Ces trois mois ont été marqués par une série d’expressions de la décomposition du régime en crise. La récession sur le plan économique exige un remaniement des rapports entre les classes sociales, à travers une restructuration politique et juridique. Les patrons ont besoin d’accroitre l’exploitation des travailleurs afin de protéger leur taux de profit, en nous faisant payer l’inflation galopante, en maintenant les salaires et les pensions à un bas niveau. LeÉtat capitaliste, en même temps qu’il doit remplir son rôle de gendarme au service des entreprises, est contraint à toujours plus d’austérité pour payer des sommes énormes, des milliards de dollars, tant au FMI qu’aux créanciers privés et aux fonds vautours.
Les premières attaques de Milei, dès son entrée en fonction : un décret libérant les prix des loyers, de la nourriture, des médicaments, prévoyant des licenciements dans l’État, une e réforme du droit travail, une dévaluation de 100 %, un protocole répressif, etc.
L’une des mesures rejetées par l’opposition patronale était l’imposition sans concertation d’une taxe de 15 % sur les exportations. Certaines sources indiquent que cette mesure était annoncée par le gouvernement libéral pour forcer les gouverneurs des provinces à négocier. La manoeuvre consistait à retirer ce point de la loi omnibus en échange des votes nécessaires pour les pleins-pouvoirs et les autres réformes. Quel que soit le motif, il y a un consensus général pour appliquer l’austérité, bien qu’il y ait des divergences entre les partis bourgeois.
Depuis décembre, des manifestations ont eu lieu, l’organisation s’est développée sur les lieux de travail et dans les écoles, mais aussi dans les quartiers, par le biais d’assemblées et de groupes multisectoriels. Les syndicats militants et les délégués du mouvement ouvrier se distinguent en mettant en œuvre des démonstrations de force, telles que des grèves, et en donnant des exemples d’unité d’action, en mettant sur la table la nécessité de mesures concrètes de lutte économique et politique.
Le parlement et la tribune du peuple
Lors du débat sur la loi omnibus en janvier, la répression par la police, l’armée de terre, la gendarmerie et les polices régionales (Mendoza, Jujuy, Salta, Buenos Aires, Cordoba) a frappé devant le Congrès et dans différentes régions du pays.
Les députés de la FIT-U (PTS, PO, MST, IS) ont reçu les principaux dirigeants de la CGT dans leur bureau, ont discuté du rejet parlementaire de la loi et d’un « plan de lutte ». La stratégie des bureaucrates syndicaux consistait en des recours judiciaires nationaux et internationaux, en un dialogue avec les députés, les sénateurs et les gouverneurs et en une journée de mobilisation le 24 janvier avec grève de 12 heures que la plupart des directions ont boycottée.
Le jour du vote général, il y a eu de la répression aux abords du Congrès, au lieu d’appeler les travailleurs à s’organiser et à lutter pour la grève générale jusqu’au retrait de la loi Omnibus et du DNU, au lieu de dénoncer le caractère de classe bourgeoise du Parlement, les parlementaires de la FIT-U se sont limités à demander aux députés capitalistes d’intercéder pour mettre fin à la répression.
Au lieu d’agir comme des tribuns révolutionnaires, ils se sont comportés comme de simples centristes ou réformistes. Ils ont manqué une nouvelle occasion historique d’adresser un message fort à l’avant-garde et aux masses laborieuses, démontrant ainsi leur totale adaptation au régime.
L’équilibre fragilisé sur le point d’exploser
La loi omnibus a été rejetée par la Chambre des députés lors du vote article par article, parce que les principaux alliés de Milei (le PRO et l’UCR) n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un programme de défense de la bourgeoisie dans son ensemble, et parce que le plan d’austérité tel qu’il se présente met gravement en danger la gouvernabilité des provinces.
Ces contradictions témoignent de la tension générée par l’aggravation de la crise. C’est dans ce sens que cette semaine s’est déroulé le conflit avec le gouverneur Ignacio Torres de la province de Chubut, qui refuse d’envoyer du pétrole et du gaz tant qu’il n’a pas la garantie de disposer des fonds nécessaires pour éviter une explosion dans sa province. L’alignement de l’ensemble du PRO en faveur du gouverneur de Chubut, et même du péroniste Kicillof qui gouverne Buenos Aires, met en difficulté Milei qui, caricature bonapartiste, ne parvient à discipliner ni la bourgeoisie ni les travailleurs, et sa crédibilité commence à s’éroder rapidement.
