Corrompu, raciste, homophobe : le gouvernement Netanyahou n° 6

La victoire du « camp national » aux législatives

Partis Voix Pourcentage Sièges Législatives 2021
Likoud 1 115 336 23,41 32 – 0,78 %
+ 3 sièges
Sionisme religieux + Force juive + Noam 516 470 10,84 14 + 5,72 %
+ 7 sièges
Shas 392 964 8,25 11 + 1,08 %
+ 2 sièges
Judaïsme unifié de la Torah 280 194 5,88 7 + 0,25 %
+ 0 siège
Inscrits : 6 788 804 sur 9 656 000 habitants Votants : 4 764 742 Abstention : 1 994 211 (29,37 %)

La coalition menée par Netanyahou, avec 48,38 % des voix exprimées, a remporté 64 des 120 sièges (53,3 %) du parlement israélien aux élections législatives anticipées, tenues le 1er novembre 2022, les cinquièmes en 3 ans et demi. Elle est menée par le Likoud, parti bourgeois réactionnaire héritier du « sionisme révisé » (« un État juif sur les deux rives du Jourdain, toute la Palestine mandataire et la Jordanie »), de l’Irgoun organisatrice de massacres de la population civile arabe avant et après 1948, de Begin et Sharon. Depuis sa création en 1973, il a gouverné au total 34 ans, renforçant la répression des Palestiniens, des opposants juifs à sa politique de colonisateur et a essayé à maintes reprises de museler le système judiciaire qui l’a plusieurs fois mis en cause. Il a fait adopter en juillet 2018 la loi de « l’État nation du peuple juif » qui renforce la colonisation, l’apartheid, bafoue les droits des hommes et des femmes dont le Likoud et ses acolytes nient l’existence individuelle, sociale, politique, culturelle, historique, religieuse, tous jetés dans un sac étiqueté « non juifs ».

Aux côtés du Likoud, le parti Sionisme religieux réclame une charia à la juive, le financement accru des institutions qui dispensent la Torah pour seul et unique enseignement, crache à chaque pas sa haine anti-arabe, exige l’annexion des colonies de Cisjordanie, l’expulsion de tous les demandeurs d’asile, le contrôle politique du système judicaire, la non-reconnaissance du mariage homosexuel. Comme son allié Noam, fondé spécifiquement contre les droits des LGBT, prônant les « thérapies de conversion », l’interdiction de la Marche des fiertés et des candidatures au parlement de laïcs ou de femmes dont il ne veut pas non plus dans l’armée.

Le deuxième associé de Sionisme religieux, Force juive, provient du parti Kach, inscrit sur la liste des organisations terroristes au Canada, aux États-Unis, puis interdit en Israël. Il se réclame du suprémacisme juif, se prononce pour l’instauration d’une théocratie, l’expulsion de tous les Arabes pour édifier « le Grand Israël », par conséquent, pour l’usage systématique des balles contre les lanceurs de pierres, pour la peine de mort contre les résistants tandis que lui continue d’organiser ses manifestations protégées par l’armée, aux cris de « mort aux Arabes », ses agressions et meurtres, ses destructions de cultures, de récoltes, de maisons palestiniennes. Sans jamais être inquiétés, les rabbins de cette organisation fasciste justifient le viol en temps de guerre, « les différences spirituelles entre les hommes et les femmes », « l’infériorité génétique » des Arabes et cette liste d’arriérations et de barbarie écoeurante n’est pas exhaustive.

Troisième parti de l’attelage, Shas se dit le représentant de la communauté séfarade (Juifs d’Afrique du Nord et du Proche-Orient) ; parti religieux ultraorthodoxe, pour lui aussi « Israël est l’État du peuple juif », mais dont il est urgent de modifier les institutions : Cour suprême, tribunaux civils, mariage civil, enseignement échappant au clergé… Un de ses rabbins fondateurs tempêtait contre ceux qui « veulent un État démocratique, un État de droit et non un État de la Halakha (l’ensemble des prescriptions de la religion juive), donc un État régi par des lois idolâtres ».

Dernier larron, la version ashkénaze (communautés d’Europe centrale) des bigots ultraorthodoxes, le parti Judaïsme unifié de la Torah. Il défend les privilèges des religieux et veille jalousement au respect des « lois qui fondent l’identité juive ». Il exècre lui aussi les institutions laïques.

