L’impérialisme aujourd’hui : le cas de la Chine

Naissance de l’impérialisme à la fin du XIXe siècle

a) Les disciples de Marx et Engels face aux transformations du capitalisme

Depuis le début du XXe siècle, le capitalisme, connait une phase historique de déclin nommé impérialisme. Au sein de l’Internationale ouvrière, Lafargue (1903), Hilferding (1910), Luxemburg (1913), Boukharine (1915), Lénine (1916) ont contribué, sans qu’il en résulte un consensus, à l’analyse de cette période. Selon Lénine, on peut la résumer en cinq points :

  • concentration de la production engendrant de grandes multinationales,
  • monopole de quelques grandes banques,
  • accaparement des sources de matières premières par ces entreprises géantes et le capital financier,
  • concurrence mondiale entre quelques grandes puissances et leurs entreprises exportatrices de capital,
  • repartage du monde par la compétition économique et par l’affrontement militaire si besoin.

b) Développement inégal et combiné, interdépendances : différenciation entre dominants et dominés

Le capitalisme est plus soumis que jamais à la loi du développement inégal et combiné. Les États nationaux sont plus interdépendants que jamais mais pas homogènes. A un pôle, on trouve la puissance dominante, à l’autre des petits États arriérés et dominés, avec entre les deux des puissances impérialistes de second ordre, des pays avancés mais de taille réduite, des puissances régionales. Cette hiérarchie n’est pas éternelle, pas fixe. À la fin du XIXe siècle, la Grande-Bretagne domine encore le monde, concurrencée par l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Italie… En dehors de l’Europe, les États-Unis, appuyés sur la taille du pays, les transferts de technologie et l’énergie des colons s’affirment, ainsi que, dans une moindre mesure, le Japon et la Russie.

c) La Russie de 1914 et la Tchécoslovaquie de 1938

Bien que dépendant des investissements étrangers (importation de capital) et n’exportant guère que des matières premières, la Russie est souvent classée comme un impérialisme (le maillon le plus faible) par le Parti bolchevik à partir de 1914 parce qu’elle est parvenue à édifier des firmes capitalistes autochtones de grande taille et qu’elle opprime et exploite d’autres peuples (voir, entre autres, Lénine, Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, juillet 1916).

La Tchécoslovaquie, un nouvel État né avec l’aide de l’impérialisme français dans la partie la plus industrialisée de l’empire autrichien, n’est certes pas une grande puissance entre les deux guerres mondiales, mais la bourgeoisie tchèque a constitué des entreprises capitalistes d’envergure internationale et elle opprime d’autres peuples. Elle est par conséquent un impérialisme (voir Trotsky, Remarques sur la Tchécoslovaquie, juin 1938).

d) La période 1950-1992 et le partage du monde

En 1939-1940, les bourgeoisies allemande, italienne et japonaise essaient d’affronter ensemble les autres impérialismes et de détruire l’État ouvrier, mais se font écraser par la coalition menée par les EU et la résistance des peuples d’URSS. La montée révolutionnaire mondiale qui, sans vaincre, préserve l’URSS, aboutit à des États ouvriers dégénérés en Europe de l’est, au Vietnam, en Corée et en Chine, et le besoin de relais fiables de l’impérialisme hégémonique. Le Japon, l’Italie et l’Allemagne peuvent se reconstituer comme impérialismes dans ce cadre.

Actuellement, entre les États-Unis, la première puissance mondiale, et Haïti, le pays le plus pauvre au monde il existe différents niveaux d’émergence impérialiste (Chine, Russie), de vieillissement impérialiste (Grande-Bretagne, France, Italie, Espagne…) ou de revitalisation impérialiste après la guerre mondiale (Japon, Allemagne…), de puissances capitalistes régionales (Inde, Brésil, Turquie…), de pays semi-dominés (Iran, Afrique du Sud, Nigeria, Mexique, Argentine…) ou totalement dominés (l’immense majorité des pays de la planète).

Restauration du capitalisme et renaissance d’une bourgeoisie chinoise

Au début des années 1950, la Chine devient d’emblée analogue à l’URSS, un État ouvrier dégénéré depuis le début des années 1930. En s’appuyant sur des armées paysannes et sur l’URSS voisine, la direction du PCC face à l’écroulement du régime du Guomindang, prend le pouvoir en 1949. Face à la guerre de Corée, qu’il n’a pas voulue, le gouvernement de la RPC exproprie les grands capitalistes et les propriétaires fonciers, planifie d’en haut l’économie et exclut du pouvoir les masses, au premier chef le prolétariat [voir Cahier révolution communiste n° 31].

a) les mesures de Dieng Xiaoping en 1978

Deng Xiaoping prend le pouvoir en 1978 peu après la mort de Mao en 1976. Il prend des mesures pro-capitalistes analogues à celles tentées au même moment en URSS, en Roumanie, en Hongrie, en Pologne… :

  • retour de l’exploitation familiale dans l’agriculture en 1978,
  • zones franches (ZES) sur la côte en 1979,
  • possibilité pour les entreprises de vendre au-dessus des prix du plan si elles ont rempli leur quota en 1979,
  • microentreprises privées (getihu) en 1981,
  • libéralisation des prix de 1984 à 1987,
  • suppression des communes populaires des campagnes en 1984,
  • sociétés privées (siying) en 1987

Ainsi, la bureaucratie, dont l’expression politique était le PCC, a ouvert la voie au capitalisme, avec le renfort des capitalistes hans de Hongkong, de Singapour, de Taïwan, des États-Unis… Les dirigeants de l’État, des régions, des entreprises publiques, souvent par le biais de leur famille, sont devenus propriétaires des entreprises privatisées. L’état-major de l’armée a créé ses entreprises. Des ambitieux et des mafieux se sont aussi lancés dans les affaires avec la bienveillance des autorités civiles ou militaires, locales puis nationales.

b) La décision de rétablissement du capitalisme en 1992

La restauration est préparée par une tournée de Deng en janvier et février 1992 et officialisée au 14e congrès du PCC en octobre 1992 sous le nom de « socialisme de marché » (sic). La majorité de la bureaucratie chinoise décide de muer en bourgeoisie tout en tentant d’éviter l’intervention des masses ainsi que l’éclatement et l’immixtion étrangère. Pour cela, elle conserve le régime autoritaire et le parti unique, désormais bourgeois. En 1990, l’État crée deux bourses, à Shanghai et à Shenzhen.

Depuis 1992, l’État protège les rapports d’exploitation, la propriété privée des moyens de production vis-à-vis des classes subalternes : exploités (classe ouvrière), semi-exploités (petite bourgeoisie traditionnelle, encadrement), parasitaires (forces de répression, prêtres, journalistes aux ordres…). Il s’efforce de garantir les sources d’approvisionnement et les débouchés face aux autres bourgeoisies.

En comparaison à la Russie dont les pans entiers de l’économie sont mis en vente aux plus offrants, le PCC encadre la constitution de la bourgeoisie. Cela se fait en lien avec la diaspora mais le lien avec les capitalistes étrangers n’est pas direct. Une maîtrise

c) La restauration de la loi de la valeur

L’essentiel est que :

  • Le travail lui-même devient marchand. Les travailleurs sont obligés de vendre leur force de travail et subissent désormais la pression du chômage. L’armée de réserve s’élève à 4 % de la population active. L’intensité du travail des salariés a considérablement augmenté.
  • Le but de la production devient le profit. Les produits prennent majoritairement la forme de marchandises, à écouler sur le marché qui valide après coup la valeur créée (et non la création de simples valeurs d’usage déterminées à l’avance).

