ABC du marxisme : le racisme

L’espèce humaine actuelle est apparue en Afrique et s’est répartie sur la planète en se différenciant assez peu génétiquement, ce qui invalide l’idée de races distinctes.


Bien que le capitalisme nourrisse l’idée d’égalité, il exacerbe et systématise le racisme des sociétés féodales, esclavagistes et de castes (Kant, 1724-1804, est typique de cette contradiction). En effet, le développement économique, depuis le 15e siècle, s’opère au bénéfice principal de la classe dominante d’une poignée d’États, par la violence à l’égard de leurs propres peuples et encore plus envers d’autres peuples. Inévitablement, des systèmes d’idées s’avèrent nécessaires pour légitimer l’exploitation forcenée des êtres humains, les conquêtes coloniales, l’esclavage, l’affrontement avec des États rivaux. Ainsi naissent la xénophobie et la racialisation capitalistes. Au 18e et au 19e siècle, le racisme est hégémonique parmi la classe la plus riche, la plus instruite et la plus cosmopolite. De même que l’inégalité des femmes, le sort des ouvriers d’Europe, des esclaves d’Amérique et des peuples colonisés d’Asie et d’Afrique est expliqué sur une base faussement biologique (Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, 1853).


Suivant les besoins de telle ou telle classe dominante, le classement des « races » varie : les Africains de toute couleur de peau sont des sous-hommes pour la République française si humaniste, les Coréens sont des sous-hommes pour l’empire japonais si raffiné, les Irlandais sont des sous-hommes pour la monarchie britannique si civilisée, les Noirs et les Chinois sont des sous-hommes pour la république américaine si moderne… Les diasporas chinoise en Asie de l’Est, juive et tzigane en Europe, arménienne en Turquie sont suspectées par les nationalistes d’être des corps étrangers. Dans l’Allemagne défaite d’après la 1re Guerre mondiale, privée de ses colonies africaines par ses rivales, au territoire amputé, ravagée par la crise capitaliste mondiale de 1929, la bourgeoisie, si instruite et si cultivée, qui a écrasé de manière sanglante la révolution de ses propres travailleurs en 1919, sacrifie sa fraction juive et joue la carte du NSDAP raciste (Rosenberg, Le Mythe du vingtième siècle, 1930). Hitler promet aux grands capitalistes de remettre à leur place leurs rivaux de l’ouest et de s’emparer d’un espace colonial à l’est. Puis il massacre les handicapés « aryens », avant d’exterminer en masse les Juifs et les Gitans d’Europe. Les États « démocratiques » ferment alors leurs frontières aux réfugiés. En 1941, pour affronter ses rivaux, le gouvernement Roosevelt du Parti démocrate affecte de défendre la démocratie contre l’Allemagne, comme l’antisémite Churchill du Parti conservateur à la tête de la Grande-Bretagne. Par contre, il joue la carte raciste contre le Japon.

Après la 2e Guerre mondiale, le consensus idéologique des bourgeoisies des centres impérialistes, y compris au Japon, en Italie et en Allemagne, devient le triptyque : démocratie, antiracisme, anticommunisme (présenté comme une variante du totalitarisme analogue au fascisme). Ce tronc commun semble pertinent pour légitimer l’hégémonie américaine sur le capitalisme mondial, la reconstruction du capitalisme en Europe et au Japon, la reconstruction des États bourgeois et le désarmement de la population dans des pays où la révolution éclate (Italie, Grèce, Indochine…) ou menace de le faire (France, Belgique, Inde…). Cette idéologie s’appuie sur une croissance capitaliste prolongée qui couvre les frais de la démocratie bourgeoise : tolérer au parlement et même au gouvernement des partis d’origine ouvrière, corrompre les bureaucraties syndicales, décoloniser, financer des organisations publiques internationales pour limiter les conflits interétatiques et les crises économiques (ONU, FMI, BM, BRI…). En 1950, l’UNESCO commande des rapports à des biologistes et des ethnologues pour nourrir une campagne contre le racisme (Comas, etc., Le Racisme devant la science, 1960) dans l’illusion qu’il suffit de combattre les idées fausses par des idées justes.


Ce qui affaiblit le plus l’idéologie prépondérante de l’époque est que la réalité capitaliste en est souvent éloignée. L’ONU approuve la fondation d’un État raciste en Palestine en 1947 avec l’appui des États-Unis, de la France, de l’URSS… En Algérie, grâce au vote des députés du PCF et du PS de 1957, l’armée coloniale a les mains libres pour torturer les Arabes en Algérie (un sous-officier nommé Le Pen s’y illustre) quand Mitterrand est ministre de la justice. La ségrégation est légale aux États-Unis jusqu’en 1964. Le président américain Johnson (Parti démocrate) qui y met fin sous la pression des luttes des Afro-américains, aide aussi en 1965 l’armée indonésienne et les fascistes à massacrer les communistes et, au passage, la minorité chinoise.


Les crises économiques se succèdent et le chômage de masse réapparait dans les vieux pays impérialistes à partir de 1973. Au début du 21e siècle, les rivalités entre grandes puissances s’exacerbent le désordre climatique pèse de plus en plus en plus, les conflits se multiplient et les budget militaires explosent, des États s’effondrent (Haïti, Soudan…) ou sont détruits (Irak, Libye…) par des interventions des États-Unis et de leurs alliés « démocratiques », la colonisation raciste se poursuit en Palestine, des régimes de démocratie bourgeoise entrent en crise (Russie, Hongrie, Inde, États-Unis…), les partis bourgeois établis donnent dans la xénophobie, des partis fascisants se développent, des fascistes agressent et tuent… La discrimination affecte les immigrés au lieu des colonisés, le consensus démocratique et antiraciste s’effrite, l’idéologie réactionnaire s’ajuste (Camus, Le Grand remplacement, 2011). Aux États-Unis, pendant que la police continue à assassiner des Noirs et la justice à en remplir les prisons, le bouc émissaire devient l’émigré d’Amérique latine. En Inde, en Birmanie, en Chine les politiques discriminatoires visent les minorités musulmanes, les Bengalis, les Ouigours, les Rohingyas. En Europe de l’Ouest, les partis xénophobes ciblent suivant le cas les musulmans, les immigrés d’Afrique du Nord et de l’Ouest, d’Asie de l’ouest, du sous-continent indien. En Égypte, les souffre-douleurs des Frères musulmans sont les chrétiens. Pour l’État islamique, il faut exterminer les chiites et les yézidis. En Turquie, les accusés sont les réfugiés syriens…

Pour se défendre contre les véritables responsables des pénuries et du chômage, pour en finir avec les exploiteurs de toute nationalité et de toute ethnie, leurs gouvernements, leurs polices et leurs armées, les opprimés ont besoin de s’appuyer sur la classe ouvrière et les travailleurs ont besoin de surmonter les divisions (langue, qualification, sexe, nationalité, ethnie, âge, croyance…).

Pour y parvenir, il faut que son avant-garde combatte fermement les directions sociales-chauvines vendues à leur propre bourgeoisie et donc adeptes d’une « politique migratoire »  Je pense qu’il y a un problème avec la communauté tchétchène en France », Mélenchon, 18 octobre 2020). Pour ouvrir la voie à l’égalité réelle des travailleurs, à l’abolition des frontières périmées, au socialisme mondial, il lui faut reformer une internationale ouvrière révolutionnaire et forger dans chaque État un parti ouvrier révolutionnaire. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Sources

Les dictionnaires du marxisme en langue française, qu’ils soient conçus par des intellectuels proches du PCF ou de la LCR-NPA, ne comprennent pas d’entrée « racisme ».