L’Ukraine hier et aujourd’hui, Jean-Jacques Marie

Un mélange inextricable de mythe et de réalité

L’histoire de la nation ukrainienne mélange de façon parfois inextricable mythe et réalité. Les historiens ukrainiens font souvent remonter l’histoire de l’Ukraine à la fin du Xe siècle après Jésus-Christ. Lorsque la Rada dont les deux tiers des députés appartiennent au PC ukrainien votent le 24 août 1991 pour l’indépendance de l’Ukraine par 346 voix, contre 1 et 3 abstentions, la résolution fait allusion à une tradition étatique millénaire. Ainsi le billet de un hryvna porte le portrait de Volodimir (Vladimir) le Grand, le prince de Kiev, qui à la fin du Xe siècle après JC unifia sous son sceptre toute une série de tribus slaves païennes et leur imposa le christianisme orthodoxe et dont l’empire portait le nom de Rous.

Le billet de deux hryvnas comporte le portrait de son fils Iaroslav le sage qui régna à la fin de la première moitié du XIe siècle. Le billet de 5 hryvnas comporte le portrait de Bogdan Khmelnitski, le chef cosaque qui, au milieu du XVIIe siècle organisa l’insurrection des cosaques contre la domination polonaise et signa avec le tsar russe un accord plaçant les territoires qu’il contrôlait sous la protection de la Russie. La statue de Bogdan Khmelnitsky a beau se dresser en plein centre de Kiev l’idée d’une nation ukrainienne était étrangère à ce chef cosaque comme à l’ataman cosaque Mazeppa qui, au début du XVIIIe siècle, se dressa contre Pierre le Grand pour secouer sa tutelle et fut battu avec Charles XII de Suède à Poltava.

Pourtant l’idée d’une nation ukrainienne n’est apparue qu’au début du XIXe siècle, et l’ensemble des territoires sur lesquels vivent des Ukrainiens n’ont été rassemblés pour la première fois au sein d’un ensemble géographique unique qu’en 1945 dans la République socialiste soviétique d’Ukraine qui n’avait que des attributs formels d’un état indépendant. Et l’Ukraine n’existera comme état formellement indépendant qu’à partir de décembre 1991 lors de la dissolution de l’Union soviétique signée par Boris Eltsine et les représentants de l’Ukraine et de la Biélorussie.

Le terme d’Ukraine (Ukraina) apparaît, lui, à la fin du XVIe siècle, à la fin de l’occupation mongole quand les royaumes de Lituanie et de Pologne fusionnent en un royaume de Lituanie et de Pologne, dominé par l’aristocratie polonaise, au sein duquel sont intégrés l’essentiel des territoires jadis soumis aux princes de Kiev. Ukraina signifie : « le territoire frontalier ». Ses habitants sont désignés sous le vocable de roussinskie traduit en français par ruthène. Le terme d’Ukraine désigne alors une entité territoriale et non une identité nationale même embryonnaire. Ce territoire frontalier, confronté aux incursions des Tatares installés en Crimée depuis le XIVe siècle, va donner naissance à une formation sociale particulière : celle des cosaques, paysans libres et armés (le mot cosaque vient d’un mot turc qui veut dire homme libre) qui assurent la défense de ses territoires contre les incursions tatares. Au lendemain de la révolte cosaque de Khmelnitsky, qui d’abord dressée contre les nobles polonais s’était muée en mouvement social de paysans libres contre les grands propriétaires fonciers polonais et en guerre de religion d’orthodoxes contre les catholiques et les juifs, Khmelnitsky crée un éphémère état autonome ukrainien cosaque. Mais « ukrainien » dans cet intitulé a un sens essentiellement géographique même s’il regroupe des populations slaves parlant des dialectes très voisins issus du vieux slave ou slavon. Le contenu est celui de « cosaque ». Par le traité de Pereeslav, signé en 1654, cet état autonome cosaque se place sous la protection de la Russie et perd toute autonomie après la défaite de Mazeppa. Les autorités russes qualifient cet état de petite-Russie et ses habitants de petits-russes. Au moment, en 1659, où se forme le royaume unifié de Lituanie et de Pologne dominé par l’Église catholique alors que la vieille Rous a adopté l’orthodoxie byzantine, se constitue sous la pression du clergé polonais une Église gréco-catholique dite Uniate qui observe les rites orthodoxes mais reconnaît l’autorité du Vatican, Église qui s’implantera surtout en Ukraine occidentale, en Galicie et jouera un rôle important tout au long de l’histoire de l’Ukraine.

Cette indifférenciation du contenu national est une réalité générale jusqu’à la fin du XVIIIe siècle lorsque la Révolution française puis le développement du capitalisme et la formation de bourgeoisies nationales donneront une vive impulsion à l’idée de nation.

