Sur la lutte des classes en France et dans le monde

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Météo France vient d’annoncer que 2022 a été l’année la plus chaude jamais observée en France, sans même attendre les relevés de décembre. 8 des 10 années les plus chaudes depuis que les mesures existent (1900) se situent entre 2010 et aujourd’hui. En France en 2022, la température moyenne a excédé de 3,8°C la moyenne établie pour la période 1960-1990 en mai, juin juillet et aout. Cela permet de voir concrètement ce qui se perçoit plus difficilement quand on parle de réchauffement de 2 ou 3 degrés à l’horizon 2100. Car il ne s’agit que d’une moyenne planétaire globale qui cache des extrêmes beaucoup plus importants. La COP 27 a décidé de continuer comme avant, et, avec la rupture des livraisons de gaz russe, les pays européens ont donc cherché du gaz ailleurs. Au Qatar avec qui les contrats s’enchainent et aux Etats-Unis. Mais il s’agit alors de gaz naturel liquéfié (GNL). Le gaz est liquéfié pour être transporté plus facilement : une fois liquide il occupe 600 fois moins de volume qu’à l’état naturel. La liquéfaction par refroidissement (-163 degrés) est très consommatrice d’énergie et nécessite des installations industrielles importantes, aussi bien au moment de la liquéfaction qu’à l’arrivée avec la regazéification. Par exemple l’Allemagne a mis en place des installations flottantes de regazéification pour plusieurs milliards d’euros. Des études de l’Université de Graz de 2021 montrent que si l’on tient compte de l’ensemble du cycle de production du GNL, un camion utilisant cette énergie sera plus polluant en particules cancérigènes et émetteur de CO2 qu’un camion utilisant le diesel ! Mais qui dit installations industrielles importantes dit aussi contrats longs pour rentabiliser l’investissement. Mais comme on est vertueux, ce sont des contrats qui ne peuvent aller que jusqu’en 2049. Car après, c’est promis on se met aux énergies décarbonées…

Le gaz américain est trop cher, disent Macron et Le Maire. Quand il est produit aux Etats-Unis, le gaz vaut 6 dollars le MBtu, le millier de « british température unit ». 1 MBtu équivaut à environ 293 watts. Arrivé en Europe, il vaut 36 dollars. Il faut le liquéfier, le transporter, le regazéifier, autant d’opérations où des multinationales américaines et européennes prennent leur part, comme l’entreprise Chenière du côté américain et Total, Esso… du côté européen. Ce prix n’est donc pas le résultat de la volonté express de l’Etat américain, mais celui du fonctionnement habituel du capitalisme international.

Les russes fournissaient 80 milliards de m³ de gaz par an à l’Europe, les Etats-Unis vont en fournir 50 milliards. Ces 50 milliards de m³ de gaz vont émettre 400 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent du fonctionnement en continu de 100 centrales à charbon. De plus ce gaz américain est produit par fracturation hydraulique, donc avec beaucoup de dégâts écologiques. Le reste du gaz manquant, 30 milliards de m³ vient et viendra du Qatar, de Norvège, du Kazakhstan, etc. Donc, contrairement à ce qui est raconté ici ou là, la guerre en Ukraine ne pousse aucunement les impérialismes à accélérer la « transition énergétique », pour reprendre leurs termes.

Cependant la France se prépare à des coupures électriques cet hiver par insuffisance de production et manque de disponibilité électrique en Europe. Cela n’a rien à voir avec la guerre en Ukraine et ses conséquences, comme le retrait du gaz russe, qui a été remplacé en partie et compensé par le charbon en Allemagne, par exemple. Mais cela vient avant tout de l’incapacité du capitalisme français à continuer d’assurer un approvisionnement électrique à la hauteur des besoins, à relier avec son incapacité à maintenir des hôpitaux à niveau, des services de train ou de métro, etc., donc à assurer un fonctionnement « normal » de la société, ce qui est tout de même une condition utile et nécessaire pour que l’exploitation se déroule dans des conditions sécurisées. Ce n’est pas le propre de l’impérialisme français, il suffit de regarder l’impérialisme anglais pour constater que c’est encore pire, c’est-à-dire que nombre d’impérialismes aujourd’hui maitrisent de plus en plus difficilement leur avenir immédiat, perdent les pédales et que les contradictions s’accumulent en leur sein, alors que la crise économique n’est même pas encore déclenchée et que nous ne sommes pas en guerre.

