L’inflation ronge les salaires et les retraites
Depuis le début de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, l’augmentation des prix dans l’ensemble de l’UE est effrénée, particulièrement en Espagne, avec en aout un taux d’inflation moyen de 10,4 %.
Cependant, et selon les données de l’INE, ce taux élevé cache une réalité bien plus frappante pour les classes populaires : les prix de l’alimentation ont augmenté 13,3 %, les prix des transports 15,8 %, le logement 22,8 %. Par ailleurs, les factures mensuelles d’électricité et de gaz des ménages ont augmenté entre 50,4 % selon l’INE [l’organisme officiel de statistiques] et 66,6 % selon de l’OCU [une organisation de consommateurs]. Et ce malgré la baisse des taxes et la soi-disant « exception ibérique » de la limitation du prix du gaz affecté à la production d’électricité.
Comme tant de mesures phares du gouvernement de Pedro Sánchez [coalition PSOE-PCE-Podemos], au final, l’exception ibérique consiste simplement à faire payer aux consommateurs (plus tard et « de façon échelonnée ») la différence entre le prix plafonné du gaz de gros et celui du marché. En clair, cela veut dire respecter religieusement les super profits de l’industrie énergétique, qui va « récupérer » peu à peu tout ce que la limitation les a empêchés de récolter ces derniers mois. Cela signifie également respecter les marges scandaleuses réalisées dans toute l’UE. Malgré les timides protestations et plaintes, notamment des ministres de Podemos. L’OCU (organisation des consommateurs) explique clairement l’escroquerie de propagande de l’exception ibérique, que, dit-on, tous nos voisins nous envient.
La mise en place de cette mesure a permis de limiter le prix de l’électricité sur le marché de gros, mais à un coût beaucoup plus élevé que prévu, donc non seulement il n’y a pas d’économies visibles, mais la facture est finalement devenue plus chère… La mesure visant à plafonner le prix du gaz a d’autres conséquences comme d’en faire supporter le cout aux consommateurs d’électricité. (OCU.org, août 2022)
À noter que l’OCU oublie d’expliquer que les consommateurs de l’État espagnol paieront également le cout de la limitation du prix du gaz utilisé dans la production d’électricité destinée à l’exportation ! Et que cette exportation a atteint des niveaux historiques ces derniers mois. C’est-à-dire que l’exception ibérique du gouvernement consiste aussi à faire subventionner par la population, l’électricité exportée par les entreprises privées qui profitent ainsi de bénéfices historiques !
À cette perte générale de pouvoir d’achat s’est ajoutée, le 8 septembre, la hausse du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne, qui devrait augmenter le crédit immobilier moyen des ménages de 100 € par mois. Payer le loyer ou le crédit, l’électricité et la nourriture en même temps est devenu une équation impossible pour la plupart des travailleurs et des retraités, qui sombrent massivement dans la pauvreté et voient les expulsions se multiplier.
Les directions des grandes centrales syndicales continuent d’accepter des pertes salariales
Chaque semaine, des bénéfices historiques sont annoncés pour un secteur du grand capital. Entreprises énergétiques, banques, grands fonds immobiliers, services touristiques, etc. Et tandis que les conditions de vie globales de toutes les classes laborieuses ne cessent de se dégrader, les directions des grandes centrales syndicales ne préparent aucune bataille pour les défendre. Bien au contraire, les statistiques montrent que la moyenne des accords signés par les syndicats de janvier à juillet 2022 n’a signifié qu’une augmentation nominale de 2,56 % des salaires, ce qui entérine une perte d’au moins 8 points par rapport à l’inflation de 2022, sans compter celles des années précédentes. On ne saurait être plus indécent.
La lutte syndicale élémentaire pour l’indexation automatique des salaires et des pensions, en fonction de la hausse réelle du coût de la vie des classes laborieuses, a complètement disparu de l’horizon des grandes bureaucraties. Pendant de nombreuses décennies, les directions syndicales se sont engagées dans la collaboration avec le capital et sont dépendantes ses prébendes de l’État bourgeois. En conséquence, la classe ouvrière se bat de manière atomisée pour défendre les salaires et ne récupère qu’occasionnellement, ici ou là, une partie du pouvoir d’achat perdu.