Une idée nationale tardive

L’Ukraine restera longtemps en dehors de ce processus pour deux raisons. D’une part, c’est une terre divisée entre plusieurs royaumes Pologne, Russie et Roumanie puis, après les trois partages de la Pologne en 1775, 1793 et 1795, Russie, Autriche-Hongrie et Roumanie. D’autre part, en 1783, l’année où elle arrache la Crimée à l’Empire ottoman, Catherine II interdit aux paysans qui constituent l’écrasante majorité des Ukrainiens de quitter les terres seigneuriales ; cette population paysanne, réduite à l’état de servage jusqu’au début des années 1860 dans la partie très majoritaire de l’Ukraine intégrée à l’Empire russe, reste en dehors du développement de l’industrialisation. Les paysans serfs de par leur condition sociale ne peuvent développer de conscience nationale puisque le serf est un objet vendable à merci qualifié d’« âme». Après l’abolition du servage ces paysans rejettent les lourdes indemnités qu’ils doivent payer à leurs anciens maîtres et ont une soif inextinguible de terre que l’abolition du servage n’a fait qu’accroître tant les lopins qui leur étaient attribués étaient misérables (de 1 à 3 hectares pour des familles nombreuses).

L’idée nationale ukrainienne qui se forme au début du XIXe siècle concerne donc surtout de maigres couches urbanisées, une petite intelligentsia symbolisée par l’écrivain et peintre Taras Chevtchenko, fondateur d’une langue ukrainienne littéraire, dont la modeste naissance inquiète fort le tsar Nicolas Ier qui exile Chevtchenko et lui interdit d’écrire en ukrainien et même de peindre. Cette intelligentsia publie des revues littéraires et historiques en ukrainien à diffusion modeste pour promouvoir une langue ukrainienne alors éclatée en dialectes voisins parlés par des paysans, alors que l’intelligentsia parle russe. Ainsi l’ukrainien Gogol écrit toute son œuvre en russe. Même en Galicie autrichienne où la monarchie de cet empire multinational se montre plus libérale, le nationalisme ukrainien est encore balbutiant et beaucoup plus marqué par l’influence du clergé uniate. Cette réalité poussera Rosa Luxemburg à affirmer que la question ukrainienne était l’invention d’une poignée d’intellectuels et n’avait aucune réalité historique.

Les conséquences de la Révolution russe

Au lendemain de février 1917 se développe en Ukraine une aspiration à l’autonomie au sein d’une république confédérée. Les partis démocratiques ukrainiens créent une Rada centrale qui ignore l’aspiration des paysans à se partager les terres des grands propriétaires terriens. Au lendemain d’Octobre la Rada centrale proclame la République populaire ukrainienne que les Allemands et les Autrichiens reconnaissent à Brest Litovsk pour signer avec elle une paix séparée. Mais ils ont besoin de mettre la main sur les ressources agricoles du pays pour nourrir les populations affamées de leurs deux empires. Ils renversent donc le gouvernement et installent un ataman, Skoropadsky. La guerre civile qui ravage l’Ukraine pendant plus de trois ans et dresse les uns contre les autres les blancs commandés par Anton Denikine, qui veulent restaurer la Russie une et indivisible, et, là où ils s’installent reprennent les terres aux paysans et interdisent l’emploi de l’ukrainien, les nationalistes ukrainiens commandés par Petlioura, l’Armée rouge bolchevique et les bandes de paysans insurgées dits les verts dont la plus connue est l’armée de l’anarchiste paysan Makhno. L’Armée rouge contrôle l’Ukraine à la fin de 1920… Les blancs de Denikine et les nationalistes de Petlioura déchaînent les plus vastes pogromes antijuifs de la période pré nazie, auxquels se livrent parfois les groupes anarchistes paysans de Makhno et la Cavalerie Rouge de Boudionny qui comprend des cosaques.

Au lendemain de la première guerre mondiale et de la paix de Riga signée entre l’URSS et la Pologne en 1921, les Ukrainiens sont divisés entre cinq états : l’URSS (qui en rassemble près des 4/5 e), la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Hongrie. La victoire des bolcheviks débouche sur la création d’une République socialiste soviétique d’Ukraine où les bolcheviks mènent dès 1923 une politique dite d’ukrainisation poursuivie jusqu’au début des années 30. Lénine développe des positions « fédéralistes » (opposées aux positions centralistes staliniennes) favorables à l’autodétermination. Aujourd’hui les maïdanistes détruisent les statues… sans savoir que c’est sous son impulsion que la langue ukrainienne a été enseignée comme jamais auparavant ni ailleurs dans les territoires ukrainiens sous occupations polonaise ou roumaine.

