1 / la pandémie
En mars 2020, la pandémie de covid-19 prend l’État français au dépourvu. En 2011, le gouvernement Sarkozy-Fillon dont le ministre de la santé est Bertrand qui enclenche la suppression du stock national de masques pour faire des économies. Les gouvernements successifs ont étranglé des hôpitaux publics et le gouvernement Macron-Philippe poursuit cette destruction de 2017 à 2020. Même quand l’épidémie frappe l’Italie voisine, il ne prend pas de précaution (dépistage, achat de tests, masques, matériel de réanimation, ouverture de lits…) et ne déclenche pas une campagne détecter-isoler-traiter, comme si le virus allait s’arrêter à la frontière. Le 26 janvier 2020, la ministre de la santé Buzin explique encore qu’il n’y a pas besoin d’acheter des masques.
En février 2020, plusieurs foyers sont identifiés. Le gouvernement Macron-Philippe est lent à faire face. Il se contente de confinements limités et le nouveau ministre de la santé Véran déconseille le port du masque le 4 mars au plus grand nombre. En mars 2020, la première vague déferle dans l’Est, le Nord, en région parisienne et en Guyane, si bien que, le 17 mars, l’État impose les gestes barrières et le confinement général. Les EHPAD sont clos sur eux-mêmes. Les hôpitaux des régions les plus touchées trient les malades. Le gouvernement aide l’activité partielle, reporte le paiement des impôts et cotisations des entreprises, encourage le télétravail. Il ne réquisitionne pas les cliniques privées ni les hôtels.
Le gouvernement lance un « Ségur de la santé » de mai à juillet 2020 avec la caution de toutes les directions syndicales. Il augmente légèrement le salaire de certains travailleurs hospitaliers en juillet 2020 mais refuse de créer des postes pérennes. Le gouvernement Macron-Castex continue à fermer des lits dans les hôpitaux publics (5 700 sur l’année 2020). Par contre, il gonfle les effectifs de la police nationale, de la gendarmerie et de l’armée, modernise leur équipement.
Une deuxième vague se produit en septembre 2020. Les autres activités hospitalières sont ralenties. Le président annonce un confinement général le 30 octobre. Les tests deviennent accessibles. La sécu les rembourse, au plus grand bénéfice des laboratoires d’analyse (dont le réseau Eurofins Bio Lab) et des fabricants (Roche, Abbott, AAZ, Biomérieux, Biosynex, Eurobio…). Fin décembre, la vaccination commence (payée par l’UE à Pfizer, BioNTech, AstraZeneca et Moderna), réservée aux personnes âgées, très lentement faute de doses.
En janvier 2021, des mutants du coronavirus, plus contagieux que la souche d’origine, touchent la France. En février, la vaccination est étendue aux soignants. Le vaccin AstraZeneca est suspendu. La troisième vague sévit. Le 18 mars, le premier ministre Castex décrète un troisième confinement. En mai 2021 seulement, la vaccination est ouverte à tous.
En mai et juin 2021, les piquets et les manifestations de travailleurs de la santé se multiplient. L’été 2021, une quatrième vague touche surtout les non-vaccinés. Le 12 juillet, Macron impose la passe sanitaire pour certains lieux. Il annonce que les soignants seront contraints à la vaccination à l’automne, stigmatisant la « première ligne », alors que la vaccination universelle et gratuite, sur toute la planète, est la seule voie.
De janvier à octobre 2021, le gouvernement Macron-Castex ferme 1 800 lits supplémentaires dans les hôpitaux publics. Plus de 110 000 personnes sont mortes du covid, des dizaines de milliers souffrent de séquelles. Des dizaines de milliers de personnes sont mortes ou mourront d’autres maladies faute de dépistage et de soins à temps. Beaucoup des victimes directes et indirectes de la pandémie sont dues au capitalisme et au gouvernement bourgeois en place.
2 / la crise économique
De nombreux travailleurs et d’étudiants pauvres ont subi la crise capitaliste mondiale de 2019-2020, précipitée et aggravée par la pandémie de covid-19, avec l’obligation de garder les enfants au domicile, la baisse des salaires en cas d’activité partielle, la perte d’emploi et la précarisation. Elle semble surmontée à l’échelle mondiale. La reprise, quoique chaotique et inégale, bénéficie à l’économie française. La croissance du PIB pourrait atteindre 6,3 % en 2021, ce qui lui permettrait d’atteindre son niveau antérieur avant la fin de l’année.