Macron est aux Etats-Unis pour essayer de faire assouplir l’« Inflation Reduction Act »(IRA), promulgué le 16 aout 2022, censé combattre le réchauffement climatique. Cette loi autorise 390 milliards de dollars de dépenses en subventionnant les entreprises qui produisent américain, qui s’installent aux Etats-Unis, et en subventionnant l’achat de leurs produits. Entre fromage et dessert, Biden a dit à Macron d’aller se faire voir, mais plus poliment… C’est bien sûr du protectionnisme, mais qui ressemble à celui que met en place Scholz en Allemagne avec 200 milliards d’euros pour préserver ses entreprises des coûts de l’énergie. En fait le protectionnisme a le vent en poupe, et Macron voudrait que l’Europe fasse la même chose que les Etats-Unis. Car il y a un risque réel que des entreprises se délocalisent aux Etats-Unis, où les attendent des subventions beaucoup plus généreuses que celles que peuvent leur offrir les bourgeoisies européennes et où l’énergie n’est pas chère. Cela concerne au premier chef l’industrie automobile, mais pas seulement. Déjà, Solway, Safran et Tesla pourraient privilégier les Etats-Unis pour leur extension. L’Allemagne est réticente car elle craint d’autres mesures de rétorsion. L’économiste keynésien Thomas Piketty tombait d’accord vendredi 2 décembre sur France Inter avec le journaliste des Échos Dominique Seux sur la nécessité de ces mesures protectionnistes, Piketty allant plus loin car en appelant même à des mesures protectionnistes françaises, taxant les produits en fonction des conditions écologiques et sociales dans lesquelles ils sont produits, visant ainsi tout autant les Etats-Unis que la Chine…

Les affrontements économiques entre les impérialismes vont s’accentuer et précipiter l’irruption d’une nouvelle crise économique par le rétrécissement des échanges qui va s’ajouter aux autres maux de l’impérialisme pourrissant, la dette, la hausse des taux, etc.

Enfin une bonne nouvelle pour notre camp : les protestations et manifestations en Chine, qui ont pris rapidement une dimension politique majeure avec le « XI démission », mais aussi avec des éléments révolutionnaires, par exemple une manifestation chantant l’internationale, les affrontements avec la police, et chez Foxconn à Shenzhen, où travaillent environ 250 000 ouvriers. Ces manifestations ne touchent pas que le prolétariat, mais aussi les couches moyennes de la petite bourgeoisie, les étudiants…Si ces manifestations ont lieu, malgré l’encadrement policier de toute la société et les risques immédiats encourus par les participants, cela signifie que le niveau de colère contre les mesures du régime, voire contre le régime, atteint un degré inconnu depuis de très nombreuses années. Ça commence à craquer. Là aussi, la puissance de l’impérialisme chinois, réaffirmé au 20e congrès du PCC, cache de plus en plus mal les contradictions du capitalisme qui le mine de l’intérieur. Pour le dire vite, l’impérialisme chinois n’est plus à même d’assurer à la petite bourgeoisie, à la classe ouvrière, une progression de ses conditions de vie, ce qu’il avait réussi à faire ces dernières années, même de manière disparate. Le chômage des jeunes est de l’ordre de 20 % par exemple. Ce ne sont là que des prolégomènes, mais le jour où ça va vraiment partir, la puissance du prolétariat chinois va être phénoménale. Le régime le craint, il réprime et doit lâcher quelques assouplissements minimes en même temps, mais il ne peut sortir des contradictions qui lui sont propres.

En France, la crise dans les hôpitaux se poursuit. C’est au tour de la pédiatrie d’indiquer qu’elle est au bout du rouleau, après la psychiatrie, après les urgences… Le 3e cycle des négociations sur la contreréforme des retraites a commencé, il porte sur le passage de l’âge légal de 62 à 65 ans d’ici 2031, le gouvernement ménageant un possible « aménagement » à 64 ans, histoire de valider le bienfondé de la négociation avec les bureaucrates syndicaux, mais qui serait compensé par une accélération de l’allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. « 65 ans n’est pas un totem ou un tabou, c’est le cadre de nos discussions » a dit Dussopt le 24 octobre.

Le report progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici 2031, c’est ce qui permet de ramener le système à l’équilibre dans les dix ans […] le dernier cycle des discussions, qui porte précisément sur cette question, mené par Olivier Dussopt avec les partenaires sociaux, commence seulement, s’il y a un autre chemin proposé par les organisations syndicales et patronales qui permette d’atteindre le même résultat, on l’étudiera. (Borne, Le Parisien, 1er décembre)

Le 2e cycle portait sur la fin des régimes spéciaux RATP et EDF, il semble s’être conclu sans problème… La réforme doit être présentée avant Noël, discutée et votée au printemps 2023 et s’appliquer à l’été a dit Borne. Evidemment, malgré toutes les précautions prises, cela reste un gros morceau à faire passer et à imposer à la classe ouvrière. Les syndicats vont sans doute relancer les journées d’action et peut-être les grèves reconductibles dans ce qui reste de « bastions ouvriers » à la RATP ou à la SNCF. En attendant, le carrousel des grèves isolées continue, avec par exemple les contrôleurs de la SNCF sans la CGT, ou à GRDF avec la seule CGT, etc. Notre orientation générale contre la participation au dialogue social, pour préparer la grève générale pour vaincre le gouvernement va sans doute dès janvier revenir au tout devant de la scène.

A noter que le gouvernement, profitant de l’espace que lui laisse les appareils, poursuit toujours plus loin son offensive réactionnaire. Il a mandaté un groupe d’économistes qui proposent de mettre fin à l’indexation automatique du SMIC sur l’inflation, ça gêne, qui pourrait être à l’avenir indexé sur les minima salariaux issus des négociations de branches, lesquels sont presque tous en dessous du SMIC, cela s’appelle combattre la spirale inflation/salaires…