PS, PCF, LFI et les chefs syndicaux vautrés dans le crétinisme parlementaire
L’Assemblée nationale n’a pas achevé l’examen du projet de loi portant la contreréforme des retraites en première lecture ? Aucune importance pour le gouvernement. Le texte poursuit sa route et a été transmis au Sénat le 28 février, selon le calendrier établi. « Je souhaite que le Sénat puisse enrichir le texte avec ce qui lui paraît utile » a dit Macron le 25 février. La majorité réactionnaire des sénateurs a donc jusqu’au 12 mars pour « enrichir » le texte. Puis elle le votera, sans l’ombre d’un doute. S’ensuivra un jeu de commission paritaire et de navette entre les deux chambres. De toute façon, la fin de partie est fixée au 26 mars avec l’utilisation de l’article 47.1 de la constitution gaulliste. Si l’Assemblée nationale et le Sénat l’approuvent en deuxième lecture, le gouvernement s’en sort. Si l’Assemblée nationale ne parvient pas, comme en première lecture, au vote final, le gouvernement s’en sort aussi en adoptant le texte par ordonnance. Si enfin, hypothèse très peu vraisemblable, l’accord passé entre le gouvernement et LR semble trop fragile et menace de ne pas garantir la majorité au gouvernement, le gouvernement s’en sortira également avec l’article 49.3 permettant l’adoption du texte sans vote.
Face, je gagne, pile, tu perds… C’est dire si, pour les travailleurs, prétendre défendre les droits à la retraite en s’appuyant sur la démocratie parlementaire relève de la tromperie pure et simple. Dans ces conditions, aussi bien la motion référendaire, d’ailleurs non retenue, de la NUPES pour demander à Macron d’organiser un référendum, les plus de 17 000 amendements déposés, la prétention de « faire entrer la colère dans l’Hémicycle » (Ruffin), etc. sont autant de poudre aux yeux censée faire croire qu’une issue favorable pourrait sortir du Parlement. Cette fable est entretenue par l’intersyndicale qui s’est fendue d’une lettre aux députés (sauf ceux du RN) le 14 février :
Nous sommes persuadés que jamais vous n’aurez une occasion plus belle de prouver que votre travail consiste à relayer dans l’Hémicycle les aspirations des citoyennes et citoyens, qu’en vous opposant à cette réforme.
L’obstruction parlementaire, organisée en particulier par LFI, ne changeait évidemment rien au dispositif du gouvernement. Mais les dirigeants du PS, du PCF, de la CGT, de la CFDT qui ont amèrement regretté que l’article 7 du texte instituant le report de l’âge légal de départ à 64 ans n’ait pu être examiné et voté du fait de cette obstruction en première lecture par l’Assemblée nationale prennent les travailleurs pour des imbéciles. Comme si le résultat d’un tel vote aurait pu leur être favorable avec une majorité réactionnaire ! C’eût été au contraire un point d’appui supplémentaire pour le gouvernement.
Les travailleurs pris entre les journées d’action et les reconductibles
Les directions CFDT, CGT, FO, UNSA, SUD, FSU… ont donc appelé en commun, au soir de la journée d’action du 11 février, à une nouvelle journée d’action le 16 :
Si le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l’intersyndicale appellerait les travailleurs et les travailleuses, les jeunes et les retraité.e.s à durcir le mouvement en mettant la France à l’arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain.
L’intersyndicale se saisira du 8 mars, journée internationale de luttes pour les droits des femmes pourmettre en évidence l’injustice sociale majeure de cette réforme envers les femmes. (Communiqué, 11 février)
Inévitablement, si le rendez-vous pour « durcir le mouvement » a été fixé au 7 mars, la journée d’action du 16 février a connu une moindre affluence. Mais l’expression durcir le mouvement pourrait prêter à confusion dans la tête des travailleurs qui sentent bien que les journées d’action ne peuvent venir à bout du gouvernement. Pour éviter tout malentendu, Berger a immédiatement précisé que « ce n’est pas un appel à la grève générale ».