Pour cette raison, il est plus que jamais nécessaire de combattre la collaboration de classes et d’ouvrir comme perspective d’unifier le flux croissant de grèves et de luttes des salariés et des retraités sur la revendication de l’échelle mobile des salaires et des retraites. Et, pour prévenir les manœuvres des bureaucraties et les divisions artificielles entre travailleurs non syndiqués ou de syndicats différents, défendre inlassablement l’organisation d’assemblées générales, la coordination des délégués des assemblées, les comités de grève élus et révocables comme les seuls organismes habilités à négocier.
La social-démocratie gouverne pour le grand capital
Chaque semaine également, les porte-parole du gouvernement de collaboration social-démocrate PSOE-PCE-Podemos implorent gentiment les groupes de l’énergie, les banques ou la grande distribution de « limiter leurs profits ». Et, de temps à autre, ils annoncent de nouvelles mesures « pour atténuer les difficultés de la population dans ces circonstances particulières ». Mais ce sont toujours des mesures piégées, car elles sont en faveur du capital ou temporaires ou les deux à la fois et n’améliorent en rien la situation de la population laborieuse.
L’un des exemples les plus éclairants de la politique de ce gouvernement est le décret-loi royal 14/2022 -connu sous le nom de « mesures d’économie d’énergie »- récemment approuvé avec les votes des partis au gouvernement, de Bildu, PNV [deux partis nationalistes basques] et ERC [un parti nationaliste catalan]. Ce décret-loi prévoit des réductions pendant seulement quatre mois sur le prix des titres de transports publics et une aide supplémentaire ponctuelle de 400 € pour les étudiants boursiers. Le tout sans augmenter les impôts sur les plus hauts revenus ni sur les entreprises et, donc, en respectant la structure actuelle des recettes budgétaires, dont le poids repose essentiellement sur les salariés.
Dans le même temps, le décret-loi royal sur les mesures d’économie d’énergie ouvre d’importantes lignes de subventions aux entreprises privées « les plus touchées par la hausse des prix de l’énergie ». Mais, plus intéressant encore, dans sa « Deuxième disposition complémentaire. Contributions au secteur de l’électricité dans le budget 2022 », au milieu d’un charabia indéchiffrable, il octroie une généreuse remise au secteur de l’électricité de 1 360 millions d’euros correspondant à la suspension de l’impôt sur la production d’énergie électrique (l’IVPEE).
Ce décret-loi royal permet le reversement de 1 360 millions d’euros au secteur de l’électricité afin de se conformer aux dispositions du décret-loi royal 29/2021 en conséquence de la réduction des recettes résultant de la suspension de l’IVPEE. (Exposé des motifs du décret-loi royal 14/2022)
Pedro Sánchez, qui annonce une éventuelle future taxe sur les bénéfices extraordinaires des compagnies d’électricité (et pourquoi pas depuis mars dernier ou dès maintenant ?), fait en cachette, cadeau de ces millions du trésor public, financés principalement par les classes laborieuses !
Le même gouvernement qui hésite sur l’opportunité d’augmenter le salaire minimum de 30 ou 40 misérables euros par mois s’est engagé avec enthousiasme à doubler le budget militaire pour développer l’escalade militaire de l’OTAN, sous prétexte de la guerre en Ukraine.
C’est nous, les travailleurs, qui finirons par tout payer. Les miettes passagères pour éviter l’explosion sociale, les profits extraordinaires des compagnies énergétiques, le sauvetage des entreprises privées des « secteurs les plus touchés par la crise énergétique » (comme nous avons payé le sauvetage des grandes banques) et l’escalade militaire.
Nous payons aussi et paierons très cher -politiquement, socialement et économiquement- la protection scrupuleuse que le gouvernement (et ses alliés PNV, Bildu, ERC, JxCat, etc.) offre à la monarchie corrompue, à l’Église catholique, ou aux appareils judiciaire, policier et militaire, contrôlés de l’intérieur par les mêmes forces postfranquistes (dont l’Opus Dei et les Legionarios de Cristo) qui dominent le PP et Vox [les deux principaux partis bourgeois]. Et cela malgré l’amoncèlement de preuves révélées par le commissaire Villarejo, qui montrent que ces officines contrôlaient les sommets de la police et de la justice et coordonnaient toutes sortes d’activités criminelles, telles que l’espionnage et la falsification de preuves contre des politiciens indépendantistes catalans ou de Podemos, sans oublier les travaux « particuliers » pour de nombreuses grandes sociétés de l’IBEX [équivalent du CAC 40]. Même les cas d’espionnage du gouvernement avec Pegasus n’ont pas entrainé la moindre épuration au sein du ministère de l’Intérieur.
