L’impérialisme américain met fin à la fiction des deux États
L’État américain, gouvernements démocrates et républicains confondus, a soutenu depuis 1948 l’État colonial israélien et les divers gouvernements sionistes, comme ils ont toujours misé sur la monarchie absolue, cléricale et antisémite d’Arabie saoudite et des autres pétromonarchies du Golfe (les Émirats en particulier qui sont fortement impliqués avec l’armée saoudienne dans le massacre des civils au Yémen). Or, les États-Unis ont perdu du terrain dans la région depuis le retrait d’Irak et d’Afghanistan, depuis l’éclatement de la Syrie en 2012 entre l’islamisme soutenu par les monarchies du Golfe et la Turquie d’une part, et par le régime sauvé par l’impérialisme russe et la théocratie iranienne d’autre part. Cet affaiblissement relatif a renforcé l’Iran et la Russie en Syrie et dans la région, avec un certain éloignement de la Turquie mais aussi un solo mesuré de l’Arabie saoudite et du Qatar par rapport à la doxa américaine.
L’élection de Trump en novembre 2016 a marqué une nouvelle étape. En effet, le nouveau gouvernement américain a changé de politique pour tenter de reprendre l’initiative dans la région. Ainsi, Trump, encadré par les généraux du Pentagone et par des chefs tortionnaires de la CIA, a nettement infléchi la doctrine traditionnelle de l’impérialisme américain de la dernière période (accords d’Oslo promus par Clinton et Bush fils) qui ont débouché sur la paralysie d’Obama. Il est revenu sur l’accord négocié sur le nucléaire iranien [voir Révolution communiste n° 12], au détriment des peuples d’Iran qui pensaient échapper enfin au blocus ; il a accordé au gouvernement islamiste turc le droit d’intervenir militairement en Syrie et en Irak contre les velléités d’autonomie des nationalistes kurdes, l’autorisant à massacrer avec des mercenaires islamistes syriens les Kurdes du PKK-PYD-KCK ; il encourage le prochain monarque d’Arabie saoudite qui impose un blocus au Qatar et détruit le Yémen ; il appuie le Premier ministre raciste et militariste d’Israël qui étrangle la bande de Gaza, poursuit la colonisation de Jérusalem et de la Cisjordanie, redouble sa politique de terreur contre les Palestiniens.
Le plus spectaculaire est l’annonce par Trump du transfert de Tel Aviv à Jérusalem le 6 décembre 2017 de l’ambassade étasunienne, mettant fin de facto à la fiction des deux États induite par les accords impérialistes d’Oslo de 1993 ainsi qu’aux illusions véhiculées tant par l’Autorité palestinienne que par le Hamas, les deux partis bourgeois repaires de bigots et d’affairistes en tout genre. En outre, l’État américain, pour contraindre politiquement les Palestiniens à la capitulation, a gelé la plupart des versements prévus à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, aggravant la situation dramatique de Gaza, soumise au blocus inhumain d’Israël et de l’Égypte.
La constitution de Netanyahou consacre Israël comme « foyer national du peuple juif »
Dès lors, le gouvernement réactionnaire de Netanyahou, se voyant conforté par son puissant protecteur, a accéléré sa politique colonialiste et raciste.
Depuis cette date, le gouvernement sioniste a multiplié les massacres contre les Palestiniens qui manifestaient pacifiquement dans le cadre de la Marche du retour, tuant et blessant des centaines de personnes à la frontière de la bande de Gaza [voir Révolution communiste n° 29].
L’armée israélienne multiplie les immixtions en Syrie et attaque chaque semaine l’armée syrienne et les troupes iraniennes, sans que cela soulève la moindre émotion dans les médias occidentaux.
Le 19 juillet, les députés de la Knesset ont adopté par 62 voix contre 55 un texte définissant Israël comme le « foyer national du peuple juif » et précisant ses attributs. Ce nouveau texte modifie la « Loi fondamentale d’Israël » (qui lui tient lieu de constitution). Le premier ministre, Benyamin Netanyahou, a estimé qu’il s’agissait d’un « moment charnière » dans l’histoire du pays. En revanche, Ayman Odeh, le chef de file des députés de la Liste arabe unie, coalition politique de partis arabes bourgeois et ex-staliniens, a exprimé l’émoi de la minorité arabe, qui représente 20 % de la population. Le texte, a-t-il dit, consacre « la suprématie juive, nous disant que nous serons toujours des citoyens de seconde classe ».
