La Nakba et la naissance du dernier État colonial
La résistance de la population arabe de la Palestine, une ancienne province de l’empire ottoman passée sous le contrôle de la Grande-Bretagne en 1917, commença à cette date, quand les sionistes, un mouvement nationaliste qui préconisait depuis le XIXe siècle le départ des Juifs d’Europe vers un lieu qui leur aurait été donné par Dieu, commencèrent à acheter des terres.
Après la victoire de Hitler, les dirigeants sionistes cherchèrent à collaborer avec le régime nazi. De leur côté, les États bourgeois démocratiques (États-Unis, France, Grande-Bretagne…) refusaient d’ouvrir leurs frontières aux Juifs persécutés, ce qui conduisit des centaines de milliers d’entre eux en Palestine. L’extermination des Juifs d’Europe donna une impulsion inespérée au sionisme. Parallèlement, l’ONU était formée par les anciens Alliés, c’est-à-dire les puissances impérialistes occidentales et la bureaucratie stalinienne de l’URSS. En novembre 1947, l’assemblée générale de l’ONU vote la partition de la Palestine entre un État juif et un nouvel État arabe à l’initiative des États-Unis appuyés par l’URSS (résolution 181).
Sans attendre, les organisations terroristes sionistes (Haganah, Lehi-Stern, Irgoun) déclenchent en mars 1948 le plan Dalet pour expulser le maximum d’Arabes. Israël est proclamé en mai 1948. Les armées des États bourgeois voisins (Égypte, Jordanie, Syrie, Liban, Irak) lui déclarent la guerre. Le médiateur suédois de l’ONU est assassiné par le groupe Leni-Stern. Les États arabes concluent des armistices avec Israël. Malgré le « socialisme » que la plupart affichent, ils vont s’en prendre aux Juifs de leurs propres pays, renforçant l’idéologie sioniste et fournissant une immigration importante à Israël.
Le résultat de l’épuration ethnique de 1947-1949 (Nakba) est que, sur 1,5 million de Palestiniens, 160 000 survivent en Israël, 1 million se retrouvent à Gaza (dont l’Égypte prend le contrôle) ou en Cisjordanie (annexée par la Jordanie), plus de 300 000 dans d’autres États. Israël a été reconnu par l’ONU en mai 1949 (résolution 273) avec le vote des pays impérialistes et de l’URSS.
Bien que bâti par les dirigeants athées du Mapai (Parti travailliste) fondateur de la Haganah, Israël est tout sauf laïc : les mariages sont religieux, les fondamentalistes religieux sont dispensés du service militaire, les rabbins définissent qui est Juif… Son mouvement ouvrier est majoritairement colonialiste : par conséquent, il est imprégné de collaboration de classes et infecté de racisme : le Mapai et la centrale syndicale Histadrout rejettent les travailleurs arabes. Seuls le Maki (Parti communiste israélien) et sa scission de 1962, le Matzpen influencé par le trotskysme, organisent Juifs et Arabes. Israël, après sa proclamation, poursuit la destruction des villages arabes au sein de ses frontières. Il se dote, au mépris des traités internationaux, de l’arme nucléaire avec l’aide de la France, il collabore avec le régime d’apartheid d’Afrique du Sud et ne cesse jamais d’être en guerre.
La capitulation historique des chefs palestiniens
Le nationalisme bourgeois palestinien (Fatah) avait pour but de fonder son propre État, le plus vaste possible, en mobilisant contre Israël les réfugiés, jusqu’à prendre les armes dans les années 1960-1970, en tablant sur la pression de l’URSS ainsi que des États arabes existants permettant de mener la guérilla aux frontières d’Israël. Mais la bureaucratie de l’URSS avait reconnu Israël à sa fondation et les armées des États arabes voisins se révélèrent incapables de résister à l’armée israélienne. Certaines fractions de la bourgeoisie arabe ont massacré elles-mêmes les combattants et réfugiés palestiniens (Jordanie, Liban, Syrie).