Les profits sont en hausse et l’investissement des entreprises a repris depuis le premier trimestre de 2021 son niveau de fin 2019.
Le chômage baisse mais reste élevé (7,6 % de la population active). L’emploi salarié privé a dépassé son niveau d’avant la crise en postes (+30 000) mais le volume d’heures travaillées reste inférieur à fin 2019, à cause des temps partiels qui restent nombreux (240 000 emplois en juillet).
3 / l’aide aux capitalistes
N’en déplaise à ceux qui accusent depuis plusieurs décennies les gouvernements bourgeois d’avoir cédé au libéralisme économique, ceux-ci, dans les pays impérialistes, sont intervenus, comme en 2008-2009, cette fois-ci à l’échelle de toutes les entreprises. Par conséquent, peu d’entreprises ont fait faillite, peu d’équipements ont été mis au rebut : la dévalorisation du capital a été réduite jusqu’à présent, même si elle peut s’accélérer avec la fin des aides.
La conséquence directe des aides publiques massives (prise en charge de l’activité partielle, garantie de crédits, subventions…) est le creusement du déficit budgétaire. En 2021, il dépasse 9 % du PIB (à partir de 1992, la règle de l’UE était de 3 % maximum et, depuis 2012, entre 0,5 % et 2 %).
L’augmentation des dépenses de la branche maladie de la Sécu servira probablement d’argument pour de futures attaques contre le droit à la santé des travailleurs. L’aggravation spectaculaire du déficit de l’État de 2020 et 2021 se traduit mécaniquement par une augmentation de la dette publique. Elle dépasse 110 % du PIB (la règle de l’UE est un plafond de 60 %). Elle semble supportable à cause de la faiblesse des taux d’intérêt que doit consentir l’État français pour s’endetter sur les marchés financiers (en émettant des obligations, le plus souvent à horizon de 10 ans, les OAT10).
4 / l’inflation
Outre que l’insuffisante destruction du capital à l’échelle mondiale freinera l’accumulation et rapproche probablement l’échéance de la prochaine crise globale de suraccumulation et de surproduction, deux problèmes immédiats apparaissent : l’inflation et le risque de remontée des taux d’intérêt que doivent acquitter États, entreprises, particuliers.
L’inflation mondiale est sans doute le résultat de la combinaison de conséquences de la déréglementation climatique (récoltes de céréales en baisse), de goulots d’étranglement dus à ma guerre commerciale entre Etats-Unis et Chine ou à la reprise (processeurs, transport, énergie…) et de la politique monétaire keynésienne menée par les banques centrales impérialistes (baisse des taux directeurs, rachat massif de titres de créance). La hausse des prix reste modérée en France : 2,1 % depuis un an au dernier relevé de l’Insee. Le prix de l’énergie a fait un bond de 14,4 %.
Le gouvernement essaie d’empêcher l’augmentation des salaires et l’explosion populaire en compensant en partie la perte de revenu ou en bloquant temporairement certains prix, mais au 1er octobre, après des augmentations importantes de l’électricité et du gaz.
5 / l’affaiblissement de l’impérialisme français
Toute crise mondiale modifie la répartition de la production entre États, entre branches et entre firmes. Le capitalisme français, à cet égard, semble sortir affaibli. Son fleuron dans la pharmacie, Sanofi, n’a pas été capable de fournir un vaccin contre le covid. Le déficit de l’économie française en matière d’échanges internationaux de biens s’est aggravé (-6,6 milliards d’euros par mois en 2021, au lieu de -4,9 milliards en 2019) car les importations repartent plus vite que les exportations. En septembre, la perte du contrat des sous-marins à l’Australie n’est pas due qu’à des raisons économiques mais est particulièrement humiliante.
La montée à l’échelle mondiale de la Chine, la prédominance économique de l’Allemagne en Europe, la résolution des Etats-Unis – quel que soit le président – à affronter la Chine et celle – pas moindre – de la Chine de résister, les déboires dans le pré carré africain affaiblissent la bourgeoisie française.
