- 300 le 30 avril avec le PCMLF,
- 30 00 le 16 mai à l’appel de la LC (à l’origine d’Ensemble, du NPA-AC et de RP) et de LO (qui a depuis chassé deux minorités qui se retrouvent dans le NPA-R), avec des délégations de la « 4e Internationale » pabliste (qui a explosé en 1979-1982). Pour les staliniens, c’est une « manifestation anti ouvrière » (L’Humanité, 17 mai 1971),
- 5 000 le 22 mai avec le PS, FO, la FEN, le Grand Orient de France, le Parti radical et l’AJS lambertiste (dont des dirigeants du POI d’aujourd’hui),
- 5 000 le 23 mai, avec la CFDT, le PSU, la GP-La Cause du peuple, l’AMR, Révolution,
- 60 000 le 24 mai, avec le PCF (qui exhibe le drapeau tricolore), la JC, la CGT, l’UNEF-Renouveau, les Amis de la Commune, la Convention des institutions républicaines (le parti bourgeois de Mitterrand).
En 2024, il y a moins de division… et moins de monde.
Le 1er mai, le Grand-Orient de France ; le 25, les Amies et les Amis de la Commune de Paris
Chaque 1er mai depuis 1971, le Grand Orient de France (GOF), la principale branche de la franc-maçonnerie française, celle où on retrouve tant de responsables de la Ligue des droits de l’homme et de la Libre pensée, Mélenchon et tant d’élus du PS, tant de bureaucrates de FO et de l’UNSA, célèbre la Commune à sa façon. Elle prétend que le combat des Communards est le même que « le combat » occulte de la franc-maçonnerie. Cette année, elle le fait avec le maire (Générations) du 20e arrondissement et célèbre spécialement… un ancien préfet de la 4e république !
Hommage aux martyrs de la Commune de Paris… le combat, notre combat… (Guillaume Trichard)
La continuité invoquée par le Grand Maitre (sic) du GOF est fallacieuse. En 1871, dans un premier temps la franc-maçonnerie paralysa les insurgés en posant à l’arbitre, comme les maires de Paris. Ensuite, ce qui restait de la franc-maçonnerie à Paris se rallia à la Commune, tandis que à l’échelle nationale elle approuvait le rétablissement de l’ordre bourgeois, la Grande Loge de France comme le GOF.
Le Grand Maitre du Grand Orient Babaud-Laribière condamne, le 29 mai 1871, l’attitude des maçons ou soi-disant tels qui se sont compromis avec une sédition qui a « épouvanté l’univers ». (André Combes, « La franc-maçonnerie et la Commune de Paris », 2000)
Les sages affectent la neutralité devant le génocide en cours à Gaza.
Le Grand Orient de France réaffirme l’exigence de la libération immédiate de tous les otages détenus par le Hamas. La Palestine, elle aussi, doit être libérée de cette organisation islamiste terroriste et de son emprise venimeuse. Quant à l’État d’Israël, démocratie moderne, il doit respecter les résolutions votées par les Nations Unies et tout mettre en œuvre pour protéger l’intégrité physique des civils palestiniens. (« Communiqué », 1 juin 2024)
Inutile de préciser que le Groupe marxiste internationaliste ne s’est pas associé à l’initiative du GOF.
L’appartenance d’un nombre considérable de communistes français aux loges maçonniques est le témoignage le plus manifeste et en même temps le plus pitoyable que notre parti français a conservé, non seulement l’héritage psychologique de l’époque du réformisme, du parlementarisme et du patriotisme, mais aussi des liaisons tout à fait concrètes avec les institutions secrètes, politiques et carriéristes de la bourgeoisie radicale. (4e congrès de l’Internationale communiste, « Résolution sur la question française », décembre 1922)
Par contre, il était présent lors de l’hommage du mouvement ouvrier au destin tragique des 147 derniers Communards qui furent exécutés au cimetière du Père Lachaise le 28 mai 1871 par l’armée versaillaise avant d’être enterrés dans une fosse commune. La traditionnelle montée au mur des Fédérés organisée par l’association les Amies et les amis de la Commune (AACP, liée au PCF) a cette année le soutien de la de la LP (contrôlée par le POI), de la CGT, de Solidaires, FSU 75, de la CNT, de LFI, du PCF, du NPA-AC, de Révolution, de l’UCL, de la FA.