Avec la crise économique en URSS des années 1980 et le déclin du nationalisme panarabe au profit de l’islamisme, l’OLP dirigée par Arafat (Fatah) a discuté avec Israël à partir de 1978, a accepté la partition en deux États en 1988, a négocié avec les États-Unis et Israël en1991, a signé les accords d’Oslo I en 1993 et d’Oslo II en 1995, a révisé officiellement la Charte de l’OLP en 1996. Le FDPLP a aussi reconnu Israël, le FPLP s’y opposa mais resta dans l’OLP. En échange, l’OLP se vit confier en 1996 la sous-traitance de la gestion de la bande de Gaza et la Cisjordanie sous le nom de « Autorité palestinienne » ». Arafat mourut en 2004 dans des conditions étranges. L’appareil policier des « territoires palestiniens » fut forgé par les États-Unis et travaille depuis avec Israël.
Cette trahison du Fatah, entraînant l’aile gauche de l’OLP (FDPLP, FPLP) dans son discrédit, a permis au Hamas, la branche cléricale de la bourgeoisie palestinienne, d’emporter les élections en 2006. Le Fatah, avec l’appui de l’impérialisme, a gardé le pouvoir en Cisjordanie mais l’a perdu dans la bande de Gaza. Israël a détruit trois fois Gaza en onze ans et le soumet à un blocus terrestre, aérien et maritime depuis 2007. La bande de Gaza reste aidée par l’Union européenne ; en outre, le Hamas est soutenu financièrement et militairement par deux régimes islamistes (le Qatar et l’Iran). Soumis à la pression d’Israël et de l’Égypte, sans reconnaître formellement Israël, il a accepté à son tour la coexistence de deux États. En 2017, il a amendé sa charte qui accepte le partage de la Palestine selon les frontières de 1967, c’est-à-dire la position de l’ONU.
Les deux États, légitimation de la colonisation
Trump prétend que sa position est « équilibrée », puisqu’elle inclut le droit des Palestiniens à avoir leur propre État. Rien de nouveau, puisque c’est la solution de la Commission Peel en 1937, de l’ONU en 1947, des accords d’Oslo en 1994, de l’accord de Wye River en 1998, de la « feuille de route » de 2003… Pourtant, un ancien négociateur israélien des accords d’Oslo regrette que le nouveau projet étatsunien ne ménage pas assez les représentants politiques de la bourgeoisie palestinienne.
Il y a une différence entre une capitulation et un plan de paix. Mais même les conditions d’une capitulation ont plus de chances d’être durables si elles sont construites de manière à maintenir un semblant de dignité de la partie vaincue. (Daniel Levy, The American Prospect, 30 janvier)
En fait, il n’a jamais été question de deux États égaux, ce qui est incompatible avec le projet sioniste, avec la colonisation. Pour Israël et les puissances impérialistes, il s’agissait d’accorder moins qu’un État, un simulacre.
En mars 1991, quand les États-Unis ont commencé à faire pression sur l’OLP pour obtenir les accords d’Oslo, le ministre des affaires étrangères étasunien (James Baker) a reçu secrètement à Washington l’envoyé du roi de Jordanie (Adnan Abu Odeh).
Écoutez, M. Odeh, je vais vous dire une chose en tant que secrétaire d’État. Il n’y aura pas d’État palestinien. Il y aura une entité, moins qu’un État, plus que l’autonomie. C’est la meilleure issue que nous puissions obtenir avec les Israéliens. (cité par David Hearst, 4 février 2019, site Union juive française pour la paix)
Peu avant d’être assassiné par un fanatique sioniste qui n’acceptait pas qu’il négociât avec les Palestiniens, le premier ministre israélien (alors du Parti travailliste) l’avait clairement expliqué.
Les frontières de l’État d’Israël seront au-delà des lignes qui existaient avant la guerre des Six Jours. Nous ne reviendrons pas aux lignes du 4 juin 1967. La frontière de sécurité de l’État d’Israël sera située dans la vallée du Jourdain au sens le plus large du terme… À côté, une entité palestinienne… Nous aimerions que ce soit une entité qui soit moins qu’un État, et qui gérera indépendamment la vie des Palestiniens sous son autorité. (Yitzhak Rabin, Discours à la Knesset sur les accords d’Oslo II, 5 octobre 1995)
Toujours plus d’exigences envers les Palestiniens
Comme le dit un ancien dirigeant en exil de feue l’organisation révolutionnaire et antisioniste Matzpen, les « plans de paix » successifs obéissent à une logique.