La constitution du gouvernement

Chargé de former un nouveau gouvernement à la suite du succès de son camp aux législatives, Netanyahou a épuisé les 28 jours alloués à cette tâche, plus la rallonge accordée par la présidence, assurant à quelques minutes seulement de l’échéance que l’affaire était conclue : si l’accouchement a été si difficile, ce n’est pas en raison de ce qui séparerait les membres de la coalition, mais à cause des montages compliqués que réclame l’arrivée au gouvernement de voyous en costume condamnés ou en voie de l’être.

À commencer par Netanyahou lui-même dont les procès pour corruption, fraude et abus de confiance (dans trois affaires distinctes) commencés en 2020 menacent sa réinstallation au pouvoir. Il a oeuvré pour que ses alliés s’engagent à « réformer » le système judiciaire : rendre impossibles les poursuites de responsables politiques pour des délits de corruption, donner le dernier mot au parlement en cas de rejet de lois par la Haute Cour, nommer directement une majorité des juges y siégeant. La procureure générale d’Israël qui peut difficilement être accusée de gauchisme a déclaré que ce projet de loi menaçait de « faire du pays une démocratie qui en aura le nom mais pas l’essence ».

En poursuivant avec Deri (Shas) qui a été condamné en 1999 à trois ans de prison et emprisonné pour fraude fiscale, et vient d’être reconnu coupable une nouvelle fois de la même infraction, ce qui lui interdisait d’être ministre, jusqu’à ce que la majorité Likoud-Shas et consorts change les règles, le 27 décembre 2022. L’ardoise ainsi effacée, le corrompu a été nommé vice-premier ministre et deviendra ministre des Finances dans deux ans selon les termes des accords de coalition, sans doute pour utiliser à plein ses compétences reconnues.

Sans oublier Ben Gvir (Force juive), condamné en 2007 pour incitation à la haine raciale et soutien au terrorisme, qui est devenu avocat à force de passer du temps dans les tribunaux : injures homophobes, agressions d’ouvriers agricoles palestiniens, participation à la destruction de maisons palestiniennes, félicitations adressées au tueur de Rabin, etc. ; son admiration pour Goldstein, ce colon nazi qui en 1994 a massacré 29 Palestiniens et en a blessé 125, alors qu’ils priaient au tombeau des Patriarches à Hébron, son éviction de l’armée israélienne pour « extrémisme » (!), ses multiples sorties armé d’un pistolet qu’il braque sur les Arabes, ses déclarations de soutien à tous les assassins de Palestiniens (224 tués en 2022) lui ont donné les galons pour obtenir le… ministère de la Sécurité nationale. La majorité parlementaire a dessiné les contours de ce ministère nouvellement créé, faisant passer sous l’autorité du ministre une grande partie des forces de police (dont la police des frontières). L’accord Likoud-Force juive contenait « une révision des règles de tir à balles réelles pour la police et l’armée afin de les encourager à en faire usage lors de heurts avec des manifestants arabes israéliens » ; aujourd’hui le ministre des exactions est en place pour la faire appliquer.

C’est la même logique qui a installé Smotrich (Sionisme religieux), colon raciste déjà arrêté pour violences, à la tête des deux unités militaires qui gèrent l’occupation (le COGAT et l’administration civile). Chargées de délivrer les permis de construire, d’appliquer les lois d’urbanisme, de gérer les ressources naturelles, de fournir des permis d’entrée aux Palestiniens en Israël, elles régissent toute la vie civile dans la zone C occupée de Cisjordanie, et aussi la circulation des personnes et des biens entre Gaza, Israël et la Cisjordanie. La majorité Likoud-Sionisme religieux a voté le 27 décembre, pour accéder aux exigences de Smotrich, une loi sur mesure, rattachant au ministère des Finances l’administration des territoires occupés. Cet arrangement entre amis propulse ce suprémaciste juif en première ligne pour appliquer les objectifs du nouveau gouvernement énoncés la veille de son investiture :

Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la Terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et développera le peuplement dans toutes les parties de la terre d’Israël, en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan, en Judée et en Samarie. (Likoud, Communiqué, 28 décembre 2022)

Le parlement vote l’investiture

Le 29 décembre, jour du vote des députés et de la prestation de serment, des centaines de personnes ont manifesté pour marquer leur opposition au gouvernement Netanyahou 6 et à ses prétentions ultraréactionnaires. Les drapeaux LGBT flottaient en nombre, les militant(e)s dénonçant les déclarations de députés de la coalition majoritaire qui veulent « amender » une loi anti-discrimination pour autoriser les rétrogrades de tous poils à la violer « si cela contrevient à leurs croyances ». Également conspuée, l’annonce que le gouvernement ne signerait pas la convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes. Déjà en décembre, soucieuse de donner des gages à Netanyahou et ses alliés, l’exministre de l’Intérieur Ayelet Shaked avait refusé l’asile à une femme originaire de Sierra Leone menacée d’excision dans son pays natal.

