Worontzoff, Lénine et la presse révolutionnaire, 1975 (Cahier révolution communiste 37)

Né en 1870, Lénine étudie le marxisme à partir de 1888 pour s’opposer au populisme (façon « journal anticapitaliste » du NPA) qui met toutes les luttes sur le même plan. Il anime des
cercles ouvriers à Saint Pétersbourg en 1893. Il rencontre Plekhanov en Suisse et Lafargue en France en 1895. De retour en Russie, il constitue avec Martov et Kroupskaïa une organisation régionale sociale-démocrate (c’est le nom qu’employaient, à l’époque, les partisans du socialisme scientifique). Déporté en Sibérie pour cela, Lénine polémique avec l’économisme (façon « journal d’Arlette Laguiller » de LO) qui se réclame du marxisme mais refuse, en pratique, de défendre un programme politique au sein de la classe ouvrière. Fin 1899, il s’en prend vigoureusement à un journal économiste qui prétend que la tâche se réduit « actuellement à l’amélioration de la situation des ouvriers » et qui sous-estime les capacités des travailleurs avancés.

Rabotchai Mysl [Pensée ouvrière] fait marche arrière et représente les couches inférieures du prolétariat… Les « intellectuels ouvriers » existent déjà et nous devons tout faire pour que leurs besoins intellectuels soient satisfaits, pour que de leur milieu sortent des dirigeants du Parti ouvrier social-démocrate de Russie. Aussi l’organe de tous les sociaux-démocrates russes doit se tenir au niveau des ouvriers avancés ; loin de rabaisser artificiellement son propre niveau, il devra au contraire l’élever constamment, se tenant au fait de tous les problèmes tactiques, politiques et théoriques de la sociale-démocratie internationale. C’est à cette seule condition que les besoins des intellectuels ouvriers seront satisfaits et qu’ils prendront eux-mêmes en main la cause des ouvriers et donc la cause de la révolution russe.

Après la couche peu nombreuse des ouvriers avancés vient une large couche d’ouvriers moyens. Ces ouvriers aussi aspirent ardemment au socialisme, prennent part aux cercles, lisent les journaux et les livres socialistes, participent au travail d’agitation ; le seul trait qui les distingue de la couche précédente est qu’ils ne peuvent pas devenir spontanément des dirigeants sociaux-démocrates. Dans l’organe du parti, il y aura des articles que l’ouvrier moyen ne comprendra pas ou des questions complexes qu’il ne saisira pas complètement. Il ne s’ensuit nullement que le journal doive s’abaisser jusqu’au niveau de la masse de ses lecteurs. Au contraire, il se doit précisément d’élever leur niveau de conscience… Le journal dont les ouvriers moyens forment le gros des lecteurs doit absolument rattacher à chaque question locale et étroite le socialisme et la lutte politique.

Enfin, vient la masse des couches inférieures du prolétariat. Il est très possible que le journal socialiste leur soit entièrement ou presque entièrement incompréhensible, mais il serrait absurde d’en inférer que le journal doive s’adapter au niveau le plus bas. Il faut donc les atteindre autrement : des brochures très populaires, l’agitation orale et surtout des tracts sur les évènements locaux. (Un mouvement rétrograde de la sociale-démocratie russe, 1899)

Mars 2025

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