ABC du marxisme : sionisme

À la fin du 19e siècle, face à la montée de l’antisémitisme, des petits bourgeois juifs d’Europe centrale fondent en 1881 un mouvement nationaliste, l’Organisation sioniste mondiale, qui a pour but de procurer son propre État à la bourgeoisie juive. Comme tout nationalisme, il lui faut un mythe, en l’occurrence refonder l’Israël (Sion) de l’Antiquité.

Le sionisme est alors minoritaire dans la diaspora juive. Quand les Juifs émigrent, c’est plutôt pour l’Amérique que pour le Proche-Orient. Les bourgeois et les membres des professions libérales misent généralement sur l’intégration à leur classe sociale là où ils sont nés. Symétriquement, de nombreux ouvriers et un nombre significatif d’intellectuels juifs adhèrent à leur mouvement ouvrier.

Le sionisme est réactionnaire car il est intrinsèquement colonial : « l’établissement en Palestine d’agriculteurs, artisans et marchands juifs » (1er congrès sioniste, Charte de Bâle, 1897). L’Internationale ouvrière s’oppose donc au sionisme et ses partis combattent l’antisémitisme, parfois physiquement, au contraire de l’Organisation sioniste mondiale.

Vu sa convoitise pour le Proche-Orient, le Royaume-Uni « envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif » (Déclaration Balfour, 1917). Comme le dira plus tard le sioniste Arthur Koestler, « une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième ». En 1918, l’armée britannique conquiert la Palestine.

L’Internationale communiste née en 1919 rejette à son tour le sionisme et tente de construire en Palestine un parti ouvrier révolutionnaire juif et arabe. Le mouvement nationaliste juif se divise en trois composantes : une aile « travailliste » venue du mouvement ouvrier met en place une centrale syndicale limitée aux Juifs (Histadrout) et des coopératives de production réservées aux Juifs (les kibboutz) ; une aile raciste et fasciste dite « révisionniste » basée sur des capitalistes immigrés en Palestine (venant d’Allemagne, surtout) qui veut expulser les Arabes par la terreur ; un « centre » lié aux capitalistes juifs du monde entier qui contrôle l’Organisation sioniste mondiale et finance le rachat des terres.

Dès leur apparition, l’organisation armée de l’aile travailliste (la Haganah, 1920) et celle de l’aile révisionniste (l’Irgoun, 1931) pratiquent le terrorisme contre les paysans arabes qui se révoltent en invoquant la religion musulmane.

Quand le fascisme triomphe en Allemagne en 1933, l’Organisation sioniste mondiale tente de collaborer avec le nouveau gouvernement antisémite virulent pour que les Juifs allemands émigrent en Palestine. Aux États-Unis, ils conseillent au gouvernement de fermer les portes aux réfugiés juifs d’Europe. Quand le régime nazi entreprend en 1940 l’extermination des Juifs d’Europe, des responsables sionistes collaborent encore pour tenter de déporter les Juifs en Palestine. À cette époque, la 4e Internationale réclame l’ouverture des frontières et se prononce contre la colonisation juive de la Palestine.

Alors que l’Agence juive et la Haganah (contrôlées par la branche « socialiste » du sionisme) se comportent encore en alliées de l’État britannique, l’Irgoun (de l’aile raciste et fasciste dite « révisionniste ») lance fin 1943 des attentats contre lui. Après la Shoah, le sionisme devient hégémonique dans la diaspora juive. Les deux ailes du mouvement sioniste redoublent de violence contre la population arabe et contre la tutelle britannique. En 1945, l’Agence juive exige un État juif sur toute la Palestine. L’ONU (dont l’URSS de Staline) tranche pour une partition en 1947. Partout dans le monde, les partis sociaux-démocrates et staliniens approuvent. Les anarchistes sont neutres. Dans le mouvement ouvrier, seule la 4e Internationale s’oppose à la partition.

Le Monde, 10 janvier 2024


En 1948, les Arabes de Palestine se soulèvent mais la Haganah et l’Irgoun les écrasent, chassent par la terreur des centaines de milliers d’habitants (Nakba). Les travaillistes proclament l’État d’Israël sur un territoire plus vaste que celui envisagé par l’ONU.

Le capitalisme israélien repose sur l’exploitation de travailleurs juifs et l’expulsion des travailleurs arabes. Tout en prenant la forme d’un régime parlementaire, l’État est raciste et clérical. Il est soutenu depuis sa naissance par les États impérialistes occidentaux. La bourgeoisie israélienne, qui s’appuie sur un capitalisme développé et paralyse son prolétariat par une idéologie nationaliste et anti-arabe, s’est débarrassée des oripeaux égalitaires et socialistes des débuts de la colonisation. Le gouvernement est passé des travaillistes (les survivants sont le Parti travailliste et Meretz) aux héritiers du révisionnisme (le Likoud, ses alliés racistes et fascistes). Ailleurs, la mouvance prosioniste comprend des antisémites notoires (évangéliques, fascistes…).

L’État israélien, de par sa nature coloniale, continue à opprimer les Arabes de Palestine et à étendre la colonisation. Il mène systématiquement des opérations terroristes en Iran, au Liban, en Syrie. Il est génocidaire aujourd’hui dans la bande de Gaza.

La résolution de la question palestinienne ne relève pas du droit à l’autodétermination d’une minorité nationale, mais passe par la destruction de l’État colonial et l’instauration d’un État multiethnique, bilingue et laïque. Seule la classe ouvrière de la région, quelle que soit son origine, peut y parvenir.