Le chemin de la révolution permanente en Palestine (EKIB/Turquie)

La région du Proche-Orient qui a contribué de façon importante au développement de l’humanité en termes historiques et culturelles est en même temps le laboratoire des guerres antiimpérialistes, des luttes des classes, des révolutions et des contrerévolutions. Cette région qui est importante pour le partage impérialiste constitue, de nos jours, une région où ne manquent pas les guerres, les invasions, les annexions, les conflits interethniques ou religieux et où la guerre et la destruction font partie de la routine de la vie quotidienne. Dans cette région, la Palestine est sans aucun doute un pays où ne manquent guère la guerre, l’invasion, la résistance et les tentatives révolutionnaires. La Palestine est l’histoire de la colonisation qui n’a cessé de l’empire ottoman à l’empire britannique, de l’empire britannique à la construction de l’État sioniste d’Israël, de destructions de masse et des intifadas. L’époque de l’impérialisme est en même temps l’époque des révolutions prolétariennes. Et l’un des ports vitaux sur la voie de la révolution prolétarienne mondiale est la région du Proche-Orient. Parmi les locomotives de la révolution du Proche-Orient se trouve la Palestine. La Palestine dont l’histoire est celle des intifadas se trouve enfermée depuis environ un siècle dans un paradoxe constant. Chaque guerre de destruction coloniale qui vise le peuple palestinien fait face à une intifada.

Chaque intifada ouvre la voie à un nouveau processus de négociations et chaque nouveau processus de négociation a pour résultat une période de « paix » sous contrôle des États impérialistes. Et chaque période de « paix » se transforme en un période de préparation pour une nouvelle guerre et un poignard dans le dos du peuple palestinien. Les peuples travailleurs palestiniens se trouvent pris en étau entre l’impérialisme, le sionisme, le nationalisme arabe mélangé avec de l’islamisme et des révolutionnaires qui se définissent par rapport au nationalisme arabe. Aujourd’hui, le peuple palestinien fait encore face à une nouvelle opération coloniale de destruction. Dans ce travail, nous analyserons l’histoire coloniale en Palestine de l’Empire ottoman à l’Empire britannique et le processus de développement du capitalisme. Nous répondrons avec tous les détails à la question : qu’est-ce que le sionisme ? Nous examinerons de près la situation du mouvement ouvrier avant l’établissement de l’État d’Israël et l’évolution idéologique du parti communiste de Palestine. Nous regarderons sur quelles bases a été construite l’État d’Israël et analyserons les organisations de résistance mises sur pied en Palestine et leurs perspectives idéologiques et programmatiques. Nous examinerons les processus allant de 1967 à la paix d’Oslo et les intifadas qui se sont développées ensuite et ferons un effort pour tirer des leçons historiques et programmatiques. Nous tâcherons d’apporter des réponses concrètes aux questions de savoir comment la question palestinienne peut trouver une solution, quel programme révolutionnaire et quelle stratégie socialiste sont nécessaires pour la Palestine et le Proche-Orient et quelles sont les tâches révolutionnaires internationalistes.

L’ancienne Palestine : le colonialisme sans fin de l’empire ottoman à l’empire britannique

La question qui apparait aujourd’hui comme la question palestinienne n’est que le maillon le plus faible de l’ensemble de problèmes qui sont apparus de manière inévitable après que les impérialistes aient modelé le Proche-Orient selon leurs intérêts et qu’ils aient choisi de détruire les oppositions à ces ambitions. La solution à toutes les questions qui sont devant nous pour régler la question palestinienne (l’indépendance, la liberté, la paix, la laïcité, la terre, etc.) se noue dans la révolution socialiste du Proche-Orient. C’est pourquoi, la question palestinienne ne trouvera pas une solution uniquement avec la lutte des classes laborieuses palestiniennes. Cette thèse sera expliquée tout au long de cette brochure. Le point de départ fondamental de notre perspective dans cette brochure est que la stratégie de la révolution permanente au Proche-Orient constitue l’unique solution définitive. Afin de pouvoir comprendre correctement la question palestinienne qui est le maillon faible de l’impérialisme au Proche-Orient, il est crucial d’analyser la Palestine d’avant l’impérialisme, c’est-à-dire l’époque de l’empire ottoman. Les fondements de la structure sociale en Palestine trouvent leur origine durant cette période. Les classes modernes ainsi que la structure d’État contemporain qui sont apparues en tant que résultat des modifications de cette structure sociale, l’origine des changements de production dans les formes de production sociale se situent pendant la période ottomane. L’ordre traditionnel en Palestine reposait sur un équilibre despotique entre les tribus, les oulémas (le « clergé » ottoman) et la bureaucratie ottomane. Les structures tribales continuaient à exister dans les villages. Les impôts étaient déterminés par l’équivalent des préfets nommés par le gouvernement d’Istanbul, les cheiks des tribus aidaient les préfets dans cette détermination. Le montant des impôts étaient calculés en fonction de la taille des villages. Les cheiks des tribus et les bureaucrates de l’État collectaient ensemble les impôts. Cette situation montre bien que l’appareil d’État ottoman était un tout despotique constitué par les tribus, les oulémas (les « clergés ») et les bureaucrates qui ne faisaient qu’un. Le contrôle de l’État dans la campagne était à un niveau permettant d’empêcher que la rivalité entre tribus ne dégénère en conflit armé. La tâche la plus importante des cheiks était de résoudre les problèmes surgissant dans les campagnes. En un sens, ces cheiks étaient des autorités assurant le droit et l’ordre. Dans les campagnes palestiniennes, en plus de l’agriculture, les jardins de légumes, la poterie, les moulins et les fours, les ateliers de production de savon, de sésame et d’huile d’olive ainsi que les hammams avaient permis une richesse relative. Avec la seconde moitié du XIXe siècle, des changements fondamentaux avaient commencé dans l’ordre ottoman. La modification de tous les équilibres de classe, l’évolution des futures classes qui allaient apparaître avec l’accélération du capitalisme allaient murir en fonction de ces changements fondamentaux. Les années 1830 étaient les années qui ont vu l’économie palestinienne commencer à s’intégrer au capitalisme européen. Avec les bateaux à vapeur, des produits élaborés en Angleterre et en France arrivaient dans la région et l’importation et l’exportation de biens entre l’Europe et la Palestine augmentaient rapidement. Avec la loi sur les terres et le cadastre qui a été promulguée en 1858, ont été légalisés le transfert de biens avec l’héritage et une pratique consistant à régler d’avance à l’État les revenus d’un bien public pour ensuite collecter du public des revenus d’utilisation du bien, avec un but lucratif. Avec la légalisation en 1869 de la privatisation des terres appartenant à l’État, la voie était ouverte pour les cheiks choisis par les tribus ou villages de se transformer en une classe de propriétaires terriens.