L’ukrainisation

Tous les employés de l’État doivent sous peine de licenciement apprendre l’ukrainien dans un délai d’un an. L’enseignement et les publications en ukrainien sont systématiquement développés. En 1926, le nouveau secrétaire du PC ukrainien Kaganovitch, exige que tout l’appareil de l’État soit ukrainisé. Toutes ces mesures aboutissent à ce qu’en 1927, 70 % des actes officiels sont rédigés en ukrainien contre 20% en 1925 ; en réponse à un sondage 39,8 % des employés de l’État affirment connaître bien l’ukrainien, 31,7 % de façon satisfaisante (ce qui est sans doute exagéré). Plus certain : en 1929, 83 % des écoles primaires et 66 % des écoles dites moyennes ou collèges délivraient leur enseignement en ukrainien. En 1932, 88 % des publications périodiques et 77 % des livres publiés en Ukraine l’étaient en ukrainien. La même politique était appliquée vis-à-vis des juifs, nombreux en Ukraine, avec le développement d’écoles et de publications en yiddish au même rythme. L’historien canadien d’origine ukrainienne Serguei Ekeltchik conclut de ces faits : « le pouvoir soviétique a contribué à l’achèvement du processus de formation d’une nation ukrainienne ».

La bureaucratie soviétique s’en inquiète, Staline, en 1932, met fin à la politique d’ukrainisation (comme au développement du yiddish). Coïncidence, l’hiver 1932-1933 est marqué en Ukraine par une famine terrible, la conjonction des deux événements débouche en 1933 sur le suicide de Nicolas Skrypnik dirigeant du PC ukrainien favorable à l’ukrainisation et de l’écrivain Khvylevoï, grand défenseur et promoteur de la culture et de la littérature ukrainienne. Une politique de russification se met lentement en place.

En mars 1939, après avoir dépecé la Tchécoslovaquie et mis la main sur sa province de Ruthénie autonome, Hitler, lance un projet de Grande Ukraine dirigé contre l’URSS qu’il abandonne dès qu’il décide de se rapprocher de Staline. En avril 1939 Trotsky écrit : « La question ukrainienne est destinée à jouer dans un avenir proche un rôle énorme dans la vie de l’Europe » et se prononce pour l’indépendance de l’Ukraine et pour la création d’une République socialiste d’Ukraine contre la dictature de la bureaucratie stalinienne.

En septembre 1939, l’URSS envahit la Pologne et conquiert la Galicie, puis en 1940, conquiert deux territoires roumains habités par des ukrainiens, la Bessarabie du sud et le Bukovine du nord.

L’été 1941, la paysannerie ukrainienne accueille d’abord avec sympathie les soldats de la Wehrmacht qui comporte deux bataillons ukrainiens (galiciens) formés sous l’égide de l’OUN-Bandera, l’autre branche de l’OUN, de Melnik, s’engageant dans une collaboration plus systématique avec l’occupant, avec le concours du Comité Central Ukrainien installé à Cracovie. Les nationalistes de l’OUN, dirigés par Stepan Bandera, proclament même à Lvov (Lviv), une éphémère république ukrainienne « indépendante » en se plaçant sous sa protection. Stetsko devient chef de ce gouvernement indépendantiste proclamé le 30 juin à Lwow (en polonais). En même temps que la proclamation de cet « État » ukrainien explicitement dévoué à Adolf Hitler, les premiers pogromes se déchaînent « spontanément » à Lwow et ailleurs, à l’instigation des nazis et avant que les « Einsatzgruppen » n’interviennent pour l’extermination systématique des juifs, tsiganes pour ce qu’ils sont, et des communistes pour ce qu’ils représentent.

L’OUN-Melnik, soutenue par l’Église uniate, participe à la création, le 28 avril 1943, de la Division Waffen SS « Galitchina » (Galiciens) qui convergera plus tard (début 1945) avec d’autres formations nazies, dans une éphémère « Armée Nationale Ukrainienne » (UNA) dont la plupart des combattants, anciens SS, se rendront aux Alliés anglo-américains qui les aideront à émigrer au Canada.

Mais les nazis, désireux de réduire les Ukrainiens en esclavage liquident aussitôt cet État fantoche et jettent en prison son chef autoproclamé Stetsko et Bandera qu’ils libéreront à la fin de 1944. L’OUN crée alors une armée insurrectionnelle l’UPA dont les maquis se battent d’abord modérément contre la Wehrmacht puis se battront farouchement contre l’Armée rouge dès que celle-ci entamera sa marche en avant au printemps 1943.

Les combattants de l’UPA ont poursuivi la lutte contre la soviétisation jusqu’en 1950 (et de petits groupes jusqu’en 1954) tandis que les SS et autres collaborateurs nazis de l’OUN ont reflué avec les troupes allemandes en 1944 ou se sont rendus aux Anglo-Américains, de façon à pouvoir rejoindre la Diaspora des Amériques et d’Australie. L’OUN n’est pas le mouvement national ukrainien mais seulement son aile radicale, d’idéologie fasciste. Fondée en 1929, en Galicie (sous régime polonais) sur la base d’un programme dit du « nationalisme intégral », elle est longtemps restée un phénomène « galicien », mais de nos jours la plupart des nationalistes ukrainiens se réclament de son héritage tout en soulignant la conversion ultérieure de l’OUN aux « idéaux démocratiques ».

