Encore et toujours des mensonges
La crise sanitaire a été amplifiée d’une part par les coupes budgétaires depuis 30 ans dans la santé ainsi que les objectifs de rentabilité assignés aux hôpitaux par l’État bourgeois ; d’autre part, par l’impréparation du gouvernement Macron-Philippe-Buzin qui n’a pas su utiliser le délai et les expériences de la Chine, de la Corée et de l’Italie entre le début de la pandémie mondiale en janvier et son éclatement en France en mars.
Mais, selon le premier ministre, c’est la faute aux conseillers du gouvernement, pas au gouvernement.
Les recommandations scientifiques ont évolué. (Édouard Philippe, 28 avril)
Il ne restait au gouvernement, pour limiter la mortalité, que le confinement pour la majorité, c’est-à-dire une privation d’une liberté fondamentale et une paupérisation d’une partie des confinés, tout en faisant courir les plus grands risques à la partie de la classe ouvrière qui a fait tourner la société.
Notre système hospitalier a tenu… (Édouard Philippe, 28 avril)
D’abord, les patients atteints du covid-19 n’ont pas été traités dans les conditions nécessaires entre le tri à l’hôpital ayant pour conséquence le renvoi chez eux des non admis alors que contagieux et les plus âgés en EHPAD écartés de toute hospitalisation. Ensuite, la prise en charge des malades s’est réalisée au détriment des conditions de travail et sanitaires voire de la vie des personnels de la santé par manque de matériel de protection. Enfin, dans l’est de la France et dans la Seine-Saint-Denis, les responsables des services de réanimation ont été obligés de trier les malades, d’en soigner certains et d’en laisser mourir d’autres, estimés avoir peu de chances de survie.
La doctrine initiale consistait, dans ce que nous appelions alors la phase 1, à tester au maximum. Et nous avons beaucoup testé en phase 1. (Édouard Philippe, 28 avril)
En réalité, il y a eu beaucoup moins de tests en France que dans les autres pays avancés : 9,1 pour 1 000 contre 23,1 en moyenne dans les pays de l’OCDE (Mediapart, 29 avril).
Pendant la phase de pénurie, nous avons utilisé l’outil des réquisitions, qui a été fort utile. (Édouard Philippe, 28 avril)
Le gouvernement n’a jamais pris les mesures radicales qui s’imposaient au regard des besoins sociaux. Il a ménagé la propriété privée en payant rubis sur l’ongle les hôtels, les cliniques privées, les fournisseurs d’équipements et de médicaments…
Quant aux masques, les mesures « de réquisition » ont été dérisoires envers l’armée et les groupes industriels et ont laissé démunis les caissières et les assistantes à domicile, les chauffeurs de bus et les livreurs, les agents d’entretien et les éboueurs et même les travailleurs de la santé et agents d’entretien souvent étrangers… « ceux dont nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal » (Macron, 13 avril). On ne connait pas toute la mortalité due aux défauts de détection (tests) et de protection (masques, blouses…), mais il est établi que de nombreux travailleurs de la santé en ont été victimes.
Les capitalistes de la grande distribution font savoir qu’ils vont vendre par millions des masques chirurgicaux à partir du lundi 4 mai alors que les travailleurs de la santé sont encore chichement rationnés.
Ce qui a surtout été réquisitionné ce sont les travailleurs dans les secteurs jugés essentiels par l’augmentation de la durée du travail pouvant atteindre 60 h par semaine pour faire face à l’épidémie.
L’aide publique au capital est sans limite
Face à l’effondrement du capitalisme français, l’État tente de limiter la casse et de redémarrer au plus vite pour ne pas se laisser distancer. Le ministre de l’économie vend la mèche même si, diplomatiquement, il ne mentionne pas le rival allemand.
