Les aspirations du peuple ukrainien bafouées
L’Ukraine gagne en 1991 son indépendance politique, après des dizaines d’années d’oppression par la monarchie tsariste et la bureaucratie stalinienne.
La réaction thermidorienne, couronnée par la bureaucratie bonapartiste, a rejeté les masses laborieuses très en arrière dans le domaine national également. Les grandes masses du peuple ukrainien sont mécontentes de leur sort national et aspirent à le changer radicalement. (Trotsky, L’Indépendance ukrainienne et les brouillons sectaires, juillet 1939)
Mais l’Ukraine reste économiquement dépendante car les moyens de production et le pouvoir politique sont passés aux mains de cliques d’oligarques, de capitalistes pillards oscillant entre l’Allemagne et la Russie. Militairement, la Russie dispose de bases militaires dans la péninsule de Crimée.
Les travailleurs ne doivent pas oublier que le capitalisme a divisé les pays en un petit nombre de nations oppressives, impérialistes, jouissant de tous les droits et privilèges, et une immense majorité de nations opprimées, dépendantes ou semi-dépendantes. (Lénine, Lettre aux ouvriers et aux paysans d’Ukraine, décembre 1919)
À l’automne 2013, le président ukrainien Ianoukovitch signe un accord avec la Russie plutôt que de poursuivre la négociation avec l’UE qui lui imposait des conditions bien plus drastiques. Une partie de la population cherche à améliorer son sort matériel, à conquérir les libertés démocratiques, à préserver l’indépendance du pays. Sans parler des manœuvres de leurs services secrets, des politiciens bourgeois américains et allemands sont allés sur place appeler ouvertement au renversement du président qui, de son côté, a fait tirer sur la foule à Kiev.
Le « pro-russe » Ianoukovitch, lâché par son propre parti et la plupart des oligarques, est remplacé en février 2014, par décision du parlement, par le gouvernement « pro-occidental » Iatseniouk qui comporte des fascistes et interdit les langues minoritaires, dont le russe qui est l’idiome d’une partie significative de la population, à l’est et au sud. Le Parti communiste ukrainien est expulsé du parlement le 6 mai. Les grandes démocraties ne s’émeuvent guère des atteintes aux libertés, ni de la présence de fascistes au gouvernement, elles lui apportent leur appui par des moyens ouverts et aussi secrets.
L’impérialisme russe annexe la Crimée
Pour contrer l’impérialisme américain et l’impérialisme allemand, l’impérialisme russe, à l’initiative de Poutine, pousse les oligarques et les nationalistes bourgeois « pro-russes » à la rébellion, en utilisant le thème du fascisme, et envoie le FSB et les forces spéciales de l’armée russe, masquées, les renforcer. Ces dernières orchestrent le siège et la prise des bâtiments officiels, civils, policiers et militaires, neutralisent les unités de l’armée ukrainienne.
L’État russe, après un référendum (91 % pour le rattachement à la Russie) boycotté par les minorités tatare et ukrainophone de la péninsule, annexe la Crimée en mars.
Les puissances impérialistes encouragent la guerre civile entre les nationalistes réactionnaires
Encouragé par ce premier succès, le gouvernement russe étend sa méthode au Donbass et pousse les nationalistes pro-russes à s’insurger dans tout le pays.
Avec l’appui de la CIA, le gouvernement Iatseniouk tente de fonder sa légitimité par une élection présidentielle sur tout le territoire qui débouche sur l’élection de Petro Porochenko le 25 mai et de reprendre le contrôle du pays, en renonçant à la Crimée. Mais l’armée et la police sont elles-mêmes minées par les divisions nationales et se révèlent peu efficaces.
Le 2 mai, à Odessa, des partisans du gouvernement de Kiev incendient la Maison des syndicats où se sont réfugiés des séparatistes (40 morts). Les milices « prorusses » renforcées en sous-main par l’État bourgeois russe réussissent à organiser un referendum dans les régions de Donetsk et de Louhansk, le 11 mai, dont les résultats entérinent le séparatisme, avec respectivement 90 et 96 % de votes pour « la souveraineté de la République du Donbass ». Dernière mesure contre le gouvernement nationaliste bourgeois de Kiev, Gazprom a annoncé l’augmentation de 80 % du prix du gaz livré à l’Ukraine, à compter de juin 2014.