Dès 1992, la part des produits industriels écoulés sur le marché (y compris par les entreprises étatiques) l’emporte sur les quotas des plans. Le PCC officialise en 1993 : « les plans nationaux doivent prendre le marché comme fondation ». À partir de 2006, le mot « guihua » (plan-instruction) est remplacé par le mot « yindao » (plan-cadre). Le plan Made in China de l’Assemblée populaire de 2015 stipule : « le marché oriente, le gouvernement guide ». Les plans sont devenus indicatifs, comme les plans capitalistes français et japonais des années 1950-1960. Les entreprises étatiques elles-mêmes produisent pour le marché, comme celles des autres pays capitalistes.

Dans les villes, l’État bourgeois privatise les anciennes entreprises étatiques (un processus entrepris en 1992 qui se poursuit aujourd’hui) et supprime de 1983 à 2003, dans les entreprises étatiques qui subsistent, le « bol de riz en fer » (emploi à vie, logement de fonction, pension de retraite, soins de santé…). Dans les campagnes, la suppression des quotas d’achat public et des prix administrés oblige à vendre la production sur le marché, ce qui appauvrit à partir de 1980 la majorité des familles paysannes (tout en enrichissant une minorité). Symétriquement, les travailleurs des campagnes doivent faire face à la marchandisation de leurs moyens de consommation : ils paient pour les soins de santé et l’instruction autrefois gratuits dans les communes populaires. La concurrence des entreprises capitalistes a ruiné à partir de 1988 les petites entreprises collectives des campagnes qui licencient leur main-d’œuvre.

Cela s’est clairement vu lors de l’année post-covid, la grande messe qu’est l’Assemblée nationale populaire (3 000 délégués) n’a pas donné d’objectif de croissance. En 2021, le premier ministre chinois oriente l’activité comme un gouvernement bourgeois :

Cette session annuelle doit également adopter le 14e plan quinquennal (2021-2025). Objectif : que la Chine soit en 2035 un « pays socialiste moderne ». Pour ce faire, ce plan ne prévoit pas de taux de croissance précis. Il vise surtout, selon Li Keqiang, à « améliorer la qualité et la rentabilité du développement ». Toutefois, le taux de chômage devra être maintenu « en dessous de 5,5 % », et le « niveau des prix devra rester stable dans l’ensemble ». L’accent est surtout mis sur l’innovation. Il faut « accélérer la construction d’une société numérique » et les investissements en recherche et développement devront augmenter de « plus de 7 % par an ». La part du numérique doit passer de 7,8 % à 10 % du PIB dans les cinq ans. Parallèlement, la Chine doit poursuivre son développement urbain. Le taux d’urbanisation doit passer à 65 % contre 60,6 % aujourd’hui. (Le Monde, 5 mars)

d) Les nostalgiques du stalinisme s’aveuglent

Pour LO, comme en 1927, la Russie est toujours un État ouvrier et la Chine ne l’a jamais été et elle reste dominée par les puissances étrangères.

Le pays n’est pas pour autant une puissance impérialiste, dans le sens où Lénine utilisait le mot. En dehors de la zone côtière allant de Hong-Kong à Pékin, elle reste globalement un pays sous-développé, dont l’économie s’intègre à l’économie mondiale essentiellement par le bas, en tant que fournisseur et sous-traitant, dont l’atout principal est encore les bas salaires. (Lutte de classe, mars 2020)

S’obstiner à prétendre que la Chine est « socialiste », comme les stalino-maoïstes (parfois subventionnés pour répandre « la pensée Xi Jinping »), ou reste un « État ouvrier », comme les « trotskystes » de la SL et l’IG des États-Unis ou de l’IBT du Canada, est absurde, après 30 ans de preuves répétées du caractère capitaliste de l’économie, de l’État et du parti.

L’objectif stratégique des États-Unis et des autres puissances capitalistes est de renverser la révolution de 1949… Quelque 40 années de « réformes du marché » ont apporté d’importants investissements capitalistes étrangers, une corruption officielle galopante et une bourgeoisie indigène naissante, ainsi qu’une croissance économique significative. Néanmoins, l’économie chinoise reste centralisée et repose sur une industrie et une banque nationalisées. (Workers Vanguard, 11 juin 2019)

Après la fuite d’une version préliminaire de l’accord fin février, les puissances impérialistes occidentales ayant des intérêts directs dans le Pacifique – dont les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – se sont empressées de le déclarer une menace pour la sécurité. Leur hostilité à l’égard de l’accord, et plus généralement à l’égard du rapprochement des Îles Salomon avec l’État ouvrier déformé chinois, découle de leur désir d’encercler la Chine et de renverser les derniers acquis de la Révolution de 1949. (IBT, bolshevik.org, 22 mai 2022)

Ne pas comprendre que l’économie chinoise est capitaliste empêche l’intervention en Chine et interdit de comprendre le repartage du monde entre puissances impérialistes en cours.

e) De « l’atelier du monde » à l’émergence impérialiste

De 1992 à 2008, l’État bourgeois crée de toutes pièces un gigantesque marché du travail. S’appuyant sur les forces productives issues de l’État ouvrier dégénéré (main-d’œuvre en bonne santé et instruite, infrastructures, base manufacturière, réforme agraire…), il fait du pays « l’atelier du monde ». Les anciens bureaucrates devenus capitalistes exploitent le prolétariat national, seuls ou sous forme de co-entreprises avec les capitalistes étrangers (ceux de la diaspora han ou des pays impérialistes).

Ensuite, s’appuyant sur la taille du pays, le contrôle du capital étranger, un effort de recherche conséquent, l’espionnage, la classe capitaliste nationale accumule assez de capitaux, maîtrise suffisamment les technologies avancées, pour se dresser comme une puissance impérialiste.

Comme partout le capitalisme a engendré la misère à, un pôle de la société et la richesse à l’autre.

Paradoxe, au début de cette année 2021 marquée par le centenaire du Parti communiste, la presse officielle s’était félicitée du nombre record de milliardaires que la Chine avait générés : 992 (910 en Chine continentale et 82 à Hongkong), selon les calculs de l’organisme Hurun situé à Shanghaï, qui, le 2 mars, a publié le classement des principales fortunes mondiales. Soit 250 de plus qu’en 2020 et

L’émergence impérialiste chinoise

1. Les critères de Lénine appliqués à la Chine actuelle

Il est indispensable d’analyser l’évolution de la Chine au regard des critères dégagés par le marxisme du début du XXe siècle. Elle est plus qu’un impérialisme de dernier ordre (comme la Russie de 1916) ou qu’un impérialisme mineur (comme la Tchécoslovaquie de 1938).

  • L’économie chinoise est organisée et dominée par quelques dizaines de grandes multinationales dont 143 sont parmi les 500 premières entreprises mondiales du classement Fortune 2021 (contre 121 pour les États-Unis).
  • Le système bancaire est dominé par 4 grands établissements (Industrial and Commercial Bank of China, Bank of China, China Construction Bank, Agricultural Bank of China) parmi les 10 premières valorisations dans le monde en 2021.
  • Les matières premières sont accaparées par quelques grandes entreprises en Chine qui se fournissent sur l’ensemble de la planète. Tous ces grands groupes sont devenus des concurrents des autres grands trusts des vieilles puissances impérialistes (États-Unis, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, France…) ou des plus tardives apparues avec la restauration capitaliste (Russie, Ukraine…).
  • Elle opprime au sein de ses frontières des minorités nationales et elle commence à participer à l’exploitation de travailleurs d’autres États par l’exportation de capitaux.
  • L’exportation de capitaux chinois sous la forme des investissements directs à l’étranger (IDE) est la troisième au monde entre 2010 et 2018, derrière les États-Unis et le Japon. En 2020 elle est passée première avec sa meilleure résistance à la crise économique déclenchée par le Covid-19. La Chine est devenue le principal « partenaire » commercial de nombreux pays en Asie, en Amérique latine et en Afrique.
  • La Chine remet en cause le partage actuel du monde en revendiquant plusieurs zones d’influence à ses frontières (Hongkong, Taïwan, Mer de Chine), en se dotant d’une armée capable de s’opposer frontalement au Japon et à la Russie, ses rivaux en Asie, ce qui remet en cause la domination étasunienne.

