Le projet de budget 2024 du gouvernement Macron-Borne

Le projet de budget de l’État pour l’année prochaine (PLF 2024) présenté le 27 septembre par le gouvernement a été adopté à l’Assemblée nationale au moyen de l’article 49.3 le 7 novembre et sera examiné à partir du 22 par les sénateurs. Le budget présente un concentré de la politique du gouvernement, celui-ci ne déroge pas à la tradition.

Toujours moins d’impôts sur les capitalistes



Depuis l’arrivée de Macron à la tête de l’État, le poids de la fiscalité sur les capitalistes n’a cessé de diminuer. Outre le remplacement de l’ISF par l’IFI, la « flat tax » instaurée par Macron pour 2018 limite l’imposition des revenus du patrimoine à 30 % alors que son taux maximal pouvait atteindre 60,5 % auparavant. La cotisation sur la valeur ajoutée ne pèse plus que 3 milliards d’euros pour le PLF 2024 contre15 milliards dans les recettes du budget de 2020. Son taux d’imposition avait été divisé par deux pour 2021 comme la cotisation foncière des entreprises et la taxe foncière pour les établissements industriels.

Plus de la moitié des recettes fiscales nettes reposent sur la TVA qui est un impôt dégressif par rapport au revenu (il pèse plus lourdement, en proportion du revenu, sur les pauvres que sur les riches).

Le déficit et le taux d’intérêt



Au total, la faiblesse de l’imposition des capitalistes engendrerait un déficit de 4,4 % du PIB (contre 4,9 % en 2023) et une dette à près de 110 % (stable).

En dépit du poison chauvin répandu durant 30 ans par le PCF, les bureaucraties de la CGT, de FO, de la FSU et de SUD, ATTAC, le PdG-LFI, le NPA, les POI, cela confirme que l’État français n’est nullement assujetti au « dogme libéral » de l’Union européenne puisqu’il ne respectera pas, une fois de plus, la règle des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB et d’une dette inférieure à 60 %.



Comme la dette publique s’appuie sur les revenus de l’État, qui doivent couvrir les paiements annuels d’intérêts, le système fiscal moderne est devenu le complément nécessaire des emprunts nationaux. Les emprunts mettent le gouvernement en mesure de faire face aux dépenses extraordinaires sans que le contribuable s’en ressente aussitôt, mais ils exigent par la suite des impôts plus élevés. (Karl Marx, Le Capital, livre I, 167-1883, ES, 2016, p. 729)

La grande nouveauté de ce budget tient au changement de contexte de l’économie mondiale lié à la hausse généralisée des taux d’intérêt. Au compte de l’État, l’agence France trésor emprunte aux banques au moyen d’enchères. Les banques peuvent revendre les bons du trésor (court terme) et les obligations (à moyen ou long terme) obtenus en contrepartie du prêt accordé à l’État.



Depuis 2022, l’État français doit accepter des taux plus élevés (40 milliards d’intérêts versés en 2023). Pour une part, c’est la conséquence de la hausse des « taux directeurs » de la banque centrale auxquels les banques peuvent lui emprunter. Pour une autre, c’est le reflet de l’analyse des prêteurs sur la force de l’économie capitaliste nationale et sur le niveau d’endettement antérieur de l’État. Pour les mêmes taux directeurs de la BCE, il y a des écarts entre les taux d’emprunt des différents États de l’UE. Il y a deux ans, l’écart des taux à dix ans entre la France et l’Allemagne était proche de 0,3 %, il avoisine 0,6 % en novembre 2023.

Par conséquent, le PLF prévoit pour financer le déficit l’émission d’obligations à hauteur de 285 milliards d’euros au taux de 3,5 %.

La charge de la dette grimpera de près de 10 milliards d’euros, pour atteindre 48 milliards d’euros (soit davantage que le budget de l’éducation nationale), et dépassera 74 milliards d’euros en 2027. (Le Monde, 14 septembre)

La classe capitaliste, d’un côté, échappe largement à l’impôt et, de l’autre, empoche les intérêts qui découlent du déficit public, le tout sur le dos des producteurs.

Aucune restriction pour les corps de répression



Nous devons répondre à un triple défi : la crise inflationniste la plus grave depuis les années 1970, l’impératif catégorique de désendetter le pays et la nécessité d’investir dans les missions régaliennes, l’écologie et l’éducation. (Bruno Le Maire, 27 septembre)

Le défi de la crise inflationniste ? L’indexation des dépenses de prestations sociales sur les prix ne représente que 18 milliards d’euros pour 2024 (projet loi de finance de la sécurité sociale) et la rémunération des fonctionnaires n’est pas indexée sur l’inflation.

