Congrès du SNESup-FSU, 12-14 juin, Paris

Le Congrès d’orientation du syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESup), qui fait partie de la FSU, avait lieu à Paris les 12 et 14 juin. Le rôle de ce congrès est de discuter de l’orientation du syndicat et de renouveler sa direction. Il se compose de délégués (127) élus par les sections qui ont voté préalablement sur le bilan de la direction et sur les motions d’orientation. Le congrès vise en réalité à valider les votes et laisse peu de place au débat. 1 674 syndiqués ont voté, soit à plus d’un tiers de participation (34 %). 1 269 ont voté en faveur du bilan (76 %), 108 ont voté contre (7 %), le reste s’abstenant ou ne prenant pas part au vote. Les deux tendances qui se partagent l’essentiel des postes de direction sont restées majoritaires : 867 voix pour Action syndicale (soit 52 % des exprimés, et 22 sièges à la commission administrative, qui en compte 41) et 461 pour École émancipée (30 % et 12 sièges). La tendance AGIR, une scission bureaucratique de la direction a obtenu 227 voix (15 % et 6 sièges), et une nouvelle tendance PSC (Pour un syndicalisme de combat), un centrisme assez confus, a obtenu 52 voix (3 % et un siège).

Tout au long des trois journées la direction SNESup a cherché à nier la responsabilité des directions syndicales dans la défaite que constitue le report de deux ans de l’âge de la retraite et ainsi masquer leur trahison. La secrétaire sortante (et réélue) Anne Roger se demande si « la lutte sur les retraites est une défaite ». Le ton était le même de la part de la majorité des organisations invitées. Le représentant SNTRS-CGT tenait, dans le même discours, deux propos inconciliables : « on a gagné », puis : « on aurait gagné avec la grève générale ». Le représentant du SNCS-FSU vantait « l’exemplarité des syndicats » et se réjouissait des « mouvements en cours… pour une nouvelle programmation budgétaire, pour un dialogue social dans le ministère ». Le représentant de l’UNEF se disait quant à lui « optimiste pour la suite », assurant que « la période a redonné confiance au syndicalisme », que « l’unité syndicale a permis de faire de grandes choses ». Quant à Benoit Teste, secrétaire de la FSU, qui s’est absenté de sa discussion avec le ministre Ndiaye sur la dislocation des statuts (les « pactes »), affirmait que le mouvement « est un point d’appui », martelait sa « confiance en les journées d’action » en vue d’une « inversion du rapport de force sur la répartition des richesses ».

La possibilité d’intervenir pour défendre une position distincte de la direction était très limitée, deux heures de débat en séance plénière en début de congrès, chaque intervenant étant limité à trois minutes. L’intervention d’un délégué membre du Groupe marxiste internationaliste fut la suivante :

Le gouvernement Macron-Borne, à la suite des gouvernement Macron-Castex, Macron-Philippe, et de tous les gouvernements bourgeois qui les ont précédés poursuit l’offensive de la classe capitaliste contre tous les travailleurs. Après les offensives contre les chômeurs, contre les étudiants, contre les enseignants, contre les étrangers, contre les travailleurs étrangers, le gouvernement s’en est pris à tous les salariés, passés, présents et futurs en repoussant de deux ans l’âge minimum légal de départ à la retraite.

Les travailleurs et les jeunes ont montré leur détermination en se mobilisant contre ce projet, jusque dans les petites villes comme on ne l’avait pas vu depuis très longtemps. Pas moins de quatorze journées d’action, ont été convoquées par l’intersyndicale. Mais au bout du compte, la loi a été promulguée. C’est une défaite pour tous les travailleurs. Il faut en tirer le bilan si l’on veut se préparer aux prochaines luttes, inévitables.

Cette défaite n’était pas écrite d’avance. Ce n’est pas la mobilisation et la combattivité des travailleurs qui ont manqué. Mais cette défaite vient d’une part des illusions répandues volontairement par les députés LFI, PCF, PS, qui ont cherché à entretenir le mythe que le parlement pourrait s’opposer efficacement au gouvernement. Évidemment le gouvernement a utilisé toutes les ficelles de la constitution gaulliste réactionnaire de la Ve République pour parvenir à ses fins, à coup de 44.1, 47.1 et 49.3. D’autre part, cette défaite résulte de l’éclatement et de la dispersion des forces de la jeunesse et des travailleurs par les appareils syndicaux qui ont accepté de discuter pendant des mois avec le gouvernement du projet contre les retraites, qui ont convoqué 14 journées d’action dont ils savaient pertinemment qu’elles ne menaçaient en rien le gouvernement.