Une distinction doit être faite entre différents degrés de sévérité des procédures d’excision… il est impensable que l’État d’Israël accorde l’asile politique pour une persécution présumée, similaire ou proche par essence d’une coutume commune à ses propres concitoyens. (franceinfo.fr, 3 décembre 2022)

Ne pas dénoncer l’excision pour préserver la circoncision… comme si les conséquences de ces mutilations archaïques étaient de même gravité chez les femmes !

Avec courage, des organisations israéliennes s’opposant à la colonisation étaient, elles aussi, présentes à la manifestation du 29 décembre.

Ce même jour, Poutine, Al-Sissi ou Biden adressaient leurs félicitations à Netanyahou. Ces dernières s’accompagnaient d’un gros chèque.

Le président américain Joe Biden a signé jeudi 29 décembre 2022 un projet de loi de dépenses courant jusqu’à la fin de l’année budgétaire fédérale en septembre 2023… Il comprend également 3,3 milliards de dollars d’aide à la sécurité pour Israël, le montant que l’ancien président Barack Obama a accepté en 2016 d’envoyer à Israël chaque année sur dix ans. Un montant supplémentaire de 500 millions de dollars a également été inclus dans le budget 2023 qui servira à réapprovisionner le système de défense antimissile Dôme de fer d’Israël. Le Congrès a accepté d’accorder les fonds supplémentaires après la guerre de Gaza de mai 2021. 72,5 millions de dollars supplémentaires ont été autorisés dans le dernier budget pour la coopération américano-israélienne contre les drones et anti-tunneling, en plus de 6 millions de dollars pour un nouveau programme de subventions de coopération américano-israélienne concernant la cybersécurité. Le budget comprenait 2 millions de dollars pour la coopération américano-israélienne en matière de sécurité intérieure, 3 millions de dollars pour la coopération dans le domaine des soins de santé, 6 millions de dollars pour la coopération dans le domaine de l’eau et de l’énergie, 2 millions de dollars pour la coopération agricole, 2 millions de dollars pour la coopération internationale au développement. (lemonde.fr, 30 décembre 2022)

Les ultras ne perdent pas de temps

Depuis le 2 janvier, 9 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, 4 d’entre eux étaient mineurs, plus de vingt personnes ont été blessées et autant emprisonnées. Les soldats ont été envoyés à Kafr Dan, une ville à l’ouest de Jénine pour détruire des appartements, ont mené des raids dans les camps de Bethléem (camp de Dheisheh), de Jérusalem (camp de réfugiés de Qalandiya), de Naplouse (camp de Balata). Près de cette ville, dans la commune de Douma, l’armée a démoli au bulldozeur des infrastructures agricoles dont une étable appartenant à des associations de femmes palestiniennes.


Mardi 3 janvier, l’État colon a informé les Palestiniens de Masafer Yatta (Sud d’Hébron) de leur expulsion imminente. Depuis le 4 mai 2022, sur décision des tribunaux israéliens, les 1300 habitants de 8 hameaux, sur les 20 que compte ce secteur, vont être chassés, soumis à l’épuration ethnique, eux qui vivent là depuis plusieurs générations. Leurs terres ont été estampillées « zone de tir 918 » … avant qu’elles ne retombent évidemment dans les pattes des colons. Smotrich se vante de secouer les diverses administrations occupantes pour qu’elles appliquent diligemment les injustices de la raison du plus fort.

Le même jour, Ben Gvir, survolé par un drone et entouré d’un service de sécurité bien armé, foulait l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, ce qu’il a déjà fait plusieurs fois par provocation, pour signifier que rien n’échappera aux appétits des colonisateurs.

Le 5 janvier, le ministre de la Sécurité nationale a visité la prison de haute-sécurité de Nafha récemment rénovée :

Je suis venu à la prison de Nafha pour m’assurer que les assassins de Juifs ne bénéficient pas de meilleures conditions à la suite de la construction de nouvelles cellules, et j’ai été heureux de constater que le service pénitentiaire israélien n’a pas l’intention d’améliorer leurs conditions de détention. Je continuerai à m’occuper des conditions de détention des prisonniers de sécurité afin qu’ils ne bénéficient d’aucun avantage supplémentaire. Je continuerai à prêter attention à cette question, parallèlement à mes efforts pour faire adopter une loi mettant en oeuvre la peine de mort pour les terroristes. (The Times of Israel, 7 janvier 2022)

Le 8 janvier, il a annulé les visites sans restriction aux prisonniers purgeant une peine pour « des actes terroristes et autres crimes contre la sécurité » que les députés pouvaient effectuer. Son objectif est d’empêcher tout témoignage relatant la situation des emprisonnés. En 2022, Israël maintenait enfermés 4 450 Palestiniens dont 190 enfants. 410, dont des journalistes, des militants et des responsables communautaires, ont été emprisonnés uniquement pour avoir utilisé les réseaux sociaux afin d’exprimer leur opinion sur les violations commises par l’armée et les colons. Plus de 730 prisonniers sont détenus sans procès.

