COP 28 : la mascarade !

La marche à la catastrophe



L’année 2023 aura été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde selon l’organisme météorologique européen Copernicus, et la deuxième année la plus chaude en France après 2022. En 2023, l’élévation moyenne de la température à l’échelle du globe par rapport à la moyenne 1850-1900 a atteint 1,48 degré pour une température moyenne annuelle sur la planète de 14,98 degrés. Ces chiffres peuvent sembler modestes, mais les moyennes sont trompeuses car elles écrasent ou masquent des écarts beaucoup plus importants et dévastateurs sur une partie croissante du globe. Par exemple, le bassin méditerranéen, où vivent environ 500 millions de personnes, connait un réchauffement beaucoup plus important qui dépasse déjà les 3 degrés.



Cette augmentation moyenne constatée de 1,48 degré, donc déjà très proche de l’objectif fixé pour la fin du siècle de plus 1,5 degré lors de la COP 21 de 2015 à Paris, induit dès maintenant des bouleversements et des dégradations majeures. Ainsi, les scientifiques ont établi que le réchauffement climatique actuel avait déjà multiplié par 10 (au moins) la possibilité de la survenue d’une canicule en Europe en été. Ainsi le gouvernement espagnol a-t-il estimé que 74 % de son territoire était désormais menacé de désertification. La convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification a évalué en 2022 que 2,3 milliards de personnes étaient confrontées au stress hydrique, que ¾ de la population mondiale seraient touchés par les sècheresses d’ici à 2050, dont 700 millions de personnes risquent d’être déplacées d’ici à 2040.

Ces canicules et cette sècheresse croissante n’excluent nullement la survenue soudaine de pluies torrentielles dévastatrices ou le renforcement des phénomènes cycloniques. Il ne s’agit pas d’un processus linéaire qui verrait la température augmenter très progressivement, centième de degré par centième de degré, mais au contraire d’un ensemble d’interactions qui agissent et réagissent entre elles, déclenchant des sauts qualitatifs brutaux, des effets de seuil et les dernières années ne font que confirmer l’accélération et l’intensification de l’ensemble de ces phénomènes. Par exemple, chaleur et sècheresse entrainent des mégafeux, comme celui qui a brulé plus de 180 000 km2 de forêts au Canada entre mai et octobre 2023 et a libéré dans l’atmosphère plus d’un milliard de tonnes de dioxyde de carbone. Les rapports du GIEC ont établi qu’il faudrait baisser drastiquement de 43 % les émissions mondiales de CO2 entre 2019 et 2030, puis les réduire à zéro d’ici 2050 pour atteindre l’objectif de contenir le réchauffement climatique à 1,5 degré en 2100. Or, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter au plan mondial. Elles proviennent de l’utilisation des énergies fossiles, pour 30 % du méthane (CH4) et 90 % du dioxyde de carbone (CO2).



La COP 28 présidée par un capitaliste du pétrole

C’est dans ce contexte que la COP 28 s’est réunie en décembre dernier à Dubaï, aux Émirats arabes unis, qui sont le 6e producteur mondial de pétrole, avec pas moins de 2 456 lobbyistes des énergies fossiles dument accrédités et un président lui-même dirigeant de la compagnie pétrolière nationale émiratie. Autant demander au chef des assassins de présider la cour d’assises ! Le capital n’est pas pour ou contre le réchauffement climatique, il est pour la défense de ses intérêts. Or les compagnies pétrolières et gazières constituent des fleurons de plusieurs impérialismes et les bases-mêmes du capitalisme dans nombre de pays comme les monarchies pétrolières du Proche-Orient. C’est pour cette raison que la délégation officielle française comprenait le PDG de Total, celle de l’Italie des cadres dirigeants d’ENI, etc. La préservation des intérêts de ces grands groupes et des intérêts nationaux qui leurs sont rattachés est une mission impérative pour chacune des bourgeoisies. Ceci n’exclut pas que d’autres capitalistes trouvent matière à profit dans les énergies renouvelables, voire que les mêmes grands groupes pétroliers y investissent également.

Mais les impérialismes producteurs de gaz et de pétrole comme les États-Unis qui détiennent le premier rang ou la Russie, pas plus que les capitalistes et gouvernements des autres pays producteurs, n’ont jamais eu l’intention de renoncer à la poule aux oeufs d’or. C’est pourquoi la COP 28 a décidé sans surprise que tout continuerait comme avant. En effet, la résolution finale se contente de souhaiter, sans aucun objectif ni moyen chiffré, « une transition hors des énergies fossiles d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie », à ranger au musée des voeux pieux jamais exaucés. C’est ce que les militants communistes pouvaient prévoir sans hésitation, c’est aussi le bilan que tirent les scientifiques et climatologues sérieux.