La farce de Poutine posant à l’antifasciste
L’impérialisme russe a déjà écrasé de manière sanglante la Tchétchénie, a envahi des territoires de la Moldavie et de la Géorgie. Au nom de la défense des russophones, ses troupes occupent respectivement la Transnistrie et l’Ossétie du Sud et, en conséquence, interdisent tout rapprochement avec l’Union européenne, derrière laquelle se cachent les impérialismes ouest-européens (pour des raisons historiques, c’est particulièrement utile à la bourgeoisie allemande).
En Russie, les medias capitalistes aux ordres exaspèrent le nationalisme grand-russe pour annexer la Crimée et envisager celle du Donbass.
Poutine invoque la lutte contre le fascisme, mais il a toujours toléré les agressions racistes et homophobes en Russie et ses partisans enlèvent, torturent et exécutent leurs opposants dans l’est de l’Ukraine.
L’impérialisme, c’est la réaction sur toute la ligne
Poutine mise sur la faiblesse du capitalisme ukrainien, la paupérisation de la population et sur le sentiment de persécution des minorités russophones. Il sait que l’Union européenne est dépourvue d’armée et escompte que l’État américain, après ses échecs en Afghanistan et en Irak, n’interviendra pas militairement. Pour l’instant, son calcul est juste.
L’éclatement en cours de l’Ukraine sur le dos de toute sa population est une nouvelle expression de la tendance réactionnaire du capitalisme tardif, qui a déjà causé deux guerres mondiales, de multiples guerres coloniales, d’interminables guerres ethniques.
Monopoles, oligarchie, tendances à la domination au lieu des tendances à la liberté, exploitation d’un nombre toujours croissant de nations petites ou faibles par une poignée de nations extrêmement riches ou puissantes : tout cela a donné naissance aux traits distinctifs de l’impérialisme qui le font caractériser comme un capitalisme parasitaire ou pourrissant. (Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916)
Ni Poutine, ni Porochenko, le pouvoir aux travailleurs !
La seule force sociale capable de déjouer les plans de Poutine, Obama, Merkel, Hollande, d’empêcher la guerre interethnique, capable de mettre au pas les bandes fascistes et les mercenaires russes, de tendre la main aux travailleurs de Russie, de Pologne, de Biélorussie, de Slovaquie, de Roumanie, de Moldavie… est le prolétariat.
Mais, faute de parti, puisque l’héritier du stalinisme, le Parti « communiste » d’Ukraine n’est aujourd’hui qu’un instrument de la nouvelle bourgeoisie russe, les travailleurs sont atomisés, réduits à leur appartenance ethnique ou à la langue qu’ils parlent. En plus de rester exploités, ils sont résignés et impuissants, voire manipulés par les oligarques qui les exploitent et les puissances impérialistes qui piétinent chez elles les droits des minorités et partout dans le monde les droits des peuples.
Pour maintenir la coexistence et la fraternité, pour que les droits démocratiques soient respectés pour que le droit à l’auto-détermination des peuples soit un fait, pour que la pauvreté, la corruption et la répression disparaissent, il faut combattre tous les oligarques, chasser les mercenaires impérialistes et instaurer un gouvernement ouvrier et paysan reposant sur des soviets rassemblant les ouvriers, les employés, les étudiants, les paysans.
Pour cela, la classe ouvrière a besoin de constituer son parti. Il faut bâtir en Ukraine un parti guidé par le marxisme, qui renoue avec la tradition ouvrière, révolutionnaire et internationaliste du bolchevisme.
Si un communiste grand-russe insistait sur la fusion de l’Ukraine et de la Russie, les Ukrainiens le soupçonneraient aisément de se laisser guider, moins par le souci de l’unité des prolétaires dans la lutte contre le capital, que par les préjugés du vieux nationalisme, de l’impérialisme grand-russe… Mais que nous soyons communistes grands-russes, ukrainiens ou de toute autre nation, nous devons tous nous montrer intransigeants, inconciliables sur les questions essentielles, décisives, identiques pour toutes les nations, à savoir : la lutte prolétarienne, la dictature du prolétariat, le rejet de toute entente avec la bourgeoisie… (Lénine, Lettre aux ouvriers et aux paysans d’Ukraine, décembre 1919)