Ces « détenus administratifs » sont incarcérés sans qu’aucun chef d’accusation ne soit présenté à leur défense qui reçoit uniquement un bref aperçu de ce qui leur est reproché. Le mandat d’arrêt est signé par le commandant en chef de la zone militaire centrale. Il est présenté à un juge qui approuve la détention sans même la présence de l’intéressé. (RFI, 22 septembre 2022)

Ordre a été donné à la police par son nouveau patron, le 9 janvier, de retirer les drapeaux palestiniens des lieux publics parce qu’ils « constituent une identification avec le terrorisme ».

Le ministre des Finances Smotrich, a annoncé le 8 janvier, lors d’une conférence de presse, qu’il mettait en oeuvre la décision du gouvernement de transférer un montant de 139 millions de shekels (37,5 millions d’euros) des fonds de l’Autorité palestinienne vers les victimes du terrorisme. Cette décision s’inscrit dans le cadre des sanctions prises à l’encontre de l’Autorité palestinienne, à la suite de sa motion demandant à l’Assemblée générale des Nations unies d’exiger que la Cour internationale de justice de La Haye enquête sur l’« occupation » israélienne. (i24news, 9 janvier 2023)

Et Smotrich s’y connait en terrorisme : il a fait valoir que les agressions contre le peuple ou les biens palestiniens, bien que de nature criminelle, ne doivent pas être classées comme du terrorisme, qu’il a défini comme « la seule violence perpétrée par un ennemi dans le cadre d’une guerre contre nous ». Commentant un cas précis, l’incendie criminel de Douma perpétré par un colon juif ultra-orthodoxe en 2015, au cours duquel un couple a succombé à ses blessures et son bébé de 18 mois a été brulé vif, Smotrich a déclaré que le fait de qualifier de tels actes de « terrorisme » cause « une atteinte mortelle et injustifiée aux droits humains et civils ».

À bas le gouvernement Netanyahou-Gvir-Smotrich !


Samedi 14 janvier, des dizaines de milliers de personnes (80 000 selon la presse israélienne) sont descendues dans la rue à Tel Aviv, à Jérusalem (1 500), à Haifa. À l’appel d’un collectif anticorruption « Des drapeaux noirs pour la démocratie », qui avait mené une campagne contre Netanyahou entre 2020 et 2021, les manifestants ont crié leur refus de la refonte du système judiciaire.

Les pancartes brandies par les manifestants rendaient compte de la diversité des revendications : « Le temps est venu de faire tomber le dictateur », « Gouvernement de la honte », « Il n’y a pas de démocratie avec l’occupation », « Bibi ne veut pas de démocratie, nous n’avons pas besoin de fascistes à la Knesset », « L’Iran, c’est ici », « Tu aimeras l’autre comme toi-même » écrit en hébreu et en arabe. (La Presse, 15 janvier 2023)

« Liberté, égalité, intégrité », scande la foule. Au milieu du rassemblement, et malgré l’interdiction, beaucoup de manifestants brandissent également des drapeaux palestiniens, et appellent à la fin de l’occupation. (RFI, 15 janvier)

Cette réaction témoigne du fait que la société israélienne n’est pas un bloc monolithique, sans classes, sans contradictions, sans aspiration à en finir avec l’oppression coloniale et religieuse. S’il est certain que la résistance à Netanyahou est minoritaire et constituée de courants divers, elle contient des éléments progressistes qui doivent chercher l’unité avec les Palestiniens, contre le gouvernement des colons.

Une solution démocratique passe par le démantèlement de l’État sioniste, clérical et raciste, belliciste et instrument des vieilles puissances impérialistes au Proche-Orient. La seule force sociale capable d’établir une Palestine unifiée, démocratique, laïque où pourront vivre tous ceux qui le veulent à égalité de droits est la classe ouvrière arabe, juive, turque, kurde, perse… qui abolira les frontières héritées de la colonisation et instaurera la fédération socialiste du Proche-Orient.

15 janvier 2023