Pour protéger les enfants et les travailleurs de l’enseignement primaire, grève générale des écoles à partir du 11 mai !

Le 13 avril, Emmanuel Macron a décidé, malgré une situation sanitaire catastrophique et des milliers de morts du Covid19 en France, de faire rouvrir le 11 mai les établissements scolaires. Édouard Philippe s’est chargé d’expliquer pourquoi dans son discours du 28 avril : « l’arrêt prolongé de la production de pans entiers de notre économie… présenterait des risques d’écroulement ». Il est vrai que l’économie capitaliste, basé sur la recherche du profit, a basculé dans une dépression mondiale. À la suite, Bruno Lemaire, ministre de l’économie, soutient les capitalistes par centaines de milliards d’euros et demande la « reprise de l’activité » car nous serions menacés d’un « déclassement européen face à la Chine et aux États-Unis si nous ne redémarrons pas vite ». Il s’agit de renvoyer plus de 11 millions de travailleurs se faire exploiter et arrêter progressivement de payer leur chômage partiel. Voilà pourquoi les écoles, doivent ouvrir, coûte que coûte.

Cette décision a été prise alors que le Conseil scientifique, mis en place par Macron lui-même, conseillait que « les écoles, les collèges, les lycées et les universités soient fermés jusqu’au mois de septembre » (Le Monde, 26 avril).

Les enseignants et professionnels de l’enfance en première ligne

Depuis plus de 3 semaines, les projets, interviews ministérielles, circulaires vont bon train pour préparer les parents et les professionnels de l’éducation et de la petite enfance. Le 28 avril, le premier ministre a confirmé que les crèches et les écoles seront rouvertes à partir du 11 mai puis les collèges à partir du 18 mai, en fonction de la circulation du virus, avant que les lycées soient, éventuellement, rouverts début juin. La surprise est colossale car, faute de masques, de tests et de traitement efficace, les gestes barrière et le confinement sont les seuls remèdes à ce jour. Or les enfants de 2 à 10 ans en sont incapables même s’ils ne sont que 15 par classe. Il est tout aussi évident que, même réduit à 10 enfants par crèche, la distanciation est impossible pour éduquer toute une journée un bébé. Il en va de même pour les centres de loisirs et les activités périscolaires.

Pour les écoles, le ministre Blanquer explique, de manière ubuesque, que le déconfinement va lutter contre le « décrochage scolaire, notamment dans les zones défavorisées » (Le Figaro, 2 mai). En fait, les quartiers populaires décrochent faute de place, de revenus d’équipements et de réseaux. Mais le gouvernement ne réquisitionne pas la grande distribution ni les hôtels luxueux ou les logements vides. Il réquisitionne les enseignants sauf ceux présentant un risque de santé certain face au virus pour qu’ils « restent chez eux prennent en charge les enfants qui restent à la maison » (Blanquer, 2 mai). Les autres devront imposer les gestes barrières dans des écoles devenues des garderies sanitaires. Pour faire avaler la pilule, le ministre ment en promettant un enseignement en 4 temps : « travail en petit groupe, enseignement à distance, temps d’étude et ces activités sport-santé-culture-civisme. » (Le Figaro, 2 mai).

Protocole d’une garderie à risque

Au mépris des avis des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), le « Protocole sanitaire de réouverture des écoles » exclut le dépistage systématique et les masques FFP2, seuls qualifiés de protecteurs par le Code du travail. Les enseignants auront « des masques dit grand public de catégorie 1 à raison de deux masques par jour de présence » (Protocole, p. 7). La plupart de ces masques n’a pas de certification sanitaire et il est, pour l’instant, douteux que la filtration soit équivalente aux masques FFP2. De plus, la majorité est efficace durant 4 heures maximum. Pour assurer la sécurité des personnels, il en faut plus que 2 par jour.