Ce processus qui a vu les rapports de propriété et entre classes changer complètement s’est achevé dans les années 1870. Avec le nouveau système, les cheiks vivaient dans les villes et leur fortune était mesurée en fonction des villages qu’ils possédaient. Les cheiks de tribus se sont transformés en classes détenant toute la propriété des villages. Ceux avec qui ces nouveaux riches devaient partager le pouvoir au sein de la communauté musulmane citadine étaient les oulémas. Ces oulémas qui se positionnaient au-dessus des cheikhs dans la hiérarchie religieuse de l’ordre ancien ont conservé cette même structure hiérarchique dans l’ordre nouveau. Il était également question d’une hiérarchie au sein de la classe des oulémas. Les oulémas de Palestine et particulièrement de Jérusalem dont la majorité prétendait descendre du prophète possédaient une position privilégiée. Le capital des oulémas et des cheiks ne se transformait pas en nouveaux investissements dans l’appareil productif, bien au contraire, il était utilisé pour un luxe exubérant. Avec un décret de l’époque de la réorganisation (« tanzimat »), les minorités chrétiennes et juives qui avaient obtenu l’égalité en droit pouvaient, après autorisation des consulats étrangers, bénéficier de toutes les capitulations accordées à ces pays et étaient exemptés de tous les impôts, y compris des taxes douanières. De plus, avec la levée de l’interdiction pour les minorités de s’occuper de commerce intérieur, leur pouvoir économique a atteint un niveau jamais égalé auparavant. Cette situation a fait que les dominants arabes qui reposaient sur les classes religieuses ottomanes ne pouvaient plus rivaliser. Avec la constitution du capital financier (capital usurier ou banquier), les minorités ont commencé à contrôler ces secteurs. Des grandes entreprises de production d’agrumes ont vu le jour. Tous les produits de ces entreprises étaient exportés. Le développement du capital financier a entrainé la spéculation sur les produits agricoles. Le résultat a été l’augmentation rapide des impôts sur les terres. Le poids fiscal qui était de 12,5 % en 1897 s’approchait de 50 % au début des années 1900 et selon le nouveau système le montant de l’impôt était calculé non sur le produit net, mais sur le produit brut. Dans cette situation, même les villageois qui vendaient leurs terres se transformaient en esclaves de la dette. Au début des années 1900, un exode rural rapide a vu le jour. Cet exode préparait le terrain à la prolétarisation des villageois. Et cette situation signifiait que les classes de propriétaires terriens tels que les cheiks ou les oulémas fondaient comme neige au soleil et devenaient impuissants en termes économiques. Durant les années 1900, les entrepreneurs et gouvernements européens investissaient en Palestine, l’industrialisation progressait et dans les villes étaient construits des bureaux de poste, des églises, des monastères, des centres culturels, des centres d’accueil pour les candidats au pèlerinage à la Mecque et pour les touristes. La Palestine connaissait d’importantes étapes de développement du capitalisme au début des années 1900. Les changements fondamentaux résultants de ce processus ont eu un effet déterminant dans l’attitude des dominants féodaux arabes et de la bourgeoisie des minorités face à l’empire ottoman durant la Première guerre mondiale qui allait éclater en 1914. De même, ces changements ont créé les conditions matérielles du passage de la Palestine de l’empire ottoman à l’empire britannique.

Le processus faisant de la Palestine un mandat britannique

Le passage de la Palestine sous domination britannique constitue le point de départ du processus modelant la carte politique du Proche-Orient d’aujourd’hui. Avec l’éclatement de la première guerre de partage impérialiste, les équilibres de force changeant en permanence dans le monde ont provoqué l’intervention beaucoup plus active de l’impérialisme britannique en Palestine et au Proche-Orient. À cette époque, les politiques de l’impérialisme britannique ont été façonnés sous la pression de trois différents centres d’intérêts. Le premier était les Arabes dont avaient besoin les Anglais pour affaiblir le front sud de l’empire ottoman. Durant les premières années de la guerre, les responsables britanniques ont, lors des réunions avec Hussein Ibn Ali qui était le chérif de la Mecque, laissé les questions des frontières et du système de gouvernement dans l’ambigüité et ont promis qu’après la guerre, une confédération arabe comprenant non seulement la presqu’ile arabe mais également la Syrie, l’Irak, le Liban et la Palestine actuels verrait le jour. Cela entrait nettement en contradiction avec les désirs des sionistes. Pourtant, parmi les hommes d’État britanniques se trouvaient beaucoup de personnes influentes à soutenir le sionisme, une partie parce que la population juive augmentait au sein de la Grande-Bretagne, c’est-à-dire pour des raisons antisémites, une autre partie, car elle croyait qu’en raison de l’impact grandissant du sionisme aux États-Unis, le soutien britannique au sionisme encouragerait les États-Unis d’Amérique à entrer en guerre. De plus, la confédération arabe promise au chérif Hussein entrait en contradiction non seulement avec les désirs des sionistes, mais aussi avec les buts impérialistes de la France. Les hommes d’État britanniques savaient que l’opinion publique américaine ne voulait guère que leur pays prenne une position centrale dans la marche politique du monde, et même si les États-Unis participaient à la guerre, pour empêcher l’Allemagne de se renforcer à nouveau après celle-ci et face au danger du bolchevisme, ils estimaient indispensables une alliance franco-britannique. L’accord secret entre la France et la Grande-Bretagne appelé l’accord Sykes-Picot prévoyait de limiter la confédération arabe de manière à satisfaire l’impérialisme français et le sionisme. Selon cet accord, la grande Syrie (comprenant le Liban actuel) était décrite comme une zone d’influence française, la Mésopotamie qui comprenait l’Irak actuel comme zone d’influence britannique ; quant à la Palestine, elle était laissée à une administration internationale à condition que cette dernière ne perde pas de vue que le judaïsme mondial avait un lien de conscience et émotionnel avec l’avenir du pays. Ainsi, la zone de souveraineté de la confédération arabe se trouvait de facto limitée à la presqu’île arabe. Cet accord est resté lettre morte. Durant la première guerre de partage impérialiste, l’impérialisme britannique a promis à la bourgeoisie arabe un État comme décrit ci-dessus et les a ajoutés à ses rangs pour les utiliser comme pions face à l’empire ottoman. Si l’on regarde la carte du Proche-Orient actuel, on verra qu’il se trouve des dizaines d’États avec des frontières comme si elles étaient dessinées avec une règle. Tout le peuple arabe a été divisé en 20 États différents sur cette carte. Le représentant du colonialisme qu’est la Grande-Bretagne a utilisé cette tactique dans de nombreuses régions : Nord-Sud en Irlande, Inde et Pakistan dans le sous-continent indien, Turcs et Grecs à Chypre…

Avec la tactique de diviser pour régner de l’impérialisme britannique, dans les pays colonisés ou semi-colonisés le peuples ont été conduits à se battre entre eux, et ils ont été épuisés avec des dynamiques artificiels produits par cet impérialisme. Toutes les frontières tracées par le capitalisme qui a organisé son existence sous la forme d’État-nations l’ont été en tant que résultat de guerres impérialistes, suite à des massacres des masses laborieuses au profit des intérêts des bourgeoisies nationales. Toutes les frontières sont des éléments artificiels construits par les classes bourgeoises dans le cadre du système impérialiste-capitaliste. Le capitalisme global qui est dans son ère de pourrissement tente de survivre en créant des provocations artificielles nationales, ethniques, religieuses, sectaires et en rendant les masses laborieuses cruelles. Tout ce qui est présenté comme un intérêt national implique la mobilisation des masses laborieuses au prix de leur vie et de leur sang pour les intérêts de la bourgeoisie. Le processus vécu au Proche-Orient est précisément cela. Pourquoi les États arabes ne parviennent pas à réaliser l’unité nationale sous un seul toit, pourquoi ils reconnaissent tous l’État d’Israël et établissent des relations commerciales, militaires et diplomatiques avec lui ? La réponse à cette question ne se trouve ni dans la duplicité de la bourgeoisie arabe, ni dans le fait que la conscience nationale ne soit pas assez développée, ni dans le fait qu’ils ne parviennent pas à constituer une oumma. Elle peut s’expliquer par les intérêts de la bourgeoisie de tous les pays arabes. Les intérêts de la bourgeoisie arabe et les contradictions en son sein sont des obstacles à la réalisation d’une quelconque union au Proche-Orient. La bourgeoisie arabe est incapable de réaliser une quelconque union. L’unité face à l’impérialisme au Proche-Orient ne peut être atteinte que sous la direction de la classe ouvrière qui ne se définit pas par la langue, la religion ou la nation, ayant adopté le programme internationaliste marxiste et dans le cadre de la fédération socialiste du Proche-Orient.

Qu’est-ce que le sionisme ?

Les Juifs qui ont fait l’objet de nombreuses pressions et de massacres, qui ont été obligés de s’exiler de leur lieu de vie tout au long de l’Histoire ont commencé à connaitre une situation plus confortable à la fin du XIXe siècle. À cette date, dans les pays avancés qui avaient achevé la révolution démocratique bourgeoise, la répression avait cessé et les Juifs s’étaient intégrés à la société dans laquelle ils vivaient. Dans les pays qui n’avaient pas encore réussi à se développer d’un point de vue capitaliste, qui n’avaient pu achever la révolution démocratique bourgeoise comme ceux de l’Est de l’Europe, en Pologne, dans la Russie tsariste, ils subissaient une lourde pression. Le sionisme est né à la fin du XIXe siècle en tant que courant politique. En tant que mythe religieux, l’origine du sionisme est très ancien. La mythologie sioniste repose sur deux fondements : le premier est que depuis des siècles (depuis l’exil imposé par le roi de Babylone), ils vivaient en rêvant de revenir à la « mère patrie ». Le second est, de manière liée, que tous les Juifs sont, à la fois durant l’époque de « l’exil »et depuis la fondation de l’État d’Israël, sionistes et qu’il est impossible de concevoir les choses autrement. La première doctrine politique sérieuse du sionisme se trouve dans le livre Der Judenstaat (L’État des Juifs) du journaliste autrichien Theodor Herzl. Et en 1897, s’est tenu le premier congrès mondial sioniste. Cette idéologie trouve ses références fondamentales dans le livre sacré des Juifs, l’Ancien testament. Il y est écrit que les Juifs sont les élus de dieu, que l’exil de Palestine est passager et qu’avec l’arrivée du messie, tous les Juifs retourneront en Palestine.