En préambule de son intervention à l’Assemblée, M. Le Maire a exhorté « au retour à l’activité » des Français, brandissant notamment la menace d’un « déclassement européen face à la Chine et aux États-Unis si nous ne redémarrons pas vite. (Bruno Le Maire, 29 avril)
L’aide colossale de l’État va avant tout aux capitalistes. Le chômage partiel est pris en charge totalement par l’État. À cela, il faut ajouter toutes sortes d’aides indirectes (trésorerie et fonds de garantie) données aux entreprises (300 milliards). S’y ajoutent des aides directes : par exemple, la contrepartie demandée à Air France-KLM pour recevoir l’aide des États français et néerlandais (au moins 9 milliards d’euros) n’est pas de sauver l’emploi mais de devenir plus rentable.
Nous avons fixé des conditions à Air France. Des conditions de rentabilité, car c’est l’argent des Français donc il faut qu’Air France fasse un effort pour être plus rentable, et des conditions écologiques. (Bruno Le Maire, 24 avril)
Déjà, la dette publique a augmenté de plus de 15 % du PIB par rapport à celle de 2019, avec l’approbation du PS, du PCF et de LFI. Ceux-ci oublient de dire qu’elle sera supportée tôt ou tard par la classe ouvrière, par l’impôt ou l’inflation.
Une reprise risquée… pour les travailleurs
Nous savons, par l’intuition ou par l’expérience, qu’un confinement prolongé au-delà du strict nécessaire aurait, pour la Nation, des conséquences gravissimes. Il nous faut donc, progressivement, prudemment, mais aussi résolument, procéder à un déconfinement aussi attendu que risqué et redouté. (Édouard Philippe, 28 avril)
La pandémie a précipité et aggravé la crise économique capitaliste mondiale qui s’annonçait. D’ores et déjà, elle est plus grave que celle de 2008-2009. En France, le PIB a reculé de 5,8 % au premier trimestre (INSEE, 30 avril). Le nombre de chômeur a augmenté de 7,1 % rien que sur le mois de mars pour s’établir à plus de 3,7 millions demandeurs d’emploi dans la catégorie A, la définition la plus restreinte (DARES, 22 avril). Le chômage s’aggravera les mois prochains par la restriction du chômage partiel et les faillites d’entreprises.
Déjà, l’ordonnance du 26 mars permettait aux employeurs d’imposer 6 jours de congé à ses salariés sous condition d’accord d’entreprise ou d’accord de branche et 10 jours de RTT et autres congés même sans accord. Pour ceux qui en bénéficient, le chômage partiel se traduit par une baisse du revenu. Ainsi, une partie de l’arrêt de l’activité a déjà été supportée directement par les salariés.
Philippe et Macron assurent que leur plan repose sur les recommandations du Conseil scientifique qu’ils ont nommé au début de la crise. Mais ce même organe vient justement de préconiser la réouverture des écoles en septembre. La réouverture des crèches, des écoles maternelles et primaires n’est pas pour répondre à « un impératif de justice sociale » mais bien pour renvoyer les parents de jeunes enfants se faire exploiter. Or, tous les spécialistes médicaux (et presque tous les maires) le disent : il est impossible de réunir et de garantir le respect de l’ensemble des dispositions sanitaires requises dans les écoles pour préserver la santé des enfants et des travailleurs. Macron, Philippe et Blanquer le savent parfaitement et ils se défaussent de leur responsabilité sur les maires, sur les équipes d’enseignants et d’ATSEM. Vu que tous les élèves ne peuvent être accueillis, qu’il s’agit en fait de garderie, que les parents sont inquiets, le gouvernement rend l’école facultative.
En fait, des millions de travailleurs seront contraints par la fin du chômage partiel. Le dispositif dérogatoire de congé pour garde d’enfant prend fin dès le premier mai, ceux qui en bénéficiaient tomberaient alors en chômage partiel. À partir du premier juin, ce chômage partiel ne sera possible que par attestation de l’école de l’enfant et avec une indemnisation plus faible. La « scolarisation » se fera donc sans tenir compte des besoins d’apprentissage (en particulier des élèves « décrocheurs ») et par l’obligation pour les travailleurs de garantir leur revenu.
