La crise qui menace le développement s’aggrave à mesure que les perspectives de croissance mondiale se dégradent. Les économies émergentes et en développement connaissent depuis plusieurs années une croissance en berne en raison d’un lourd endettement et d’investissements insuffisants, car les capitaux mondiaux sont absorbés par les économies avancées confrontées à des niveaux de dette publique extrêmement élevés et à des taux d’intérêt en hausse. La faiblesse de la croissance et des investissements des entreprises aggravera les reculs déjà dévastateurs en matière d’éducation, de santé, de réduction de la pauvreté et d’infrastructures, ainsi que les nécessités liées au changement climatique. (David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale)
La croissance des pays d’économie avancée (pour l’essentiel, les vieux impérialismes), devrait passer de 2,5 % en 2022 à 0,5 % en 2023. Ces deux dernières décennies, des ralentissements de cette ampleur étaient annonciateurs d’une récession mondiale.
Aux États-Unis, la croissance plafonnerait à 0,5 % en 2023 ; ce taux, inférieur de 1,9 point par rapport aux prévisions précédentes, constituerait la plus faible performance enregistrée par ce pays depuis 1970, en dehors des épisodes officiels de récession. En 2023, la croissance de la zone euro devrait être nulle. La Chine devrait enregistrer une progression de 4,3 % en 2023, après 2,7 % seulement en 2022.
Il ne s’agit que de prévisions, mais elles donnent une tendance. Ce qui est certain, c’est que la hausse des taux directeurs des principales banques centrales des principales puissances impérialistes, Japon pour l’instant excepté, réoriente le flux des capitaux flottants vers les obligations souveraines de ces États au détriment des pays dominés.
Cela précipite la dévalorisation de leurs monnaies et l’inflation, comme cela se passe en Argentine, en Turquie, etc. Il s’agit avant tout de capitaux dits « de portefeuille » qui sont mobiles et se placent internationalement par dizaines de milliards au plus offrant. Mais même les capitaux d’investissement dans les entreprises pour leur possession, les IDE, sont touchés. Ainsi la Banque mondiale prévoit que sur la période 2022-2024, les IDE dans les pays dominés et dits émergents ne devraient augmenter que de 3,5 %, soit un taux de croissance deux fois moins élevé que celui des deux dernières décennies. Avec toutes les conséquences :
Sans une croissance forte et soutenue de l’investissement, il est tout simplement impossible de faire des progrès significatifs dans la réalisation des objectifs de développement et de lutte contre le changement climatique. (Ayhan Kose, directeur de la cellule Perspectives de la Banque mondiale)
La guerre économique se renforce entre la Chine et les États-Unis. Ceux-ci viennent de compléter un ensemble de mesures drastiques pour bloquer l’approvisionnement de la Chine en semi-conducteurs performants, qui sont essentiels aussi bien d’un point de vue économique, pour fabriquer des avions par exemple, que d’un point de vue militaire. Les États-Unis et les impérialismes européens s’opposent également avec la mise en place des mesures protectionnistes de l’« Inflation Reduction Act » américain qui pénalisent les exportations européennes et facilitent l’installation des entreprises aux États-Unis plutôt qu’en Europe. L’industrie de celle-ci souffre déjà de problèmes d’approvisionnement de gaz, découlant de la guerre en Ukraine, que ne connaissent pas les États-Unis.
Pour le moment, l’économie américaine résiste plutôt bien, le PIB a augmenté de 3,2 % au 3e trimestre 2022, et les estimations pour le 4e trimestre 2022 tournent autour de 2,8 % (après les deux premiers trimestres négatifs). L’inflation décélère légèrement, elle est de 6,5 % en décembre après un pic de 9,1 % en juin. Il y toujours des créations d’emplois, environ 200 000 chaque mois, et le chômage est au plus bas, autour de 3,5 %, même si cela ne reflète pas totalement la réalité du marché du travail. Cependant, les indices boursiers (DAQ…) ont baissé en 2022 et toutes les grandes banques américaines viennent de faire savoir qu’elles augmentaient leurs provisions pour faire face à une éventuelle récession.
En Chine, on observe en décembre une baisse annuelle des exportations de 9,9 % et des importations de 7,5 %, qui témoigne à la fois de la diminution des échanges mondiaux et du ralentissement de l’activité économique en Chine, notamment à cause du confinement strict et de la crise immobilière. Cette politique sanitaire a été abandonnée brutalement, entrainant une vague de contaminations et de mortalité importante, la population étant peu vaccinée. Même si on ne peut totalement exclure un redémarrage temporaire de l’économie chinoise, comme le prévoit d’ailleurs la Banque mondiale, les tendances lourdes de la situation économique mondiale s’orientent vers un fort ralentissement, sinon une récession. Les économies européennes risquent bien de faire les premières les frais de cette dégradation de la situation économique mondiale.