L’affaiblissement relatif du capitalisme français, qu’il soit mesuré par les performances de l’économie française ou appréhendé par la place des groupes capitalistes dans l’économie mondiale, intensifie les contradictions politiques de la bourgeoisie française. Les tensions portent sur les moyens de ralentir ou d’inverser le déclin, sur le choix des alliances, l’effort militaire, les secteurs et entreprises à privilégier et à sacrifier, les coups à porter aux classes laborieuses sans créer de soulèvement de masse, même sous la forme confuse des gilets jaunes.
6 / les candidats bourgeois en compétition
L’actualité politique commence à basculer vers la préparation de l’élection présidentielle prévue les 10 et 24 avril 2022. Le centre de gravité de la compétition s’est encore déporté vers la réaction depuis 2015.
Élu en 2017 grâce au scandale qui torpille la campagne du candidat du principal parti bourgeois (LR) et avec l’aide de la plupart des bureaucraties syndicales et des partis réformistes, Macron a bien servi depuis la bourgeoisie française. D’ailleurs, le Medef a témoigné de sa satisfaction lors de son université d’été en septembre 2021. Pour obtenir un deuxième mandat, le président sortant table sur la reprise économique et sur l’affaiblissement de LR. Celui-ci ne s’est pas remis de l’échec de Sarkozy en 2012 et de celui de Fillon en 2017.
Parmi les partis politiques bourgeois, seule EELV ne cible pas les migrants ; elle espère bénéficier de l’affaiblissement du PS et du rejet de Macron ; elle désigne son candidat Jadot lors de primaires en septembre de 2021.
Le pourrissement du capitalisme pousse presque tous les candidats bourgeois à désigner des boucs émissaires (étrangers, musulmans…). La nécessité de porter de nouveaux coups à la classe ouvrière obligera le prochain président ou la prochaine présidente à renforcer encore l’appareil répressif de l’État.
Montebourg annonce sa candidature le 4 septembre sur une thématique protectionniste et nationaliste anti-Union européenne, il veut en particulier limiter l’immigration. Asselineau affirme en avril 2019 sa candidature pour l’UPR, Le Pen en février 2020 pour le RN, Dupont-Aignan en septembre 2020 pour DlF. Se disputent les faveurs de LR, Pécresse, Bertrand, Barnier, Ciotti, Juvin, Payre. Outre que les deux principaux candidats l’avaient quitté pour prendre la tête de régions, un gros problème pour le parti héritier du gaullisme est la concurrence probable du journaliste fascisant, misogyne et xénophobe Zemmour. Celui-ci attire aussi une partie de l’audience du RN, nostalgique de Le Pen père.
7 / le mouvement ouvrier
Les partis « réformistes » assurent aux travailleurs que la solution est dans les urnes. Mais ils placent « la France » au-dessus des classes. Leur défense du capitalisme en déclin et de « leur » propre bourgeoisie les conduit à une grande proximité avec les partis politiques de la bourgeoisie. En mai 2021, une consultation du PCF (qui avait appuyé Mélenchon au premier tour de 2017 et Macron au second) ratifie la candidature de Roussel. Au-dessus de leur propre parti, Mélenchon (LFI) déclare sa candidature en novembre 2020 et Hidalgo (PS) en septembre 2021. Les candidats sociaux-impérialistes renchérissent sur le nationalisme, le renforcement de l’appareil répressif de l’État, « l’immigration choisie ». Mélenchon est pour le renforcement de la police et de l’armée, il s’est toujours prononcé contre le droit d’installation, il a expliqué que les réfugiés tchétchènes n’étaient pas intégrables. Hidalgo supporte la manifestation des policiers du 19 mai. Roussel s’y rend en personne ; il déclare le 10 juin qu’il faut renvoyer les réfugiés déboutés du droit d’asile.
Les épigones français de feue la 4e Internationale présentent 3 candidats : Arthaud (LO), Poutou (NPA) et Kazib (CCR-RP). La candidate Arthaud (LO) demande plus de moyens pour la police. Le CCR-RP qui a scissionné en juin 2021 du NPA « pour reconstruire une gauche révolutionnaire » ne se démarque du NPA et de LO qu’en se prosternant davantage devant les ex-gilets jaunes et les actuels manifestants anti-passe et anti-vaccins. Il est peu probable que son candidat remplisse les conditions légales. D’autres formations (POI, PCOF, GR, Révolution, CLAIRE…) vont probablement servir de main-d’œuvre au social-patriote Mélenchon.