Compagnon d’armes de Bandera et consacré comme lui « héros national » au lendemain de la révolution orange de 2004, Roman Choukevitch commande successivement un bataillon ukrainien de la Wehrmacht en 1941, un bataillon de police « Schutzmannshaft 201 » affecté à la répression des partisans en Biélorussie en 1941-42, puis l’Armée des Insurgés (OUN-UPA) fondée par lui et «au nom de Bandera » en octobre 1943. L’OUN dans son ensemble, l’OUN-Bandera et l’UPA en particulier, participent au génocide nazi. L’UPA exterminent les civils polonais en Volhynie en 1943. Si elle combat prioritairement l’Armée Rouge, les partisans et les armées polonaises, l’UPA se heurte également aux occupants nazis, non par divergence sur les buts du IIIème Reich d’anéantir le judéo-bolchévisme, mais en raison du refus d’Hitler d’accéder aux demandes d’état indépendant (sous protectorat nazi). Ces demandes, encouragées avant-guerre par certains cercles nazis – notamment Alfred Rosenberg et l’Abwehr – étaient évidemment incompatibles avec le « General Ostplan » de Berlin qui était de coloniser l’URSS et d’éliminer physiquement ou de réduire en esclavage les « Untermenschen », Ukrainiens compris.

Le nationalisme russe stalinien

Au lendemain de la victoire sur les nazis Staline développe un nationalisme russe qui va marquer de plus en plus la nomenklatura et dont le nationalisme affiché de Poutine est un héritage. Ce nationalisme russe débouche sur un antisémitisme de plus en plus brutal à partir de 1949 et sur une politique accélérée de russification en Ukraine. Khrouchtchev évoquant la déportation de cinq des quelque douze peuples déportés par Staline entre 1937 et 1944 déclarera dans son rapport secret de février 1956 au XX ème congrès du PCUS : « Les Ukrainiens n’ont évité ce sort que parce qu’ils étaient trop nombreux et qu’il n’y avait pas d’endroit où les déporter. Sinon ils auraient été déportés eux aussi ». Cette plaisanterie qui fait rire le congrès reflète de façon caricaturale l’aversion de Staline pour toute affirmation nationale des Ukrainiens.

En 1945, la défaite de l’Axe et des gouvernements liés à Berlin permet à l’URSS de consolider ces conquêtes territoriales : pour la première fois dans l’Histoire l’ensemble des territoires majoritairement peuplés d’Ukrainiens sont rassemblés dans une République ukrainienne dotée d’attributs de souveraineté purement formels, (l’Ukraine a un représentant à l’ONU et un ministre des affaires étrangères). Mais les maquis nationalistes de l’UPA tiennent de nombreux villages jusqu’au début des années 50 comme en Lituanie.

La guerre a ravagé l’Ukraine, détruit ses grandes villes et la majorité de ses villages, de ses fermes, de ses usines. Un jour de l’été 1945, Khrouchtchev descend dans son village natal où il découvre un spectacle désolant qu’il décrira devant le Comité central en 1957. » Ils n’avaient pas de chevaux, pas de charrettes, pas de pain. (…) Ils ne veulent pas travailler dans le kolkhoze. Pour leur travail ils ne reçoivent que des nèfles.

De 1945 à la chute de l’URSS, l’Ukraine est soumise à une politique de russification aggravée par le combat impitoyable contre les maquis de Bandera qui mobilisent des milliers d’hommes et bénéficient dans l’Ukraine occidentale de la complicité d’une bonne partie de la population paysanne. Un bref moment sous l’impulsion de Beria, conscient de l’ampleur de la crise économique, sociale et politique qui ravage l’URSS à la mort de Staline, le Kremlin tentera de desserrer un peu l’étreinte. Le 26 mai 1953, Beria fait adopter par le présidium une décision qui souligne les échecs de la répression dans les provinces occidentales de l’Ukraine. De 1944 à 1952, souligne-t-il, plus d’un demi-million d’habitants en ont été victimes ; 203 000 d’entre eux ont été déportés et 153 000 abattus. La russification a été brutale : sur 311 cadres dirigeants, seuls 18 sont originaires de la région où l’enseignement supérieur est donné presque exclusivement en russe. La résolution affirme « l’usage stupide des répressions ne fait que susciter le mécontentement de la population et nuit à la lutte contre les nationalistes bourgeois ». Le présidium remplace au poste de premier secrétaire du PC ukrainien, le russe Melnikov par son adjoint ukrainien, Kiritchenko, et nomme l’écrivain officiel, nul mais ukrainien, Alexandre Korneitchouk, 1er vice-président du conseil des ministres d’Ukraine. Il ordonne qu’il soit « radicalement mis fin aux actes arbitraires et illégaux accomplis par certains cadres à l’encontre de la population ».

Cette brève embellie est suspendue après l’arrestation de Beria en juin 1953 puis son exécution en décembre. De Khrouchtchev à Brejnev, la russification de l’Ukraine se poursuit et les tentatives d’intellectuels ukrainiens de défendre la culture ukrainienne, même les plus modestes, sont brutalement réprimées.