Aujourd’hui, le gouvernement chinois dispose du 2e budget militaire mondial (200 milliards de dollars contre 722 milliards pour les États-Unis). Supérieur à son rival asiatique, il revendique officiellement la liberté des mers, le respect des frontières, la paix dans le monde tout en cherchant à agrandir sa sphère d’influence. Le premier secrétaire du Parti communiste chinois, Xi Jinping, va régulièrement au forum du grand capital mondial, à Davos, défendre le « libre-échange ».

Malgré les contre-courants et les écueils, la mondialisation économique n’a changé ni ne changera jamais de cap. Les pays du monde doivent poursuivre le véritable multilatéralisme. Nous devons lever les barrières et non ériger des murs, opter pour l’ouverture et non la fermeture, rechercher l’intégration et non le découplage. Ainsi pourrons-nous bâtir une économie mondiale ouverte. (Xi, china.org, 17 janvier 2022)

De nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine voient que leurs dettes enregistrées auprès de Pékin ressemblent à si méprendre à celles contractées envers Washington, Londres, Paris, Tokyo ou Berlin au cours du siècle écoulé. Le capital financier chinois s’investit sur toute la planète et plusieurs pays connaissent des tensions ou des manifestations antichinoises. L’accumulation du capital par la nouvelle bourgeoisie chinoise lui permet d’émerger comme une puissance impérialiste.

2. La comparaison économique avec les autres puissances

La Chine assure 18 % de la production industrielle mondiale et en exporte une partie. Elle est le premier producteur mondial de jouets, d’acier, de biens informatiques, d’équipements de télécommunication, de circuits électroniques, de machines et équipements de transport, de vêtements et textiles… La Chine est une plaque tournante essentielle dans les chaines mondiales de production industrielle.

Sur leur propre marché, les multinationales chinoises sont dominantes dans les télécommunications, l’énergie (pétrole, électricité, gaz, renouvelables…), l’agroalimentaire, le bâtiment et infrastructures, l’industrie du transport (rails, ports et marine marchande, routes…), les nouvelles technologies (informatique, e-vente, smartphones, réseaux de la téléphonie, réseaux sociaux…).

Tencent (jeux en ligne, réseaux sociaux, portails Web, commerce en ligne, messagerie instantanée WeChat) et Alibaba (plateformes de ventes interentreprises et de détail, services de cloud computing) sont les principales capitalisations boursières en Chine. Au 7e et au 8e rang, elles font partie des dix premières firmes mondiales par la capitalisation boursière, derrière les Gafam, avec une valeur boursière comparable à celle de Facebook mais inférieure à un tiers de celles d’Apple et Microsoft ou la moitié de celles d’Amazon et de Google. D’autres entreprises chinoises engagées dans les télécoms (China Mobile) et l’e-commerce (Pinduoduo) font également partie de ce classement. Tencent (grâce à ses plateformes de jeux en ligne), Pinduoduo, JD et Alibaba comptent parmi les entreprises dont la valeur boursière a le plus progressé depuis le déclenchement de la pandémie de Sars-CoV-2, bien moins toutefois que celle des Gafam. (…) Les BATX, plus iFlytek, SenseTime, Huawei et Hikvision, ont été désignées comme membres de l’équipe de champions nationaux choisis par les autorités chinoises pour réaliser les objectifs du régime en matière d’intelligence artificielle et se sont vu assigner, dans une logique héritée de la planification, des domaines spécifiques réservés :la voiture autonome à Baidu, les smart cities à Alibaba, les diagnostics médicaux visuels à Tencent, la reconnaissance orale à iFlytek, la reconnaissance visuelle à SenseTime. Alibaba et Tencent ont modifié leurs applications pour intégrer le système de QR codes, mis au point par les autorités, qui a permis d’imposer à la population chinoise des mesures de quarantaine particulièrement intrusives et autoritaires. Hikvision, iFlytek, Megvii et SenseTime ont fourni aux autorités chinoises des équipements utilisés dans la répression des Ouïgours, ce qui leur a valu d’être l’objet de sanctions américaines. La complaisance des autorités chinoises a permis aux fondateurs des principales firmes Internet de créer des groupes à la structure complexe, qui contournent les règles limitant strictement les investissements étrangers dans leurs domaines d’activité. Les entreprises dusecteur technologique chinois ont ainsi pu bénéficier de financements transnationaux, notamment américains, significatifs. Les BAT, en particulier, ont été créées grâce à des investissements de sociétés américaines de capital-risque. Les trois principales entreprises, de même qu’une trentaine d’autres firmes Internet chinoises, sont cotées sur les bourses américaines (New York Stock Exchange et Nasdaq). (Patrick Allard, Revue des deux mondes, novembre 2020)

Par exemple, le marché des ventes de voitures est le premier au monde avec plus de 27 millions de véhicules vendus en 2019. Historiquement dominé par GMC, Mercedes, Toyota, Ford, Volkswagen, Nissan, Honda, ce marché a vu les quatre principales marques chinoises (Geely, Baojun, Changan et Great Wall), issues de joint-ventures avec des marques étrangères, accaparer plus de 39 % des ventes en 2019.

La bourgeoisie chinoise tente de rattraper son retard (industrie spatiale, aéronautique, nucléaire, automobile, intelligence artificielle, semi-conducteurs…). Des groupes chinois transnationaux entrent dans les oligopoles industriels mondiaux. Depuis 20 ans, le capitalisme chinois est passé de « l’atelier du monde » à une puissance économique de taille internationale. La productivité progresse : l’industrie dispose en moyenne de 187 robots pour 10 000 travailleurs contre 346 en Allemagne et 364 au Japon mais seulement 177 en France ou 228 aux États-Unis. Cette augmentation de la composition organique du capital est nécessaire pour faire face à la concurrence, mais fait baisser le taux de profit

3. Un Etat au service de ses multinationales

En 2015, Xi annonce son plan « Made in China 2025 » qui doit, en 10 ans, permettre de se dégager de dépendances stratégiques comme les puces électroniques, l’aviation civile, la robotisation industrielle, l’énergie renouvelable, les véhicules hybrides… La part des pièces industrielles fabriquées en Chine devrait passer de 40 % à 70 % d’ici 2025. Ce plan MIC25 est, à la suite de Trump, dénoncé par Biden car trop favorable aux capitaux chinois aux pratiques « injustes et coercitives ».