Les premiers comme les seconds bavardent sur « les luttes », mais refusent d’affronter les bureaucraties syndicales qui les sabotent, qui acceptent de négocier les attaques. De plus en plus intégrés aux appareils syndicaux, les centristes cautionnent la cogestion syndicale des groupes capitalistes (présence rétribuée dans les conseils d’administration, les conseils de surveillance, les conseils stratégiques), leur coopération permanente avec l’État et le patronat (présence rétribuée au Conseil économique, social et environnemental, au Conseil d’orientation des retraites, au Conseil d’orientation pour l’emploi, à la Commission armée-jeunesse, etc.).
8 / front unique ouvrier et programme de transition
Le Groupe marxiste internationaliste (section française du Collectif révolution permanente) n’a pas les moyens de présenter de candidats. Mais il combat pour l’indépendance de la classe ouvrière, pour le front unique ouvrier, pour la rupture de toutes les organisations de masse des travailleurs avec les exploiteurs. Par conséquent, il se prononce contre tous les candidats politiques de la bourgeoisie, à la présidentielle comme aux législatives des 12 et 19 juin 2022, au premier tour comme au second.
Contre Macron, sans attendre les élections et, si elles se tiennent, face au président et au gouvernement qui géreront les affaires communes de la bourgeoisie française, il faut ouvrir au prolétariat, à la jeunesse travailleuse et étudiante, aux travailleurs paysans, aux cadres inférieurs, une perspective collectiviste, radicale et internationale. Cela facilitera les luttes des exploités et des opprimés qui permettront aux masses de prendre confiance dans leurs propres forces.
Il faut rassembler tous les militants, fractions, groupes, noyaux lutte de classe pour constituer au plus vite une organisation communiste, premier pas vers un parti ouvrier révolutionnaire de masse, qui militera pour :
- l’augmentation des salaires et l’échelle mobile des salaires contre l’inflation,
- l’interdiction des licenciements collectifs et la réduction du temps de travail jusqu’à disparition du chômage,
- la suppression des impôts sur la consommation populaire, des cotisations sociales des salariés, de la CSG sur les salaires et les pensions,
- le financement de la sécurité sociale à la charge exclusive des patrons,
- la gratuité des soins, l’expropriation des groupes pharmaceutiques et de matériel médical, des cliniques privées et des EHPAD capitalistes,
- le recrutement de travailleurs dans l’enseignement public et la santé publique,
- des logements de qualité bon marché pour tous,
- l’expropriation des groupes capitalistes sous contrôle des travailleurs,
- le respect, l’extension et la gratuité du droit à la contraception et à l’avortement,
- la protection réelle des femmes menacées par leur mari ou leur compagnon,
- la fin de l’obsolescence programmée,
- le développement et la gratuité des transports en commun des villes moyennes et des agglomérations, l’interdiction des jets privés, des yachts,
- l’expropriation des grands groupes de l’industrie alimentaire et de la distribution, la production et la distribution d’aliments sains sous le contrôle des travailleurs des villes et des campagnes, pour assurer à toute la population un accès à une alimentation de qualité, dans le respect de l’environnement et des conditions d’élevage des animaux.
- le développement de sources d’énergies (nucléaire, renouvelables, hydrogène…) sous le contrôle des travailleurs,
- la gestion rationnelle des ressources halieutiques et forestières,
- le droit d’entrée des réfugiés, des travailleurs étrangers, des étudiants étrangers, les mêmes droits pour tous les travailleurs,
- la suppression de l’enseignement privé, la fin de toute subvention aux clergés,
- la sortie de l’OTAN, l’arrêt des interventions militaires et la fermeture des bases militaires françaises à l’étranger, la dissolution de l’armée de métier et des corps de répression,
- la suppression de la présidence et du sénat, la révocabilité des élus, leur rémunération au niveau d’une travailleuse qualifiée…
Les revendications ne pourront être arrachées et garanties que par la lutte de classe du prolétariat, ralliant tous les exploités et tous les opprimés, la grève générale, des assemblées générales qui décident, l’élection de conseils de travailleurs et leur centralisation nationale, l’auto-défense contre la police et les fascistes, le gouvernement des travailleurs, les États-Unis socialistes d’Europe.