L’indépendance et le pillage de l’Ukraine

La chute de l’URSS débouche sur son explosion. Le 24 août 1991 l’ancien secrétaire à l’idéologie du PC ukrainien Kravtchouk fait voter l’indépendance de l’Ukraine par 346 pour, 1 contre et 3 abstentions. Le 30 août la Rada interdit le PC ukrainien.

Les anciens dirigeants de l’Ukraine soviétique (les dirigeants du PCUS et les directeurs d’entreprise) restent aux manettes du pouvoir ; comme les oligarques russes ils organisent un pillage grandiose du pays et revendent aux pays occidentaux au prix du marché mondial le gaz vendu par la Russie à bas prix. Ils provoquent un désastre social en 1992 l’inflation est de 2500 %, en 1993 elle est de 100 % par mois. En 1995 les 3/4 de la population vivent officiellement en dessous du seuil de pauvreté.

Dès lors l’Ukraine est l’un des champions du monde du pillage et de la corruption ; elle obtient en 2009 de Transparency International la médaille du pays le plus corrompu du monde. La politique et le business sont mélangés ; des hommes d’affaires se présentent aux élections pour défendre leur propre business ou fabriquent des partis fantômes à cette fin. Exemple en 2002, l’oligarque Victor Pintchouk épouse la fille de Koutchma, Hélène. En 2009 sa fortune se monte à 2,2 milliards de dollars.

Un autre exemple est éclairant dans la mesure même où il n’est que le plus complet de toute une galerie… Pavel Lazarenko, premier ministre de mai 1996 à juillet 1997, conjugue ses activités de premier ministre avec le business dans l’énergie (gaz) en étroite collaboration avec la future étoile filante Ioulia Timochenko et les communications. Il transfère les centaines de millions de dollars qu’il vole sur des banques américaines, suisses et des Caraïbes. Koutchma, lui-même très corrompu, s’en débarrasse en juillet 1997. Lazarenko s’enfuit en Suisse avec un passeport panaméen. Arrêté un bref moment, en 1999, il s’enfuit aux Etats-Unis où il est condamné et emprisonné pour blanchiment d’argent. Les Lazarenko se comptent par dizaines…

En 2004 à la veille de la fin de son mandat Koutchma vend en hâte toute une série d’entreprises à des proches à des prix très concurrentiels. Ainsi il vend la plus grande usine métallurgique du pays, Krivorojstal, à son gendre Pintchouk et à Rinat Akhmetov, pour 800 millions de dollars soit le sixième de sa valeur réelle. En octobre 2005, Mittal Steel rachètera l’entreprise aux deux compères pour 4,8 milliards de dollars.

La corruption du personnel politique ukrainien est abyssale. Ianoukovitch le président renversé en 2014 a dans sa jeunesse été condamné deux fois, une fois pour vol, une seconde fois pour houliganisme. Il prétendra plus tard avoir obtenu des diplômes en fait achetés selon une coutume très répandue en Union soviétique où les tarifs étaient connus de tous. Il est célèbre pour son inculture autant que pour son avidité. Les rares fois où il doit remplir un document par écrit il multiplie les fautes d’orthographes. Ainsi il se prétend professeur mais écrit le mot avec deux f et un seul s. Propriétaire d’une luxueuse villa bâtie sur un terrain de 130 hectares dans la banlieue de Kiev, il est à la tête d’un clan mafieux dont son fils, Olexeï est l’un des maillons. Le clan Ianoukovitch a ponctionné l’Ukraine de 7 à 10 milliards par an. La fortune de son fils est estimée à 550 millions de dollars. Président de la corporation Management Assets Compagny (MAKO) sise à Donetsk, il possède plusieurs holdings en Ukraine, en Suisse et aux Pays Bas, vend le charbon par l’intermédiaire d’une société à Genève. Ses entreprises depuis 2010 gagnent systématiquement les appels d’offre par les pouvoirs ukrainiens. Il a pris sous sa coupe les services de l’administration fiscale, des douanes et des services de sécurité.

Son premier ministre Mykola Azarov, propriétaire d’un jet privé, partira se réfugier à Vienne, où réside son fils Olexandre, actif dans la construction d’hôtels de luxe, à la tête de LADA Holding Anstalt, basée en Autriche, maillon d’un réseau complexe de sociétés dirigées par d’autres caciques du régime et présidée par un prête-nom américain, Vitali Zakhartchenko ministre de l’Intérieur en 2011, à la tête des services fiscaux en 2012, détenteur avec sa femme Liudmila de plusieurs sociétés commerciales notamment aux Pays-Bas, propriétaire d’une société d’assurances Start Polis. Scandale en 2013 : les services de police chargés des passeports exigeaient des demandeurs une assurance auprès de Start Polis.