La liste noire mise en place par Donald Trump le 12 novembre comptait initialement 31 entreprises, considérées comme approvisionnant ou soutenant le complexe militaire et de sécurité chinois. Elle en comporte désormais 59. Les Américains – individus et entreprises – détenant des participations et autres intérêts financiers dans ces sociétés ont jusqu’au 2 août pour les céder. Cette liste inclut de grands groupes de la construction, des télécoms ou des technologies, comme le fabricant de téléphones Huawei, le géant pétrolier Cnooc, China Railway Construction, China Mobile, China Telecom, ou encore la société de vidéosurveillance Hikvision. L’administration Biden explique vouloir « consolider et renforcer » le décret signé par Donald Trump « pour interdire les investissements américains dans le complexe militaro-industriel de la République populaire de Chine ». (…) « Les Etats-Unis devraient respecter la primauté du droit » et « cesser de prendre des mesures néfastes pour le marché financier mondial », a souligné Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères. « La Chine prendra les mesures nécessaires pour protéger avec vigueur les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises », a-t-il promis lors d’un point presse régulier. (Le Monde, 4 juin 2021)

L’État confirme ses intentions dans son 14e « plan quinquennal » (2021-2025) qui doit notamment « améliorer la qualité et la rentabilité du développement » et où la « sécurité » est la priorité qu’elle soit alimentaire, énergétique ou armée. Dévoilé en mars dernier, il ne donne plus d’objectifs de croissance et s’inquiète des 3 mois de déflation subis cet hiver et compte maitriser une inflation autour de 3 %. Le MIC25 laisse la place au programme « China standards 2035 » pour affermir la qualité chinoise sur le marché mondial. L’insertion de la Chine dans celui-ci est définie par le concept de « circulation duale » afin d’optimiser le commerce à l’international et réduire la dépendance vis-à-vis des autres puissances. Cette modification de la structure de production s’observe aussi par la part de l’industrie qui en 10 ans est passée de 40 % à 34 % du PIB.

Certains secteurs n’ont jamais connu l’ouverture promise, comme la finance, où les institutions étrangères ne représentent que 2 % du marché chinois. C’est l’un des points de négociation du « dialogue économique et financier » de Paris avec Pékin. « Pour opérer en Chine, il faut toute une série de licences : pour chaque produit, chaque ville. Or, aujourd’hui, pour les obtenir, c’est éminemment politique. On aimerait que cela fonctionne sur la base de règles », glisse un cadre d’une banque française en Chine. Les télécommunications et les infrastructures numériques sont aussi exclues, au prétexte de la « sécurité nationale ». Le ferroviaire est un autre secteur largement fermé. Après avoir accueilli les étrangers dans les années 1990 et 2000, les Chinois ont développé leurs propres technologies. Aujourd’hui, la plupart des marchés leur sont réservés. Pour certains appels d’offres, on ne peut candidater que dans le cadre d’une coentreprise avec une société locale, témoigne un cadre d’Alstom en Chine. (Le Monde, 11 décembre 2021)

Ces évolutions du capitalisme chinois s’accompagnent de la hausse de la précarité, de l’inflation, de l’endettement, d’une bulle immobilière et de la hausse des loyers. Le krach boursier chinois de l’été 2015 a fait frémir toutes les bourses mondiales. Les bourses chinoises (Shanghai, Shenzhen, Hongkong) ont chuté en mars 2020. Cumulées, leur valeur boursière est de 10 000 milliards de dollars, au deuxième rang mondial derrière les États-Unis (38 000 milliards) et devant le Japon (6 800 milliards).

4. Emergence à travers le monde

Depuis le déclenchement de la guerre commerciale avec les États-Unis, la montée en puissance chinoise est contrariée sur tous les continents. Pourtant les entreprises et capitaux chinois bousculent toutes les zones d’influence des vieilles puissances. C’est aux États-Unis et en Europe que les rachats et participations aux capitaux d’entreprises ont été les plus importants jusqu’en 2018. Depuis, plusieurs rachats et concurrents chinois ont été repoussés, sous des prétextes divers comme l’espionnage, le secret-défense ou la défense de fleurons industriels.

En Afrique, la Chine est le premier partenaire commercial depuis 2012. Sur ce continent dominé, les acquisitions d’entreprises et les obtentions de concessions minières et pétrolières sont réalisées avec la construction d’infrastructures et de prêts en échange. Militairement, l’armée soutient par sa marine la lutte contre la piraterie et le terrorisme sur la côte est africaine, dispose de 2 500 soldats dans les « missions pour la paix » de l’ONU et a ouvert en 2017 une base pouvant accueillir 10 000 hommes à Djibouti. Cette influence s’est remarqué dans l’abstention de la résolution condamnant l’agression russe contre l’Ukraine :

Cinq s’y sont cependant opposés : la Russie, la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Erythrée et la Syrie.
35 se sont abstenus. L’abstention de la Chine, allié supposé de Moscou, a été remarquée. Tout comme celle de 16 pays du continent africain : l’Algérie, l’Angola, le Burundi, le Congo- Brazzaville, la Guinée équatoriale, Madagascar, le Mali, le Mozambique, la Namibie, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Afrique du Sud, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe. (tv5monde.org, 3 mars 2022)

En Amérique latine, la Chine est devenue le premier client du Brésil (15,9 % des échanges), devant les États-Unis (11,1 %), ainsi qu’au Chili (23,2 % contre 11,7 % pour les États-Unis), au Pérou (17,1 % contre 13,3 %) et au Venezuela (21,3 % contre 7,8 %). Au Venezuela, il est évident que le gouvernement capitaliste de Maduro tente de s’appuyer sur les capitaux chinois contre l’offensive de l’impérialisme étasunien et l’opposition bourgeoise locale.

Au cours d’une rencontre avec le président argentin, Alberto Fernandez, il a obtenu l’adhésion formelle de Buenos Aires à la nouvelle route de la soie (Belt and Road Initiative, « Ceinture et route »), son grand programme d’investissements internationaux. (Le Monde, 6 février 2022)

Le premier, « déjà approuvé », selon le ministère des affaires étrangères, d’un montant de 14 milliards de dollars (environ 12,7 milliards d’euros), comprend dix chantiers d’infrastructures – dont les projets-clés de la centrale hydroélectrique du fleuve Santa Cruz et la centrale nucléaire IV à Zarate. Le deuxième, de 9,7 milliards de dollars, encore soumis à validation, compte au total 16 projets, mêlant aqueducs, complexe hydroélectrique, autoroute, ou encore parcs éoliens, selon des sources officielles argentines. (29 mars 2022)

Dans le reste du monde, la Chine s’impose comme un « partenaire » incontournable. Observateur permanent au sein du Conseil de l’Arctique depuis 2013, Pékin multiplie les investissements avec la Russie autour d’une « route polaire de la soie » à mesure que le réchauffement climatique ouvre le passage du Nord est.

À l’ONU, la Chine est le deuxième contributeur (12 % du budget 2021) après les États-Unis (22 %). Son ambassadeur s’est opposé, de 2011 à 2020 à 8 projets de résolutions condamnant les crimes du régime syrien, à deux autres concernant les gouvernements de Birmanie (2007) et du Zimbabwe (2008.

5. Recherche, science et yuan

Les scientifiques chinois sont à l’origine de plusieurs avancées importantes. Ils ont notamment permis la création d’un satellite et d’un ordinateur quantiques, le développement de deux stations spatiales expérimentales mises en orbite en 2011 et 2016, la création de 2 télescopes spatiaux cherchant des pulsars et des ondes gravitationnelles dans l’Univers, la construction d’accélérateurs de particules et radiotélescopes puissants. Enfin, la Chine a organisé 6 vols spatiaux habités et un robot s’est posé sur la face cachée de la Lune en 2019, un autre sur Mars en 2021. Depuis 2018, la Chine lance plus d’engins spatiaux que les États-Unis (31 contre 27 l’an passé). Tout en lançant des satellites pour d’autres pays, l’industrie spatiale chinoise déploie Beidou, un système satellitaire concurrent du GPS. Une station spatiale occupée en permanence est prévue pour 2022. Une exploitation habitée de la Lune est envisagée pour 2030.