Mais comment faire croire aux travailleurs qu’on met le paquet tout en évitant soigneusement la grève générale ? Qu’à cela ne tienne, les chefs syndicaux ont plus d’un tour dans leur sac. Un deuxième dispositf se met progressivement en place pour épuiser la combattivité et envoyer la classe ouvrière dans une impasse. C’est la tactique des grèves reconductibles : les secteurs historiquement plus combattifs sont appelés à cesser le travail plus longtemps, à reconduire, mais séparément tandis que d’autres attendront les prochaines journées d’action. Ainsi, à partir du 7 mars, les dirigeants syndicaux appellent à la grève reconductible à la RATP, à la SNCF, dans les ports, les raffineries et verreries…
La ficelle de la grève reconductible est aussi vieille que celle de la journée d’action. Déjà, dans le mouvement en défense des retraites en 2010, tout comme en 2019, les chefs syndicaux avaient appelé aux grèves reconductibles à la RATP et à la SNCF, laissant exsangues les travailleurs après des jours et des jours de grèves totalement vaines parce qu’isolées. Pour tromper les travailleurs, il faut apparaitre comme plus radical. C’est pourquoi Martinez a appelé à des « grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives et reconductibles ». Mais le chef de la CGT répète à l’envi que « la grève générale ne se décrète pas » et il ajoute que « la question de la reconduction ne se décide pas au niveau des confédérations syndicales mais dans les entreprises et les services ».
C’est en partie vrai car au bout du compte, ce sont bien les travailleurs qui décideront. Mais ils décideraient d’autant mieux qu’ils sentiraient qu’il y a une perspective enthousiasmante qui est ouverte nationalement, soutenue et appuyée par leurs syndicats. Mais pour Martinez, il n’en est pas question. Chacun est donc renvoyé à son isolement, à sa grève sur son site. Que penser d’un général qui dirait à ses troupes quand le combat est engagé : « les gars, c’est comme vous voulez, vous y allez ou pas, c’est à vous de voir » ? Qu’il organise la défaite ! L’appareil de la CGT se dispose pour parachever le dispositif consistant à enfermer les travailleurs dans leurs revendications boite par boite. Il appelle désormais à des assemblées générales sur les lieux de travail mais en fixe avec soin les limites.
L’AG, c’est le cadre où l’on peut établir le lien entre nos revendications locales et les revendications nationales. De l’analyse du projet gouvernemental et l’affirmation de son rejet, on peut passer à tous les sujets de mécontentement dans l’entreprise, les services. L’AG peut donc nous permettre – avec les salariés qui y participent – d’ouvrir ou de compléter le cahier revendicatif du syndicat. N’hésitons pas à faire le lien avec des préoccupations ou des revendications locales et ou professionnelles tels les salaires, l’emploi, les conditions de travail (CGT, Note aux organisations, 17 février)
Dès lors, l’horizon n’est plus ce qui peut unifier toute la classe ouvrière contre le gouvernement dans le combat pour arracher le retrait du texte, mais la juxtaposition des différentes revendications. Naturellement toutes les revendications sont légitimes, mais seule la grève générale effective, organisée, avec des comités de grève, de quartiers, etc. coordonnés entre eux, avec une direction nationale constituée par un comité central de grève, aurait une telle puissance que non seulement elle imposerait le retrait de la contreréforme des retraites, mais exigerait immédiatement le paiement des jours de grève, la hausse générale des salaires, des retraites et des allocations, leur indexation automatique sur la hausse des prix, etc.
De plus, la grève générale victorieuse sur la question des retraites donnerait ensuite une force incomparable à la classe ouvrière dans toutes ses luttes locales. Voilà pourquoi il ne sert à rien aujourd’hui d’allonger la liste des revendications, de l’émietter entreprise par entreprise, sauf à vouloir disperser l’énergie de la classe ouvrière, mais il faut au contraire tout concentrer pour imposer la grève générale.
Révolutionnaires le dimanche, à la remorque des réformistes et bureaucrates la semaine !