Le sionisme accepte l’antisémitisme comme un élément inévitable. Pour cette raison, il affirme qu’il est absurde de se défendre en s’organisant. La seule possibilité est de constituer leur propre État afin d’y rassembler tous les Juifs du monde. Le sionisme se nourrit de l’antisémitisme, prétend que l’antisémitisme fait partie de la nature humaine et pour prouver la validité de ces affirmations aux Juifs, pour pouvoir gagner une légitimité politique, pour pouvoir diriger les Juifs après la constitution de leur État, il a besoin de l’antisémitisme. Le sionisme se nourrit principalement de l’antisémitisme. À l’échelle philosophique et pratique, il s’agit là d’un courant raciste. Il affirme que l’antisémitisme fait partie de la nature humaine et s’y oppose par son propre racisme. Son système de pensée exclut toutes les autres races et religions. Le résultat inévitable est qu’il se nourrit de la guerre. Le fait de trouver une base politique a été un processus douloureux pour le sionisme.

Cette idéologie qui a commencé à s’organiser dans les années 1880 n’a pu gagner un caractère de masse que suite au génocide des Juifs par les nazis. Les courants sionistes qui ont commencé à s’organiser dans les années 1880 n’ont pu trouver aucune base en Europe. Car depuis environ un siècle, dans les pays de l’Europe de l’Ouest la répression des Juifs avait cessé et ils s’étaient intégrés aux sociétés dans lesquelles ils vivaient à égalité de droits. Après la Révolution française, les Juifs de l’Europe de l’Ouest ont été sont libérés des interdictions et des pogroms qui pesaient sur eux. Comme l’antisémitisme était anachronique en Europe de l’Ouest, le sionisme ne parvenait pas à rassembler. Quant à l’Europe de l’Est, les choses étaient à l’opposé. En Russie et en Pologne où vivaient la majorité des Juifs du monde se trouvaient au pouvoir des régimes autocratiques exerçant une répression lourde. Particulièrement le régime tsariste russe avait désigné les Juifs comme des boucs émissaires et organisait avec l’appui des agents de la police des attaques antisémites systématiques. Dans ces pays, la couche la plus pauvre de la classe ouvrière était constituée par les ouvriers juifs. En Russie tsariste et en Pologne les idées révolutionnaires se répandaient à grande vitesse et les organisations révolutionnaires gagnaient un caractère de masse. Parmi les ouvriers et paysans pauvres juifs, il était question d’une large sympathie pour les idées révolutionnaires et d’une adhésion en grand nombre aux organisations révolutionnaires.

Le nationalisme bourgeois (sionisme) était moins influent que le mouvement ouvrier (Bund, POSDR, SDKPiL…) dans les pays où la pression antisémite de l’État était la plus dure et où vivait le plus grand nombre de Juifs. Il existait comme une petite secte qui ne parvenait pas à trouver une base parmi les Juifs en Pologne et en Russie tsariste. Dans ces pays et afin de pouvoir trouver une base, le sionisme avait développé une courant de gauche avec des accents de classe sociale, cependant il avait été écrasé par le marxisme.

Les sionistes savaient que pour atteindre leur but, ils devaient obtenir le soutien de pays impérialistes puissants. Ils ont donc élaboré toutes leurs stratégies dans ce but. Ils ont fait la propagande selon laquelle ils seraient les gendarmes protégeant les intérêts des puissances impérialistes au Proche-Orient. Ils ont tenté de convaincre les puissances impérialistes que la persistance de leur hégémonie au Proche-Orient passait par l’établissement d’un État sioniste. Cela a commencé pour la première fois alors que la Palestine était une colonie ottomane. Le sioniste Herzl et ses amis ont rencontré le sultan Abdülhamid II pour tenter d’obtenir la permission de créer un État juif en Palestine. Ils ont promis qu’en échange, ils règleraient les problèmes financiers de l’empire ottoman. Mais les sionistes n’ont pu obtenir une réponse favorable de la monarchie. La période était en même temps une période durant laquelle les équilibres entre puissances impérialistes devenaient plus visibles. L’impérialisme britannique devenait très puissant. Dans de nombreux endroits au monde, un mouvement qui s’opposerait à l’impérialisme britannique aurait peu de chances de survivre longtemps et d’obtenir des gains. Les sionistes ont dès lors mené toutes leurs activités dans le but d’obtenir le soutien de l’impérialisme britannique. Le point de vue fondamental des sionistes pouvait se résumer ainsi : « en Palestine, nous constituerons une partie de la ligne de défense de l’Europe face à l’Asie, nous serons l’avant-poste de la civilisation face à la barbarie. En tant qu’État neutre, nous serons en lien avec l’Europe, en échange l’Europe garantira notre sécurité ».

Le sionisme et le nazisme

Avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne en janvier 1933, l’antisémitisme a atteint des sommets. Comme les Juifs étaient transformés en objets de la haine par le pouvoir fasciste, ils n’étaient plus en sécurité en Allemagne. Ce processus constitue en même temps la période où le sionisme a rassemblé le plus en Allemagne. L’élément historique balayé sous le tapis par les historiens bourgeois est la collaboration et les liens étroits entre les nazis et les sionistes. Le principal but ici est de cacher la réalité de la collaboration du sionisme au génocide des Juifs en Allemagne nazie et également de dissimuler le fait qu’il n’y avait pas, entre le sionisme et la tragédie historique du peuple juif, un point commun historique, émotionnel ou matériel. Il existe deux raisons fondamentales à la dissimulation de cette réalité historique :

  • Le premier est de légitimer le sionisme
  • Le second est de renforcer l’antisémitisme

Tant que cette réalité historique n’est pas exprimée, l’État sioniste d’Israël tire sa légitimité du génocide des Juifs. De même, tant que cette réalité n’est pas exprimée, le point de vue essentialiste « tous les Juifs sont sionistes » se répand et comme résultat inévitable de cette expansion, l’antisémitisme qui est un courant de droite se renforce.

La Fédération sioniste d’Allemagne a envoyé le message suivant au parti nazi (NSDAP) le 21 juin 1933, le jour de son arrivée au pouvoir :

Une renaissance de la vie nationale telle que celle qui se produit dans la vie de l’Allemagne.., doit également se produire dans le groupe national juif. À partir de la fondation du nouvel Etat (nazi) qui a établi le principe de la race, nous souhaitons insérer notre communauté dans l’ensemble de cette strucure de façon à ce que pour nous aussi, dans la sphère qui nous est assignée, une activité fructueuse pour la mère patrie soit possible. (citée par Ralph Schoenman, L’Histoire cachée du sionisme, 1988, Selio, p. 65)