Mais le mouvement ouvrier français est aux mains du réformisme, flanqué du centrisme. Les faussaires s’en sont donc donné à cœur joie.
La Commune, une « contresociété » en défense des « biens communs » ?
Selon Robin, le premier intervenant, « la démocratie communarde était celle de la libre pensée », les Communards auraient fondé la « République démocratique, laïque, universelle et sociale », pour « instaurer une contresociété <» allant « vers un horizon d’émancipation humaine ».
Ces phrases creuses sont dignes du Parti radical et du Grand Orient de France qui héritèrent de la 3e République et continuèrent à développer le capitalisme français et la colonisation tout en parlant de république, de libre pensée et d’émancipation humains.
De la « contresociété » en général à la contresociété de type ZAD en particulier, il n’y a qu’un pas. En jouant sur les mots (« commune », « communs »), Robin assimile sans vergogne le peuple de Paris de 1870-1871 aux minorités zadistes contemporaines. Il ramène la lutte historique pour l’émancipation sociale à la simple protection de « biens communs ».
Alors que le péril écologique se fait toujours plus ressentir, des mouvements s’emparent de plus en plus de la « forme Commune ». Hier Paris était une zone à défendre, aujourd’hui les zones à défendre le sont aussi pour le vivant. Hommage à celles et ceux qui protègent les communs !
La notion de « biens communs » liée aux « externalités » de l’économie néoclassique, vient d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie en 2009. Pour l’économiste bourgeoise comme pour les réformistes actuels, il ne s’agit surtout pas d’exproprier les capitalistes ni de socialiser les grands moyens de production. Il suffirait de préserver le caractère collectif de quelques biens : par exemple l’eau, souvent citée, mais aussi la « défense nationale », c’est-à-dire des armées du type de celle qui a écrasé la Commune de 1871.
Concernant les travailleurs venus de l’étranger, les organisateurs du 25 mai devraient aussi s’inspirer de la Commune.
Le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent… (Assemblée communale, « Rapport », 30 mars 1871)
La Commune, à cause du poids des artisans par rapport aux salariés, de l’influence des républicains bavards et proudhoniens arriérés, a été plus d’une fois divisée et impotente, mais une chose est certaine : les héros de 1871 ne jouaient pas à instaurer « une contresociété » à côté de celle des possédants, des exploiteurs et des réactionnaires. Ils ne visaient pas à coexister avec Versailles, ils voulaient généraliser la commune à toute la France. Ils jetaient les bases d’une nouvelle société, pour remplacer le vieux monde.
Le véritable secret de la Commune, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des exploiteurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail. Sans cette dernière condition, la Constitution communale eût été une impossibilité et un leurre. (Association internationale des travailleurs, La Guerre civile en France, 1871)
La république bourgeoise, héritière de la Commune ?
Ensuite, Caroline Viau (responsable de l’UD CGT 94 qui a donné le 9 février 2023 une entrevue à l’hebdomadaire du POI) et Michel Sidoroff (président de la Libre Pensée 75) veulent faire avaler aux travailleurs et aux jeunes que la 3e République, née de l’écrasement de la Commune de Paris, a repris son programme et que, jusqu’à des « politiques de ces dernières années », la justice, la police et l’armée étaient aux mains du peuple.
La liste des mesures démocratiques et sociales de la Commune est considérable. Si certaines d’entre elles, comme la séparation des Églises et de l’État, l’école publique, furent mises en œuvre sous la Troisième République, les politiques réactionnaires de ces dernières années nous obligent à revenir vers ce programme incarné par la Commune, qu’il s’agisse de la propriété de l’appareil de production et de la nature même de l’État : justice, armée, police, dépendantes d’un pouvoir exercé par le peuple et ses délégués.
En réalité, la 3e République, bien que le Parti radical ait pris quelques mesures contre l’Église catholique qui soutenait les monarchistes et l’armée, n’a jamais coupé les liens avec les religions (voir Benoît Mély, De la séparation des Églises et de l’école, 2004).