La haine, suscitée dans le pays contre les bénéficiaires de ce véritable racket et un Parlement toujours aussi – et presqu’uniquement – peuplé d’escrocs, dresse en 2004 la population habilement détournée vers la prétendue révolution orange ; cette haine est telle que Ioulia Timochenko nommée premier ministre par le nouveau président Victor Iouchtchenko annonce pour se rendre populaire une révision des privatisations antérieures. Elle sème la panique chez les oligarques et les banquiers étrangers qui gèrent les dépôts soigneusement délocalisés des oligarques pillards. Timochenko recule et ne révisera qu’à la marge quelques menues privatisations. Son gouvernement est bientôt touché par des scandales du même type que les privatisations à la Koutchma. Ainsi son ministre de la justice Roman Zvaritch qui, malgré son nom, est un ancien citoyen américain, vote contre une loi concoctée entre Timochenko et Poutine, interdisant la revente en Europe par l’Ukraine au tarif mondial du gaz russe qu’elle achète à un tarif préférentiel. Cette revente illégale est l’une des principales sources de trafic des oligarques ukrainiens et l’épouse de Zvaritch en est une organisatrice.

Une autre pratique mafieuse juteuse consiste avec des certificats truqués obtenus auprès de fonctionnaires grassement rétribués à déclarer vendues à l’étranger des marchandises écoulées en Ukraine pour obtenir le remboursement de la TVA qui échappe ainsi presque totalement aux caisses de l’État.

Des partis-bandits

La vie politique ukrainienne est rythmée par la valse de partis tous liés à un clan du business où tout s’achète. Des députés monnayent leur changement de groupe parlementaire : le tarif varie de 5 millions à 7 millions de dollars… dans un pays où la majorité des retraités perçoivent moins de 200 euros par mois. C’est en tout cas le tarif que paie Ianoukovitch en 2006 quand il est premier ministre de Iouchtchenko…contre lequel il s’était présenté aux présidentielles qu’il avait perdues après avoir affirmé qu’il les avait gagnées grâce à un trafic des votes éhonté qui avait dressé contre lui des dizaines de milliers d’Ukrainiens.

Rien n’a changé après Maïdan dans ce kaléidoscope de partis virtuels mais gangrenés par la corruption où tout se vend et s’achète. Ainsi par exemple, aux élections municipales du 25 mai 2014 à Odessa, les deux concurrents qui s’affrontent sont aussi gangrenés l’un que l’autre : Edouard Gourvits (parti Oudar 32 % des voix) depuis les années 1990, plusieurs fois accusé de connivence avec les rebelles tchétchènes, les ultras nationalistes ukrainiens, de liens avec des bandes mafieuses, de corruption. La réputation de Guennadi Troukhanov (vainqueur du scrutin, avec 43,5% des voix, ancien député du parti des régions) n’est pas meilleure. On l’accuse d’avoir appartenu au monde criminel dans les années 1990 et d’être resté proche de certains pontes de la mafia.

Porochenko, propriétaire de la chaîne 5 è canal, a commencé dans les affaires en important des fèves de cacao puis a racheté des usines de chocolat pour former Roshen. Élu député en 1998, il pourrait être l’image parfaite de la girouette si les partis politiques ukrainiens étaient de vrais partis. Il rejoint d’abord le parti social-démocrate (qui n’a de social-démocrate que le nom) du président mafieux Koutchma, puis en 2000, il crée Solidarité qui intègre le Parti des régions de Ianoukovitch la même année. Dès 2001 il entre dans Notre Ukraine, le bloc de Iouchtchenko, qui sera le parrain de ses filles. Président du conseil de la banque nationale, il devient ministre des affaires étrangères en octobre 2009 jusqu’au printemps 2010. Il entre au gouvernement du Parti des régions, devenant quelques mois le ministre du développement économique de Ianoukovitch.

L’intervention des Etats-Unis

Dès la moitié des années 90 les dirigeants des Etats-Unis ont saisi l’importance géopolitique de l’Ukraine, même s’ils appuient sur le président russe d’alors, Boris Eltsine, qui, flanqué de conseillers américains privatise à tout va. Dans Foreign affairs, en 1994, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller de Jimmy Carter, écrit : « Sans l’Ukraine la Russie cesse d’être un empire. » À la fin des années 90, l’Ukraine est le troisième pays du monde à bénéficier de l’aide financière américaine derrière Israël et l’Égypte. Cette lune de miel s’interrompt un moment au début de 2003 lorsque Bush apprend que Koutchma a vendu à l’Irak pour cent millions de dollars d’armes et a promis de lui vendre le système de radar Koltchouga (cotte de mailles) permettant de repérer les bombardiers américains dits indétectables.