Le soutien dès le premier jour au pouvoir d’Hitler des sionistes n’a pas varié dans les années suivantes. Le congrès sioniste mondial a refusé par 240 voix contre et 43 l’appel à action contre Hitler en 1933. L’organisation sioniste mondiale ne s’en est pas contenté et a brisé le boycott juif des biens allemands en se chargeant de leur distribution au Proche-Orient et en Europe du Nord. En échange du soutien du Congrès sioniste mondial à ce niveau aux nazis, Mildenstein du service de sécurité SS a séjourné pendant 6 mois en Palestine afin de soutenir le sionisme. Le ministre de propagande d’Hitler, Goebbels, a publié en 1934 un rapport de 12 chapitres vantant le sionisme. Ne s’en contentant pas, il a de plus commandé une médaille sur laquelle figurait une croix gammée sur une face, et l’étoile de David sioniste sur l’autre. En mai 1935, Heydrich qui était le président du service de sécurité SS, a séparé les Juifs en deux, « bons Juifs » et « mauvais Juifs ». Les bons Juifs étaient les sionistes, il était possible de collaborer en harmonie avec eux. Les mauvais Juifs, quant à eux, étaient ceux qui n’étaient pas sionistes et il fallait s’en débarrasser. Pour pouvoir migrer hors d’Allemagne, il était obligatoire d’obtenir des papiers de migrant auprès de l’organisation sioniste mondiale. Entre 1933 et 1935, les deux tiers des Juifs allemands qui ont fait une demande pour obtenir ces papiers ont vu leur demande rejetée et ont été laissés seuls dans l’enfer nazi. Les sionistes rassemblaient les Juifs dotés d’un métier et conformes à leur idéologie. Durant ce processus, ils ont travaillé de concert avec les nazis. Les sionistes transmettaient aux nazis la liste des Juifs qu’ils accueilleraient et ne s’opposaient pas à ce que le reste soit emmené dans des camps de concentration. Ils collaboraient ainsi au nettoyage ethnique des Juifs en Allemagne. Alors que des millions de Juifs mourraient en raison du génocide mis en œuvre par les nazis, les organisations sionistes s’opposaient plus encore que les partis fascistes aux lois qui faciliteraient la migration vers les États-Unis d’Amérique ou bien en Europe de l’Ouest. Dans les parlements de ces pays, les sionistes votaient contre de telles lois. Il n’y avait qu’un seul but, empêcher les Juifs d’émigrer ailleurs qu’en Israël. Le futur premier ministre Yitzhak Shamir proposait l’accord suivant entre l’organisation militaire nationale et les nazis le 11 janvier 1941 : l’extraction des masses juives d’Europe est la précondition pour résoudre la question juive ; or la réalisation de ce plan n’est possible que si ces masses s’établissent en Palestine qui est la mère-patrie du peuple juif et si un État juif est fondé dans ses frontières historiques…

L’organisation militaire nationale qui a bien conscience de la bonne volonté du Reich allemand et de ses responsables quant aux activités sionistes en Allemagne et quant aux plans de migration sioniste, partage les points de vue suivants :

  1. Il est possible d’avoir des intérêts communs entre le Nouvel Ordre qui sera établi en Europe de manière compatible avec la pensée allemande et les buts nationaux juifs qui se concrétisent dans l’organisation militaire nationale.
  2. La collaboration entre la nouvelle Allemagne et le monde juif reste possible.
  3. La fondation, dans le cadre d’un accord avec le Reich allemand, d’un État historique juif sur une base nationale et totalitaire est nécessaire pour les intérêts germaniques puissants au Proche-Orient à l’avenir.

L’organisation militaire nationale qui a pris pour base ces idées propose, à condition que les buts nationaux du mouvement pour la liberté d’Israël soit reconnus par le gouvernement allemand, de prendre une part active à la guerre aux côtés de l’Allemagne. Pour résumer, le sionisme est le partenaire criminel du génocide des Juifs commis par les nazis. Il a utilisé les victimes du génocide et leurs souffrances historiques pour ses propres buts colonialistes.

La fondation de l’État d’Israël

Avec l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne lors des élections de 1933, les équilibres de pouvoir au Proche-Orient et plus particulièrement en Palestine sont entrés dans un processus de modification complète, même si c’était de manière indirecte. Le gouvernement nazi collaborait d’un côté avec les sionistes pour purger l’Europe des Juifs et de l’autre, il visait à attirer les États arabes dans ses rangs durant la seconde guerre mondiale, ou à tout le moins de faire en sorte que lesdits États adoptent une position neutre. Les nazis ont échoué dans cette stratégie. Les États arabes ont pris position contre l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Lors des émeutes antisémites provoquées en Palestine de 1921 à 1929, près de 200 Juifs et plus de 150 Arabes en perdu la vie. L’Angleterre a, afin de calmer les émeutes, mis une limite au renforcement des Juifs en Palestine. Les Palestiniens, las de la répression britannique et des pertes de territoires qui continuaient, ont entamé en 1936 une révolte qui allait durer trois ans. Les revendications fondamentales de cette révolte étaient les suivantes :

  • Un gouvernement démocratique pour diriger la Palestine
  • Arrêt des colonisations sionistes !
  • Interdiction de l’achat de terrains par les sionistes !

Lors de cette révolte, des méthodes comme la grève générale ou le refus de payer les impôts ont été utilisées. Le gouvernement britannique a écrasé violemment cette révolte. Environ 6 000 Arabes ont été massacrés et leurs maisons ont été incendiées. L’impérialisme britannique a constitué la force de police durant ce processus en armant une partie des Juifs. Cet impérialisme qui avait eu du mal à contrôler la révolte a publié en 1939 un rapport limitant l’immigration juive et proposant l’indépendance au bout de dix ans de la Palestine. Selon ce rapport, l’achat de terrains par les Juifs allait être interdit, 75 mille migrants juifs allaient pouvoir venir dans les 5 années suivantes et ensuite, les portes allaient être refermées. Ainsi, l’État britannique allait créer un État sous son commandement. Grâce à cet État tampon qu’il allait construire, le contrôle du Proche-Orient serait garanti et le canal de Suez serait protégé. L’impérialisme britannique était, pour ses intérêts régionaux, en faveur de la création d’un État tampon arabe. En 1945, les groupes sionistes radicaux sont entrés dans une lutte armée en Palestine contre la Grande-Bretagne. La révolte armée commencée par les sionistes radicaux a considérablement compliqué la question palestinienne et moyen-orientale. La Grande-Bretagne a été contrainte de faire appel aux Nations-Unies pour la résolution de ce problème. À cette date, la population juive en Palestine a atteint les 600 000. Ce chiffre correspondait à un tiers de la population totale. En 1947, les Nations-Unies a adopté une résolution recommandant la remise de l’administration de Jérusalem à une direction internationale et la division du pays en deux, pour les Arabes d’un côté et les Juifs de l’autre. Selon cette proposition, 47 % du pays revenait aux Arabes qui constituaient 70 % de la population et possédaient 92 % des terres. Avec 33 votes pour, 13 votes contre et 10 abstentions, la proposition a été acceptée. Alors que la Grande-Bretagne s’était abstenue, l’URSS a voté pour. L’URSS a qualifié l’établissement de l’Israël sioniste de victoire contre l’impérialisme britannique. Suivant cette décision, le 14 mai 1948 l’État d’Israël a été proclamé. Les Arabes qui n’acceptaient pas cette décision se sont révoltées avec l’appui de la Grande-Bretagne dont le but était de jouer les médiateurs avec l’intensification de la guerre et de dominer les deux parties. La Grande-Bretagne, avant de retirer ses forces de la Palestine, a ouvert ses frontières terrestres et a ainsi préparé le terrain pour que les pays arabes voisins puissent aider la Palestine. La Palestine qui était aidée par les États arabes comme la Syrie, l’Irak, la Jordanie, le Liban et l’Égypte a connu une défaite à l’issue de la guerre. Et ce résultat a causé le renforcement de l’État d’Israël, lui a permis de s’établir sur une zone plus large et d’agrandir sa zone de colonisation. La victoire d’Israël à l’issue de cette guerre a provoqué une modification profonde des équilibres au Proche-Orient. Les États arabes ont refusé de reconnaitre Israël. Les Juifs vivant dans les pays arabes ont été forcés de migrer vers Israël. Près de 600 000 Juifs de plus se sont établis en Israël, provoquant une augmentation importante de sa population. Les États-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne qui mettaient une distance avec Israël avant la guerre ont, suivant leurs intérêts dans la région, changé d’orientation et ont apporté un soutien sans réserve à ce pays. La raison principale de cette orientation pour les États-Unis d’Amérique était de combler le vide laissé par l’impérialisme britannique qui perdait du pouvoir et l’initiative dans la région. La raison principale de cette orientation pour l’impérialisme britannique provenait, quant à elle, du fait qu’avec des États arabes tous plus instables les uns que les autres il était incapable de protéger ses intérêts et qu’il avait besoin pour ce faire du jeune État d’Israël fort et stable. L’un des premiers pays à reconnaître l’État sioniste d’Israël a été l’URSS. Elle avait considéré l’établissement de l’État d’Israël comme un affaiblissement de l’impérialisme britannique dans la région et avait qualifié cet État d’État antiimpérialiste. Dans le cadre de cette perspective, elle a fourni des armes et des munitions à Israël via la Tchécoslovaquie. À la fin de la guerre, Israël a, en obtenant le soutien de l’URSS, des États-Unis d’Amérique et de la Grande-Bretagne, installé sur des fondations solides son État construit au moyen du colonialisme.