La même incurie prévaut pour les transports en commun, notamment les bus, métros, RER, trains de banlieue… pour lesquels le gouvernement préconise le respect de la distanciation d’un mètre entre les voyageurs (rarement des manageurs et des cadres supérieurs), la condamnation d’un siège sur deux et mise sur la bonne volonté des entreprises pour étaler les horaires de travail afin d’éviter les heures de pointe. Les salariés des transports publics craignent le pire.
En coulisse, loin du ton de petit curé de Macron et d’arbitre impartial de Philippe, le gouvernement menace les travailleurs de la fonction publique.
Tout agent public qui refuserait d’aller au travail ou qui abuserait du droit de retrait s’exposerait à des sanctions pouvant aller jusqu’à la révocation. La direction générale de l’administration et de la fonction publique a diffusé une note de service, le 31 mars, pour rappeler aux agents publics qu’ils ne peuvent abandonner leur poste sans s’exposer à des ennuis. Quelles sont les sanctions ? Il peut s’agir d’une retenue sur le salaire, une sanction disciplinaire. En la matière, précise la DGAFP, celles qui sont les plus adaptées sont l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire de fonctions de un à trois jours. Mais cela peut même aller, dans les cas extrêmes, jusqu’à la radiation. (Le Monde, 2 avril)
De surcroît, le gouvernement limite les opérations de contrôle des inspecteurs du travail, voire même les sanctionne quand ils s’avisent d’exiger des patrons le respect des normes sanitaires. Il les cantonne à une mission de conseil. Les menaces qui pèsent sur les travailleurs du privé vaut aussi pour ceux de la fonction publique.
La collaboration de classes au temps du coronavirus
La France est face à un de ces moments où ceux qui l’aiment et la servent doivent être à la hauteur… Nous devons protéger les Français sans immobiliser la France au point qu’elle s’effondrerait… Je rencontrerai jeudi les partenaires sociaux, pour engager ce travail de concertation et d’adaptation du plan aux réalités de terrain. (Édouard Philippe, 28 avril)
Les chefs des confédérations (CFDT, CGT, FO…) répondent favorablement à l’appel du premier ministre.
La CGT continue à être présente et disponible à tous les niveaux pour la défense des droits et de la santé des citoyens et du monde du travail. (CGT, Communiqué, 28 avril) ; Le Premier ministre ayant annoncé la rencontre avec les organisations syndicales et patronales prévue jeudi, FO fera part à nouveau de ses attentes et revendications. (FO, Communiqué, 28 avril)
La domestication des appareils syndicaux permet à Macron de détourner le 1er mai en déclarant : « c’est bien grâce au travail, célébré ce jour, que la nation tient ». Le premier mai était une « célébration du travail » sous le drapeau tricolore pour le maréchal Pétain et son régime fasciste. Pour l’Internationale ouvrière (1889-1914) fondée par Engels, puis pour l’Internationale communiste (1919-1933) fondée par Lénine et Trotsky, c’était une journée de lutte, sous le drapeau rouge, des travailleurs de tous les pays contre leurs exploiteurs.
Il sera organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail. (Congrès socialiste international, Paris, 20 juin 1889)
Tout au plus, les chefs syndicaux, avec l’aide de leurs adjoints centristes, conseillent au salarié d’exercer « un droit de retrait ». Ce qui laisse seule la travailleuse ou le travailleur qui s’en saisit face à l’appréciation de son employeur et au jugement du Conseil des prud’hommes ou du tribunal administratif pour la fonction publique. De plus, ce droit est juridiquement infondé lorsqu’il s’agit de personnels réquisitionnés.
Ainsi, dans l’Éducation nationale, au lieu d’exiger le report de la rentrée des écoles tant que toutes les garanties sanitaires ne sont pas assurées, au lieu d’appeler d’ores et déjà tous les enseignants à la grève à partir du 11 mai si le gouvernement ne cède pas, les directions syndicales renvoient les salariés école par école, voire enseignant par enseignant, pour apprécier le jour dit s’ils peuvent travailler.
