Les crochets sont de Révolution communiste.
Chers camarades
Plus on réfléchit et plus il devient clair que notre agitation doit être dirigée surtout contre les radicaux. Nous avons toujours dit que le fascisme ne peut se développer qu’aux dépens des radicaux [le Parti radical est chassé du pouvoir en 1934 après l’assaut de l’Assemblée nationale par les organisations fascistes] . La déconfiture de ce parti est inévitable. On peut dire que l’issue de la lutte sera déterminée par le fait si ce sont les fascistes qui auront réussi de discréditer le Front populaire paralysé par les radicaux, les réformistes et les staliniens [le Front populaire est un accord électoral et programmatique entre le Parti radical, le Parti socialiste-SFIO, le Parti communiste-SFIC et la CGT né en 1935 qui est rompu par le Parti radical en 1938], ou si cette tâche sera accomplie par nous. Pour les fascistes comme pour nous le Parti radical constitue la partie fragile du Front populaire. Notre procédé est dicté par toute la situation : il faut prendre les radicaux par les pieds et s’en servir comme d’une massue contre les réformistes et les staliniens. Il faut les forcer à chaque occasion de défendre leur bloc avec les bourgeois devant les ouvriers, c’est-à-dire de défendre les bourgeois contre la critique ouvrière. Cette formule peut paraitre simpliste, mais si l’on réfléchit bien, elle contient la clé de toute la situation politique. Chaque défaillance et trahison des radicaux doit devenir un fardeau accablant pour la bureaucratie ouvrière et un argument de notre perspicacité et dévouement révolutionnaire.
Si nous sommes d’accord que le coup direct doit être porté surtout contre les radicaux et que les opportunistes doivent être touchés plutôt par ricochet (mais quel ricochet formidable !) il faut s’occuper des radicaux plus attentivement. Il faut découper de L’Humanité tout ce qu’elle a dit de ce parti et de ses chefs lors de la Troisième période [l’orientation gauchiste de l’Internationale communiste stalinisée de 1929 à 1934] et jusqu’au dernier tournant [celui des fronts populaires pratiqué par l’IC de 1934 à 1939]. Il faudrait faire la même chose pour les résolutions de l’IC concernant la France. Il faut établir des dossiers sur l’activité du Parti radical. Tous ces matériaux doivent être à la disposition de chaque propagandiste c’est-à-dire de chaque membre de notre tendance [le GBL est alors dans le Parti socialiste-SFIO avant de fonder le Parti ouvrier internationaliste après son exclusion du PS en 1936]. Nous aurons nécessairement l’oreille des masses. Nous allons démontrer sans difficulté que c’est une collection de pourris par excellence : petit bourgeois d’hier, souteneurs de la haute finance, un vrai parti de proxénètes. Personne n’osera protester contre les qualifications les plus terribles des politiciens radicaux. En même temps, chaque qualification retombera par ricochet sur les réformistes et les staliniens. Cette campagne devrait être préparée dès maintenant par une commission spéciale, car il ne faut pas oublier : les processus politiques ne s’arrêtent pas pendant les vacances.
P.S. Encore une suggestion. Le programme du Front populaire est nécessairement le programme du Parti radical car, dans tous les blocs politiques, c’est toujours l’aile droite qui détermine le programme. Les radicaux forment un parti de la conservation politique et du patriotisme impérialiste.
Les radicaux avaient gagné la confiance des classes moyennes [les petites bourgeoises rurales et citadines] par l’opposition au Bloc national [coalition des partis bourgeois les plus réactionnaires de 1919 à 1924, dirigée par Clémenceau]. Les socialistes et les staliniens gagnent la confiance de la classe ouvrière et puis ils livrent cette confiance aux radicaux, l’aile gauche de la bourgeoisie. Nous avons ainsi la trahison politique organisée à la chaine. Par l’intermédiaire des radicaux les masses sont attelées au char du conservatisme capitaliste et du patriotisme impérialiste.