La naissance et la disparition du Parti communiste de Palestine

Le parti communiste de Palestine a été constitué en février-mars 1919 suite à la scission du Poalei Zion (Travailleurs de Sion) lors de son 13e congrès. Le Poalei Zion avait été établi en 1900 dans la ville de Minsk en Russie. Il visait à créer un mouvement ouvrier sioniste. Selon l’un de ses théoriciens les plus importants, Ber Bonotchave, la lutte des classes « normale » était impossible pour les ouvriers juifs en raison des oppositions entre les ouvriers des autres nations et les Juifs. Pour cette raison, gagner les ouvriers juifs au combat sioniste était pour lui le but principal. Ce n’est qu’après l’établissement d’une société juive qu’il pouvait être question de la lutte des classes. Le désaccord entre le parti et l’aile gauche qui l’avait quitté en 1919-1920 se limitait à une question linguistique. L’aile gauche refusait que la langue du parti soit l’hébreu [une langue créée par les sionistes à partir de l’hébreu ancien, une langue morte bourgeois] et voulait utiliser le yiddish [la langue parlée par la majorité des Juifs d’Europe centrale] , et s’opposait par ailleurs à la fusion avec Hapoel Hatzaïr (Parti sioniste de la jeunesse ouvrière). Par la suite, ceux qui ont quitté ce groupe ont fusionné avec un autre groupe de gauche et ont constitué le Parti socialiste ouvrier (MPS). Ne figuraient parmi les fondateurs du MPS que des Juifs et le parti n’était actif que parmi les ouvriers juifs. Dans un premier temps, le parti continuait à soutenir le projet sioniste. La première activité du MPS en direction des travailleurs arabes a été le tract en arabe publié le 1er mai 1921. Dans ce tract, ils expliquaient que les ouvriers révolutionnaires juifs arrivant dans le pays visaient à lutter contre les capitalistes juifs, arabes et britanniques avec les travailleurs arabes. Le tract n’a pas eu d’écho notable parmi ces derniers. La manifestation illégale du MPS opposée à celle, légale, de l’Histadrout à Yafta le premier mai, a résulté en une attaque des Arabes contre les Juifs. Suite à cet évènement, le gouvernement britannique a commencé à réprimer le MPS, les principaux dirigeants du parti ont été envoyés hors de Palestine.

L’hostilité profonde et les accrochages entre les travailleurs arabes et juifs sur fond de sionisme ont toujours causé des difficultés au mouvement révolutionnaire palestinien dans ses activités. La question de l’organisation des travailleurs et villageois arabes a constitué l’axe principal des relations entre le Parti communiste palestinien et l’Internationale communiste. Il avait été posé comme condition au parti communiste palestinien qui avait demandé, en 1921, à rejoindre l’Internationale communiste d’adopter une position nette contre le sionisme. Lorsque cette condition a été rejetée de façon certaine en 1922, l’Internationale communiste a appelé les communistes du parti à le quitter. Les membres du MPS qui s’étaient dispersés suite aux évènements du 1er mai ont commencé à se rassembler à nouveau. Le refus de la direction du parti d’adopter une position tranchée contre le sionisme a provoqué le départ d’une aile du MPS qui avait un point de vue clairement antisioniste. L’attitude de l’Internationale communiste a été, quant à elle, qu’il fallait que le groupe qui avait pris le nom de Parti communiste et l’aile qui avait quitté le MPS devaient fusionner. Le 9 juillet 1923, les deux fractions ont fusionné sous le nom du Parti communiste de Palestine (PCP). Le programme du nouveau parti était à la fois antisioniste et compatible avec celui de l’Internationale communiste. En mars 1924, le PCP a été accepté à l’Internationale communiste dont la première instruction pour le parti était de ne pas se limiter aux travailleurs de la minorité juive et de se diriger vers la classe ouvrière arabe. Le PCP a, dans ce but, fait paraitre un journal de 1924 à 1926 pour les travailleurs arabes. Il a travaillé pour orienter ceux-ci vers la participation aux activités syndicales. Il a pris position contre les expulsions des villageois arabes de leurs terres qui avaient été rachetées par les Juifs. Il a également pris position contre le nationalisme bourgeois arabe. Bien que le PCP ne constituait qu’un petit groupe au sein des masses arabes, il a gagné un nombre considérable de militants arabes.

Avec le début en URSS de la contrerévolution bureaucratique stalinienne et la prise de contrôle de l’Internationale communiste par la bureaucratie stalinienne, cette dernière a adopté le programme réactionnaire antimarxiste du « socialisme dans un seul pays ». Ainsi, l’Internationale communiste cessait d’être le parti de la révolution mondiale et se transformait en un appareil de politique des affaires étrangères de l’État de l’URSS. Les programmes de révolution par étapes de la Seconde internationale étaient imposés au mouvement communiste global. Le parti communiste palestinien était aussi influencé par cette situation. Après 1929, pour le PCP le principal combat n’était plus le pouvoir ouvrier qui devait être mis en place grâce à la lutte commune des travailleurs arabes et juifs. Désormais, la priorité était la lutte de libération nationale des masses arabes. Les communistes juifs devaient soutenir inconditionnellement cette lutte. Après cette date, la principale masse pour laquelle le but d’organisation avait été fixé était également modifiée. Il s’agissait dès lors pour le PCP d’organiser les paysans. Après 1933, le parti n’avait plus qu’un seul but, à savoir soutenir la lutte de libération nationale. Pour cela, le programme de révolution socialiste avait été jeté à la poubelle et la perspective de former un front populaire commun avec le nationalisme arabe avait été adoptée. La révolte sur une base nationaliste et antisémite qui avait débuté en 1936 a été soutenue inconditionnellement. Une partie des membres arabes du PCP qui avait participé à cette révolte ont quitté le parti pour rejoindre le parti nationaliste de la liberté. La scission sur une base ethnique entre Arabes et Juifs était devenue inévitable à cause de l’intégration au nationalisme bourgeois arabe suite aux instructions de l’Internationale communiste stalinienne.

En 1937, les communistes juifs ont constitué une section juive séparée. Celle-ci critiquait l’engagement du parti en faveur du nationalisme arabe et le fait qu’il tourne le dos à la classe ouvrière juive. En aout 1940, la section juive a totalement rompu avec le PCP, fait paraitre une revue s’appelant la Vérité et a constitué un groupe s’organisant autour de ce journal. Durant les années 1940 à 1942, des discussions dures avaient eu lieu entre les deux fractions. Pendant cette période, la section arabe a glissé vers le nationalisme arabe, et la section juive vers un sionisme de gauche. Désormais au sein du PCP, l’unité des travailleurs juifs et arabes n’était même plus mentionnée dans les discours.

Lorsque la seconde guerre mondiale a éclaté, l’Internationale communiste avait désigné comme tâche à tous les communistes du monde la défense de la mère-patrie des soviets. Conformément à cette tâche et aux intérêts de la diplomatie soviétique, tous les partis communistes ajustaient leurs positions. Au début de la guerre, suite à l’accord entre Hitler et Staline, le PCP considérait que la guerre était une guerre entre impérialistes et s’opposait à ce que les Arabes et Juifs de Palestine y prennent part ainsi qu’à l’administration britannique de la Palestine. Avec l’attaque allemande contre les soviets, cette attitude a entièrement changé. Il ne s’agissait plus de s’opposer à l’impérialisme britannique qui était l’allié de l’URSS et participait à la guerre contre l’ennemi commun, mais de le soutenir. Le PCP qui s’était fixé comme principal but l’indépendance de la Palestine a commencé à soutenir son État colonisateur. L’impérialisme britannique n’a pas laissé ce geste du parti communiste palestinien sans réponse. Le PCP qui était illégal depuis 1921 s’est vu être légalisé et les pressions politiques ont été levées. Et le Haemeth, afin de réaliser à nouveau l’unité au sein du parti, s’est dissous et a rejoint le parti communiste de Palestine. Le 10 mai 1943, avec le refus des membres arabes du parti de soutenir la grève qui avait commencé dans les camps militaires britanniques dans la ville de Haïfa et qui était organisée par le Histadrout, une nouvelle scission était devenue inévitable. Suite à quoi les révolutionnaires juifs ont créé un groupe nommé les communistes hébreux. Les membres arabes du parti ont, quant à eux, créé un groupe qui s’appelait l’Unité pour la libération nationale.