Zbigniew Brzezinski, pour qui l’Ukraine est un enjeu stratégique, définit en 1997 un programme de démantèlement de la Russie en trois états-croupion la Russie d’Europe, la République de Sibérie et la République d’Extrême-Orient. Ce démantèlement prolongerait la dislocation de l’Union et devrait s’accompagner d’un rattachement de l’Ukraine à l’OTAN et d’une subordination totale des anciennes républiques soviétiques périphériques aux Etats-Unis et à leurs multinationales. Brzezinski affirmait ainsi «la Russie devra se résigner à l’inévitable, c’est-à-dire la poursuite de l’élargissement de l’OTAN (…) jusque dans l’espace ex-soviétique. » Il prône « un système politique décentralisé et une économie libre de marché » permettant de « libérer le potentiel créatif du peuple russe et les énormes réserves de ressources naturelles de la Russie » ainsi ouvertes aux multinationales américaines (Foreign Affairs,9/10/1997).

Les Etats-Unis s’engagent donc dans le soutien à la révolution orange en 2004 qui surfe sur la protestation de la masse de la population contre la corruption du système de Koutchma et sa tentative de truquer les élections présidentielles pour faire élire son candidat, Victor Ianoukovitch. Leur candidat au pouvoir, Victor Iouchtchenko, avait épousé en 1998 une citoyenne américaine d’origine ukrainienne, Catherine Tchoumatchenko, ex-fonctionnaire du Département d’État. Entouré de conseillers américains, Iouchtchenko engage comme conseiller spécial Boris Nemtsov, l’homme qui avait déclaré en 1997 : « Nous devons mettre en œuvre une série de mesures impopulaires douloureuses (…) et en finir avec les innombrables avantages sociaux ».

Lors des élections législatives en Ukraine en 2005 Le Monde publie un article intitulé : « Les conseillers américains au cœur de la campagne » Le républicain affiché Paul Manafort, chef du cabinet de lobbying Black, Manafort, Stone and Kelly, a été invité à Kiev au début de 2005 par l’oligarque Rinat Akhmetov pour s’occuper de la campagne du Parti des régions de Ianoukovitch pour 150.000 à 200.000 dollars par mois. L’ancien responsable de la communication auprès de Bill Clinton Joe Lockhart travaille auprès du bloc Ioulia Timochenko (BLouT) et Stan Anderson, lobbyiste de Washington, dirige un groupe de travail pour Notre Ukraine, le parti de Iouchtchenko. Tous, selon Le Monde « refusent de s’exprimer ».

Le Monde des 27-28 février 2005 décrit la noria d’institutions américaines présentes au Kirghizistan lors de la «révolution des citrons» qui renversa le président Askat Akaiev : «A la veille du scrutin on trouvait déployé à Bichkek tout l’arsenal des fondations américaines qui ont soutenu les oppositions en Serbie, en Géorgie et en Ukraine, notamment le National Democratic Institute (…) tout ce que le Kirghizistan compte comme société civile est financé par des fondations ou par des aides directes occidentales, en premier lieu le programme étatique américain USaid» : C’est une politique générale dans les États issus de la chute de l’URSS : ainsi les Etats-Unis placeront à la tête de la politique estonienne un de leurs anciens sujets … de pointe : Toomas Hendrik Ilves, né en 1953 à Stockholm où ses parents avaient émigré en 1944, avant de partir en 1956 pour les Etats-Unis; en 1984 il est embauché à Radio free Europe, la radio antisoviétique installée à Munich, il devient directeur du service estonien de Free Europe jusqu’en 1993, date à laquelle il rentre en Estonie; nommé ambassadeur d’Estonie aux Etats-Unis, il renonce à sa nationalité américaine. Nommé en 1996 ministre des Affaires étrangères, il organise la mise en place de la diplomatie estonienne, tout entière focalisée sur l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN. Élu ensuite député européen, il devient président de l’Estonie en 2006.

Les Etats-Unis placeront aussi à la présidence de la Lituanie par deux fois (de février 1998 à février 2003, puis de juillet 2004 à juillet 2009) leur ancien fonctionnaire Valdas Adamkus. Né en Lituanie, Adamkus avait servi dans la Wehrmacht en 1944, l’avait suivie dans sa retraite en Allemagne, avait émigré aux Etats-Unis en 1949, y avait servi dans les services de renseignements de l’armée américaine, avait adhéré au Parti républicain et avait été nommé par Reagan en 1981 à un poste de l’administration fédérale qu’il conservera jusqu’à sa retraite en 1997. Il part aussitôt dans son ancien pays dont, bien que jusqu’alors inconnu, il devient président avec une rapidité fulgurante… ce qui en dit long sur les vertus persuasives des conseillers américains. Un peu plus tard Washington placera à Pristina, à la tête du Kossovo prétendument indépendant, sa personne de confiance, Atifete Jahjaga, une policière trentenaire éduquée aux Etats-Unis.