À chaque fois, les Palestiniens et les Israéliens reçoivent un plan. Les Palestiniens l’acceptent ou le rejettent. S’ils le rejettent, ils sont blâmés. S’ils l’acceptent, alors les Israéliens posent de nouvelles conditions préalables. (Moshé Machover, Weekly Worker, 20 février)
Parmi les exigences nouvelles, l’État palestinien devra « éduquer » son peuple pour en finir avec les « discours de haine » : « l’État d’Israël, l’État de Palestine et les pays arabes travailleront ensemble pour contrer le Hezbollah, l’EI (Daech), le Hamas… et tous les autres groupes et organisations terroristes, ainsi que les autres groupes extrémistes ».
Rien de semblable n’est exigé d’Israël, alors que les médias de masse, le Likoud et ses partenaires politiques tiennent des discours de haine envers les Arabes, alors que les soldats malmènent quotidiennement les Palestiniens, que des colons racistes armés et protégés par l’armée israélienne attaquent régulièrement les biens et les personnes dans les territoires de l’Autorité palestinienne.
Le nouveau plan supprime la notion de réfugiés, entérinant la fin, en 2018, du financement par les États-Unis (suivis par la Suisse et les Pays-Bas) de l’agence de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Le plan Trump-Nétanyahou interdit explicitement aux descendants des expulsés de retourner dans leurs foyers. Le « problème des réfugiés » devra être résolu par les États arabes qui « ont la responsabilité morale de les intégrer dans leur pays comme les Juifs ont été intégrés dans l’État d’Israël ». Ils ne pourront s’installer dans l’État palestinien qu’avec l’accord d’Israël.
Enfin, les représentants des Palestiniens devront reconnaître Israël comme « État-nation du peuple juif », ce qui légitime le mythe sioniste qui fait d’Israël l’État non de ses citoyens mais celui de tous les Juifs du monde, conformément au changement par Nétanyahou de la « loi fondamentale » (constitution d’Israël) en 2018.
Cela fragilise la position des Arabes (20 % de la population d’Israël) qui sont politiquement des ressortissants de seconde zone et économiquement constituent la partie la plus exploitée de la classe ouvrière israélienne. D’ailleurs, Trump envisage de sortir des frontières d’Israël la population arabe du « triangle », où vivent plus de 260 000 Arabes israéliens, pour la reléguer dans le futur « État palestinien ».
« L’État palestinien » selon Trump et Nétanyahou
Rien dans les accords d’Oslo n’interdisait la poursuite de la colonisation sur les territoires de l’Autorité palestinienne.
À peu près tous ceux que je connaissais à l’époque, et moi en tête, avons été trompés par le battage médiatique affirmant que l’occupation était sur le point de prendre fin. Mais en réalité, Oslo visait à réorganiser l’occupation et non à y mettre fin. (Michel Warschawski, ancien dirigeant de Matzpen et membre de la « 4e Internationale » pabliste, cité par Jonathan Cook, 17 septembre 2018, site Union juive française pour la paix)
Aujourd’hui, Israël se voit reconnaître par Washington le droit d’annexer à nouveau de larges portions des territoires de la Palestine : toutes les enclaves juives implantées à Jérusalem et en Cisjordanie plus la vallée du Jourdain (700 000 colons). Jérusalem est envisagée comme la capitale « indivisible » d’Israël, comme l’a déjà déclaré le gouvernement étasunien fin 2017.
Le gruyère qui reste ne serait pas pour autant un véritable État. Il aurait moins de pouvoir que les bantoustans créés par l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1970. La bande de Gaza restera le terrain d’expérimentation des armements des groupes capitalistes israéliens exportés dans le monde entier.