Après la guerre, lorsque l’URSS a soutenu la fondation de l’État sioniste d’Israël et lorsqu’elle a fourni des armes et des munitions à l’État d’Israël pendant la révolte qui s’opposait à la création de cet État, le parti communiste de Palestine a été complètement liquidé. Les membres arabes ont rejoint des organisations nationalistes bourgeois. Les membres juifs, eux, ont continué à exister en adoptant une ligne sioniste de gauche. Après l’établissement de l’État d’Israël [en 1948], l’organisation des communistes hébreux a poursuivi sa vie politique sous le nom de Parti communiste d’Israël. La lutte commune des travailleurs juifs et arabes, le Parti communiste de Palestine qui a été construit dans le but de la révolution socialiste ont été liquidés à cause des politiques du stalinisme et se sont réfugiés soit dans le nationalisme arabe, soit dans le sionisme.

La création de l’Organisation de libération de la Palestine

Israël qui menaçait sans cesse les pays arabes et qui tentait de les envahir à chaque occasion a réalisé, avec la Grande-Bretagne et la France en 1956, une attaque impérialiste contre l’Égypte. Le véritable but de l’impérialisme britannique était, en utilisant Israël, de mettre à genoux l’Égypte sous le gouvernement de Nasser qui avait nationalisé le canal de Suez. La Grande-Bretagne et la France qui n’ont pu résister aux pressions des États-Unis d’Amérique ont été contraintes de se retirer sans avoir atteint leur but. Cette retraite a causé une montée en flèche du prestige de Nasser et l’expansion à grande vitesse du nationalisme arabe. Les pays arabes constitués de la Jordanie, la Syrie, le Liban, l’Égypte, le Qatar, le Koweït et l’Irak ont pris la décision de s’organiser au sein d’une identité séparée pour le peuple palestinien lors de la conférence arabe de 1964. Ils ont ainsi fondé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

Ils ont placé à la présidence de l’Organisation de libération de la Palestine Ahmed Choukairy qui était l’adjoint au secrétaire général de l’Union arabe aux Nations Unies et le représentant permanent de l’Arabie Saoudite. Choukairy avait été nommé aux Nations Unies en 1950 en tant que délégué de la Syrie. Le fait que la direction de l’Organisation de libération de la Palestine ait été constitué par des bureaucrates des États arabes et qu’il s’agisse d’une organisation créée par le haut avait un but évident. Le mouvement anticolonialiste qui venait de la base contre l’agressivité sans cesse croissant d’Israël se développait rapidement. Afin d’empêcher que ce mouvement ne leur échappe, les États arabes ont créé avec une décision commune l’Organisation de libération de la Palestine.

L’armée de libération de la Palestine avait été constituée en tant qu’aile militaire de l’OLP. Cette aile militaire se composait des soldats palestiniens des armées des États arabes. Indépendamment de l’OLP, en 1958 au Koweït, le Fatah a été fondé sous la direction de Yasser Arafat. Ce dernier était convaincu que la seule voie pour la libération de la Palestine passait par la lutte armée et qu’il fallait se préparer dans ce but. Le Fatah a réalisé sa première action armée en 1965. À partir de cette date, il a gagné la direction du mouvement de libération nationale de la Palestine avec une lutte armée de longue haleine. Suite à la défaite des États arabes lors de la guerre de guerre des Six jours en 1967, le président de l’OLP Choukairy a démissionné. En novembre 1968, le Fatah et de nombreux groupes de guérilla ont rejoint le Conseil national palestinien qui remplissait la fonction de parlement de l’OLP. Yasser Arafat a été élu à la présidence de l’OLP. Après l’arrivée à la présidence d’Arafat, la politique de l’OLP a évolué dans un sens plus radical et indépendantiste.

De 1967 à la paix d’Oslo

Le résultat de la troisième guerre entre Israël et les Arabes qui a eu lieu en 1967 a été, pour les communautés arabes, une grande destruction. Cette guerre s’est terminée avec la mort de 1000 israëliens et de 18 mille Arabes. Durant cette guerre qui a duré six jours, Israël a envahi la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le Sinaï et le plateau Golan. Plus de 200 mille Arabes qui vivaient en Cisjordanie ont été contraints de migrer vers la Jordanie. Suite à l’accord de paix signé avec l’Égypte en 1978, Israël s’est retiré en 1982 du Sinaï pour attaquer tout de suite après le Liban et envahir Beyrouth. Le 3 septembre, les phalanges fascistes libanaises, en collaborant avec Israël, ont attaqué les camps de Sabra et Chatila et massacré 3 000 Palestiniens. Suite à une Israélo-libanaise guerre longue et sanglante et après que l’OLP a accepté d’évacuer les camps de Sabra et Chatila pour se retirer en Tunisie, Israël a accepté de se retirer de Beyrouth tout en continuant à occuper le sud du Liban.

Les Palestiniens ont déclenché en 1987 dans les territoires occupés à Gaza et en Cisjordanie une nouvelle intifada qui a été la seconde intifada après la révolte des années 1930. Son aspect le plus notable est qu’avec la participation forte des enfants et des jeunes, des grèves d’ouvriers et de villageois arabes ont eu lieu dans la région sous domination israélienne. Les grèves de masse en sérieusement touché l’industrie et l’agriculture. Cela a laissé une expérience importante sous l’angle de l’utilisation des méthodes de lutte de classes. En 1969, Arafat qui était élu à la présidence de l’OLP défendait, pour la résolution définitive de la question palestinienne, la République laïque et démocratique à un seul État qui comprendrait les musulmans, les chrétiens et les israélites. Il liait la résolution de cette question à la destruction de l’État sioniste d’Israël.

Pourtant, en 1988, il a accepté la persistance de l’occupation sioniste en faisant des grandes concessions sur son programme. L’OLP a ainsi accepté la politique des deux États et a déclaré un mini-État qui comprenait la Cisjordanie et Gaza. Jérusalem-est est devenu la capitale et Arafat le chef de l’État. En tant que résultat des rencontres avec Israël sous l’égide des États-Unis d’Amérique, un accord de paix à été signé en 1993 à Oslo. Cependant, l’accord ne contenait pas une seule ligne sur l’agressivité du régime sioniste d’occupation. Israël devait reconnaitre ce mini-État palestinien. Il s’agissait d’un État tel que les liens entre les îlots d’habitation créés dépendaient du contrôle de l’armée israélienne. La circulation des Hommes et des marchandises était quasiment impossible. Il s’agissait plus d’une prison pour les Palestiniens que d’un État palestinien. Les accords d’Oslo n’étaient ni plus ni moins que le nom des chaines que portait le peuple palestinien. La solution des directions nationalistes bourgeois et de l’impérialisme se limitait à cela. L’Autorité palestinienne avait pieds et poings liés, il est demeuré une caricature d’État qui ne pouvait aller plus loin que d’exercer sa puissance contre son propre peuple.

Israël a continué à augmenter le nombre des zones de colonisation civiles et des bases militaires en Cisjordanie et à Gaza. Il s’est retiré de 22 % des territoires qu’il avait promis d’évacuer au bout de 6 ans. Il a poursuivi ses massacres et a déclaré à chaque occasion qu’il ne reconnaissait pas la Palestine. Le résultat inévitable de cette situation a été l’éclatement d’une nouvelle intifada ; après laquelle une guerre longue et sanglante s’est poursuivie.