Tout au long du mois de février, la colère de la base n’a cessé de croitre. Si au début, en raison de la méfiance naturelle à l’égard des directions syndicales, une grande partie des travailleurs refusait de participer aux manifestations, aujourd’hui la situation est différente, de plus en plus de personnes sont prêtes à se battre.
L’insistance du gouvernement national à prélever des fonds sur les salaires des travailleurs de l’État (principalement dans les secteurs de la santé et de l’éducation), les coupes dans les programmes sociaux, le ralentissement des travaux publics, l’inflation continue (bien que le dollar baisse, les prix continuent d’augmenter) et le refus d’ouvrir les négociations (le ministère n’a fait que des offres misérables) ont considérablement aggravé les conditions de vie de millions de travailleurs. Si Milei ne parvient pas à collecter les fonds comme il l’entend et à s’endetter rapidement, il continuera à imprimer des pesos et à émettre des obligations (qui représentent une dette à rembourser dans le futur), ce qui se traduira par une inflation accrue en mars et en avril, qui s’ajoutera aux hausses de tarifs douaniers.
Ceux qui mettent leur costume avant l’heure
Le désastre de Milei est tel que de nombreux aventuriers bourgeois prédisent déjà la fin du film et se préparent à offrir leurs services aux patrons : Moreno, Grabois, etc. C’est le cas de Cristina Fernández, qui a publié un document de 33 pages dans lequel elle critique Milei à droite : elle lui reproche d’attaquer le capital (« la production », dit-elle), c’est-à-dire la bourgeoisie industrielle, au profit du capital financier. Une fois de plus, elle se déclare en faveur d’une réforme du travail, de la mixité (étatique et privée) de la propriété et des formes de financement, bref de l’approfondissement des réformes de Carlos Menem (PJ) les plus néfastes (1989-1999).
Les conseils de l’ancienne présidente : pas d’imposition des riches, pas d’imposition des banques, pas d’augmentation des salaires affectant les profits des hommes d’affaires ; privatisations et partenariats public-privé, réforme du travail ; nouveau programme d’austérité. Un secteur important des travailleurs a des attentes ou des illusions ce politicien. Il faut être clair : Fernandez propose une version plus ordonnée du plan de Milei. Le capitalisme a ses règles et, du point de vue de la bourgeoisie, rien ne peut être fait en dehors de celles-ci. La voie du moindre mal est généralement celle qui ouvre la porte aux pires monstruosités de l’histoire humaine : elle nous désarme, elle nous désorganise, elle appelle à faire confiance à des institutions et à des dirigeants qui défendent les intérêts d’autres classes sociales. C’est pourquoi personne ne doit s’étonner si une nouvelle escroquerie électorale est consommée, comme celles de Perón en 1973, d’Alfonsín en 1983, de Menem en 1989, etc.
Le rôle des organisations ouvrières
Le gouvernement ne peut toujours pas tenir en échec les gouvernés et l’opposition bourgeoise, ni désactiver le processus de lutte qui s’est développé dans la classe ouvrière. Le rôle de la bureaucratie syndicale dans l’octroi de temps à Milei et aux gouverneurs de province est encore plus perfide à l’heure actuelle. Plusieurs syndicats, tant du CTA que de la CGT, ont annoncé des grèves qu’ils ont suspendues dès qu’ils ont été appelés à négocier ; ils ne convoquent pas les assemblées à temps pour prendre des décisions ; ils subordonnent tout à des saisies de tribunaux, à la rédaction de requêtes et de plaintes.
Les luttes de la classe ouvrière et de la population pauvre doivent être centralisées dans des organes de lutte. Nous proposons la création de comités de lutte dans tous les lieux de travail (usines, centres de santé, écoles, universités, administrations, ports, etc.) et dans les quartiers ; récupérer les organisations syndicales pour la lutte avec un programme ouvrier. Les comités doivent élire leurs délégués pour construire une instance supérieure, une direction collective de la lutte.
Nous le disons fermement :
- Non au paiement de la dette extérieure !
- Assez de répression, place à l’autodéfense ouvrière et populaire !
- Contre l’austérité et l’inflation, la lutte et l’organisation !
- Pour la grève générale jusqu’à la victoire !
- Que les patrons paient pour la crise !
- Pour un gouvernement ouvrier !