La majorité des Palestiniens sous le contrôle d’Israël, à Gaza et en Cisjordanie, ne jouent guère de rôle dans l’économie israélienne. Ils servent principalement à tester les équipements de sécurité et les armements. Ils sont les cobayes sur lesquels ces produits sont utilisés, ce qui permet de les vanter comme ayant fait leur preuve sur le terrain et non en simple simulation. (Moshé Machover, Weekly Worker, 20 février)
La seule référence à la violence que subit la population de ce ghetto de 2 millions de personnes est qu’elle « a souffert pendant trop longtemps sous le régime répressif du Hamas ».
Israël aura « la responsabilité primordiale de la sécurité sur l’État de Palestine » et sera responsable de « la sécurité à tous les points de passage internationaux vers l’État de Palestine », ce qui signifie que le nouvel État n’aura de contrôle sur aucune de ses frontières. Israël « continuera également à contrôler l’espace aérien » et les télécommunications.
« L’État palestinien » ne sera pas autorisé à avoir des capacités militaires. Il n’aura « pas le droit de conclure des accords militaires, de renseignement ou de sécurité avec un État ou une organisation qui affecte négativement la sécurité de l’État d’Israël, telle qu’elle est définie par l’État d’Israël ».
Non seulement Israël va s’emparer des terres fertiles qui lui échappaient encore, mais il aura la mainmise sur l’eau.
Selon « l’accord du siècle », Israël conservera le contrôle global de l’eau. Déjà, Israël a la part du lion. Les Palestiniens ne sont pas autorisés à creuser de nouveaux puits, par exemple. Si vous allez dans les colonies de Cisjordanie, vous verrez des piscines et des pelouses vertes. Par contre, les paysans palestiniens n’ont droit qu’à une faible part de l’eau. (Moshé Machover, Weekly Worker, 20 février)
Partout dans le prétendu « État palestinien » et spécialement à Gaza, le manque d’eau potable poussera au départ.
Adnan Ghosheh, spécialiste en chef de l’eau et de l’assainissement, évoque une époque, pas si lointaine, où chacun à Gaza pouvait boire l’eau de son robinet. C’était à la fin des années 1990. Depuis, la nappe phréatique a été tellement exploitée que l’eau de mer s’y est infiltrée, rendant l’eau du robinet impropre à la consommation, car trop salée. Ce facteur, parmi d’autres, explique que 10 % seulement des Gazaouis ont accès à l’eau potable… Les autres dépendent de camions citernes. Quelque 150 opérateurs fournissent une eau plus ou moins dessalée qui, une fois filtrée, peut être bue ou utilisée pour la cuisson des aliments. Elle coûte plus cher et, au regard de nos critères définissant une eau suffisamment salubre pour être consommée, elle n’est pas vraiment potable. (Banque mondiale, 22 novembre 2016)
L’impuissance de l’OLP et du Hamas
De retour en Israël, Nétanyahou a estimé que « les Palestiniens vont sans doute prendre beaucoup de temps pour arriver au début de ce chemin ». En effet, même Abbas et le Fatah ne peuvent, sans se suicider politiquement, accepter le plan Trump-Nétanyahou.
Mahmoud Abbas, 84 ans, s’est contenté de redire non, « mille fois non », avec une emphase où l’épuisement le disputait à l’exaspération. Il a redit que « Jérusalem n’est pas à vendre. Nos droits ne sont pas à vendre », entouré par des représentants des factions palestiniennes, y compris du Jihad islamique, groupe armé radical de Gaza. (Le Monde, 29 janvier)
Déjà, l’interdiction du Mouvement islamiste en Israël (Frères musulmans) en 2015, le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem en 2018, les assassinats répétés de manifestants sur les bordures de Gaza en 2018, la prise d’assaut de la mosquée Al-Aqsa par les colons le jour de l’aïd en 2019 n’avaient pas engendré de grande résistance des dirigeants palestiniens et des États arabes. Abbas n’a guère de moyens de riposter au plan Trump-Nétanyahou, l’AP ayant les poings et les pieds liés par Israël et les États-Unis.