Non, ni l’appareil judiciaire ni l’appareil répressif n’ont été purgés pas plus que ne seront abrogées les lois restreignant les libertés. Mais ce n’est pas pour cela que les partis de la droite espagnole deviennent moins cannibales dans leur volonté de contrôler à nouveau directement le gouvernement. Au contraire, tous offrent, depuis quatre ans, un spectacle médiatique peu reluisant concernant le renouvèlement du Conseil général de la magistrature, de la Cour constitutionnelle et de la Cour des comptes, avec leur répartition partisane des postes. Dans cette affaire, quelle que soit la fin du feuilleton, si une chose est claire, c’est que la prétendue « indépendance judiciaire » n’a jamais existé et n’existera jamais. Malgré tout, le PSOE et Podemos ont préféré entrer dans la compétition pour contrôler ces pouvoirs plutôt que de dénoncer et liquider ce monstre voué corps et âme à faciliter la corruption du PP et celle de toutes les entreprises qui leur sont liées (qui semblent être tous celles qui sont passés au guichet du trésor public).
Les gouvernements de l’UE appliquent des politiques économiques jumelles
Toutes les mesures économiques espagnoles se retrouvent dans la majorité des pays de l’UE, quelle que soit la « couleur » de leur gouvernement. Ce sont des gouvernements bourgeois qui collaborent actuellement entre eux pour sauver le capital dans une situation historiquement très critique : la combinaison de la crise environnementale, la fin de la pandémie de covid, plus l’inflation, la crise alimentaire et la crise énergétique exacerbées par les sanctions contre la Russie, dans un jeu très dangereux d’affrontements inter-impérialistes.
Les gouvernements d’Olaf Scholz en Allemagne, d’Emmanuel Macron en France, de Mark Rutte aux Pays-Bas, etc., à quelques semaines d’intervalle et pilotés depuis la Commission européenne, appliquent sur leurs territoires les mêmes politiques visant à apporter l’aide de l’État au grand capital, développer l’escalade militaire derrière les États-Unis et endormir les masses laborieuses avec de petites mesures économiques. Mais l’inflation ne s’arrête pas et les crises alimentaire et énergétique s’aggravent. Pratiquement, les mesures qui sont mises en place (comme l’utilisation du charbon, les subventions au secteur du transport dépendant du pétrole, le soutien à l’industrie touristique ou la démultiplication de la production d’armes) accélèrent la crise environnementale de la planète entière.
Seule la classe ouvrière, rompant avec tout le passé offre une issue
Ce ne sera pas auprès de ces gouvernements que nous trouverons une issue positive à la situation actuelle. Ils défendent une classe aux intérêts totalement contraires à ceux de l’humanité et conduisent au désastre.
Nous ne la trouverons pas non plus dans les autres formations nouvelles ou anciennes au langage plus gesticulant et « rouge », mais tout aussi sociales-démocrates et adaptées au monde capitaliste que le PSOE, comme Podemos, Bildu [reconversion politique de l’ex-ETA] ou la CUP [mouvement nationaliste catalan à gauche des partis bourgeois indépendantistes ERC et JxCat]. Encore moins dans des montages de marketing politique comme celui qui se crée autour de la ministre Yolanda Díaz (PCE), sans aucun programme au-delà du fait qu’elle est la cheffe et que « toute la gauche » doit collaborer (comme elle) avec le soutien du gouvernement bourgeois et de tous les pouvoirs du capital. En échange d’aumônes et de concessions à tel ou tel secteur ou groupe de pression social (femmes, transsexuels) qui peuvent être renversées si la réaction noire remporte les prochaines élections.
La solution ne réside dans « la gauche », un concept étranger aux classes sociales qui dominent la lutte sociale et qui comprend toutes sortes d’organisations liées (politiquement et économiquement) à la société capitaliste décomposée.
L’issue ne peut venir que de la classe productrice, qui n’a pas du tout besoin des classes parasites. Mais il lui faudra s’organiser à l’échelle internationale pour tout changer de fond en comble, pour la révolution socialiste.