Le Conseil scientifique insiste pour prioriser le lavage avec savon car « les solutions hydroalcooliques ne peuvent pas remplacer un lavage à l’eau et au savon… la solution, pour des élèves avant le collège, peut être dangereuse : absorption, projection oculaire… » (Note du Conseil scientifique Covid-19, 24 avril). Blanquer, au contraire, assure que « l’utilisation d’une solution hydro-alcoolique peut être envisagée » (Protocole, p. 6). La suite est tout simplement loufoque avec des préconisations telles que :

Respecter une distance d’au moins un mètre entre les tables, éloigner les tables des portes, limiter les déplacements dans la classe, limiter les croisements à l’intérieur de la classe, assurer l’aération des salles de classes avant l’arrivée des élèves par une ouverture des fenêtres pendant 15 minutes durant les récréations, pendant la pause repas et en fin de journée. (p. 17)

En cas de restauration à la cantine (…) le respect des mesures sociales de distanciation s’applique dans tous les contextes et tous les espaces. (…) la restauration pourra se faire en salle de classe sous la surveillance d’un adulte sous forme de plateaux ou de paniers repas. (p. 34)

Enfin, quel enseignant ou parent peuvent sérieusement imaginer des récréations sans contact ?

Les récréations devront être organisées par groupes de classes en tenant compte des recommandations en termes de distanciation et de gestes barrière… Il faut échelonner les récréations, éviter les regroupements de niveaux différents… Proscrire les jeux de contact, de ballon et tout ce qui implique des échanges d’objets. (p. 39)

Le nettoyage des lieux devrait se faire en deux étapes.

1ère étape, le nettoyage : Nettoyer à l’aide d’un détergent usuel, puis rincer pour évacuer le produit détergent… Insister sur les points de contact (zones fréquemment touchées… 2e étape, la désinfection : utiliser un désinfectant virucide et conforme à la norme EN 14476… au minimum une fois par jour. (Protocole, p. 14-15)

Le ministère ne suit pas, pour la désinfection, les recommandations du Conseil scientifique qui indique : Un bionettoyage de l’établissement… devra être réalisé plusieurs fois par jour (Note du Conseil scientifique Covid-19, 24 avril). Blanquer se contente de prescrire : « nettoyer et de désinfecter plusieurs fois par jour, dans les espaces utilisés, les zones fréquemment touchées » (p. 16). Un coup de pouce aux mairies qui rencontraient des difficultés pour réquisitionner leurs personnels ?

Les parents-travailleurs contraints de déposer leurs enfants

Les parents seraient donc libres de déposer ou non leurs enfants dans cette sorte de garderie. Toutefois le gouvernement leur force la main :

Plus de deux millions de salariés en arrêt de travail basculeront en chômage partiel vendredi. Un mois plus tard, les parents dont les enfants peuvent retourner à l’école verront leur indemnisation supprimée. (Le Journal du dimanche, 30 avril)

À partir du 1er juin, il faudra avoir une attestation de l’école. (Murielle Pénicaud, France Inter, 29 avril)

Comprenant fort bien l’affaire, la FCPE a lancé une pétition nationale « Exigeons un arrêt Covid pour tous les parents » (fcpe.asso.fr). Si une fédération de parents d’élèves y pense, il faut l’exiger de tous les syndicats et partis qui défendent les travailleurs. C’est urgent !

Si le plan du gouvernement s’appliquait, il déboucherait sur des contraintes anxiogènes. Et coûteuses : si le port du masque est impossible en école maternelle pour les élèves, il en va autrement à l’école élémentaire : « les enfants peuvent en être équipés s’ils le souhaitent » mais « il appartiendra aux parents de fournir des masques à leurs enfants ». (Protocole, p. 7). L’école serait transformée en garderie, sinon en univers kafkaïen.