Les travailleurs qui cherchent une issue pour déborder les appareils ne peuvent hélas compter sur l’aide des organisations centristes LO, NPA, RP qui, tout en professant leur attachement à la révolution, voire au trotskysme, s’attachent à rester dans les traces des bureaucrates de tout poil. Procès d’intention ? Il suffit hélas de les citer pour s’en rendre parfaitement compte :
Les journées de grèves et de manifestations proposées par les directions syndicales, celles des 19 et 31 janvier, celles du 7 février comme du samedi 11, ont eu le mérite de faire sentir au monde du travail sa force et son unité… Ces journées d’action sont un tremplin utile pour que le monde du travail retrouve confiance en lui. Mais beaucoup sentent aussi que l’enjeu du mouvement ne se résume pas aux seules retraites… Certains syndicats appellent à la grève reconductible à partir de cette date. C’est effectivement dans ce sens qu’il faut aller. Mais ce qui pourrait surtout faire peur au gouvernement et au patronat serait que ces grèves soient décidées par en bas, qu’elles s’étendent comme une traînée de poudre et qu’elles débordent le cadre fixé par les directions syndicales. (Lutte ouvrière, 15 février)
Aucun appel de LO à la grève générale, à l’imposer, mais la couverture des journées d’action, de la liste des revendications, des grèves reconductibles et des grèves à la base…
Beaucoup discutent d’un « blocage du pays », c’est notre grève à toutes et tous qui peut l’imposer. Pas seulement dans les secteurs les plus visibles, ceux qui perturbent les usagers, mais partout : une vraie grève générale, qui attaque les patrons au portefeuille par tous les côtés… Alors le 7 mars, il faut en être, mais aussi le lendemain, pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une lutte qui nous concerne toutes… et tous ! Les femmes sont les premières victimes du recul de l’âge de la retraite, elles qui ont déjà les pensions les plus basses. Alors oui, ces luttes sont liées. Et le 9 mars, les organisations de jeunesse appellent à leur tour à la mobilisation. Plusieurs fédérations syndicales appellent déjà à reconduire la grève. (NPA-C, 27 février)
Le jésuitisme atteint des sommets. Le NPA fait comme si l’addition de la grève du 7 mars, de la journée pour les droits des femmes du 8 mars et d’une journée des organisations de jeunesse le 9 mars, le tout assaisonné des grèves reconductibles site par site, c’était la grève générale. Alors que tout ce dispositif est mis en place précisément pour l’empêcher !
7, 8, 9 mars : une occasion en or pour lancer la grève reconductible !… l’intersyndicale doit rompre avec sa stratégie de pression et appeler clairement à la grève reconductible ! La stratégie de pression sur l’Assemblée à coups de journées isolées, même massives, a déjà montré ses limites… Or, un départ en grève reconductible pourrait non seulement permettre de faire reculer le gouvernement sur les retraites, mais constituerait une opportunité de construire une contre-offensive face à tous les problèmes soulevés dans les manifestations et les entreprises : les salaires, la précarité, les mauvaises conditions de vie et de travail. (Révolution permanente, 22 février)
Pour RP, l’intersyndicale doit appeler à la grève reconductible, mais pas à la grève générale. Comme par hasard, c’est justement la tactique mise en place par les chefs syndicaux à la RATP, à la SNCF, dans l’énergie, les ports et docks ou les raffineries à compter du 7 mars. Faut-il rappeler à RP que c’est la même impasse de la grève reconductible qui a saigné en pure perte les cheminots en 2019 ?
La voie de la victoire
Une bataille décisive est engagée, dont l’issue dépend en grande partie des jours qui viennent : ou la classe ouvrière parviendra à imposer la grève générale pour vaincre, ou les bureaucrates qui dirigent l’intersyndicale, aidés des centristes, et les partis réformistes qui gesticulent à l’Assemblée nationale réussiront une fois encore à dévoyer et à épuiser la combattivité jusqu’à la défaite.
Il est parfaitement illusoire de croire que la grève générale parviendra naturellement à s’imposer au fur et à mesure des grèves et des journées d’action. Le dispositif mis en place par les appareils pour l’empêcher est à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi le combat pour imposer la grève générale doit s’organiser. Nous proposons la création de comités d’action pour la grève générale dans les usines, les facultés, les bureaux, de les coordonner pour qu’ils prennent toutes les initiatives dans les manifestations, les assemblées générales, auprès des sections syndicales, pour imposer le seul mot d’ordre qui puisse emporter la victoire :