Au bout de processus qui a couté la vie à 3 000 personnes et en tant que procédé devenu un classique rance, un nouveau processus de paix a vu le jour sous l’égide des États-Unis d’Amérique. La « feuille de route » préparée par les États-Unis d’Amérique, les Nations-Unies, l’Union européenne et la Russie a été transmise en 2003 aux deux parties qui l’ont signée. Cette feuille de route, tout comme la paix d’Oslo, n’était pas différente des chaines pour ligoter la population palestinienne. Cette feuille de route pleine de lacunes comportait un point qui prévoyait qu’Israël devait se retirer des zones occupées, et que la Palestine devait libérer les zones où elle s’était établie. Par ailleurs, il était question qu’Israël et la Palestine se reconnaissent mutuellement. Le Fatah légitimait une fois de plus la persistance de l’occupation sioniste en reconnaissant Israël. De plus, les frontières de l’État palestinien qu’Israël devait reconnaitre conservaient leur caractère incertain dans cet accord. La plus grande perte pour la Palestine de ce processus était la suivante : Arafat a dû se retirer des réunions sous prétexte qu’il soutenait le terrorisme. Ainsi, alors que la lutte anticoloniale d’indépendance de la Palestine était qualifiée de terrorisme, l’occupation israélienne était avancée comme un sujet de sécurité nationale. Avec le retrait d’Arafat qui était identifié à la cause de la libération de la Palestine et qui avait été choisi comme dirigeant par le peuple palestinien, la volonté politique du peuple palestinien se trouvait mis hors-jeu. À la place d’Arafat, c’est le premier ministre marionnette Mahmoud Abbas qui participait aux rencontres.

Cette feuille de route avait été conçue entièrement en fonction des intérêts de l’État bourgeois d’Israël. Pourtant, l’État sioniste d’Israël a, dès le début, déclaré clairement qu’elle ne fonctionnerait pas et qu’il ne se sentait pas lié par la feuille de route. Comme à chaque fois, il ne s’est pas retiré des territoires occupés et s’est contenté d’évacuer une petite zone pour donner le change. Israël défendait l’envoi de tous les Arabes de Palestine en Jordanie et la construction d’un État palestinien dans ce pays. Pour l’État sioniste d’Israël il n’y avait qu’un seul chemin vers la paix, l’invasion de toute la Palestine, l’exil forcé des Arabes et la réduction en quasi-esclavage de ceux qui seraient restés. Chaque solution, chaque accord de paix conçu sous l’égide des métropoles impérialistes consistait en une méthode différente pour institutionnaliser l’occupation sioniste et de l’exil vers des camps du peuple palestinien.

Thèses sur la révolution permanente en Palestine

1) La question palestinienne n’est pas, contrairement à ce qu’avance la bourgeoisie mondiale, une guerre de religion ou bien une guerre ethnique. Il s’agit d’un problème d’occupation et de colonisation impérialistes. Le sionisme vise à occuper la totalité de la Palestine, l’exil de toute la population arabe des terres où ils vivent et la réduction en quasi-esclavage de ceux qui restent. Le but de l’État sioniste bourgeois, son idéologie officielle se sont organisés de bas en haut sur cet axe. La lutte anticoloniale du peuple palestinien est juste et légitime du point de vue historique. La perpétuation de l’existence de l’État sioniste d’Israël signifie que la Palestine peut à tout moment faire l’objet de nouvelles invasions, annexions et de nettoyages ethniques. L’État sioniste d’Israël est le principal poste de police de l’impérialisme au Proche-Orient. Tout comme il est impossible de domestiquer l’impérialisme qui se nourrit fondamentalement de la guerre, des invasions et de l’exploitation, il est impossible de domestiquer ou de corriger le sionisme dont la raison principale d’exister est d’exiler les Palestiniens des terres où ils vivent et de commettre des nettoyages ethniques. Toute proposition de solution qui défend la continuité de l’État sioniste d’Israël revient à approuver que le peuple palestinien fasse face à des nouvelles occupations et à de nouveaux massacres ethniques. L’une des pierres angulaires pour être capable de défendre la révolution en Palestine et au Proche-Orient, de pouvoir construire des organisations compatibles avec ce but et de lever les obstacles qui se trouveraient devant est de placer la destruction de l’État bourgeois sioniste d’Israël comme un but fondamental. Faire des concessions sur la destruction de l’État sioniste bourgeois d’Israël signifie de capituler face au sionisme et à l’impérialisme.

2) Ce qui maintient le sionisme debout, ce qui le fait vivre en tant projet et ce qui l’a fait parvenir à nous jours est avant tout l’impérialisme des États-Unis d’Amérique, de la Grande-Bretagne et de l’Union européenne. L’État sioniste bourgeois est l’avant-poste de l’impérialisme au Proche-Orient. Sans cet avant-poste, l’impérialisme des États-Unis d’Amérique et de l’Union européenne ne peut maintenir la domination dont il jouit actuellement au Proche-Orient. Pour cette raison l’impérialisme ne renoncera pas à l’avant-poste sioniste au Proche-Orient, tout comme l’État sioniste bourgeois n’a aucune chance de survie sans le soutien de l’impérialisme. Par conséquent, la lutte pour la destruction de l’État sioniste bourgeois constitue en même temps une lutte directe contre l’impérialisme qui le nourrit et le maintient debout. La lutte pour les revendications les plus simples en Palestine comme l’indépendance, les droits démocratiques, les droits fondamentaux de l’Homme, le droit à la vie est à un niveau inséparable de la lutte socialiste contre l’impérialisme. De nombreuses expériences historiques et l’expérience de la lutte en Palestine ont montré de façon brulante qu’une lutte cohérente et globale contre l’impérialisme ne peut être menée que sous la direction de la classe ouvrière avec un programme révolutionnaire internationaliste et avec un parti révolutionnaire. Aussi radicales que soient les luttes et les actions des directions dépourvues de perspectives anticapitaliste et révolutionnaire internationaliste, au bout du compte ces directions finissent par se concilier avec le sionisme et l’impérialisme, et admettent la prison des îlots de l’État de Palestine contrôlé par l’État sioniste d’Israël déterminé par l’impérialisme.

3) Vanter les directions bourgeoises reposant sur le nationalisme arabe et sur l’islamisme en Palestine comme l’OLP, le Fatah, le Hamas, le Djihad islamique, etc. et attendre de ces directions politiques qu’elles remportent des victoires contre l’impérialisme est une attitude totalement erronée et douteuse. L’impérialisme est avant tout le stade suprême du capitalisme. Il repose sur la domination mondiale du capital financier. Un discours antiimpérialiste déconnecté de la lutte anticapitaliste n’est rien d’autre qu’une tentative de diversion des politiques bourgeois et petit-bourgeois défendant le nationalisme. Une politique qui ne mène pas la lutte antiimpérialiste sur fond de lutte contre le capitalisme du pays dans laquelle elle se trouve et qui ne prend donc pas réellement position face au fonctionnement impérialiste-capitaliste n’est pas une politique antiimpérialiste mais une politique bourgeoise nationaliste. Sur ce point, aussi radicales que puissent paraitre les organisations de type OLP, Fatah, Hamas, Djihad islamique, etc. et bien que leur base soit constituée d’ouvriers, de travailleurs et de villageois pauvres, tout leur programme représente les intérêts de la bourgeoisie palestinienne. Comme toute bourgeoisie nationale, la bourgeoisie palestinienne ne possède pas la capacité de livrer une lutte cohérente et globale contre l’impérialisme. Leur objectif consiste à satisfaire des intérêts bourgeois étroits et égoïstes limités à l’obtention d’un statut politique par la bourgeoisie palestinienne. Le programme politique et l’histoire de la lutte de la direction du Fatah et de l’OLP a eu lieu sur l’axe de la collaboration avec l’impérialisme. L’ONU qui est une institution impérialiste a approuvé l’État palestinien qui s’est transformé en vastes prisons en acceptant la solution à deux États. Toute la lutte du Fatah et de l’OLP a consisté à être reconnu dans le cadre du droit du système impérialiste-capitaliste. Le Hamas n’est guère différent, il place ses attentes dans l’ONU qui est une institution impérialiste en circonscrivant la lutte dans les frontières de la Palestine, il espère une modification de la politique palestinienne des États-Unis d’Amérique. Il lutte pour que l’État palestinien qui s’est transformé en une prison d’ilots déterminés par l’impérialisme devienne une prison avec de meilleures conditions de vie. Alors que la réalité de l’aide reçue par les organisations comme le Hamas ou le Djihad islamique des régimes arabes réactionnaires et pendant un temps des États-Unis d’Amérique et des camps impérialistes apparait au grand jour, qualifier la lutte de ces directions comme antiimpérialiste revient à défendre non les classes laborieuses palestiniennes mais les intérêts de la bourgeoisie palestinienne.