Et de fait, la nouvelle constitution accorde uniquement aux Juifs le droit à l’autodétermination dans l’État d’Israël, « foyer national du peuple juif ». Elle rappelle les symboles nationaux : l’hymne (Hatikvah), le drapeau, l’emblème d’État qu’est la menora à sept branches avec les branches d’olivier, ou encore le calendrier hébraïque. Elle fixe les jours de fêtes d’État, comme celle de l’indépendance ou la journée du souvenir en mémoire des disparus pendant les guerres ou lors de l’Holocauste.
En outre, elle confirme la prétention du sionisme à représenter l’ensemble des populations du globe se réclamant de la religion hébraïque ou se sentant juifs. La nouvelle constitution proclame que l’État d’Israël doit s’assurer de « la sécurité des membres du peuple juif en danger ou en captivité en raison de leur judaïté ou de leur citoyenneté ». Contre l’assimilation, Israël doit veiller à « renforcer les affinités » entre l’État et la diaspora, préserver l’héritage culturel, historique et religieux du « peuple juif ».
La nouvelle Loi fondamentale définit Jérusalem comme « capitale complète et unie » d’Israël, concrétisant les décisions politiques des États-Unis en la matière. Enfin, le statut de la langue arabe est dégradé. Elle n’est plus dorénavant langue d’État, au même titre que l’hébreu, mais se voit promettre un vague « statut spécial ». Enfin, elle légitime la poursuite de la colonisation : « le développement des communautés juives », les colonies de peuplement en Cisjordanie sont déclarées « valeur nationale » et l’État « agira pour encourager et promouvoir leur établissement et leur consolidation ».
Pour une Palestine unifiée, oeuvre de la révolution socialiste au Proche-Orient
Le député du Likoud qui a porté le texte, Avi Dichter, s’est pour sa part adressé en ces termes aux députés arabes qui protestaient : « Vous n’étiez pas là avant nous et vous ne serez pas ici après nous ». « Vous n’étiez pas là avant nous » n’a guère de sens à l’échelle de l’histoire. Le Levant, depuis la révolution néolithique, a vu passer de multiples ethnies et beaucoup de brassages s’y sont opérés. Parmi les « Juifs » du monde, figuraient des descendants d’autres ethnies dont les membres avaient adopté la religion hébraïque ; dans les ancêtres des « Arabes » palestiniens, se trouvaient des Juifs ethniques qui avaient embrassé la religion chrétienne ou musulmane. « Vous ne serez pas ici après nous » est pire. Il signifie l’expulsion des Arabes de tout le territoire de la Palestine, une épuration ethnique.
La formule sioniste justifie l’oppression d’un peuple par un autre. Les travailleurs conscients ne peuvent être neutres face à l’oppression nationale, à l’apartheid, à la colonisation, à l’épuration ethnique. La fin de l’oppression nationale des masses arabes palestiniennes, le droit au retour des millions de réfugiés ne pourront être obtenus dans le cadre de cet État colonial, clérical et raciste. L’adoption de la nouvelle loi fondamentale le vérifie.
La solution démocratique passe par le démantèlement de l’État sioniste, belliciste et instrument de l’impérialisme occidental au Proche-Orient. Contre toutes les bourgeoisies (américaine, israélienne, arabe, turque, iranienne…), la mobilisation des travailleurs à Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza, en Israël, en Jordanie… permettra d’instaurer une Palestine démocratique, laïque et multiethnique, dans laquelle pourront vivre ensemble arabophones et locuteurs de l’hébreu moderne, Arabes et Juifs, musulmans, israélites, chrétiens et athées… Pour que les travailleurs juifs rompent avec la bourgeoisie israélienne, il faut leur garantir qu’ils auront le pouvoir avec les travailleurs arabes sur tout le territoire de la Palestine. Jérusalem, avec ses traditions multiculturelles serait probablement la capitale de la Palestine socialiste
Elle ne sera viable que par l’extension de la révolution socialiste, l’abolition des frontières héritées de la colonisation et l’instauration de la fédération socialiste du Proche-Orient. Seul le prolétariat conscient, sous la forme d’une internationale ouvrière (et des partis ouvriers révolutionnaires dans chaque État) peut mener un tel combat. La classe ouvrière, ralliant les paysans et les étudiants, est la force sociale qui est capable de liquider la colonisation sioniste en Palestine et l’oppression séculaire des Kurdes, d’en finir avec la domination impérialiste et la réaction islamiste, d’émanciper les jeunes et les femmes, de donner la terre aux paysans, la formation à la jeunesse, l’emploi à tous et d’assurer le développement économique.
27 septembre 2018