La stabilité des classes, des groupes et des élèves est une stratégie claire visant à réduire le brassage des élèves. Les écoles et établissements scolaires doivent donc définir, avant leur réouverture et en fonction de la taille de l’établissement, l’organisation de la journée et des activités scolaires de manière à intégrer cette contrainte. (Protocole, p. 7)

D’abord les Petites sections ou les Grandes sections ? Les CP ou les CM2 ? Mais il faudrait aussi assurer l’accueil des fratries en dehors de ces niveaux ? Et s’il y a 15 élèves par classe maximum, lesquels prendre ou sélectionner ? Comment faire avec les prioritaires que sont les enfants de soignants, d’enseignants ou des forces de l’ordre ? Ils restent ensemble toute la semaine d’école pendant que les autres viennent un jour sur deux ? Une chose est sûre, en cas de suspicion de maladie, ce seront les parents qui garantiront les soins avec « l’appui de du médecin ou de l’infirmier de l’éducation nationale pourra être sollicité si les parents/responsables légaux sont en difficulté pour assurer cette démarche de prise en charge » (p. 52). Mais les personnels de santé ont quasiment disparu car il n’y avait plus que 990 médecins scolaires dans toute la France en 2018.

Il faut l’appel des syndicats à la grève générale à partir du 11 mai

Les travailleurs de l’enseignement et les ATSEM, comme les travailleurs parents d’élèves, ne veulent pas d’une école servant de garderie pour permettre la « reprise économique » à tout prix. La prudence face au Covid-19 impose le report de la rentrée, comme le Conseil scientifique l’a préconisé le 24 avril.

De ce point de vue, les atermoiements et les complaisances des directions des syndicats de l’Éducation nationale aident le gouvernement. Le syndicat majoritaire mendie toujours « l’élaboration d’un cadre national de réouverture des écoles, validé par les autorités scientifiques et médicales », au lieu d’appeler à la grève à partir du 11 mai jusqu’au report de la rentrée. Il préconise une démarche individuelle ou, au mieux, par école.

Le syndicat a pris soin de déposer une alerte sociale à compter du 11 mai et, afin d’éviter tout retour précipité, il accompagnera les enseignants et enseignantes sur les modalités d’usage du droit de retrait et du droit d’alerte. (Snuipp-FSU, 29 avril)

Le « droit de retrait face à un danger imminent et immédiat » est une démarche individuelle que la hiérarchie peut sanctionner, comme l’y incite la note de service de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique du 31 mars.

Les autres directions syndicales ne font pas mieux. Sud-Éducation « appelle tous les personnels à exercer leur droit de retrait à compter du 11 mai. » (29 avril). Le SE-UNSA « se met en capacité d’accompagner les équipes pour les protéger d’une reprise précipitée et imposée. » (28 avril). La CGT Educ’action « exige l’abandon de cet objectif du 11 mai et de ne décider d’une date qu’après avoir travaillé aux conditions de réouverture » (28 avril). Le SNUDI-FO prétend refuser le 11 mai mais sans appel à la grève, il « invite les collègues à multiplier les initiatives, avec le syndicat, pour porter ces exigences sous toutes les formes possibles » (19 avril). Encore plus couarde, la direction du Sgen-CFDT « demande au ministre de revoir sa décision. » (1er mai).

Dernière trouvaille des chefs syndicaux : 3 des 4 principaux syndicats du primaire (Snuipp-FSU, Se-UNSA, Sgen-CFDT) lancent la pétition en ligne titrée « Aucune reprise sans garanties sanitaires et pédagogiques » (3 mai). Contre l’appel à la grève, ils demandent « que la semaine du 11 au 15 mai soit une semaine de prérentrée avant une possible réouverture des écoles. » et « si nécessaire une procédure d’alerte sera enclenchée qui pourra conduire à exercer notre droit de retrait à l’échelle de l’école ». Bref, laisser faire « la rentrée » de Macron-Blanquer, puis envoyer éventuellement une lettre, école par école, une fois l’objectif du gouvernement réalisé et les travailleurs démoralisés et éparpillés.

Les enseignants et les ATSEM, avec les parents d’élèves, doivent exiger de tous leurs syndicats :

  • la tenue d’assemblée générale de tous les travailleurs concernés dans les établissements le 11 mai (dans le respect des règles sanitaires)
  • l’appel à la grève générale jusqu’au report de la rentrée scolaire

C’est la seule voie pour protéger les personnels, les élèves et leurs familles. C’est la seule voie pour interdire la circulation du virus et une seconde vague mortelle.

3 mai 2020