Or l’Ukraine est devenue un enjeu entre la Russie et les Etats-Unis via l’Union européenne (UE). Ianoukovitch s’était engagé à signer un accord d’association avec l’UE qui lui promettait un prêt de 610 millions de dollars en contrepartie de mesures économiques et sociales drastiques que reprendra le FMI (doublement du prix du gaz, réduction puis suppression des dotations gouvernementales aux mines du Donbass, etc.). Ianoukovitch craint une explosion sociale et lorsque Poutine lui propose un prêt de 15 milliards de dollars sans ces contreparties il saute sur l’occasion. Ses adversaires, utilisant son discrédit dans la population et ouvertement soutenus par l’UE et de l’Occident sautent sur l’occasion : ils organisent l’occupation de la place de l’Indépendance où des hommes politiques américains et européens viennent haranguer la foule, encadrée en particulier par les néo-nazis de Svoboda et de Pravy Sektor qui forment la force de frappe de la prétendue «révolution» , et assomment des militants syndicalistes; le gouvernement Ianoukovitch sans aucun appui dans la population s’effondre en quelques jours. Les néo-nazis entrent dans le premier gouvernement « révolutionnaire ». Trop voyants, surtout après le massacre de pro-russes à Odessa, dans la maison des syndicats incendiée par leurs soins, ils seront écartés du gouvernement formé par Porochenko après l’élection présidentielle du 25 mai 2014.

Nombre d’hommes politiques américains, dont John Mac Cain, se sont manifestés sur le Maidan en décembre janvier 2013/février 2014 ; selon la secrétaire d’État adjointe des Etats-Unis, Victoria Nuland les Américains ont dépensé 5 milliards de dollars pour « démocratiser » l’Ukraine c’est-à-dire acheter les hommes de main nécessaires pour l’arrimer à l’Union européenne. Foreign Affairs affirme : « Les Etats-Unis et leurs alliés européens portent l’essentiel de la responsabilité de la crise. La clé du problème c’est l’élargissement de l’OTAN, élément majeur d’une stratégie plus vaste qui vise à retirer l’Ukraine de l’orbite russe », (9-10-2014).

Avant-dernier acte de cette intervention, Porochenko constitue au début de mars un nouveau gouvernement incluant une Américaine, un Géorgien et un Lituanien à des postes clés. Natalie Jaresko, une Américaine d’origine ukrainienne ayant travaillé pour le département d’État américain et pour un fonds d’investissement ukrainien financé par le Congrès des Etats-Unis, se retrouve ministre des Finances. Le Lituanien Aivaras Abromavicius, co-dirigeant d’un fonds d’investissement suédois, devient ministre de l’Économie, et le Géorgien Alexander Kvitachvili, ex-ministre de la Santé en Géorgie, ministre de la Santé. Porochenko a indiqué leur avoir octroyé la citoyenneté ukrainienne le matin même de leur nomination. Il avait proposé à Saakachvili l’ancien président de Géorgie installé par les Etats-Unis à ce poste en 2003, le poste de vice premier ministre, mais ce dernier devait prendre la nationalité ukrainienne. Il a refusé, se réservant pour des missions plus bénéfiques.

Ce gouvernement à poigne est chargé d’une mission par le FMI : triplement du prix du gaz, réduction de 15 % de certaines retraites, etc., « mesures très mal accueillies » selon le premier ministre Arseni Iatseniouk. Début mars le gouvernement Porochenko, annonce que la moitié des entreprises demeurées aux mains de l’État pourraient être vendues courant 2015-2016, soit de 1 200 à 1 500. La ministre des Finances, l’ancienne fonctionnaire du Département d’État américain, Natalia Iaresko a déclaré : « Nous privatiserons tout ce qui peut l’être. Nous pensons commencer dès cette année. » L’institut d’économie et de prospective ukrainien souligne pourtant dans son rapport annuel « une dégradation des indicateurs financiers dans les entreprises privatisées. Sous couvert de privatisation, ces entreprises ont simplement été pillées et les capitaux se sont envolés », explique-t-il, redoutant que « certains oligarques n’entrent en guerre pour les entreprises restantes. » (Courrier-International 26/03-01/04/2015).

La classe ouvrière ukrainienne est soumise à une surexploitation féroce par la couche bourgeoise dominante issue de la bureaucratie. En 2021, le salaire minimum en Ukraine est à peine au-dessus de 200 euros et dans certaines régions se situe en dessous, d’où une vague migratoire massive qui pousse les ouvriers et les ouvrières ukrainiennes à émigrer massivement, dans toute l’Europe, de la Pologne à l’Espagne. Ainsi en 2020 un quart des trois millions de permis de séjour attribués par l’Union européenne l’ont été à des Ukrainiens. Il faut ajouter à cela l’émigration clandestine organisée par des agences spécialisées dans la fourniture de main d’œuvre à bas prix. Ainsi les Ukrainiennes sont-elles très appréciées (et très mal payées) en Allemagne comme bonnes à tout faire.

En 2019, le rejet massif de la couche mafieuse des pillards au pouvoir et de son représentant Porochenko a abouti à l’élection de l’acteur Zelensky comme président de la République avec 73,2 % des voix. Mais il n’existe en Ukraine aucune force politique indépendante susceptible d’organiser la défense des exploités et cette élection n’a pas changé grand-chose.

16 mars 2022

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