Lorsque ces modules laboratoires seront installés, la structure générale de la station aura son aspect final, en forme de T. Elle sera alors semblable, en taille, à l’ancienne station russe Mir, mise en orbite en 1986 par l’Union soviétique et détruite en 2001. Sa durée de vie devrait être d’au moins dix, voire quinze, ans. Nommée « Tiangong » en chinois (« palais céleste ») mais également connue par son sigle anglais CSS (« station spatiale chinoise », en français), elle devrait être pleinement opérationnelle d’ici à la fin de l’année. L’équipage de Shenzhou-14 effectuera aussi des sorties dans l’espace, mènera une série d’expériences et assurera la maintenance de Tiangong. (Le Monde, 6 juin 2022)

Le renminbi (yuan) représente 1,94 % des échanges internationaux, loin derrière le dollar (87 %) et l’euro (6,6 %) mais au même rang que la livre sterling, le yen et le dollar canadien. Le yuan est aussi devenu, en 2016, une monnaie admise dans le panier DTS du FMI comme les autres devises de puissances impérialistes.

6. Les nouvelles routes de la soie ou « l’initiative ceinture et route »

En 2013, dans la lutte pour sa sphère d’influence, le gouvernement chinois dont la Banque centrale dispose des plus grandes réserves monétaires au monde, a annoncé son projet Une ceinture, une route. Il s’agit d’abord de consolider, sécuriser et développer les gazoducs, oléoducs, routes, voies ferrées, ports, aéroports qui servant aux importations et aux exportations de marchandises. Et l’ambition marchande est doublée d’une ambition financière avec la création d’une banque internationale de financement dédiée et prêt de 200 milliards de dollars investis entre 2013 et 2019, selon les estimations de ses concurrents, pour atteindre 1 300 milliards d’ici 2030.

La « ceinture » est composée des installations portuaires financées par les grandes multinationales chinoises au Sri Lanka, au Pakistan, au Bangladesh, en Birmanie et au Cambodge, la Chine dispose depuis 2017 d’une première base militaire à Djibouti, à l’entrée de la Mer rouge, sur le chemin de Suez à Malacca. Depuis 2014, d’autres installations militaires chinoises sont construites sur les ilots disputés en mer de Chine (Paracels, Spratleys) avec le Japon, le Vietnam ou les Philippines.

La « route » est un ensemble d’investissements allant de Chine vers l’Europe sous la forme d’une ligne ferroviaire, d’autoroutes et d’oléoducs et gazoducs. Un « corridor économique » se développe entre la Chine et le Pakistan, en contournant l’Inde. Le projet concrétise ce qui existait déjà : la Chine est devenue le premier partenaire commercial des anciennes républiques socialistes (Tadjikistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan) devant la Russie. Cette dernière accepte péniblement l’intrusion des capitaux chinois dans son secteur mais elle n’est pas de taille à repousser cette « offre » car ils compensent, dans la crise économique du pays depuis 2014, les sanctions venues des États-Unis et confortent les liens de Moscou et Pékin.

En décembre 2014, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) est créée à Pékin pour associer les autres pays au projet de « nouvelles routes de la soie », mythifié pour l’occasion. En 2020, 102 pays y sont associés. La Chine dispose d’un tiers du capital, les États européens de 20 %. Les autres « investisseurs » dans le projet BRI sont les grandes banques commerciales chinoises (ICBC, CCB, BoC) et d’État (CDB et Eximbank).

Parmi les trois pays ayant demandé récemment à bénéficier du cadre commun de restructuration de la dette mis en place par le G20 en novembre 2020, deux d’entre eux, l’Ethiopie et la Zambie, ont des emprunts extérieurs détenus à plus de 30 % par Pékin. (…) Au Kirghizistan, un pays symbole choisi par Xi Jinping pour dévoiler en 2013 son grand projet, deux anciens premiers ministres, Sapar Isakov et Jantoro Satybaldiev, ont été reconnus coupables de corruption, en 2019, pour l’attribution d’un contrat de près de 400 millions de dollars à l’opérateur chinois Tebian Electric Apparatus. Un an plus tard, à la fin 2020, des ouvriers chinois d’une mine ont dû se réfugier dans la forêt après avoir été attaqués par des manifestants. A Gwadar, au Pakistan, les habitants se plaignent des conséquences environnementales de la politique de Pékin, notamment de l’assèchement des nappes phréatiques et de la surexploitation des ressources halieutiques par les navires de Chine. (Le Monde, 13 décembre 2021)

7. La deuxième armée du monde en pleine modernisation

Corolaire de son affirmation impérialiste au cours des dernières années, la bourgeoisie chinoise veut étendre sa zone d’influence et dispute, à ses frontières, des territoires. Elle a aussi initié depuis 2001, l’Organisation de coopération de Shanghai avec la Russie et les républiques centrales d’Asie, rejointes par le Pakistan et l’Inde en 2017 pour se coordonner militairement dans la région, principalement contre le terrorisme. Pourtant, la tension est montée d’un cran à la frontière sino-indienne en mai et juin 2020 quand des affrontements, uniquement à l’arme blanche, entre les soldats des deux pays ont fait 20 morts et des dizaines de blessés.

L’Armée populaire de libération (APL) a prolongé son implantation en mer de Chine en construisant des installations militaires avec piste d’aviation, missiles sol-air, ports pour gros tonnage sur des îlots (Paracels, Spratleys) disputés par de nombreux pays (Malaisie, Philippines, Vietnam). Évidemment, ces derniers se plaignent de l’expansionnisme chinois et veulent eux aussi exploiter les ressources énergétiques que la Mer de Chine recèle. Le Vietnam a aussi signé des accords militaires avec les États-Unis pour faire face à son envahissant voisin et un porte-avion américain y a fait une escale historique en mars 2018.

Conséquence de la guerre commerciale, le budget militaire étasunien s’élève à 740,5 milliards de dollars pour 2021. Le Congrès veut interdire tout échange technologique avec les entreprises chinoises, renforcer l’armement de Taïwan, exiger de l’armée chinoise d’arrêter et de retirer ses installations militaires sur les îlots en Mer de Chine. Concrètement, les visites d’élus étasuniens à Taïwan se multiplient, le vote d’une loi (Taïpei Act) en mars 2020 renforce les relations diplomatiques, commerciales et militaires avec Washington. Pékin dénonce en octobre dernier la vente, pour 1,8 milliards de dollars, de missiles, lance-roquettes et équipements électroniques à Taïpei. Les survols d’espace aérien par des avions de chasse chinois et les chassé-croisé des navires militaires sont monnaie courant. En aout 2020, des missiles chinois à longue portée et anti-porte-avions ont été testés juste après le survol d’un bombardier furtif américain.

La première concerne les performances des missiles portatifs antiaériens et antichars (Stinger et Javelin) fournis par les Etats-Unis à l’Ukraine. Ils ont été capables d’infliger de gros dégâts, notamment en abattant des avions de combat SU-30 et SU-35, que la Chine utilise elle aussi. « C’est probablement une révélation pour les Chinois, comme pour les Taïwanais », indique Marc Julienne. Taipei a d’ailleurs demandé à Washington de lui fournir plus rapidement sa commande de 250 Stinger, dont la livraison risque d’être repoussée en raison de la tension subie par l’industrie de l’armement américaine… Le 7 avril, le South China Morning Post de Hongkong citait un analyste chinois, Zhou Chenming, qui commentait ainsi la destruction d’un SU-35 par Kiev : « Pour tirer les leçons de la situation, l’armée de l’air chinoise devra très attentivement identifier les problèmes mécaniques de ses propres SU-35 et améliorer leur maintenance ». (Le Monde, 14 mai)

En janvier et février 2021, la marine étasunienne a patrouillé aux abords des ilots militarisés par la Chine et dans le détroit de Taïwan. La Chine y répond avec une flotte moderne : le nombre de destroyers, frégates, sous-marins a doublé en 5 ans. En avril 2021, la Chine a envoyé 25 avions militaires dans l’espace aérien de l’ile. Selon Xi, la Chine sera « réunifiée » selon le principe « un pays, deux systèmes » qui a prévalu à Hongkong. Pékin envisage même un tunnel marin de 140 kilomètres pour rattacher Taïwan au continent.