On nous dit que les travailleurs ne sont pas prêts pour la grève générale, que la grève générale ne se décrète pas. Pourtant, qui a décrété ces 14 journées d’action parfaitement inoffensives, pendant que les secteurs les plus combattifs étaient appelés à des grèves reconductibles isolées, épuisantes, couteuses et inefficaces ? Seule la grève générale, en dressant toute la force de la classe ouvrière, pouvait vaincre le gouvernement. En refusant obstinément d’y appeler, ce sont leurs directions qui ont protégé Macron.

Les jeunes et les travailleurs viennent de subir une défaite mais ils ne sont pas écrasés. Le gouvernement envisage de porter de nouveaux coups. Le mot d’ordre de grève générale, de comités de grève élus, d’auto-organisation sera de nouveau à l’ordre du jour. Notre organisation syndicale peut jouer un rôle très important dans ces combats futurs, si elle est claire dans son analyse sur le bilan de ce mouvement et claire dans les perspectives.

Il a déposé une motion :

Depuis des années, le service public d’enseignant supérieur se dégrade à grande vitesse (sélection accrue des étudiants avec Parcoursup et Bienvenue en France, diminution du nombre de recrutements de personnels titulaires, renforcement des pouvoirs locaux, aggravation des difficultés de financement et incitation à la concurrence entre collègues avec l’explosion de la recherche par projets, blocage des salaires…).

Le congrès du SNESup-FSU rejette toute concertation des projets gouvernementaux. Il se prononce pour le départ des représentants de la FSU du Conseil d’orientation des retraites, du Conseil économique, social et environnemental, et du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le congrès demande à la FSU et à toutes les confédérations d’exiger le retrait pur et simple des projets contre l’enseignement supérieur et la recherche publics, contre les étudiants, contre les personnels, de préparer les combats pour vaincre le gouvernement et satisfaire les revendications (augmentation des salaires, respect des statuts, titularisation des précaires, maintien de nos retraites, embauche massive de titulaires…).

Mais, comme la plupart des motions, elle n’a pas été soumise au vote. Ainsi fonctionne l’appareil qui a appelé à voter Macron lors de la présidentielle au nom de la défense de la démocratie.

Dans l’enseignement supérieur comme dans tous les secteurs, dans la FSU comme dans tous les autres syndicats, fédérations ou confédérations syndicales, il est nécessaire qu’une tendance intersyndicale lutte de classe se constitue pour combattre :

  • Contre la participation des directions syndicales au dialogue social, concertations, négociations des plans et attaques du gouvernement et du patronat et pour imposer les retrait des syndicats de tous les organes de participation, concertation et cogestion, aussi bien du Conseil d’orientation des retraites (COR) ou du Conseil économique, social et environnemental (CESE) que des conseils d’université ou conseils d’établissements en lycées ou collèges, qui, tous, servent de point d’appui dans la discussion et la mise en place des contreréformes.
  • Contre la politique des journées d’action qui sont des coups d’épée dans l’eau qui ne gênent en rien ni le gouvernement ni le patronat et contre l’appel aux grèves reconductibles dans les secteurs les plus combattifs qui isolent et épuisent les travailleurs sans résultats
  • Pour mettre d’ores et déjà à l’ordre du jour et défendre lors des prochains combats inévitables des revendications nationales comme le rattrapage et l’indexation automatique des salaires, retraites et allocations sur l’inflation, la création des postes nécessaires dans l’enseignement public, la recherche publique, la santé publique, etc., les mots d’ordre de grève générale, de comités de grève élus, coordonnés et centralisés, d’autodéfense des manifestations et des piquets de grève.
  • Pour l’unification de tous les syndicats en une seule confédération syndicale, unitaire et démocratique, avec droits de tendance, pour rassembler tous les travailleurs.