Son entourage avait agité ces derniers jours la menace d’une réduction de la coopération sécuritaire avec Israël, voire une dissolution de l’Autorité palestinienne, qui laisserait à Israël la responsabilité d’assumer seul le contrôle sécuritaire en Cisjordanie, comme avant les accords d’Oslo, signé en 1993. Cette menace n’est pas nouvelle mais rien n’a été rien spécifié. (Le Monde, 29 janvier)
Abbas en est réduit à miser sur l’échec de Trump à la présidentielle de 2020, ce qui ne changerait rien à la mainmise d’Israël sur la Cisjordanie et Jérusalem. Les États bourgeois arabes qui gagnaient autrefois une popularité en soutenant, en paroles, la cause des Palestiniens, sont disloqués (Syrie, Irak) ou s’en dispensent de plus en plus. La plupart d’entre eux dépendent militairement des États-Unis (monarchies du Golfe, Égypte…). Le souci principal de plusieurs d’entre eux est de contrer l’Iran, ce qui les rapproche des États-Unis et d’Israël.
Quant au Hamas, qui a pour habitude de faire pression (ou de laisser faire pression par son concurrent en bigoterie et en antisémitisme, le Djihad islamique) sur l’État sioniste par des tirs de roquette et des attentats suicides, il a pris prudemment ses distances avec le Djihad que l’armée israélienne a attaqué en février à Gaza et en Syrie. Le Hamas continue à respecter la trêve conclue avec l’État sioniste en mai 2019.
La défense du capitalisme français conduit à la reconnaissance d’Israël
L’Union européenne a exprimé sa réticence.
L’initiative américaine, telle que présentée le 28 janvier, s’écarte des paramètres convenus au niveau international… Notre attachement à une solution négociée fondée sur la coexistence de deux États, sur la base des frontières de 1967, avec des échanges de terres équivalents, selon ce qui pourrait être convenu entre les parties, avec l’État d’Israël et un État de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant, souverain et viable, vivant côte à côte dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle. (Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères, 3 février)
En France, les bureaucraties syndicales (CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU…) et les partis sociaux-impérialistes (PS, PCF, LFI…) suivent leur maître, la bourgeoisie française. Par conséquent, ils soutiennent l’ONU et sa « solution » de deux États, ils reconnaissent Israël.
Nous devons continuer à exiger de notre gouvernement la reconnaissance de l’État de Palestine dans des frontières sûres et reconnues, celles de 1967. (PCF, 14 février)
S’ils critiquent Trump, c’est au nom des intérêts de l’impérialisme français au Proche-Orient.
Cette provocation supplémentaire ne pourra qu’aggraver la crise qui touche tout le Proche Orient. La France doit condamner immédiatement ce plan indéfendable… Le Proche-Orient a besoin d’ordre légal. (Communiqué de presse du groupe parlementaire de La France insoumise, 2 février)
Leurs satellites « trotskystes » n’affrontent pas plus sur ce terrain les agents de la bourgeoisie que lors des trahisons des luttes sociales. Certes, la LCR se prononçait, quand l’OLP menait la guérilla, pour la destruction d’Israël, mais elle s’alignait ainsi sur le nationalisme arabe. Lors des accords d’Oslo, elle tourna casaque. Le NPA, issu de sa liquidation, a rejoint LO dans l’ambiguïté vis-à-vis d’Israël et de la « solution » de deux États.
Nous ne considérons pas que la disparition de l’État d’Israël soit nécessaire ou souhaitable. Nous pensons même que son existence pourrait être bénéfique à toute la population arabe et juive du Moyen-Orient. (Lutte de classe, juillet 1967)
Le leurre de la campagne pour le boycott d’Israël
Sous le nom de « boycott, désinvestissement et sanctions » (BDS), le mouvement national palestinien tente depuis 2005 de relancer le boycott d’Israël déjà décidé en 1945 par la Ligue arabe (une entente des États bourgeois de la région). L’ONU vient de lui donner un coup de pouce en listant les entreprises qui tirent profit des activités illégales de colonisation d’Israël en Cisjordanie (février 2020).
La légende des pacifistes petits-bourgeois, les mêmes qui oublient que l’ANC était engagée dans la lutte armée, est que la campagne pour le boycott par les consommateurs occidentaux des oranges d’Afrique du Sud a fait tomber l’apartheid, alors que ce sont les luttes collectives, les grèves ouvrières et le soulèvement des quartiers noirs qui l’ont mis en cause.