Lors d’une visite du président russe Vladimir Poutine à Pékin début février, les deux pays se sont prononcés de concert contre l’expansion de l’Otan. Le président chinois Xi Jinping a obtenu de son côté le soutien de son voisin pour dénoncer « l’influence négative pour la paix et la stabilité » des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique. Pékin ne cesse d’élever la voix pour s’en prendre au régime rival de Taïwan, l’île qu’il considère comme une de ses provinces et dont il se réserve le droit de s’emparer par la force. (france24.com, 5 mars 2022)

Avec un budget officiel annuel en hausse de 7,1 % en 2022, à 230 milliards d’euros, l’armée est loin de celle des États-Unis mais dépasse maintenant les autres. Les entreprises chinoises d’armement sont au deuxième rang des ventes dans le monde en 2020 (15,7 % du marché contre 61 % pour les États-Unis) même si une grande part est due aux achats de l’APL.

Selon Washington, l’armée de l’air est capable de lancer des missiles antisatellites, y compris contre les satellites militaires situés sur l’orbite la plus lointaine à 36 000 kilomètres. Avec la création d’un nouvel avion bombardier furtif, d’un destroyer lanceur de missiles et un troisième porte-avions, l’armée de 2 millions de soldats dotée de l’arme nucléaire, de satellites et de missiles intercontinentaux est celle d’une puissance impérialiste. Ce budget ne comprend pas celui de la recherche et développement en armement ni les 20 milliards de dollars annuels de la police armée du peuple (PAP), l’organe paramilitaire chargé de la répression intérieure. Comme les garde-côtes, la PAP a été rattachée à l’APL à la demande du gouvernement actuel.

8. La mise au pas de Hongkong

L’économie de Hongkong est de taille conséquente (le PIB dépasse 300 milliards d’euros, de la taille de celui de l’Irlande). Elle est polarisée entre les impérialisme chinois, américain, britannique et japonais. L’État chinois y stationne près de 6 000 soldats depuis 1997. C’est donc lui qui l’emporte. Le gouvernement de Pékin compte aligner Hongkong dont l’exemple risque de contaminer le continent.

La jeunesse étudiante et lycéenne de Hongkong s’est levée, en octobre 2014, contre les élections truquées organisées par les hommes de paille de Pékin.

Les services secrets chinois ne se privent pas d’enlever des militants, des éditeurs, des avocats et même des patrons ciblés par Xi. Cela ne suffit pas au pouvoir central : en février 2019, à ses ordres, le gouvernement local veut permettre les extraditions judiciaires par une loi. Au cours de manifestations de masse, la jeunesse a tenté de la faire retirer. Elle a reçu l’appui d’une grande partie de la population et de la classe ouvrière. Mais la direction étudiante ne s’est jamais tournée vers la classe ouvrière, elle s’est partagée entre le pacifisme petit-bourgeois et les illusions envers la bourgeoisie américaine.

La direction du mouvement a été incapable d’étendre les mots d’ordre aux revendications sociales et de s’adresser aux travailleurs et aux étudiants de l’ensemble de la Chine. Néanmoins, le plus le gouvernement de Xi a craint la contagion.

Pékin a instauré une nouvelle loi sécuritaire le 30 juin 2020 pour punir toute tentative de « sécession, terrorisme et collusion avec des puissances étrangères ». En lançant son offensive avec une police supplémentaire venue du continent, Xi répond aux menaces de ses concurrents, Trump en tête. Ce dernier a fait adopter le 14 juillet une nouvelle loi (Hong Kong Autonomy Act) pour isoler économiquement Hongkong en cas de reprise en main par Pékin.

Biden n’a pas remis en cause les mesures antichinoises de Trump. Mais la reprise en main de Hongkong est bien une victoire pour Pékin. En janvier 2021, l’arrestation de 53 militants « prodémocratie » dont le secrétaire national d’une confédération syndicale confirme la prise en main impérialiste de Pékin. Fin mars 2021, Pékin a promulgué la révision de la loi dite « fondamentale » de Hongkong dont le parlement aura maintenant 90 membres (contre 70 précédemment) dont 20 seront élus au suffrage universel (contre 35), la majorité sera nommée par l’État central ou reviendra aux représentants de « groupes socioprofessionnels ». Le sort fait à Hongkong par Pékin sert aussi à intimider Taiwan, un État peuplé de Hans qui reste dans l’orbite des impérialismes américain et japonais.

Dans la soirée, une poignée d’arrestations ont eu lieu. Mais le contrôle de la police aux abords du parc était tel qu’il était presque impossible d’imaginer le moindre débordement. Le parc Victoria avait été fermé. Même les barrières protège-piétons, qui séparent la route des trottoirs, avaient été démantelées, comme si la police redoutait des tentatives de barricades, comme au plus fort des manifestations de 2019. (…) Le petit musée qui documentait les événements du 4 juin a été fermé de force. Des ouvrages consacrés au printemps de Pékin ont disparu des bibliothèques et l’épisode ne sera plus étudié dans les nouveaux programmes scolaires d’histoire à Hongkong. (Le Monde, 4 juin 2022)

Conséquences de la restauration capitaliste et de la mutation impérialiste

1. Renaissance et développement des classes sociales

En quarante ans, les grandes villes historiques et les nouvelles issues des ZES sont devenues des mégapoles dont chacune héberge des millions de travailleurs et travailleuses, le pôle opposé de la classe capitaliste. Il a fallu les contraindre à vendre leur force de travail pour subsister.

Le prolétariat venu d’autres États est restreint (environ 800 000, dont des Hans d’autre citoyenneté) : la migration est surtout interne. Il y aurait, d’après l’État, 285 millions de « travailleurs migrants » (mingongs) dans les villes qui laissent souvent leurs enfants aux grands-parents. 90 millions seulement bénéficient d’une assurance contre les accidents de travail. La loi fixe un plafond de 44 heures par semaine ; en pratique, les mingongs travaillent 58,4 heures en moyenne. Ces travailleurs sont discriminés car leur contrat est temporaire et leur statut légal (le passeport intérieur hukou) ne donne pas l’accès aux droits sociaux dans les villes et leur interdit en pratique de faire venir leur famille.

La classe ouvrière chinoise est numériquement la plus puissante du monde, on l’estime à plus de 600 millions de salariés, dont 80 % dans les entreprises privées. Son rôle dans la production, sa concentration dans des usines géantes et des grandes villes lui confère un potentiel révolutionnaire national et international de premier plan. Mais il lui manque des syndicats et un parti révolutionnaire pour défendre ses intérêts, renverser la bourgeoisie et son parti « communiste ».

Les forces de répression sont hypertrophiés (on compte 1,5 million de policiers, sans compter les polices privées). Comme autres couches intermédiaires, une petite bourgeoisie urbaine de professions libérales, de cadres et de commerçants (estimée à 300 millions de personnes) s’est développée. Cette classe qui travaille, consomme, s’endette, reste sous la domination politique de la bourgeoisie, tant que le prolétariat n’agit pas à son propre compte. Avec les capitalistes et les salariés, elle assure des débouchés aux produits chinois qui sont de plus en plus destinés au marché intérieur.

