, des populations chrétiennes !
- Libération de tous les prisonniers politiques ! Abandon de toutes les poursuites contre les étudiants, les travailleurs, les révolutionnaires, les artistes, les homosexuels !
- Rupture des organisations ouvrières et étudiantes avec la junte et tous les partis bourgeois (laïques ou cléricaux) ! À bas la junte militaire ! Gouvernement ouvrier et paysan ! Fédération socialiste d’Afrique du Nord et du Proche-Orient !