Investir dans l’écologie ? Les crédits à la transition écologiques ne pèsent que pour 40 milliards.

Investir dans l’éducation ? Le budget de l’éducation nationale atteindrait les 63,6 milliards, soit une augmentation de 3,9 milliards (dont 900 millions sont consacrés aux Pactes enseignants, créés pour détricoter le statut et diviser les professeurs). Il est prévu de supprimer 2 500 postes d’enseignants.

Investir (sic) dans « les fonctions régaliennes » ? Cela veut dire que l’armée, la police et les prisons sont gagnantes. En effet, le PLF prévoit de porter le budget de « la justice » à un peu plus de 10 milliards d’euros en 2024, soit plus 500 millions par rapport à l’année précédente, 23 milliards pour « l’intérieur », soit plus 850 millions, 47 milliards pour « la défense », soit plus 3,3 milliards. Il est prévu de recruter 5 000 militaires, policiers, gardiens de prison supplémentaires.

Le budget de « la défense » et les partis réformistes



Tout cela, le PS, le PCF et LFI le cautionnent. Le PCF et le PS ont soutenu en 2022 les menées des organisations de policiers aux mains de LR, du RN et des fascistes [voir Révolution communiste n° 45]. Le PS, le PCF et LFI soutiennent aussi « l’effort militaire de la nation » à l’occasion de la loi de programmation des armées, plus 400 milliards d’euros en 7 ans [voir Révolution communiste n° 46, 55]. Ils confirment à l’occasion du budget militaire de l’année prochaine.

La France « insoumise ».

Il faut d’abord que les militaires en Missops [mission opérationnelle] bénéficient de tous les dispositifs qui compensent les sujétions inhérentes aux opérations à l’étranger –notamment la pension majorée… Ils ne bénéficient pas de la pension majorée, alors qu’ils subissent les mêmes contraintes, notamment familiales, que s’ils étaient en Opex [opération militaire extérieure]. Ils ne peuvent pas non plus recevoir les mêmes décorations. Ce statut n’a donc qu’une seule utilité : faire des économies sur le dos des militaires et c’est inacceptable. (Bastien Lachaud, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

Selon nous, ce texte est un rendez-vous manqué. Il ne comble pas les lacunes capacitaires de nos armées et ne prépare pas notre pays aux transformations du monde, notamment au changement climatique. Il confirme que votre projet pour la France n’est pas l’indépendance mais bien l’alignement… Le porte-avions de nouvelle génération verra-t-il le jour à temps ?… Rien, dans ce projet de loi de finances, ne permettra à la France de conserver et de développer une BITD [base industrielle et technologique de défense] souveraine. (Aurélien Saintoul, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

Le Parti « communiste » français.

Bien entendu, il faut mettre tous les moyens en oeuvre pour protéger les Français et nos ressortissants à l’étranger, pour que les armées disposent du meilleur matériel, à la pointe des nouvelles technologies, et pour que les soldats soient bien équipés, bien formés, mieux rémunérés. Sur ces différents points, il y a eu quelques avancées, notamment en matière de conditions de vie et d’indemnisation des soldats… Nous voulons allouer d’importants moyens au secteur des équipements et des munitions, afin de rattraper le retard pris depuis des années. (Fabien Roussel, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

Le Parti « socialiste ».

La récente revalorisation des grilles indiciaires apparait bien insuffisante… Notre deuxième sujet de préoccupation concerne le bâti, la vétusté de nos bases de défense… Comment assurer l’effectivité de cette préparation opérationnelle et se conformer aux critères de l’Otan lorsque l’on manque de matériels et de personnels… ? (Anna Pic, Intervention à l’Assemblée, 7 novembre 2023)

Contrairement aux illusions que LO, les NPA, RP et le POI répandent sur le PCF ou LFI, tous les partis sociaux-impérialistes sont d’accord sur l’essentiel : il faudrait que les travailleurs supportent le fardeau fiscal croissant d’une police et d’une l’armée qui garantissent l’influence de la bourgeoisie française dans le monde et l’ordre capitaliste à l’intérieur.

Moins de professeurs, mais plus de flics, de matons et de soudards. C’est une des facettes de la marche à la barbarie du capitalisme pourrissant.

19 novembre 2023