Le décalage entre l’objectif affiché et la faiblesse des engagements concrets mis sur la table témoigne d’une incohérence majeure. (Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherche au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives ; Sonia Seneviratne, climatologue, professeure à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Le Monde, 30 décembre)

Mais ce n’est pas la conclusion à laquelle arrivent tous ceux qui ont intérêt, d’une manière ou d’une autre, à faire croire que le capitalisme peut utilement être réformé grâce à leurs efforts et que, de COP en COP, les progrès vont peu à peu écarter la menace d’une catastrophe climatique. Et force est de constater qu’ils sont nombreux à se risquer à cet exercice. D’abord les participants eux-mêmes à la COP 28 ont salué par une ovation et de longs applaudissements la résolution finale. La ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher s’est félicitée d’un texte qui « appelle pour la première fois à la sortie progressive des énergies fossiles, en cohérence avec l’objectif des 1,5°C, niveau de réchauffement planétaire inscrit dans l’accord de Paris en 2015 ». Macron depuis Paris a salué l’accord, « une étape importante qui engage le monde dans une transition sans énergies fossiles  ».

Je pense que tout le monde sera content que, dans un monde secoué par la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient et tous les autres défis d’une planète qui patauge, il y ait une raison d’être optimiste, d’avoir de la gratitude et de se féliciter tous ensemble ici. (John Kerry, représentant des États-Unis)

Les ONG qui ont participé par centaines à cette mascarade doivent bien justifier de l’utilité de leur présence et font donc mine de croire à la magie des mots. Ainsi WWF a qualifié l’accord « d’amélioration » concernant les énergies fossiles. Certaines ONG, toutefois, ne mangent pas de ce pain-là. Pour Bloom Association, « viser la neutralité carbone en 2050 sans le moindre engagement concret d’ici là, c’est une stratégie climaticide et la marque de fabrique de TotalEnergies. L’expansion fossile pourra continuer pendant des années ».

Pour être complet, il faut également citer parmi les thuriféraires de la COP 28 François Gemenne, qui se présente comme politologue et chercheur spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, coauteur du sixième rapport du GIEC, qui a assuré le service après-vente en parcourant les plateaux de télévision et de radio pour affirmer que le résultat était « un compromis ambitieux » et « un pas en avant considérable »,

C’est l’une des COP les plus réussies de ces dernières années : pour la première fois, on mentionne le coeur du problème et la source de trois quarts des émissions de gaz à effet de serre. Et on trace une trajectoire de sortie progressive de ces énergies… Il faut embarquer tout le monde d’ailleurs, même Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, car on ne va pas faire la transition sans les énergéticiens, et c’est bien que Total soit là. (François Gemenne, Actuplanète, 13 décembre)

Ce politologue « spécialiste de la gouvernance » a même le culot de vanter l’accord sur le fonds « pertes et dommages » destiné aux pays les plus pauvres et vulnérables, victimes des dommages climatiques. Mais des scientifiques ont calculé que, d’ici 2030, les besoins pour réparer les catastrophes climatiques dans les pays vulnérables seront tels qu’il faudrait à minima des promesses de financement 1 400 fois plus importantes que celles mises sur la table à la COP 28. Là encore, les gouvernements vendent du vent…

Alors que l’invention du marché artificiel de « crédits carbone » (droits des entreprises à émettre des gaz à effet de serre) a déjà montré son inefficacité pour la planète, tout en créant de nouveaux outils de spéculation (les crédits peuvent être vendus et achetés), voire de pures arnaques, la COP 28 veut l’étendre à des « crédits biodiversité ».

En finir avec la logique du profit et la division du monde entre États

De tous les maux dont le capitalisme au stade impérialiste accable la planète, le réchauffement climatique figure désormais en bonne place.

Sans changement drastique de politique climatique, il y a de très fortes chances d’atteindre la barre des 50 degrés en France. Les villes seront également de moins en moins supportables en été, avec les ilots de chaleur urbain. Prenons l’exemple de Paris. Avec son tissu urbain très dense, Paris génère un ilot de chaleur urbain qui se traduit par des différences de températures nocturnes avec les zones rurales voisines de l’ordre de 2,5 °C en moyenne annuelle, et ces différences peuvent atteindre 10 degrés en été en cas de canicule ! (Fabio D’Andrea, chercheur au CNRS et directeur adjoint du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), Bonpote média indépendant sur l’environnement, 15 juin 2021)

Seule la prise du pouvoir par la classe ouvrière, en particulier dans les principaux pays impérialistes, peut arrêter la marche à la catastrophe climatique qui s’annonce de plus en plus nettement. Pour produire autrement, autre chose, pour libérer la recherche… il faut en finir avec le mode de production basé sur le profit et la concurrence, indissociable de la survie archaïque et dangereuse de 200 États.

Expropriation des groupes capitalistes ! Gouvernements des travailleurs ! Planification consciente et responsable !

17 janvier 2024