Certes, avec l’impopularité grandissante de Macron, les députés du PS, du PCF et de LFI ne votent plus les mesures du gouvernement, comme ils le faisaient en mars. Mais ils appellent toujours Macron à imiter le général De Gaulle qui de 1944 à 1946, avec l’aide du PS-SFIO et du PCF, de l’État bourgeois américain et de la bureaucratie stalinienne de l’URSS, avait réussi à reconstruire l’armée et la police bourgeoises, à sauver le capitalisme français, à prolonger l’empire colonial. Il avait fallu au gouvernement d’union nationale (où Thorez et Croizat servaient de larbins à De Gaulle) accorder des concessions démocratiques et sociales aux travailleurs pour les désarmer et leur faire rendre les usines aux patrons.
L’État, la Nation, le bien commun doivent occuper toute leur place et ne plus être décriés. (Jean-Luc Mélenchon, Le Figaro, 4 avril)
Même s’ils critiquent Macron pour son imprévoyance, les directions syndicales et les partis réformistes se rallient à l’État bourgeois parce qu’elles sont attachées à « l’intérêt national », à « la France », c’est-à-dire au capitalisme français et à la bourgeoisie française. Or, le nationalisme sert toujours à diviser les exploités et à les soumettre aux exploiteurs.
L’intérêt général s’oppose au profit
Les épidémies se moquent des frontières, le coronavirus n’a pas de nationalité et n’a pas été produit par un État, la médecine n’a jamais été nationale, le futur vaccin sera le produit de la recherche internationale, les hôpitaux allemands ont accueilli des malades français, des milliers de soignants que la population applaudit à 20 h sont des étrangers (dont plus de 2 000 médecins du Maghreb).
Dans le monde entier, l’intérêt du plus grand nombre s’oppose à la propriété privée, au règne du profit, à l’anarchie capitaliste mondiale, au repli illusoire sur des frontières nationales trop étroites depuis longtemps et à l’union « nationale » avec « sa » bourgeoisie et « son » gouvernement. L’union nationale, la collaboration de classe, la soumission au capitalisme prolongeront la double crise économique et sanitaire, elles en feront retomber le poids sur les travailleurs, elles feront le jeu des partis fascisants les plus xénophobes, elles engendreront de nouvelles crises économiques et de nouvelles guerres.
- Travailleurs de tous les pays, unissons-nous ! À bas la concertation avec Macron et Philippe, l’État bourgeois et le capital !
- Satisfaction immédiate des revendications des personnels soignants, salaires, postes et réouvertures des lits et des services hospitaliers !
- Financement des mesures urgentes de santé et de protection sociale par un impôt très progressif sur le revenu, par la fin des subventions au capital, des dépenses militaires, des subventions aux religions (clergé de l’Est, établissements catholiques sous contrat…), la suppression des institutions antidémocratiques (Président, Sénat…) !
- Des masques, des tests pour tous, des respirateurs en quantité suffisante ! Ouverture des entreprises et administrations par décision collective des travailleurs !
- Suppression des brevets sur les équipements, les tests et les médicaments ! Réquisition sans indemnité des cliniques privées, des groupes pharmaceutiques, des entreprises pouvant produire masques, blouses, respirateurs, tests, médicaments antiviraux… ! Contrôle par les travailleurs de ces productions !
- Retrait immédiat des ordonnances portant atteinte au droit du travail ! Aucune diminution des salaires en cas de chômage partiel ! Interdiction de tout licenciement, maintien de tous les emplois, y compris précaires (contractuels, intérim, CDD…) !
- Régularisation de tous les réfugiés et des étudiants ou travailleurs sans-papiers !
- Aucune expulsion, réquisition des logements inoccupés, suspension des loyers des logements d’habitation, des versements aux banques pour les crédits immobiliers ou à la consommation !
- Gouvernement des travailleurs, États-Unis socialistes d’Europe !