Même s’ils contiennent des éléments socialistes, le programme des organisations comme le Fatah ou le Front populaire de libération de la Palestine est globalement compatible avec le capitalisme. Le but ultime de leur lutte qui s’est entièrement circonscrite dans des objectifs se situant dans le cadre du système se concrétise dans l’État de Palestine indépendant et capitaliste. Ces mouvements politiques qui ont démarré avec le nationalisme arabe pour adopter les théories staliniennes de révolution par étapes, séparent la libération nationale d’avec la libération sociale et érigent des murs infranchissables entre ces deux éléments. Gagner d’abord la libération nationale est érigée en stratégie fondamentale, et ces mouvements avancent que pour ce faire, il faut d’abord former un front national large avec tous les mouvements nationaux et qu’il sera possible de parler de la révolution socialiste que lorsque la libération nationale sera achevée. Ces directions nationales qui sont des débris du stalinisme subordonnent la lutte des travailleurs palestiniens au nationalisme arabe et à l’islamisme et servent à ce que ces travailleurs se transforment en masses prêtes à lutter pour les buts de la bourgeoisie palestinienne.

4) Les véritables amis des travailleurs palestiniens ne sont ni les nationalistes arabes, ni les islamistes, ni les forces nationalistes de gauches qui sont des débris du stalinisme et qui subordonnent ces travailleurs à la bourgeoisie arabe. La totalité de ces directions politiques ne disposent d’autre objectif que d’obtenir un statut politique pour la bourgeoisie palestinienne et de le faire reconnaître au sein du droit du système impérialiste-capitaliste. Leur but n’est pas de lever l’état de captivité du peuple palestinien mais de le réduire au minimum. Les classes dominantes arabes ne sont pas non plus des alliés des travailleurs palestiniens. Les États arabes sont au moins aussi responsables que le sionisme et l’impérialisme du fait que la question palestinienne est ce qu’elle est aujourd’hui. Ces États ne pensent qu’à leurs propres intérêts bourgeois et abordent la question palestinienne sous cet angle. Ils ont apporté un appui par le passé pour maintenir la lutte de libération palestinienne sous leur propre contrôle et la subordonner à leurs intérêts d’hégémonie régionale. De nos jours, non seulement la totalité des États bourgeois arabes reconnaît l’État sioniste d’Israël, mais de plus ils entretiennent des relations commerciales, politiques et diplomatiques avec celui-ci. Ils ne se privent pas de soutenir les solutions de l’impérialisme des États-Unis d’Amérique et de l’Union européenne qui transforment la Palestine en îlots de prisons. C’est pourquoi aucune direction politique bourgeoise, petite-bourgeoise, nationaliste ou islamiste n’est l’ami des classes laborieuses en Palestine. Le chemin pour la libération de celles-ci passe par la rupture révolutionnaire avec le nationalisme arabe, l’islamisme et l’antisémitisme.

L’unique allié des classes laborieuses de Palestine est constitué par la classe ouvrière juive et chrétienne vivant en Israël et plus généralement tous les travailleurs et opprimés du Proche-Orient. Pour cette raison, il faut un parti révolutionnaire possédant des sections fortes au Proche-Orient construit sur une base marxiste internationaliste qui puisse organiser la lutte révolutionnaire militante contre les classes capitalistes locales et la réaction bourgeoise dans l’optique de constituer les soviets du Proche-Orient.

5) La condition principale de la construction d’une direction révolutionnaire prolétarienne en Palestine contre le sionisme et l’impérialisme passe par la mise en avant d’un programme d’action qui assurera l’unité de tout le prolétariat de Palestine (musulman, juif, chrétien, arabe, hébreu). Le chemin de cette mise en avant passe par la rupture avec les idéologies qui sont des obstacles devant la révolution palestinienne et qui lient la classe ouvrière de Palestine à la bourgeoisie arabe et sioniste (le nationalisme arabe, l’islamisme, le sionisme, l’antisémitisme) et l’apparition devant tous les travailleurs et opprimés du Proche-Orient avec un parti révolutionnaire doté d’un programme révolutionnaire. Que les forces d’avant-garde de la classe ouvrière arabe et juive développent une stratégie socialiste conforme à cet objectif présente une importance vitale pour l’avenir de la révolution palestinienne et moyen-orientale.

6) À la base de cette stratégie et à chaque pas pratique doivent se trouver la nécessité de faire face à l’impérialisme et au sionisme, la nécessité de rupture avec le nationalisme arabe, l’islamisme, l’antisémitisme et le sionisme de gauche et le besoin d’assurer l’unité des ouvriers arabes et juifs durant la construction du parti. Les buts impériaux et expansionnistes de l’État bourgeois sioniste font partie de ses raisons fondamentales d’existence. Les deux revendications auxquelles il ne faut jamais renoncer pour perturber ce but impérial et expansionniste et assurer l’unité du prolétariat arabe-juif sont les suivantes :

Premièrement, il ne faut jamais renoncer à la lutte pour le retour des Arabes palestiniens qui ont été chassés de leurs terres depuis 1948, car comme cette revendication est diamétralement opposée à l’idéologie officielle de l’État sioniste bourgeois fondée sur l’expansion, elle possède un caractère affaiblissant le but d’occupation sioniste.

Deuxièmement, il faut que la classe israélienne prenne position contre toute la pression nationale sur les Arabes vivant dans la zone où l’État sioniste d’Israël exerce sa souveraineté, qu’elle revendique des droits égaux pour les Arabes, qu’elle s’organise dans des organisations ouvrières communes et qu’elle livre une lutte de classe commune. L’adoption d’une telle position signifiera que la classe ouvrière juive livre bataille contre l’idéologie raciste de l’État sioniste bourgeois. Par ailleurs, non seulement cela ouvrira la voie à la perte de l’hégémonie des organisations ouvrières sous contrôle sioniste et des organisations sionistes de gauche sur la classe ouvrière juive mais de plus servira de bouclier puissant contre la vague antisémite artificielle produite en permanence au sein de la classe ouvrière arabe.

7) La direction prolétarienne de la résistance palestinienne devra, afin de lever les obstacles devant la révolution palestinienne et lutter contre l’impérialisme, livrer une lutte de classe sans concession contre son propre État bourgeois et la classe capitaliste locale. Et pour cela, elle doit participer à la lutte avec un programme visant à modifier entièrement les rapports de production ainsi que l’appareil d’État. Elle doit lutter pour exproprier sous contrôle ouvrier tous les biens et tous les moyens de production dans le pays de la bourgeoisie qui s’enrichit grâce à la corruption et à l’exploitation du travail des autres et qui se concilie avec le sionisme et l’impérialisme à chaque occasion pour ne pas perdre ses privilèges. Elle doit entrer dans la lutte pour abolir l’État et les organes de direction existants et pour un gouvernement ouvrier. Lors de l’organisation de cette lutte, il est obligatoire de constituer ses organisations d’autodéfense et ses milices ouvrières armées.

8) L’établissement d’un État ouvrier en Palestine fera sans aucun doute face à une menace d’invasion à la fois de l’État sioniste d’Israël et des régimes arabes de la région et risquera de s’étouffer. L’unique voie pour l’établissement d’un État ouvrier en Palestine et pour rendre cet État viable passe par le renversement à la fois d’Israël et de tous les régimes arabes de la région et la réalisation de la révolution prolétarienne dans ces États. C’est pourquoi il est obligatoire de renverser les régimes réactionnaires aussi bien en Israël que dans les pays arabes. Et pour cela, la construction d’un parti révolutionnaire qui luttera pour les soviets ouvriers du Proche-Orient et qui disposera du programme de la révolution permanente en Israël, en Palestine et dans tous les pays arabes n’est pas une préférence mais une obligation.

9) Le prolétariat juif en Israël est parmi les prolétariats les plus avancés du Proche-Orient. Il se trouve intensément exploité par la bourgeoisie sioniste. Les 18 familles qui dirigent Israël s’accaparent 35 % de l’ensemble des revenus nationaux. Le sionisme qui est l’idéologie des classes dominantes pousse le prolétariat juif à se mobiliser pour les intérêts de la bourgeoisie. Il empêche la lutte des classes, la construction d’organisations ouvrières indépendantes de l’État et du capital et la naissance d’un mouvement ouvrier révolutionnaire. Les syndicats sionistes comme l’Histadrout servent à enchainer le prolétariat juif. Ces chaines doivent être brisées. L’organisation internationaliste qui rassemblera les travailleurs arabes et juifs et qui construira leur lutte commune est une obligation inévitable pour la révolution en Palestine et dans tout le Proche-Orient.

18 juin 2021