L’incessante guérilla menée contre la prêtraille est, pour les républicains bourgeois, un des moyens de détourner l’attention des classes laborieuses… On la mène de façon à n’atteindre jamais le but. (Rosa Luxemburg, « Anticléricalisme et socialisme », mai 1905)
En outre, la 5e République a, dès sa naissance, financé les établissements de l’Église catholique.
Quant à prétendre que « le peuple exerçait le pouvoir », que « la justice, l’armée et la police » dépendaient du pouvoir du peuple, c’est une contrevérité. Que ce soit sous la 3e République, le régime de Vichy, la 4e République ou la 5e République, la bourgeoisie française contrôlait l’État.
La république apparait en Europe comme ce qu’elle est réellement en Amérique, comme la forme la plus accomplie de la domination de la bourgeoisie. (Friedrich Engels, « La république en Espagne », 1 mars 1873)
L’appareil répressif de l’État bourgeois a servi en permanence, durant plus de 150 ans, contre la classe ouvrière et le mouvement ouvrier, contre les peuples opprimés des colonies et les immigrés. Par conséquent, il ne suffira pas de changer de gouvernement, de « changer de politique » pour mettre fin à l’exploitation, à l’oppression et à la répression, contrairement à ce que les francs-maçons et réformistes prétendent. L’ont prouvé le Front populaire en 1936, le gouvernement provisoire en 1945, l’Union de la gauche en 1981, etc.
La république, comme tout autre forme de gouvernement, est déterminée par ce qu’elle contient… elle nous est tout aussi hostile… C’est donc une illusion de lui confier des tâches socialistes. (Friedrich Engels, « Lettre à Paul Lafargue », 6 mars 1894)
Les travailleurs qui prêtent l’oreille aux mystificateurs de « la république », à ceux qui font voter pour Macron et les candidats Renaissance ou LR pour « sauver la république », ne sauront jamais comment s’y prendre pour collectiviser « l’appareil de production » ni pour instaurer le pouvoir des travailleurs, alors que la Commune a montré la voie.
Les Communards, des crétins pacifistes ?
Ensuite, Viau et Sidoroff décrivent « une aspiration à la Commune universelle, garante de paix et de prospérité des peuples, débarrassés des exploiteurs fauteurs de guerres ».
En imposant nos revendications contre l’économie de guerre, nous défendrons la paix dont les peuples, frères face à l’exploitation, ont le besoin le plus urgent. Solidaires des autres peuples contre la guerre sociale que le capital nous livre, nous nous préparons à récupérer nos conquêtes sociales spoliées, nos libertés gravement atteintes pour trouver le bonheur auquel nous avons droit.
Comment faire pour « trouver le bonheur », pour « défendre la paix », pour en finir avec « l’économie de guerre » ? La Commune a donné la réponse.
Elle n’a pu exister, trop brièvement, qu’en dissolvant la police et l’armée de métier, en les remplaçant par le peuple en armes.
Suppression de la préfecture de police. Surveillance de la cité organisée par la garde nationale placée sous les ordres de la Commune. Suppression de l’armée permanente. (Comité central des 20 arrondissements, « Manifeste », 27 mars 1871)
Cette leçon n’a pas été perdue par le Parti bolchevik, ce qui a permis la victoire de la révolution russe en 1917. En dépit du rideau de fumée du parlementarisme et du réformisme, il faut suivre l’exemple de la Commune de 1871 (désarmer les corps de répression bourgeois et s’armer, élire des représentants révocables ne touchant pas plus que les autres travailleurs) et celui de la révolution d’Octobre 1917 (s’armer, former des soviets à l’échelle de tout le pays, se doter d’un parti ouvrier révolutionnaire).
Les lutteurs de 1871 ne manquaient pas d’héroïsme. Ce qui leur manquait, c’était la clarté dans la méthode et une organisation dirigeante centralisée. C’est pourquoi ils ont été vaincus. La prochaine fois, l’action sera plus ferme, plus concentrée. Les héritiers de Thiers auront à payer la dette historique, intégralement. (Léon Trotsky, « Les leçons de la Commune », 4 février 1921)