Les communistes internationalistes ne s’opposent pas au boycott par les consommateurs des produits israéliens qui est appuyé en France par le NPA, LFI, le PCF ainsi que les syndicats ou associations qu’ils dirigent (comme l’AFPS). Mais ils sont sceptiques sur son efficacité et même hostiles à son extension au sport, à la culture et à la recherche.
Les armes exportées par Israël sont testées sur les Palestiniens, les armes importées par Israël servent à terroriser et à massacrer les Palestiniens. Pourquoi les syndicats du transport de tous les pays ne refusent-ils pas de transporter les armements à destination d’Israël (le 16e budget militaire du monde pour la 98e population du monde) ou en provenance d’Israël (le 8e exportateur d’armes du monde) ? Parce que ceux qui les dirigent sont en fait des sociaux-patriotes qui ne veulent pas nuire à leur propre bourgeoisie, à « leurs » exportateurs d’armes (par exemple, le capitalisme français est le 4e vendeur du monde) ou à « leurs » forces militaires.
Nous semons encore moins d’illusions sur les appels aux capitalistes français à désinvestir et sur les suppliques à l’État français pour des mesures diplomatiques. Alors que les initiateurs de cette campagne se situent tous sur le terrain du respect des frontières de 1967, pour les communistes internationalistes, cette campagne pour le boycott ne doit en aucun cas servir de substitut à la revendication et à l’objectif qui doivent rester centraux pour quiconque veut exprimer sa solidarité réelle avec le peuple palestinien : la destruction de l’État colon et raciste d’Israël.
Pourquoi il faut démanteler Israël
Le sionisme justifie l’oppression d’un peuple. Les travailleurs conscients ne peuvent être neutres face à l’oppression nationale, à l’apartheid, à la colonisation, à l’épuration ethnique. L’apartheid a pu être supprimé au sud des États-Unis par la lutte des descendants des esclaves qui représentaient une partie importante de l’électorat et du prolétariat ; il a pu être supprimé en Afrique du Sud car les descendants des peuples d’origine et les immigrés luttaient pour l’égalité, tout en représentant la majorité de la classe ouvrière. Mais le but de la bourgeoisie israélienne n’est pas d’exploiter les Arabes de la Palestine, mais de les expulser.
La reconnaissance de l’oppression nationale dont souffrent les Palestiniens conduit nécessairement à la mise en cause de l’État sioniste comme obstacle à toute solution démocratique. La destruction du mur, l’égalité entre Juifs et Arabes, le droit au retour des millions de réfugiés ne pourront être obtenus en maintenant un État colonial propulsé depuis sa naissance par la « communauté internationale » incluant la bourgeoisie française.
Une solution démocratique passe par le démantèlement de l’État sioniste, clérical et raciste, belliciste et instrument de l’impérialisme occidental au Proche-Orient. Contre toutes les bourgeoisies (américaine, israélienne, arabe, turque, iranienne…), la mobilisation des travailleurs à Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza, en Israël, en Jordanie… permettra d’instaurer une Palestine démocratique, laïque et multiethnique, dans laquelle pourront vivre ensemble Arabes et Juifs, musulmans, israélites, chrétiens et athées… Pour que les travailleurs juifs rompent avec la bourgeoisie israélienne, il faut leur garantir qu’ils auront le pouvoir avec les travailleurs arabes sur tout le territoire de la Palestine.
Une telle Palestine ne sera viable que par l’extension de la révolution socialiste, l’abolition des frontières héritées de la colonisation et l’instauration de la fédération socialiste du Proche-Orient. Seul le prolétariat conscient, sous la forme d’une internationale ouvrière (et des partis ouvriers révolutionnaires dans chaque État) peut mener un tel combat. La classe ouvrière, ralliant les paysans et les étudiants, est la force sociale qui est capable de contrer les fanatismes religieux et d’instaurer la laïcité, de liquider la colonisation sioniste en Palestine et l’oppression séculaire des Kurdes, d’en finir avec la domination impérialiste et la réaction islamiste, d’émanciper les jeunes et les femmes, de donner la terre aux paysans, la formation à la jeunesse, l’emploi à tous et d’assurer le développement économique.