La paysannerie compte encore plus de 300 millions de personnes mais les Chinois vivent en ville majoritairement depuis une dizaine d’années. Toutefois, nourrir 20 % de la population mondiale avec 10 % des terres arables et seulement 8 % de l’eau douce mondiales conduit à une catastrophe économique et environnementale aggravée par le recours disproportionné aux engrais et aux pesticides à cause de l’absence de la main-d’œuvre jeune partie en ville.

Outre la grande pauvreté dans les campagnes (vieux, femmes seules, mécanisation insuffisante), les méthodes capitalistes usent les sols et tarissent les nappes phréatiques. La désertification concerne un tiers du pays et menace la majorité des pâturages. Comme ailleurs, l’agriculture chinoise concentre ses productions, utilise des outils mécaniques, des engrais mais toujours à la recherche d’un profit. Si la Chine est le premier producteur mondial de riz, blé, thé, porc, elle doit importer de plus en plus (soja, blé, viandes…) et achète des millions d’hectares de terres dans le monde entier pour compenser une production trop faible pour les 1,4 milliard d’habitants. Sur le plan écologique, la majorité des cours d’eau sont tellement pollués par le capitalisme sauvage que des centaines de villes sont restreintes dans leur accès à l’eau potable et on ne compte plus les drames environnementaux subis par la population (air pollué, sols souillés, aliments sans contrôle sanitaire…). Beaucoup de jeunes ruraux n’ont pas d’autre choix que d’aller travailler dans les usines.

2. Lutte de classes en Chine

Les grèves, nombreuses, sont réprimées et les meneurs mis en prison tout comme les journalistes, avocats, artistes ou associations démocratiques qui viennent en défense de citoyens révoltés par la richesse des capitalistes et la morgue des politiciens. La prise en main de la région autonome de Hongkong en 2020 confirme que partout, désormais, un opposant politique peut finir en prison. Toute tentative de constituer un syndicat ou une organisation indépendante du PCC est sévèrement punie. La justice, la police et l’armée sont non seulement au service du grand capital mais de la domination quasi-totalitaire de la société par l’État.

La condition des travailleurs change vite, en fonction des avancées technologiques, du marché du travail, des faillites, des crises économiques. Les luttes et les grèves ont permis des hausses de salaires mais si le coût de la main d’œuvre devient trop cher, les capitalistes déplacent les usines dans le centre et l’ouest du pays où les salaires sont encore bas. Les paysans touchent en moyenne des revenus trois fois moins importants qu’un travailleur d’une métropole de la côte. Pour les ouvriers et ouvrières, la journée fait en général 12 heures de travail, un jour de repos par semaine au mieux et un salaire moyen de 500 euros par mois. Globalement le salaire moyen en Chine augmente régulièrement et est estimé à 875 € en 2019. Le salaire médian varie beaucoup selon la région : de l’ordre de 300 € par mois dans les provinces reculées du centre jusqu’à 1 100 € à Shanghai. Le chômage officiel en Chine était, en 2018, de 5,1 %. Officiellement, il est de 5,9 % en mai 2020 mais ne concerne que les citadins. Or l’arrêt de l’économie a renvoyé des dizaines de millions de travailleurs migrants dans les campagnes. En 2020, les baisses et arriérés de salaires, les licenciements et les contrats toujours plus précaires ont été la cause de résistances et de grèves, malgré la pandémie et la répression.

3. Oppression des femmes

Une des conséquences de la destruction de l’État ouvrier est que l’oppression des femmes s’est accrue depuis 30 ans. Dans un pays qui envoie une navette sur la lune et un robot sur Mars, il y a pénurie de toilettes publiques pour les femmes, ce qui suscite des mobilisations. En 2012, le revenu féminin était de 67,3 % de celle des hommes (contre 75 % en 1990). La précarité, le chômage (2 fois plus fort), les discriminations au travail, les licenciements abusifs sont plus fréquents pour elles. Alors que 3 femmes sur 4 travaillent (un taux très élevé en Asie), elles le font dans les secteurs les plus durs : agriculture, industrie manufacturière, commerce. Enfin, la grossesse et les enfants à charge sont toujours discriminants et conduisent au licenciement chez les ouvrières. De plus en plus, le marché du travail attribue aux hommes des emplois mieux payés et à responsabilité. Le harcèlement sexuel, fréquent, provoque maintenant des protestations. Les ouïgoures sont massivement stérilisées contre leur gré.

4. Oppression des minorités

Un autre aspect du caractère impérialiste de l’État est l’oppression des minorités nationales en Chine. Les Tibétains et les Ouigours vivent à l’ouest du pays dans un état d’urgence permanent. En plus de sévères restrictions de leur culture locale, de leur langue, de leurs cultes et de leur droit à l’autodétermination, l’État chinois emprisonne les résistants par milliers dans des camps de « rééducation ». Les contrôles incessants, la surveillance vidéo et les prélèvements ADN sont la norme. Alors que la région du Xinjiang n’a que 22 millions d’habitants (mais assure 13 % de la production nationale de pétrole et 24 % de celle du gaz), les Ouigours n’y représentent que 45 % de la population contre 75 % dans les années 1950 et sont maintenus au bas de l’échelle sociale par les Hans venus de l’est, soutenus par la police et l’armée. Les constructions d’églises et de mosquées sont strictement contrôlées alors que les temples consacrés aux superstitions traditionnelles (taoïsme et surtout confucianisme) se multiplient dans le pays.

L’avant-garde de la classe ouvrière de Chine doit se battre non seulement pour le droit de s’organiser, de s’exprimer, de manifester, de faire grève, mais aussi pour la fin de l’asservissement du Xinjiang :

  • abolition de la surveillance de masse,
  • fermeture des camps de rééducation et de travail forcé,
  • arrêt de la colonisation de peuplement,
  • possibilité d’enseignement en langue ouïghoure à tous les niveaux et dans toutes les matières,
  • droit des Ouighours et des autres minorités nationales à se séparer de l’État impérialiste chinois.

Plus le régime démocratique d’un État est proche de l’entière liberté de séparation, plus seront rares et faibles, en pratique, les tendances à la séparation, car les avantages des grands États, au point de vue aussi bien du progrès économique que des intérêts de la masse, sont indubitables. (Lénine, La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, 1916)

La lutte contre l’oppression des minorités nationales est la condition pour que le prolétariat puisse unifier ses forces à l’échelle de toute la Chine, rallier les opprimés et arracher le pouvoir aux exploiteurs, ouvrir la voie de la fédération socialiste de l’Asie orientale et centrale. (Révolution communiste, juin 2022)

5. Le rôle du PCC

Depuis sa prise du pouvoir, Xi Jinping tente de prendre une posture bonapartiste. Les campagnes « anticorruption » dirigées contre ses concurrents au sein du PCC conduisent à l’éviction et au remplacement de plus d’un million de fonctionnaires. La venue au pouvoir de Xi en 2012 fut aussi le résultat de luttes de clans. Une fois le concurrent Bo Xilai en prison à vie en 2013, de nombreux adversaires ont été muselés comme Zhou Yangkang, ancien membre du comité permanent du bureau politique. Ce comité est « nommé » lors du congrès du PCC et selon les règles de soumission et d’accord entre cliques. Lors du 19e congrès en 2017, Xi Jinping devient l’égal de Mao en introduisant sa « pensée » dans la charte du parti. Xi rompt alors avec la tradition de nommer un successeur potentiel. En février 2018, la règle de deux mandats maximum pour le secrétaire du parti et président est abrogée. Depuis, sa clique appelée « L’armée de Xi » poursuit sa mainmise sur la gestion des affaires. Même si de nombreux millionnaires sont membres des instances du pays comme l’Assemblée nationale du peuple (ANP, appelée « fashion week » par les moqueurs) et la Conférence consultative qui se tiennent annuellement, l’allégeance à Xi et la conformité aux buts de l’État sont de plus en plus exigées. En 2017, plusieurs milliardaires ont ainsi eu « des problèmes personnels » et ont disparu durant plusieurs semaines. Fin octobre 2020, c’est Jack Ma, 25e fortune mondial et PDG d’Alibaba, qui est puni. Critiquant un peu trop le système financier chinois, le milliardaire membre du PCC et de l’ANP disparait pendant 3 mois. Alors que la filiale financière d’Alibaba devait entrer en Bourse à New-York pour 34 milliards de dollars, l’opération est annulée par Pékin, qui craint que l’impérialisme américain ne s’empare d’une porte d’entrée sur la masse des données numériques de la population chinoise détenues par l’entreprise.

En 2021, le parti n’a plus rien de communiste, cent ans après sa fondation par les pionniers chinois du bolchevisme. Il est devenu son exact opposé : le parti de la gestion des affaires capitalistes. S’il n’a pas osé abandonner le nom « communiste » c’est uniquement par peur de la réaction des masses. Il fixe l’objectif d’un « pays socialiste moderne » qui se « hissera au premier rang du monde » en 2049, ce qui est le but de l’impérialisme chinois. Il a sa tête un homme providentiel au slogan nationaliste « Un pays, un rêve » qui tient les rênes pour le compte de la classe exploiteuse qui fait face à un danger : la classe ouvrière. Pour interdire l’expression de celle-ci, la bourgeoisie utilise le PCC et ses 92 millions de membres. Xi Jinping a imposé la création de cellules du PCC y compris dans les entreprises étrangères. Mais, à cette échelle, cela ne peut aller sans contradictions dont témoigne l’apparition, sur les franges du PCC, de courants néo-maoïstes qui agitent le besoin d’égalité.

Contre la population, un système de « crédit social » attribue, publiquement, des notes aux citoyens « conformes » et fait honte aux « déviants ». Tous les membres du PCC et tous les fonctionnaires sont invités depuis 2019 à télécharger l’application « étudier Xi, rendre le pays plus fort ». Les héros d’hier peuvent être censurer en une seconde :

Zhong Nanshan, le pape des épidémiologistes chinois, l’a appris à ses dépens. Celui qui avait reçu des mains de Xi Jinping la médaille de la République en 2020 pour son rôle éminent contre le Covid-19 se fait désormais censurer sur Internet parce qu’il a osé écrire qu’à long terme la politique zéro Covid n’était pas viable. (…) En ces temps de difficulté, le culte de la personnalité atteint des sommets. Lundi 25 avril, Xi Jinping s’est rendu à l’université du Peuple de Chine, à Pékin, pour expliquer que le pays devait « développer des universités de classe mondiale ». Le dernier paragraphe du compte rendu officiel de la visite donne une idée de l’ambiance : « Lorsque Xi a quitté l’université, les deux côtés de la route étaient bondés d’enseignants et d’étudiants qui ont salué le secrétaire général avec excitation. Ils ont acclamé d’une seule voix : “Nous resterons fidèles au Parti » (Le Monde, 27 avril 2022)

Mais cette aspiration bonapartiste témoigne, dans le même temps, de la fragilité du pouvoir. En tant que puissance impérialiste émergente, la bourgeoisie accepte que l’ordre soit réglé par une dictature dont la chute peut devenir mortelle si les travailleurs renouent avec l’inspiration du Parti communiste fondé comme section de l’IC par Chen Duxiu et Li Dazhao en 1921.

Conclusion

Les morénistes de la FT-QI se tortillent face à la tension montante entre Chine et EU.

Le fait que l’on ne puisse pas parler de la Chine comme d’un impérialisme au sens plein du terme ne doit pas nous amener à la conclusion que tout affrontement entre la Chine et les États-Unis, ou d’autres puissances impérialistes, doive être lu dans les termes d’une agression impérialiste unilatérale contre la Chine, agression dont découlerait automatiquement un soutien à cette dernière. (revolutionpermanente.fr, mai 2021)

Pour notre part, c’est plié : nous serons pour la défaite des deux camps et pour transformer le conflit en situation révolutionnaire.

L’État chinois consacre des milliards de yuans à la « sécurité publique » et interdit au prolétariat toute organisation indépendante. Même la confédération syndicale légale est sous le contrôle du parti unique. Des grèves éclatent pour augmenter les salaires, payer les arriérés de salaires, diminuer le temps de travail, interdire les brimades, instaurer et consolider une assurance-maladie, exiger des indemnités chômage… Les salaires, en conséquence de l’activité revendicative, augmentent, diminuant l’attraction de la Chine. De nombreuses révoltes ont eu lieu contre des expropriations de terre décidées par des caciques locaux, contre les pollutions. Le mécontentement grandit chez les étudiants, les intellectuels, les artistes. Peu à peu, les masses tentent de desserrer courageusement l’étreinte policière.

Avec la récession économique de 2020, le prolétariat chinois a subi les licenciements et des baisses de revenu. Les grèves ont augmenté significativement pour cette raison en mai et en juin. Mais à ce jour, les informations venant du pays n’indiquent pas que la centralisation, la constitution de réseaux, d’organes ou d’associations indépendantes ouvrent la voie à l’auto organisation des masses.

Le capitalisme engendre ses propres fossoyeurs. La classe ouvrière est devenue majoritaire. Par la place décisive qu’elle occupe dans les rapports de production face au capital, par la collaboration entre travailleurs par le capital, par la concentration d’ouvrières et d’ouvriers dans les usines, la classe ouvrière est capable de lutter avec conséquence pour les libertés démocratiques (presse, réunion, vote, élections, liberté d’organisation…), contrairement aux opposants bourgeois « démocratiques ». Une telle lutte devra en finir avec l’oppression nationale par le droit à l’autodétermination des peuples. La lutte pour le partage des terres entre les paysans pauvres aboutira avec l’expropriation des grands propriétaires fonciers, sans indemnités ni rachat. Les travailleurs ont les moyens de renverser la minorité capitaliste en dirigeant un front uni des classes exploitées pour renverser la dictature de Xi Jinping et du parti unique capitaliste.

Le sort du monde dépend largement de la capacité de ce gigantesque prolétariat à briser le carcan de l’État policier, à rallier les femmes, les paysans travailleurs et les artisans, les étudiants, les cadres techniques, les minorités nationales, à détruire son propre impérialisme. Pour remplir ce rôle historique, il lui faut édifier ses propres organisations : ses syndicats, ses comités, ses piquets de grève, ses milices d’autodéfense, son parti, authentiquement communiste, internationaliste. Ainsi, la classe ouvrière chinoise peut et doit prendre le pouvoir pour établir un gouvernement des travailleurs, expropriateur des capitalistes.

Cent ans après la fondation du Parti communiste chinois, les tâches du prolétariat sont d’instaurer le contrôle ouvrier dans les entreprises, de prendre le pouvoir, d’exproprier les capitalistes, d’établir les conseils centralisés démocratiquement. La dictature du prolétariat contre les classes exploiteuses, l’alliance avec la petite-bourgeoisie des villes et des campagnes ouvrira la voie à la planification économique, démocratiquement décidée par les travailleurs. En se liant aux travailleurs du monde entier, au premier chef ceux du Japon, de Corée et du Vietnam, la classe ouvrière chinoise peut ouvrir la voie aux États-Unis socialistes d’Asie et au communisme mondial.